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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14276/2013

ACPR/856/2022 du 06.12.2022 sur OTDP/2099/2022 ( TDP ) , REJETE

Descripteurs : ABUS DE DROIT;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;SÉQUESTRE(LP);CRÉANCE;MINIMUM VITAL
Normes : CPP.3; CPP.197; CP.71.al3

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14276/2013 ACPR/856/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 6 décembre 2022

 

Entre

A______, domicilié c/o B______, ______ [GE], comparant par Me C______, avocate,

recourant,

 

contre l'ordonnance de séquestre rendue le 14 octobre 2022 par le Tribunal correctionnel,

 

et

LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève, case postale 3715, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 27 octobre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 14 octobre 2022, notifiée le 17 suivant, par laquelle le Tribunal correctionnel a ordonné le séquestre des montants de EUR 74'440.- et CHF 10'000.-.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, préalablement, à ce qu'une restriction du droit d'être entendu de l'ensemble des parties à la présente procédure soit prononcée s'agissant du présent recours et de l'ensemble des actes de procédure afférent au séquestre des montants susmentionnés, principalement, à l'annulation de cette décision et à la restitution en sa faveur des avoirs saisis, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'autorité intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par acte d'accusation du 28 juillet 2022, le Ministère public a renvoyé A______ – et quatre co-prévenus – devant le Tribunal correctionnel pour prise d'otage, ainsi qu'extorsion et chantage, pour avoir, en particulier, à Genève, à tout le moins le 24 septembre 2013, contraint D______, sous la menace d'un danger imminent pour la vie de sa famille prise en otage, de vider un coffre de la banque E______ contenant CHF 1'249'000.- et de leur remettre l'argent en guise de rançon, leur procurant ainsi un enrichissement illégitime.

Des actes de recel, abus de confiance et faux dans les certificats étrangers lui étaient également reprochés.

Le Procureur a notamment conclu à la confiscation des sommes saisies en 2013 et 2014, puis en 2016, s'agissant de A______.

Les parties plaignantes, E______ et [la compagnie d'assurances] F______ ont fait valoir des conclusions civiles totalisant CHF 1'249'000.-.

b. Préalablement, par ordonnance du 20 mai 2016, le Tribunal des mesures de contrainte avait ordonné la mise en détention provisoire de A______, détention qui avait été prolongée par cette autorité la dernière fois jusqu'au 18 avril 2018.

A______ avait été mis en liberté le 11 avril 2018, avec des mesures de substitution.

c. Dans un rapport du 26 août 2022, le Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (ci-après: MROS) a communiqué au Ministère public un "Reporting Entity Summary" pour des soupçons de blanchiment d'argent à l'encontre de A______. Cette communication a donné lieu à l'ouverture d'une procédure pénale P/1______/2022.

d. Par ordonnance de perquisition et de séquestre du 5 octobre 2022, dans le cadre de la P/1______/2022, le Ministère public a ordonné la perquisition, suivie du séquestre du coffre de A______ auprès de G______ SA.

e. Le 10 octobre 2022, le Procureur général – chargé de la P/1______/2022 – a informé le procureur chargé de la présente procédure qu'il avait séquestré les montants de EUR 74'440.- et CHF 10'000.-, appartenant à A______, à la suite d'une communication du MROS. Son enquête visait notamment à s'assurer que les fonds n'étaient pas d'origine délictueuse. Celle-ci touchant à sa fin, il n'était pas exclu qu'il soit prochainement amené à lever le séquestre visé. Si tel devait être le cas, il attendrait pour ce faire, au vu de la présente procédure, le lundi 17 octobre 2022.

f. Le 11 octobre 2022, le procureur chargé de l'instruction de la présente procédure a requis du Tribunal correctionnel qu'une ordonnance de séquestre soit prononcée sur les fonds visés en application de l'art. 71 al. 3 CP, soit en vue de garantir l'exécution d'une créance compensatrice.

g.a. Le lendemain, le Tribunal correctionnel a imparti un délai au prévenu pour lui faire part de ses éventuelles observations en lien avec le séquestre visé.

g.b. Dans ses déterminations du 14 octobre 2022, A______ s'est opposé au séquestre requis par le Ministère public, faisant valoir qu'il porterait atteinte à son minimum vital et violerait le principe de la proportionnalité. Les sommes séquestrées provenaient d'une rétribution policière perçue pour son activité d'informateur auprès de la police judiciaire genevoise. Elles constituaient l'entier de sa fortune. Depuis la découverte de son activité d'informateur, début 2021, il avait été visé par des menaces de mort sérieuses. Ces menaces l'avaient contraint à cesser son activité au sein des restaurants familiaux, où sa famille et lui-même étaient directement ciblés. Ces menaces avérées avaient du reste conduit le Ministère public à valider et budgétiser en sa faveur un programme de protection de témoin. Pour ces motifs, il avait requis, en application de l'art. 108 al. 1 let. b CPP, qu'une restriction du droit d'être entendu de l'ensemble des parties à la procédure P/14276/2013 soit prononcée.

S'agissant de sa situation financière et personnelle, il était père de deux enfants mineurs dont il avait la charge, et se trouvait sans emploi ni revenu depuis début 2021.

g.c. Invité à présenter ses observations en lien avec les déterminations précitées, le Ministère public ne s'est pas opposé à ce que le pli du 14 octobre 2022 de A______ fasse l'objet d'une restriction du droit d'être entendu. Toutefois, si l'intéressé devait ultérieurement solliciter la levée du séquestre, il devrait le faire dans le cadre d'un débat contradictoire. L'origine des avoirs séquestrés étant sans pertinence, le séquestre ayant été prononcé afin de garantir l'exécution d'une éventuelle créance compensatrice, l'apport de la P/1______/2022 était inutile et devait être refusé. Par ailleurs, la question de la proportionnalité du séquestre au sens de l'art. 71 al. 2 CP devrait être analysée lors de l'audience de jugement, étant relevé qu'à ce stade le prévenu n'avait produit aucune pièce pour établir sa situation financière. Aucun abus de droit n'avait été commis, dès lors que la rémunération évoquée n'avait aucun lien avec les faits de la présente procédure et qu'à l'instar de tout autre élément de fortune, elle était sujette à séquestre au sens de l'art. 71 al. 3 CP.

g.d. A______ s'est opposé à l'application partielle de la restriction du droit d'être entendu, telle que requise par le Ministère public. Son intérêt personnel – soit sa sécurité – devait prévaloir sur celui des parties plaignantes. Il a, pour le surplus, persisté dans ses déterminations.

h. Le Tribunal correctionnel a convoqué les parties à une audience de jugement qui se tiendra du 14 au 21 décembre 2022.

C. Dans sa décision querellée, le Tribunal correctionnel a retenu que les montants de EUR 74'400.- et de CHF 10'000.- appartenant au recourant et séquestrés par le Ministère public, dans le cadre de la procédure P/1______/2022, pourraient faire l'objet d'une levée de séquestre par cette autorité. Partant, il se justifiait de les mettre sous séquestre dans la présente procédure, dès lors qu'il s'agissait de la seule mesure susceptible de permettre leur mise en sûreté.

D. a. À l'appui de son recours, A______ invoque une violation du droit par l'autorité intimée. En premier lieu, les sommes séquestrées constituaient son unique fortune, soit la totalité de ses revenus. Le séquestre portait ainsi atteinte à son droit constitutionnel à des conditions minimales d'existence au sens de l'art. 93 LP. Le principe de la proportionnalité était également violé, dans la mesure où le séquestre litigieux ciblait des avoirs connus des autorités depuis 2018 et dont la police judiciaire était la débitrice, intervenait près de dix ans après la commission des faits poursuivis, visait un montant substantiel pour lui-même, alors qu'il équivalait à moins de 7% des conclusions civiles élevées par les plaignantes, constituait une mesure isolée face aux autres prévenus et s'opposait au principe de primauté des obligations découlant du droit de la famille, soit en l'occurrence l'entretien de ses deux enfants mineurs.

En deuxième lieu, les fonds séquestrés constituant l'entier de son patrimoine, sa réinsertion serait gravement mise en péril dans l'hypothèse du prononcé d'une créance compensatrice à son encontre. Ainsi, le maintien du séquestre en vue de garantir l'exécution d'une telle créance violerait l'art. 71 al. 2 CP.

Enfin, l'ouverture et l'instruction de la P/1______/2022 révélaient un abus de droit, dès lors que le Ministère public avait séquestré des fonds que les autorités policières lui avaient elles-mêmes versés, rétribution qui était donc connue du Ministère public durant l'instruction sans qu'aucune mesure de contrainte de ce type ne soit alors prononcée. L'ordonnance querellée, intervenant en substitution à cette première mesure, était contraire au principe de la bonne foi et au droit à un procès équitable.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Vu l'issue du recours, les autres parties à la procédure P/14276/2013 n'ont pas été invitées à se déterminer, de sorte que la conclusion préalable du recourant visant au prononcé d'une restriction du droit d'être entendu de l'ensemble des parties à la procédure P/14276/2013 portant sur le présent recours et l'ensemble des actes de procédure afférent au séquestre des montants de EUR 74'440.- et CHF 10'000.-, n'a plus d'objet.

Pour les mêmes raisons, il n'est pas le lieu d'examiner ici les arguments du recourant en lien avec cette question, dans la mesure où elle ne fait pas l'objet de l'ordonnance de séquestre querellée.

4. Le recourant estime que l'ordonnance querellée viole l'art. 3 al. 2 let. a et c CPP.

4.1.1. L'art. 3 al. 2 let. a et b CPP prévoit notamment que les autorités pénales se conforment au principe de la bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit. Selon le principe constitutionnel garanti à l'art. 5 al. 3 Cst., toute autorité doit s'abstenir de procédés déloyaux et de comportements contradictoires, notamment lorsqu'elle agit à l'égard des mêmes justiciables, dans la même affaire ou à l'occasion d'affaires identiques (ATF 111 V 81 consid. 6 p. 87 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_640/2012 du 13 novembre 2012 consid. 3.1 et les arrêts cités ; 6B_481/2009 du 7 septembre 2009 consid. 2.2 ; ACPR/336/2012 du 20 août 2012). Le droit à la protection de la bonne foi peut aussi être invoqué en présence, simplement, d'un comportement de l'administration susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 361 consid. 7.1 p. 381 ; 126 II 377 consid. 3a p. 387 et les références citées ; ACPR/125/2014 du 6 mars 2014).

4.1.2. À teneur de l'art. 3 al. 2 let. c CPP, les autorités pénales se conforment notamment à la maxime voulant qu'un traitement équitable et le droit d'être entendu soient garantis à toutes les personnes touchées par la procédure. Cette disposition consacre le droit d'être entendu, qui découle de l'art. 29 al. 2 Cst. et qui impose à l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin d'une part, que son destinataire puisse la comprendre et l'attaquer utilement s'il y a lieu, et d'autre part, que l'autorité de recours soit en mesure d'exercer son contrôle (ATF 139 IV 179 consid. 2.2;
138 I 232 consid. 5.1). Pour répondre à ces exigences, il suffit que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 134 I 83 consid. 4.1;
133 III 439 consid. 3.3).

4.2. En l'espèce, le recourant soutient que l'ouverture et l'instruction de la P/1______/2022 révélaient un abus de droit, dès lors que le Ministère public avait séquestré des fonds que les autorités policières lui avaient elles-mêmes versés, rétribution qui était donc connue du Ministère public durant l'instruction de la P/14276/2013 sans qu'aucune mesure de contrainte de ce type ne soit alors prononcée. L'ordonnance querellée, intervenant en substitution à cette première mesure, était contraire au principe de la bonne foi et au droit à un procès équitable.

Ce raisonnement ne saurait être suivi. En effet, force est d'abord de constater que le recourant pouvait s'opposer – s'il s'y estimait fondé –, au séquestre ordonné dans la P/1______/2022, ce qu'il n'allègue pas avoir fait. Il ne saurait dès lors soutenir aujourd'hui que ce premier séquestre aurait été infondé et "abusif". En outre, il ressort du dossier que le Procureur chargé de la présente procédure n'a eu connaissance de l'existence des fonds faisant l'objet du séquestre querellé qu'à réception du pli du Procureur général du 11 octobre 2022. Rien n'indique, de surcroît, que le Procureur aurait donné des garanties au recourant selon lesquelles lesdits fonds ne seraient pas séquestrés. Il ne le soutient du reste pas. La rémunération évoquée n'ayant aucun lien avec les faits de la présente procédure, on ne décèle ni abus de droit ni violation du principe de la bonne foi dans la démarche subséquente du Tribunal correctionnel, qui doit pouvoir mettre en sûreté les valeurs qui, à l'instar de tout autre élément de fortune, paraissent sujettes au séquestre en garantie de l'exécution d'une créance compensatrice.

Le grief du recourant doit donc être rejeté.

Par ailleurs, bien que l'ordonnance de séquestre litigieuse soit peu motivée, elle mentionne les faits investigués. En outre, le recourant a pu se déterminer devant le Tribunal correctionnel sur la requête formée par le Ministère public, dont il connaît par conséquent les raisons.

Le grief de violation du droit d'être entendu ne peut ainsi qu'être rejeté, à l'instar de celui de violation du droit à un procès équitable.

5. Le recourant considère que le séquestre de ses avoirs porte atteinte à son minimum vital et ne se justifie pas.

5.1. Selon l'art. 197 al. 1 CPP, toute mesure de contrainte doit être prévue par la loi (let. a), répondre à l'existence de soupçons suffisants laissant présumer une infraction (let. b), respecter le principe de la proportionnalité (let. c) et apparaître justifiée au regard de la gravité de l'infraction (let. d).

Le séquestre d'objets et de valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers figure au nombre des mesures prévues par la loi. Il peut être ordonné, notamment, lorsqu'il est probable qu'ils seront utilisés comme moyens de preuve (art. 263 al. 1 let. a CPP), qu'ils seront utilisés pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités (art. 263 al. 1 let. b CPP), qu'ils devront être restitués au lésé (art. 263 al. 1 let. c CPP), qu'ils devront être confisqués (art. 263 al. 1 let. d CPP) ou qu'ils pourraient servir à l'exécution d'une créance compensatrice (art. 71 al. 3 CP).

5.2. Lorsque les valeurs patrimoniales à confisquer ne sont plus disponibles, l'art. 71 al. 3 CP permet à l'autorité d'instruction de placer sous séquestre, en vue de l'exécution d'une créance compensatrice, jusqu'à concurrence du montant présumé du produit de l'infraction, des valeurs patrimoniales appartenant à la personne concernée, sans lien de connexité avec les faits faisant l'objet de l'instruction pénale, et même celles de provenance licite. La mesure prévue par cette disposition se différencie ainsi du séquestre conservatoire résultant des art. 263 al. 1 let. c CPP (restitution au lésé) ou 263 al. 1 let. d CPP (confiscation), dispositions requérant l'existence d'un tel rapport de connexité (ATF 140 IV 57 consid. 4.1.2).

Dans le cadre de l'examen d'un séquestre conservatoire, l'autorité statue sous l'angle de la vraisemblance, examinant des prétentions encore incertaines (ATF 140 IV 57 consid. 4.1.1). Le séquestre pénal est en effet une mesure conservatoire provisoire destinée à préserver les objets ou valeurs qui peuvent servir de moyens de preuve, que le juge du fond pourrait être amené à confisquer ou à restituer au lésé, ou qui pourraient servir à l'exécution d'une créance compensatrice (art. 263 al. 1 CPP). Elle est proportionnée lorsqu'elle porte sur des avoirs dont on peut admettre en particulier qu'ils pourront être vraisemblablement confisqués ou restitués en application du droit pénal (arrêt 1B_109/2015 du 3 juin 2015 consid. 2.1). Tant que l'instruction n'est pas achevée et que subsiste une possibilité de confiscation, de créance compensatrice ou d'une allocation au lésé, la mesure conservatoire doit être maintenue. L'autorité doit pouvoir statuer rapidement (cf. art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 140 IV 57 consid. 4.1.2 et les arrêts cités).

Il n'en va pas différemment dans l'hypothèse particulière où le séquestre tend uniquement à garantir une éventuelle créance compensatrice. Certes, ce type de séquestre peut porter sur tous les biens, valeurs et/ou revenus de l'intéressé sans qu'un lien de connexité avec l'infraction ne soit exigé (ATF 140 IV 57 consid. 4.1.2). Toutefois, tant que l'étendue de la mesure ne paraît pas manifestement violer le principe de proportionnalité, notamment sous l'angle du respect des conditions minimales d'existence (ATF 141 IV 360 consid. 3.2), le séquestre doit être maintenu; en effet, c'est devant le juge du fond, au moment du prononcé de la créance compensatrice, que la situation personnelle, notamment financière, du prévenu sera prise en considération (art. 71 al. 2 CP), respectivement au moment de l'exécution de la créance compensatrice par l'office des poursuites (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 et 3.4 in fine). Le Tribunal fédéral a précisé que, dans les situations où l'intéressé serait privé, par le séquestre, de toute source de revenu, se posait la question du respect des conditions minimales d'existence garanti par le droit constitutionnel de sorte que l'autorité pénale, déjà au stade du séquestre, devait tenir compte de l'éventuelle atteinte du minimum vital du prévenu (ATF 141 IV 360 consid. 3.4).

5.3. En l'occurrence, le recourant ne remet pas en cause l'existence de soupçons suffisants. Il soutient, s'inspirant de l'arrêt ATF 141 IV 360, qu'il faut prendre en considération son minimum vital et lever le séquestre.

Le séquestre litigieux – qui tend à garantir une éventuelle créance compensatrice – ne concerne pas les frais de procédure et, par conséquent, l'art. 268 al. 2 et 3 CPP n'est pas applicable.

En outre, le recourant se borne à affirmer que les sommes séquestrées constitueraient l'entier de son patrimoine sans fournir la moindre indication permettant de déterminer sa réelle situation financière.

Or, l'on voit mal comment il aurait pu pourvoir à son entretien durant près de deux ans – alléguant être sans revenu depuis début 2021 – sans autres sources de revenus ou de fortune. Par ailleurs, en l'absence de justificatif, l'on ignore le montant de ses charges.

Le recourant n'ayant ainsi pas établi être dans une situation où il serait privé de tout revenu, l'autorité d'instruction n'était pas tenue de procéder à un examen détaillé de sa situation financière, notamment sous l'angle des art. 93 LP et 71 al. 2 CP – prérogative qui ressortit au juge du fond, voire à l'office compétent en matière de poursuites –, mais devait uniquement s'assurer que la mesure demeure proportionnée, sous l'angle de la vraisemblance.

Tel que développé supra au considérant 4.2, tant le magistrat instructeur que le Tribunal correctionnel n'ont eu connaissance de l'existence des fonds faisant l'objet du séquestre querellé que très récemment, soit les 10, respectivement, 11 octobre 2022. De plus, le séquestre ayant été ordonné il y a moins de deux mois, sa durée ne paraît pas excessive. Par ailleurs, le préjudice de référence étant de CHF 1'249'000.-, le séquestre des avoirs du recourant à hauteur de EUR 74'400.- et CHF 10'000.- n'est clairement pas disproportionné.

Des considérations qui précèdent, il résulte que le séquestre demeure, en l'état, conforme aux prescriptions légales et proportionné, ce d'autant plus que l'audience de jugement a été fixée tout prochainement, soit du 14 au 21 décembre 2022.

6. Justifiée, l'ordonnance querellée doit donc être confirmée.

7. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, lesquels seront fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), étant relevé que l'autorité de recours est tenue de taxer les frais même lorsque le justiciable est au bénéfice d'une défense d'office (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

8. Il n'y a pas lieu d'indemniser, à ce stade (cf. art. 135 al. 2 CPP), l'avocat d'office du recourant, la procédure n'étant pas terminée.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui seront fixés en totalité à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à A______, soit pour lui son conseil, ainsi qu'au Tribunal correctionnel.

Le communique pour information au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier:

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/14276/2013

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

-

CHF

Total

CHF

900.00