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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/15616/2022

ACPR/848/2022 du 02.12.2022 sur OTMC/3556/2022 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;ACTE PRÉPARATOIRE(DROIT PÉNAL);RISQUE DE RÉCIDIVE
Normes : CPP.221.al1; CPP.221.al2; CPP.237; CP.260bis

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/15616/2022 ACPR/848/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 2 décembre 2022

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, comparant par Me L______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de mise en détention provisoire rendue le 11 novembre 2022 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 21 novembre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 11 précédent, notifiée sur-le-champ, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a ordonné sa détention provisoire jusqu'au 9 février 2023.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance précitée et à sa libération immédiate, conditionnée à des mesures de substitution, dont il donne la liste.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.        A______, né en 1964, a épousé en Syrie, en 1987, C______, née en 1967. En 1991, ils ont quitté ce pays pour venir en Suisse. Ensemble, ils ont eu cinq enfants, désormais majeurs. En 2009, leur divorce a été prononcé par le Tribunal de première instance.

b.        Le 22 juillet 2022, l'une des filles du couple A______/C______ s'est présentée au poste de police pour signaler que son père venait d'acquérir une arme à feu et avait l'intention d'assassiner son ex-épouse.

c. Le même jour, C______ a déposé plainte pénale contre son ex-mari. Elle a expliqué que, malgré le divorce, ils avaient continué à vivre sous le même toit. Lorsque, en novembre 2021, elle avait déménagé pour se constituer un domicile séparé, A______ avait commencé à l'appeler sans cesse par téléphone, à l'insulter et à lui dire qu'il allait "l'égorger comme un mouton". Il n'envoyait pas de message, pour ne pas laisser de traces. En mai 2022, elle avait changé de numéro de téléphone et n'avait plus eu de ses nouvelles. Toutefois, ses enfants venaient de l'informer que leur père voulait la tuer. Elle craignait pour sa vie.

d. L'intervention, le même jour, de la police au domicile de A______ a permis la saisie d'un pistolet [de la marque] D______ de calibre 9mm, d'un silencieux "artisanal" et d'une machette. Selon le permis d'acquisition de l'arme, elle avait été achetée le 18 juillet 2022.

e. Quatre des enfants [du couple] A______/C______ ont été entendus par la police, le 22 juillet 2022. Il ressort en substance de leurs auditions que : leur père injuriait et menaçait leur mère, depuis plusieurs mois ; après le déménagement de leur mère, en novembre 2021, il avait à son tour déménagé dans la même rue qu'elle, pour la surveiller ; leur père avait, par le passé, frappé leur mère à quelques reprises et les avait frappés, eux, tous les jours, avec des bâtons de bambou qu'ils devaient choisir le plus dur possible ; fin 2021, il avait commencé à suivre leur mère et à mettre des logiciels sur leurs téléphones pour les suivre, eux ; il avait dit qu'il attendait de vendre sa voiture, finir son déménagement et payer ses dettes avant de tuer son ex-épouse ; le 19 juillet 2022, il avait amené le cadet du côté de M______ [GE], où il avait tiré plusieurs coups de feu avec un pistolet D______ ; il s'était ensuite attelé à la fabrication d'un silencieux artisanal.

Plusieurs photographies ont été remises à la police, sur lesquelles A______ tente de joindre le silencieux artisanal à son arme à feu.

f. Le Ministère public a ouvert une instruction contre A______ pour menaces (art. 180 CP) et injure (art. 177 CP). Il était, à ce moment-là, reproché au précité d'avoir, à Genève, entre novembre 2021 et mai 2022, traité à réitérées reprises C______ de "pute" et de "salope", l'atteignant dans son honneur, et de l'avoir menacée par téléphone en lui disant qu'il allait "l'égorger comme un mouton", l'effrayant de la sorte.

g. Entendu le 23 juillet 2022 par la police, A______ a déclaré avoir accepté que son ex-épouse déménage en novembre 2021. Il ne l'avait plus vue depuis avril 2022. Il a admis lui avoir dit, par téléphone, qu'il allait l'égorger "comme un mouton", car elle lui avait demandé de divorcer religieusement et cela l'avait mis en colère. Il ne l'avait toutefois jamais insultée. Il avait acheté une arme "pour le plaisir"; les munitions se trouvaient chez lui. Il avait trouvé la machette trois ans plus tôt et l'avait conservée. Il n'était pas vrai qu'il aurait filmé le facteur lorsqu'il entrait dans l'immeuble de C______ pour récupérer le code d'entrée. Il avait souhaité fabriquer un silencieux pour son arme, "pour passer le temps". Il avait effectivement dit, devant trois de ses enfants, qu'il voulait tuer son ex-épouse, mais c'était sous le coup de la colère. Il n'était pas vrai qu'il la suivait, ses enfants non plus.

h. Entendu par le Ministère public, A______ a déclaré avoir acheté une arme pour pratiquer le tir. Il avait dit à son épouse qu'il allait la tuer, mais c'était, à la fin du Ramadan, lors d'une conversation liée à son souhait à elle de divorcer religieusement. Avoir un silencieux ne changeait rien, "car si j'étais passé à l'acte tout le monde le saurait". À la question de savoir pourquoi ses enfants pensaient qu'il voulait tuer son ex-épouse, il a répondu que c'était probablement car il leur parlait "faux".

i. Le Ministère public a relaxé A______ en lui faisant interdiction de se rendre au domicile de son ex-épouse et de la contacter, et en lui faisant obligation d'entreprendre un traitement psychothérapeutique, sous la supervision du Service de probation et insertion (ci-après : SPI).

Les mesures, confirmées par ordonnance du TMC le lendemain, ont été ordonnées jusqu'au 22 janvier 2023.

j. Le 26 juillet 2022, C______, ayant appris la libération de A______, s'est présentée au Ministère public pour dire qu'il allait y avoir "un bain de sang".

k. L'extraction des données du téléphone portable de A______ n'a pas mis en évidence de message injurieux ou menaçant envoyé à son ex-épouse. En revanche, des films le montrent en train de charger le magasin de l'arme avec des munitions et le décharger, dans son appartement. Dans un autre film, il désigne, en arabe, depuis son balcon, l'appartement de C______, en face.

l. Selon le courriel du Service de protection civile et des affaires militaires, du 3 octobre 2022, A______ n'était pas inscrit à un stand de tir.

m. Lors de l'audience de confrontation, du 21 octobre 2022, A______, interrogé sur les raisons de l'acquisition d'une arme, a répondu qu'il aimait bien les armes et n'en avait jamais eu auparavant. Il a maintenu s'être rendu au stand de tir de M______, en juillet 2022, avec son fils. Lorsqu'il avait tourné la vidéo où il désignait l'appartement de son ex-épouse, il discutait avec une fille de Jordanie en vue d'un mariage avec celle-ci ; il voulait lui montrer qu'il s'entendait bien avec son ex-épouse. Il avait envoyé à tous ses amis le film dans lequel il manipulait l'arme. Dans le cadre de la conciliation pour le divorce religieux ("kholoa") souhaité par C______, il avait demandé qu'elle verse CHF 100'000.- pour la répudiation. Il était étonné qu'après trente-deux ans de mariage elle veuille partir ; il avait accepté trois fois la séparation, il avait été "humilié". Le divorce prononcé à Genève en 2009 n'avait été motivé que par le but d'obtenir (pour lui) une rente AI plus élevée, car en raison du salaire de son épouse le montant était réduit d'autant. Il considérait toujours C______ comme son épouse. Ils devaient se laisser du temps pendant une année, pour réfléchir. Il a contesté avoir frappé ses enfants. Son dernier appartement, dans la même rue que son ex-épouse, lui avait été attribué par la Fondation immobilière de droit public ; dans un premier temps, l'appartement se trouvait dans la même allée que son épouse et il avait écrit pour demander un autre appartement – ce qu'il prouve par pièce –.

C______ a déclaré que depuis sa sortie de prison, A______ ne l'avait pas contactée, étant précisé qu'elle avait changé de numéro de téléphone. Avant le divorce, elle avait été frappée par le précité, et les enfants aussi.

n. À l'issue de l'audience, le Ministère public a prévenu A______, à titre complémentaire, de lésions corporelle simples (art. 123 CP), voies de fait (art. 126 CP) et violation du devoir d'assistance et d'éducation (art. 219 CP). Il l'a placé en état d'arrestation mais l'a immédiatement relaxé, en ajoutant une mesure de substitution à celles déjà ordonnées, soit l'interdiction de contact avec ses cinq enfants.

Ces mesures, confirmées par ordonnance du TMC le lendemain, ont été ordonnées jusqu'au 22 janvier 2023.

o. Par lettre du 3 novembre 2022, le conseil de C______ a requis l'extension de la procédure à l'infraction d'actes préparatoires délictueux, au sens de l'art. 260bis al. 1 let. a CP.

p.a. Lors de l'audience d'instruction du 10 novembre 2022, A______ a été prévenu, à titre complémentaire, d'actes préparatoires délictueux (art. 260bis CP). Il lui est reproché d'avoir, à tout le moins dans le courant du mois de juillet 2022, pris des mesures concrètes d'ordre technique et organisationnel, en vue de tuer C______, en acquérant un pistolet D______, ainsi que des cartouches, en s'exerçant à utiliser cette arme notamment à son domicile, en bricolant un silencieux artisanal sur mesure, en observant les allées et venues de son ex-épouse, laquelle vit dans la même rue, et en la menaçant de mort tant directement qu'auprès de ses enfants.

Les enfants [du couple] A______/C______ ont été entendus. Plusieurs d'entre eux ont exposé que le divorce de leurs parents, en 2009, avait pour motif des raisons financières liées au montant de la rente AI de leur père. La séparation ultérieure, en novembre 2021, semblait consécutive à une dispute en lien avec des sommes d'argent. Ils ont, en outre, ajouté ce qui suit :

·      E______ a confirmé avoir été frappée par son père, enfant. Depuis l'achat de l'arme, elle avait peur pour sa mère.

·      F______ a expliqué qu'après le déménagement de sa mère, en novembre 2021, son père pensait qu'elle allait revenir. Lorsque celui-ci avait réalisé que tel ne serait pas le cas, il avait traversé une période de grande colère. Fin novembre 2021, son père lui avait plusieurs fois dit qu'il voulait la tuer. Après le dépôt de la plainte pénale, son père était entré en phase de désintérêt. Celui-ci avait une passion pour les armes, qu'ils avaient partagée ; ils avaient été tirer à Lausanne, par le passé. Durant huit mois, il avait eu peur pour sa mère, au point de dormir parfois en bas de l'immeuble ou de demander à des amis de le faire. Il a confirmé avoir été frappé par son père, enfant, avec un bâton.

·      G______ a confirmé avoir entendu son père dire qu'il voulait tuer son ex-femme. Selon son père, c'était un droit religieux et il estimait être autorisé à le faire. Elle avait vu le pistolet et avait eu peur pour sa mère.

·      H______ a expliqué qu'après le départ de sa mère, il était resté vivre avec son père jusqu'en août 2022. Son père était "un vrai danger qu'il ne faut pas négliger". Lorsque sa mère était partie du domicile, son père était dans la colère et le déni, pensant qu'elle allait revenir. En février 2022, il lui avait dit, droit dans les yeux, "je vais tuer ta mère", phrase qu'il avait répétée quatre à cinq fois dans les mois qui avaient suivi. Son père aiguisait sa machette et son couteau de boucher en disant qu'il allait égorger son ex-épouse. Sur question, il avait déjà vu son père aiguiser sa machette avant la séparation de ses parents. À la fin du Ramadan, comme sa mère ne venait plus manger avec eux, son père avait dit qu'il ne ferait rien maintenant, car c'était une période sacrée, mais qu'elle "n'allait pas finir l'année". Il ne s'attendait pas à ce que son père achète un pistolet. Son père l'avait emmené sur un site militaire, où ils avaient tiré, puis lui avait dit qu'il rangeait l'arme "jusqu'à sa prochaine utilisation", par quoi il avait compris, "sans doute possible", que ce prochain usage serait contre sa mère. Son père avait ajouté que ce qui manquait était un silencieux et avait commencé à en fabriquer un dès son retour à la maison. Son père lui avait aussi dit qu'il allait filmer le facteur pour connaître le code d'entrée de l'immeuble de son ex-épouse. Il avait compris que les menaces étaient sérieuses et avait peur pour sa mère. Deux jours après sa déposition à la police, il avait vu son père qui lui avait dit que peu importait ce qu'il se passerait, il réussirait à tuer son ex-épouse. Son père lui avait demandé de choisir entre lui et ses frères et sœurs, précisant que s'il choisissait ceux-ci il ne serait plus son fils.

·      I______ a confirmé avoir subi des violences physiques de la part de son père, qu'elle a détaillées. Elle l'avait entendu dire qu'il donnait un an à son ex-épouse pour revenir à la maison, sinon il la tuerait et que "c'est Dieu qui lui laisse faire cela". Elle pensait que son père était un danger pour sa mère, car pour lui les audiences [d'instruction] étaient juste une formalité.

p.b. A______ a contesté une partie des déclarations de ses enfants. Il ne comprenait pas où se trouvait le "silencieux" auquel il était fait allusion ; il n'avait nullement observé ni suivi C______ ; il avait acheté le pistolet pour son plaisir et avait voulu entrainer son fils, lequel avait mal compris ses intentions ; lui-même n'avait pas besoin de s'entrainer car il avait la formation de professeur de tir ; s'il avait l'intention de tuer quelqu'un il n'en ferait pas état.

p.c. À l'issue de l'audience, le Ministère public a placé A______ en état d'arrestation, en raison des risques de collusion et de réitération. Le précité a déclaré avoir "commis des erreurs en parlant devant [s]es enfants, en disant [qu'il] avait l'intention de tuer C______, mais c'était sous l'émotion". Il n'avait pas l'intention de toucher un cheveu de son ex-épouse, même si elle décidait de s'éloigner de lui.

q. Lors de l'audience devant le TMC, A______ a reconnu avoir "tenu à [s]es enfants des propos [qu'il] n'aurai[t] pas du tenir". Il s'agissait de paroles en l'air, car il était furieux. Il n'allait pas faire changer les propos de ses enfants. Depuis l'ordonnance du Ministère public, il voyait un psychiatre, le Dr J______ – dont il a produit les attestations –, qui lui avait dit qu'il devait laisser ses enfants et son ex-femme dans leur vie, et s'occuper de lui-même. Il était d'accord avec cela.

Atteint de la maladie de Crohn, il subissait des traitements lourds et prenait de la morphine.

r. Le Ministère public a ordonné l'expertise psychiatrique de A______.

s. Il ressort des attestations du SPI que A______ se présente avec régularité aux séances et est ouvert à la confrontation d'idées. L'imam de la mosquée [de] K______ aurait refusé la demande de divorce de l'épouse, faute de motifs convaincants, seule la demande de l'époux pouvant être reçue. A______ n'entendait soutenir la demande que si son épouse lui remboursait la dot et différentes autres sommes.

Dans un courriel au conseil du prévenu, le 11 novembre 2022, le SPI a confirmé n'avoir reçu aucune alerte de la part du médecin psychiatre.

t. Le Dr M. J______ a attesté que A______ était collaborant, progressait bien dans la gestion de ses émotions, n'avait pas émis la moindre intention de violence ou vengeance à l'égard de son ex-épouse, semblait avoir accepté la séparation définitive et pensait même à trouver une autre partenaire.

u. Dans une attestation du 21 novembre 2022, F______, fils du prévenu, s'engage à échanger son appartement, sis à Lausanne, avec celui de son père.

v. À teneur de l'extrait du casier judiciaire suisse, A______ n'a pas d'antécédents.

C.           Dans l'ordonnance querellée, le TMC a retenu que les charges s'étaient notablement alourdies lors de l'audience du 10 novembre 2022 et étaient suffisantes pour justifier la mise en détention de A______, eu égard aux constatations de la police, à l'analyse du téléphone du précité, au courriel du Service de la protection civile et des affaires militaires, à l'arme et aux munitions saisies par la police, aux déclarations de son ex-épouse, à celles constantes de leurs enfants, partiellement corroborées par les déclarations du prévenu. L'instruction se poursuivait, notamment avec l'expertise psychiatrique du prévenu. Le risque de collusion était concret et ne pouvait être pallié par une interdiction de contact. Le risque de réitération, pour des actes de violences et menaces, était par ailleurs tangible, au vu des déclarations de C______ et de ses enfants. Il existait en outre un risque de passage à l'acte concret, consistant en l'homicide de l'ex-épouse, au vu des déclarations des enfants lors de l'audience du 10 novembre 2022. Aucune mesure de substitution n'était susceptible d'atteindre les mêmes buts que la détention au regard de ce risque.

D.           a. Dans son recours, A______ relève avoir été arrêté à deux reprises avant le 10 novembre 2022, pour les mêmes faits, et avoir été relaxé. Son arrestation interrogeait sur la constance de l'action du Ministère public, voire de la bonne foi et de l'interdiction de comportements contradictoires. Il avait scrupuleusement respecté les mesures de substitution ordonnées en juillet 2022. Même si les charges pour actes préparatoires n'avaient été formalisées qu'en novembre 2022, par suite de la lettre du conseil de son ex-épouse, elles étaient déjà "entièrement prévisibles" depuis juillet 2022. Les faits étant restés inchangés depuis lors, seule la qualification juridique avait été revue. Aucun élément nouveau ne justifiait de s'écarter des mesures de substitution en vigueur jusque-là. Au contraire, plusieurs éléments étaient plutôt à décharge : son intérêt de longue date pour les armes, l'habitude d'aiguiser sa machette, son apaisement depuis quelques mois, l'absence de nouvelles menaces, l'attestation du psychiatre. De plus, lorsque son fils et sa fille étaient, successivement, venus chercher leurs affaires, la police, présente, avait empêché tout contact, de sorte que les déclarations de ses enfants étaient erronées sur ce point.

S'agissant du risque de collusion, le revirement du Ministère public était injustifiable car jusqu'ici ce risque avait été pallié par les mesures de substitution, qu'il avait dûment respectées.

Le TMC ne retenait que le risque de réitération et non celui de passage à l'acte (sic), de sorte que l'examen de ce dernier semblait superflu. Or, les conditions pour retenir un risque de réitération d'injures, menaces et actes préparatoires n'étaient pas réunies, faute d'antécédents. Il avait respecté les mesures de substitution auxquelles il était soumis et proposait, si besoin, son hébergement à Lausanne.

Au surplus, la maladie dont il souffrait et le régime alimentaire très limité que son état de santé impliquait, rendaient particulièrement difficile la détention.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. L'audition des enfants du couple, le 10 novembre 2022, avait révélé des éléments nouveaux, à charge, propres à faire craindre un risque de récidive et de passage à l'acte, notamment en lien avec l'humeur changeante du prévenu. Le recourant alléguait avoir accepté la décision de son ex-épouse, mais le rapport du SPI démontrait qu'il conditionnait son soutien à un remboursement de sommes d'argent. L'expertise judiciaire se prononcerait sur la question du risque de récidive. L'instruction n'était pas arrivée à son terme, et se poursuivait, notamment sur les relations financières du couple.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance, sans formuler d'observations.

d. Le recourant a répliqué. Le Ministère public avait fondé un risque de passage à l'acte sur l'audition de ses enfants, le 10 novembre 2022, qui n'avaient rien déclaré de nouveau, au lieu de tenir compte des rapports rassurants du SPI et du psychiatre.


 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant ne conteste – à juste titre – pas l'existence de charges suffisantes, au sens de l'art. 221 al. 1 CPP, au vu des éléments recueillis. L'achat d'une arme par le recourant, en juillet 2022, dans le contexte d'une séparation difficile, la fabrication d'un silencieux, le film où il désigne l'appartement de son ex-épouse depuis le sien, et ses déclarations répétées, auprès de ses enfants, de vouloir tuer leur mère, constituent des soupçons suffisants et graves de menaces et actes préparatoires. Il peut, au surplus, être renvoyé, en tant que de besoin, à la motivation adoptée par le premier juge (art. 82 al. 4 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 1B_252/2020 du 11 juin 2020 consid. 2.1.; ACPR/547/2020 du 18 août 2020 consid. 2 et les références; N. SCHMID / D. JOSITSCH, Schweizerische Strafprozessordnung: Praxiskommentar, 3ème éd., Zurich 2018, n. 15 ad art. 82).

3.             La mise en détention provisoire du recourant a été prononcée, en particulier, pour un risque de passage à l'acte.

3.1.       Conformément à l'art. 221 al. 2 CPP, la détention peut être ordonnée s'il y a sérieusement lieu de craindre qu'une personne passe à l'acte après avoir menacé de commettre un crime grave.

L'art. 221 al. 2 CPP permet d'ordonner la détention lorsqu'il y a lieu de craindre un passage à l'acte, même en l'absence de toute infraction préalable. Il doit s'agir d'un crime grave et non seulement d'un délit (ATF 137 IV 122 consid. 5.2 p. 129 s.). Il convient de faire preuve de retenue dans l'admission de ce risque et ne l'admettre que lorsque le pronostic est très défavorable. Il n'est toutefois pas nécessaire que la personne soupçonnée ait déjà pris des dispositions concrètes pour passer à l'exécution des faits redoutés. Il suffit que le passage à l'acte apparaisse comme hautement vraisemblable sur la base d'une appréciation globale de la situation personnelle de l'intéressé et des circonstances. En particulier en cas de menace d'infractions violentes, on doit prendre en considération l'état psychique de la personne soupçonnée, son imprévisibilité ou son agressivité (ATF 140 IV 19 consid. 2.1.1 p. 21 s.; 137 IV 122 consid. 5.2 p. 129 s.). Plus l'infraction redoutée est grave, plus la mise en détention se justifie lorsque les éléments disponibles ne permettent pas une évaluation précise de ce risque (ATF 140 IV 19 consid. 2.1.1 p. 22 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_184/2019 du 9 mai 2019 consid. 6.1).

3.2.       En l'espèce, le recourant et son ex-épouse ont divorcé en 2009 mais ont continué à vivre sous le même toit jusqu'en novembre 2021, date à laquelle la précitée a décidé de se constituer un domicile séparé, ce que le recourant aurait mal pris puisqu'ils sont toujours mariés religieusement. En mai 2022, l'ex-épouse a fait savoir au recourant qu'elle entendait demander le divorce religieux, ce qui l'aurait rendu furieux. Il aurait, à plusieurs reprises, dit à ses enfants qu'il allait la tuer. Lorsque, en juillet 2022, il a acheté une arme à feu, les enfants, craignant pour la vie de leur mère, ont contacté les forces de l'ordre, et celle-ci a déposé plainte pénale.

Certes, ces éléments étaient connus du Ministère public en juillet 2022, à réception de la plainte et des déclarations des enfants à la police. Toutefois, ce n'est qu'après l'audition des enfants par le Ministère public, en novembre 2022, conjuguée aux éléments ressortant de l'audience d'instruction d'octobre 2022, que le risque d'un passage à l'acte est devenu patent.

En effet, il ressort des éléments récents que si le recourant pensait, dans un premier temps, que son épouse allait revenir, il a compris en mai 2022 que tel n'était pas le cas et s'est senti "humilié". L'achat de l'arme en juillet 2022, l'intention de construire un silencieux, le film dans lequel il manipule l'arme – et qu'il dit avoir envoyé à plusieurs amis – et la vidéo dans laquelle il désigne l'appartement de son épouse ont justifié sa prévention pour actes préparatoires délictueux, car ils font redouter une intention de tuer son ex-épouse pour laver son honneur. Lors de l'audience de novembre 2022, il est en outre ressorti que le recourant aurait déclaré que si son ex-épouse ne revenait pas dans l'année qui suivait son départ – soit en novembre 2022 puisqu'elle avait quitté le domicile conjugal en novembre 2021 –, il la tuerait. Les auditions des enfants ont également mis en exergue, nouvellement, la détermination de leur père et le fait qu'il s'estimait autorisé par Dieu à agir de la sorte.

Avec ces derniers éléments, on ne saurait reprocher au Ministère public et, à sa suite, au TMC, d'avoir retenu qu'un passage à l'acte d'homicide apparaissait hautement vraisemblable, même si le recourant respecte, depuis juillet 2022, les mesures de substitution, et clame n'avoir acheté une arme à feu que par plaisir et avoir proféré des menaces de mort sous la colère qu'il ne ressentirait désormais plus.

L'expertise psychiatrique permettra d'évaluer concrètement ce risque mais, en l'état, les éléments à disposition justifient la mise en détention du recourant, les mesures de substitution déjà ordonnées, même complétées par le déménagement du recourant à Lausanne, n'étant pas de nature à réduire la crainte d'un passage à l'acte.

4.             La réalisation du risque de passage à l'acte dispense d'examiner si s'y ajoutent d'autres risques (arrêt du Tribunal fédéral 1B_51/2021 du 31 mars 2021 consid. 3.1 et la jurisprudence citée).

5.             Au vu des infractions dont est prévenu le recourant, la détention provisoire pour une durée de trois mois respecte le principe de la proportionnalité (art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP).

6.             Le recourant expose que la maladie dont il souffre rendrait particulièrement difficile sa détention. Il ne démontre toutefois pas que celle-ci serait incompatible avec son état de santé, étant relevé que tous soins utiles peuvent lui être prodigués, si besoin, dans ce cadre.

7.             Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

8.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

9.             Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

9.1.       Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

9.2. En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours se justifiait.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente ; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges ; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/15616/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/     

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

     

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

     

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

 

-

CHF

     

 

 

Total

CHF

900.00