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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3244/2007

DCSO/598/2007 du 20.12.2007 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : Saisie. Usufruit. Réquisition de vente.
Normes : LP.93.1
Résumé : L'usufruit en tant que tel est saisissable. La saisie de l'usufruit est toutefois subsidiaire à celle des fruits futurs, en ce sens qu'elle ne peut avoir lieu que si la saisie desdits fruits ne suffit pas à désintéresser les créanciers. On est en l'espèce en présence d'un co-usufruit, auquel s'appliquent les régles sur la copropriété. La part de copropriété est soumise à la procédure de réalisation des immeubles des art. 133 ss LP. En l'espèce, l'Office est invité à procéder à l'estimation de l'usufruit saisi en fonction du produit probable des enchères.
En fait
En droit

 

DÉCISION

DE LA COMMISSION DE SURVEILLANCE

DES OFFICES DES POURSUITES ET DES FAILLITES

SIÉGEANT EN SECTION

DU 20 DECEMBRE 2007

Cause A/3244/2007, plainte 17 LP formée pour retard injustifié le 17 juillet 2007 par la Banque C______.

 

Décision communiquée à :

- Banque C______

- M. P______, sans domicile ni résidence connus

- Hôpital de la Tour
Service Débiteurs / Contentieux
3, avenue J.-D. Maillard
1217 Meyrin

- M. O______

domicile élu : Etude de Me Luis ARIAS, avocat
4, avenue de Champel
1206 Genève

- M. B______

- Etat de Genève, Administration fiscale cantonale
26, rue du Stand
Case postale 3937
1211 Genève 3

- Etat de Genève, Département du Territoire
Direction des Services financiers
7, place de la Taconnerie
Case postale 3918
1211 Genève 3

- Mlle P______

- M. P_______, fils

- Mme P______

- Office des poursuites


EN FAIT

A. Par acte notarié des mois d’avril et novembre 1984, les enfants P______ (P______ selon les registres de l’Office cantonal de la population), enfants de M. P______ (P______ selon les registres de l’Office cantonal de la population) et de Mme P______ (P______ selon les registres de l’Office cantonal de la population) née B______, ont acquis, chacun pour moitié, la parcelle n° xx20 de la Commune de Vernier, sise Y, chemin V______, ainsi que les droits de copropriété qui en dépendent dans la parcelle n° xx34 de la même commune.

Par le même acte, un usufruit portant sur la parcelle n° xx20 de la Commune de Vernier a été constitué en faveur des époux P______, leur vie durant. Il a été prévu que cet usufruit serait inscrit sous forme de servitude sur la parcelle précitée.

Le transfert de propriété en faveur des enfants P______, ainsi que l’usufruit au profit des époux P______ ont été inscrits au registre foncier le 23 novembre 1984.

Par jugement sur mesures protectrices n° JTPI/6684/2001 du 15 mai 2001, le Tribunal de première instance a autorisé les époux P______ à vivre séparés et dit que cette mesure était ordonnée pour une durée indéterminée.

B. Dans le cadre des poursuites formant la série n° 02 xxxx12 X requises par la Banque C______ (poursuite n° 02 xxxx12 X), l’Hôpital de la Tour (poursuite n° 02 xxxx58 K), M. O______ (poursuite n° 02 xxxx18 P), M. B______ (poursuite n° 03 xxxx87 Y), l’Etat de Genève, Administration fiscale cantonale (poursuites n° 02 xxxx40 D et 02 xxxx41 C) et par l’Etat de Genève, Département du Territoire (poursuite n° 02 xxxx19 R) à l’encontre de M. P______, l’Office des poursuites (ci-après : l’Office) a saisi, le 16 septembre 2003, l’usufruit inscrit au registre foncier en faveur du prénommé.

La saisie dudit usufruit a été annotée au registre foncier sur réquisition de l’Office du 16 septembre 2003.

Toujours à la même date, l’Office a expédié aux enfants B______, nus-propriétaires, un « avis aux tiers intéressés en cas de saisie d’une part de communauté (usufruit ; part dans une succession indivise, société ou communauté – art. 104 LP ») (form. 17). Cet avis précise que l’usufruit inscrit en faveur de M. P______ a été saisi ; il porte également la mention suivante : « toutes sommes pouvant revenir au débiteur pendant la durée de la saisie, en vertu de ses droits d’usufruitier, doivent être payées en mains de l’office soussigné. Si, malgré cet avis, le paiement en était fait en mains du débiteur et qu’il en résulte un préjudice pour le créancier, vous pourriez être rendu responsable de ce préjudice ».

L’Office n’a en revanche pas envoyé un tel avis à Mme P______, autre titulaire de l’usufruit saisi.

L’Office a expédié le procès-verbal de saisie aux parties en date du 2 décembre 2003. Ledit procès-verbal protocole sous la rubrique « Exécution de la saisie » la « saisie d’un usufruit (art. 104 LP) » dans les termes suivants :

« L’usufruit No xxx15 inscrit en faveur du débiteur sous P.j. No Axxx6 le 23 novembre 1984 a été saisie (sic) le 16 septembre 2003.

L’usufruit est situé sur la parcelle No xx20 – Commune de Vernier – plan No Y – surface : 729 m2 – nom local : chemin V______ Y – Copropriétaire pour ½ de Mlle P______– Y, chemin V______ – à Genève et copropriétaire pour ½ de M. P______, fils, – Y, chemin V______ – à Genève.

En conséquence, toutes sommes pouvant vous revenir pendant la durée de la saisie, en vertu de vos droits d’usufruitier, doivent être payées en mains de l’office soussigné. Si, malgré cet avis, le paiement en était fait en mains de vous-même et qu’il en résulte un préjudice pour le créancier, vous pourriez être rendu responsable de ce préjudice.

Avis ORI 2 annotation déposé au Registre Foncier le 1er octobre 2003.

Formulaires 17 ont été expédiés en date du 16 septembre 2003 à :

Mlle P______ et

M. P_______, fils.

Pas d’autre bien saisissable.

Genève, le 16 septembre 2003, matin, 9h35, débiteur présent au domicile. »

C. Par réquisition du 14 octobre 2004, la Banque C_______ a requis la vente de l’usufruit saisi le 16 septembre 2003. Ladite réquisition étant demeurée sans suite, la Banque C______ a relancé l’Office par courriers des 12 mai 2005, 21 novembre 2006 et 29 novembre 2006.

Par acte daté du 13 juillet 2007, posté en recommandé le 17 juillet 2007, la Banque C______ a déposé par-devant la Commission de céans une plainte pour retard injustifié, concluant à ce que l’Office soit enjoint de fixer la date de la vente de l’usufruit considéré.

Dans le délai qui lui a été imparti pour répondre à la plainte, l’Office a, le 9 août 2007, décidé de (i) considérer l’usufruit comme un bien insaisissable, (ii) d’annuler par conséquent le procès-verbal de saisie, série n° 02 xxxx12 X et (iii) de procéder à la délivrance d’un procès-verbal de saisie valant acte de défaut de biens.

Pour rendre sa décision, l’Office a retenu que M. P______ a occupé l’immeuble sis Y, chemin V______ à Genève de 1984, date de la constitution de l’usufruit, à 2001 avec son épouse et ses deux enfants, et qu’il l’a quitté à cette dernière date, suite à la séparation d’avec son épouse. L’Office a estimé que l’usufruit en cause revêtait le caractère d’un droit éminemment personnel, proche d’un droit d’habitation et qu’il était donc insaisissable. Portant sur un bien insaisissable, la saisie exécutée le 16 septembre 2003, il l’a considéré comme nulle au sens de l’art. 22 LP.

Cette décision a été notifiée à la Banque C______ par l’Office le 9 août 2007 et transmise en copie à ladite banque par la Commission de céans en date du 14 août 2007.

D. Par acte daté du 21 août 2007, posté en recommandé le 22 août 2007, la Banque C______ a indiqué à la Commission de céans maintenir sa plainte du 13 juillet 2007, respectivement, en tant que de besoin, former plainte contre la décision de l’Office du 9 août 2007.

La Banque C______ expose que quand bien même l’immeuble est actuellement occupé par l’ex-épouse de M. P______ et son fils, il n’en reste pas moins que le débiteur est toujours bénéficiaire du droit d’usufruit. Selon la Banque C______, l’annulation de la saisie a pour conséquence choquante qu’il est loisible à M. P______ de remettre son immeuble à bail à un tiers et d’encaisser un revenu substantiel au préjudice de ses créanciers. La Banque C______ estime donc, pour ce motif, que la saisie de l’usufruit doit être maintenue.

E. Invité à se déterminer, l’Office a indiqué s’en rapporter intégralement aux motifs de sa décision du 9 août 2007, rappelant que ladite décision est fondée sur la considération que l’usufruit inscrit en faveur du débiteur avait été saisi à tort car il s’agit d’un droit éminemment personnel.

L’Office conclut au rejet de la plainte.

F. M. O______ a déclaré qu’il faisait siens les arguments de la Banque C______ et a conclu au maintien de la saisie de l’usufruit en cause.

L’Etat de Genève, Département du Territoire a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler.

Les autres créanciers, les enfants P______, ainsi que Mme P______, née B______ n’ont pas répondu dans le délai qui leur a été imparti à cet effet.

M. P______ n’a pu être atteint à l’adresse enregistrée auprès de l’Office cantonal de la population, soit le Y, rue V______, à Genève. Interpellée par la Commission de céans, La Poste Suisse a indiqué que le précité avait fait, en date du 26 juin 2006, un changement d’adresse pour le Y, chemin C______, à Genève. Ce changement d’adresse n’étant valable qu’une année, les courriers expédiés à l’attention de M. P______ sont, à l’échéance dudit délai, retournés avec la mention « A déménagé. Délai expiré ».

G. Selon les registres de l’Office cantonal de la population, M. P______, né en 1939, de nationalité espagnole, séparé depuis 2001 de Mme P______, née B______, a été domicilié de septembre 1984 à mai 2001 au Y, chemin V______, à Genève, du de mai 2001 à juin 2005 au Y, rue A______ à Genève et est domicilié depuis juin 2005 au Y, rue V______ à Genève.

Mme P______, née B______, née en 1939, de nationalité allemande, est inscrite dans lesdits registres comme étant domiciliée au Y, chemin V______ à Genève depuis septembre 1984.

H. Sur interpellation de la Commission de céans, le registre des régimes matrimoniaux a, le 11 décembre 2007, produit copie du contrat notarié par lequel les époux P______ ont adopté, en décembre 1976, le régime matrimonial de la séparation de biens. Ledit contrat a été inscrit au registre en janvier 1977 et l’inscription publiée en janvier 1977.

EN DROIT

1.a. La Commission de céans est compétente pour statuer sur les plaintes pour déni de justice ou retard injustifié qui peuvent être formées en tout temps (art. 17 al. 3 LP ; art. 56R al. 3 LOJ ; art. 10 al. 1 LaLP).

En tant que créancière, la plaignante a qualité pour se plaindre d’un retard injustifié dans le traitement de sa réquisition de vente.

Respectant pour le surplus les exigences de forme et de contenu prescrites par la loi (art. 13 al. 1 LaLP et 65 LPA par renvoi de l’art. 13 al. 5 LaLP), sa plainte sera déclarée recevable.

1.b. En cas de plainte, l’Office peut, jusqu’à l’envoi de sa réponse, procéder à un nouvel examen de la décision attaquée. S’il prend une nouvelle mesure, il la notifie sans délai aux parties et en donne connaissance à l’autorité de surveillance (art. 17 al. 4 LP). L’effet dévolutif d’une plainte ne se produit qu’à l’échéance du délai imparti à l’Office pour envoyer sa réponse. Si l’Office prend une nouvelle mesure, la Commission de céans continue à traiter la plainte dans la mesure où la nouvelle décision ne l’a pas rendue sans objet (art. 67 al. 3 LPA par renvoi de l’art. 13 al. 5 LaLP).

En l’espèce, la décision de l’Office d’annuler la saisie de l’usufruit dont la plaignante a requis la vente n’a manifestement pas vidé la plainte de son objet. Il y a donc lieu de statuer sur les conclusions prises par la plaignante le 17 juillet 2007, dûment confirmées et maintenues par acte du 22 août 2007.

2.a. Selon l’art. 93 al. 1 LP, tous les revenus du travail, les usufruits et leurs produits, les rentes viagères, de même que les contributions d’entretien, les pensions et prestations de toutes sortes qui sont destinés à couvrir une perte de gain ou une prétention découlant du droit d’entretien, en particulier les rentes et les indemnités en capital qui ne sont pas insaisissables en vertu de l’art. 92, peuvent être saisis, déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille.

2.b Le Tribunal fédéral a jugé, dans un arrêt ancien du 16 novembre 1925, que le droit d’usufruit, en tant que tel, n’était pas saisissable, mais que son exercice l’était, à moins qu’il ne s’agisse d’un usufruit éminemment personnel (ATF 51 III 220, JdT 1926 II 59, 60 s. ; Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 93 n° 42). Cette dernière hypothèse vise avant tout les usufruits strictement personnels de l’ancien droit de la famille (cf. Pierre-Robert Gilliéron, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 4ème éd. 2005, n° 984, p. 197 ; Jean-Claude Mathey, La saisie de salaire et de revenu, n° 44 p. 34).

Dans un arrêt plus récent du 14 février 1968, la Haute Cour a estimé qu’il fallait entendre par usufruit au sens de l’art. 93 LP non seulement le droit réel restreint comme tel (art. 745 ss CC), mais aussi, d’une façon générale, les revenus ou produits d’un capital sur lequel le débiteur en raison d’une cause juridique quelconque n’a pas de pouvoir de disposition (ATF 94 III 8 consid. 1, JdT 1968 II 47 ; Michel Ochsner, in CR-LP, ad art. 93 n° 41 et les références ; Nicolas Jeandin / Yasmine Sabeti, ad art. 104 n° 3 et les références ; Jean-Claude Mathey, La saisie de salaire et de revenu, n° 40 p. 33).

Quant à l’Autorité de surveillance genevoise, elle a retenu, dans une décision du 1er juillet 1966, qu’il était possible de saisir l’usufruit ou son revenu, mais non pas les deux à la fois, cela sous réserve d’un usufruit éminemment personnel, lequel n’est pas saisissable (SJ 1968, p. 235 ; Michel Ochsner, in CR-LP, ad art. 93 n° 44).

La question de la saisissabilité de l’usufruit en tant que tel divise la doctrine. La doctrine de droit des poursuites considère, contrairement à la doctrine de droit civil, que tant le droit d’usufruit lui-même que ses revenus sont saisissables. Certains auteurs de droit des poursuites précisent toutefois que les créanciers n’ont pas droit à la saisie de l’usufruit lui-même, si la saisie des fruits leur permet d’être désintéressés (cf. Alexandra Farine Fabbro, L’usufruit immobilier, thèse Fribourg 2000, p. 253 s. et les auteurs cités ; cf. ég. La même, Quelques problèmes pratiques liés à l’usufruit immobilier, in RNRF 2001, p. 201 ss, 209 ; Paul-Henri Steinauer, Les droits réels, Tome III, 3ème éd. 2003, note 4 ad n° 2403a, p. 41).

Interprétant l’art. 93 al. 1 LP, Alexandra Farine Fabbro endosse la position des auteurs de droit civil. Elle estime que dans la mesure où l’usufruit est fondamentalement incessible et intransmissible, il ne peut pas faire l’objet d’une saisie. Dans cette mesure, elle considère que le terme « usufruit » employé à l’art. 93 LP ne peut être compris que dans le sens d’exercice de l’usufruit ; la possibilité de saisir l’usufruit en tant que tel serait donc exclue (L’usufruit immobilier, thèse Fribourg, 2000, p. 257 ss ; cf. ég. La même, Quelques problèmes pratiques liés à l’usufruit immobilier, in RNRF 2001, p. 209 s. ; Paul-Henri Steinauer, Les droits réels, Tome III, 3ème éd. 2003, n° 2403a, p. 41 ; Paul Piotet, Les droit réels limités en général, les servitudes et les charges foncières, in Traité de droit privé suisse, vol. V, Tome III, Fribourg 1978, p. 93).

2.c. La Commission de céans considère qu’il convient de se conformer à la jurisprudence et à la doctrine du droit des poursuites susévoquées et de retenir que l’usufruit en tant que tel est saisissable. La saisie de l’usufruit est toutefois subsidiaire à celle des fruits futurs, en ce sens qu’elle ne peut avoir lieu que si la saisie desdits fruits ne suffit pas à désintéresser les créanciers.

Dans l’hypothèse où la saisie porte sur les fruits futurs de l’usufruit, elle est, comme la saisie de salaire, limitée à une durée d’un an dès l’exécution de la saisie (art. 93 al. 2 LP ; cf. Pierre-Robert Gilliéron, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 4ème éd. 2005, n° 983, p. 197 ; Le même, Commentaire, ad art. 132 n° 21 ; Michel Ochsner, in CR-LP, ad art. 93 n° 44). En cas de saisie de l’usufruit en tant que tel, les créanciers n’ont la faculté de saisir que les produits du droit de jouissance qui sont déjà acquis par le débiteur au moment de la saisie, c’est-à-dire les fruits naturels qui sont déjà séparés et les fruits civils (intérêts et loyers) qui sont déjà échus (ATF 51 III 220, JdT 1926 II 59, 60).

Compte tenu de ce qui précède, force est en l’espèce d’admettre que c’est à tort que l’Office a considéré comme insaisissable l’usufruit dont le débiteur est titulaire. Ce d’autant que l’usufruit en cause ne saurait être qualifié d’usufruit éminemment personnel, l’immeuble grevé de l’usufruit ne constituant plus, depuis mai 2001, le logement de famille du poursuivi. Il sera, en effet, rappelé que le logement de la famille est le lieu où se trouve le centre d’une famille ou celui qui abrite deux époux vivant en ménage commun et qu’un logement ne peut plus être considéré comme un logement familial lorsque, comme en l’espèce, un époux l’a quitté ou doit le quitter définitivement et que l’on ne doit plus s’attendre à une reprise de la vie commune (cf. p. ex. ACJC/722/2007 du 8 juin 2007 consid. 3 et l’arrêt cité).

Dans ces conditions, l’Office n’était pas justifié à annuler la saisie considérée. La plainte est donc bien fondée sur ce point.

Reste à déterminer le mode réalisation de l’usufruit saisi (art. 132 al. 1 LP), la plaignante requérant qu’une vente aux enchères soit organisée.

4.a. La doctrine propose, dans l’hypothèse où plusieurs personnes sont bénéficiaires d’un usufruit, de leur appliquer par analogie les règles sur la copropriété (art. 646 à 651 CC) lorsque les bénéficiaires n’ont pas entre eux un lien juridique faisant naître une propriété commune selon l’art. 652 CC (communauté héréditaire, société simple), ou les règles sur la propriété commune (art. 652 à 654 CC) lorsque les titulaires sont liés entre eux par un tel rapport de communauté. La doctrine romande parle, par analogie avec la propriété, de co-usufruit dans le premier cas et d’usufruit commun dans le second (ATF 133 III 311 consid. 4.2.2 et les auteurs cités, notamment Alexandra Farine Fabbro, L’usufruit immobilier, thèse Fribourg 2000, p. 9 s.).

4.b. Les époux P______ se sont soumis contractuellement au régime de la séparation de biens régi par les art. 247 ss CC.

La séparation de biens tend à réaliser, au plan du régime matrimonial, la plus complète dissociation des intérêts des époux, notamment quant au sort de leurs fortunes à la fin du régime (Henri Deschenaux / Paul-Henri Steinauer / Margareta Baddeley, Les effets du mariage, Berne 2000, n° 1879). De par la séparation de biens, chaque époux demeure propriétaire de ses biens et titulaire de ses créances et autres droits. Tout au plus chaque époux reprend-il, à la fin du régime, ceux de ses biens qui seraient en possession de son conjoint (art. 205 al. 1 CC). Il peut aussi se révéler nécessaire de dénouer certains liens juridiques existant entre les époux. Au besoin, les époux règlent leurs dettes réciproques en souffrance (Henri Deschenaux / Paul-Henri Steinauer / Margareta Baddeley, op. cit., n° 1914 et 1916, p. 726).

Ainsi, ce système garantit une presque totale indépendance des époux quant à la propriété de leurs biens, à la gestion et à la jouissance de ceux-ci, aux dettes qu’ils ont envers des tiers et aux dettes qu’ils ont l’un envers l’autre, au sort de leur fortune, à la dissolution du régime.

Dans ces conditions, en l’absence de lien juridique entre les époux ayant pu créer une propriété commune, il y a lieu d’admettre que l’on est, en l’espèce, en présence d’un co-usufruit, auquel s’appliquent les règles sur la copropriété.

4.c. La part de copropriété immobilière est soumise à la procédure de réalisation des immeubles des art. 133 ss LP, ainsi qu’à l’ordonnance du Tribunal fédéral du 23 avril 1920 sur la réalisation forcée des immeubles (ORFI ; Pierre-Robert Gilliéron, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 4ème éd. 2005, n° 1283 s., p. 246 s. ; Denis Piotet, in CR-LP, ad art. 133 n° 9).

L’Office est tenu de procéder à l’estimation de l’immeuble avant de procéder aux enchères (art. 140 al. 3 LP et 44 ORFI), étant rappelé que, dans le cadre de la poursuite ordinaire par voie de saisie, l’Office doit estimer une première fois l’immeuble lors de l’exécution de la saisie (art. 97 LP et 9 al. 1 ORFI). Lesdites estimations peuvent être contestées à chaque fois (ATF 122 III 338 ; arrêt 7B.79/2004 du 10 mai 2004, consid. 3.2 ; arrêt 7B.163/2005 du 19 décembre 2005, consid. 1).

Les immeubles sont réalisés aux enchères publiques un mois au plus tôt, trois mois au plus tard à compter de la réquisition de vente (art. 133 al. 1 LP). En lieu et place des enchères, la réalisation peut avoir lieu pour un prix formé de gré à gré lorsque tous les intéressés y consentent et que l’offre est au moins égale à l’estimation, mais la vente ne peut avoir lieu qu’après l’épuration de l’état des charges au sens de l’art. 138 al. 2 ch. 3 et al. 3 LP et de l’art. 140 LP, ainsi qu’en application des art. 135 à 137 LP (art. 143b LP ; Pierre-Robert Gilliéron, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 4ème éd. 2005, n° 1286 s., p. 247).

5. En l’espèce, le procès-verbal de saisie ne fait aucune mention de la valeur d’estimation de l’usufruit saisi. Il y a donc lieu de renvoyer le dossier à l’Office afin qu’il procède à l’estimation dudit usufruit en fonction du produit probable des enchères.

Il sera, à cet égard, rappelé que l’Office peut, le cas échéant, renoncer à saisir en vertu de l’art. 92 al. 2 LP s’il s’avère que le bien considéré est sans valeur de réalisation. Toutefois, comme dans le cas d’une renonciation à la vente fondée sur l’art. 127 LP, les créanciers saisissants sont en droit d’exiger de l’Office qu’il procède néanmoins à la saisie, puis à la vente du bien, s’ils s’engagent à supporter les frais occasionnés pour le cas où la vente se révélerait caduque (art. 126 LP) ; en outre, l’Office peut subordonner l’exécution de cette mesure à la fourniture de l’avance de frais (SJ 2000 II 221 s.).

S’il parvient à la conclusion que l’usufruit saisi est sans valeur de réalisation, l’Office devra interpeller les créanciers saisissants pour qu’ils se déterminent sur leur volonté de le réaliser néanmoins. Dans cette hypothèse, l’Office sera en droit d’exiger une avance de frais du ou des créancier(s) saisissant(s) concerné(s).

6. Il est statué sans frais ni dépens (art. 20 al. 2 ch. 5 LP ; art. 61 al. 2 let. a et 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,

LA COMMISSION DE SURVEILLANCE

SIÉGEANT EN SECTION :

A la forme :

Déclare recevable la plainte pour retard injustifié formée le 17 juillet 2007 par la Banque C______ dans le cadre des poursuites formant la série n° 02 xxxx12 X.

Au fond :

1. L’admet partiellement.

2. Annule la décision de reconsidération de l’Office des poursuites rendue le 9 août 2007.

3. Renvoie la cause à l’Office des poursuites.

4. L’invite à procéder dans le sens du considérant 5.

5. Déboute les parties de toutes autres ou contraires conclusions.

 

Siégeant : M. Grégory BOVEY, président ; MM. Didier BROSSET et Christian CHAVAZ, juges assesseurs.

 

Au nom de la Commission de surveillance :

Marisa BATISTA Grégory BOVEY

Greffière : Président :

 

 

 

 

La présente décision est communiquée par courrier A à l’Office concerné et par courrier recommandé aux autres parties par la greffière le