Aller au contenu principal

Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

1 resultats
A/293/2021

DCSO/385/2021 du 07.10.2021 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : Exécution du séquestre; non-lieu; biens appartenant à des tiers; compétence; autorité de surveillance; opposition au séquestre; revendication; qualité pour agir de la banque dépositaire; appel en cause du titulaire des biens irrecevable; plainte déposée à l'Office; transmission d'office à l'autorité de surveillance
Normes : lp.201; lpa.71; lp.106; lp.278; lp.17; lp.32.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/293/2021-CS DCSO/385/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 7 OCTOBRE 2021

 

Plainte 17 LP (A/293/2021-CS) formée en date du 14 janvier 2021 par A______, en personne.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

______

______ [GE].

- B______

c/o Me BURRUS Louis

Schellenberg Wittmer SA

Rue des Alpes 15bis

Case postale 2088

1211 Genève 1.

- C______ INC

c/o Me VOISARD Stéphane

VR Avocats Associés

Place des Eaux-Vives 3

1207 Genève.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. D______, né à E______ le ______ 1955 était marié avec F______.

b. Il était copropriétaire avec cette dernière d'un bien immobilier constituant leur domicile à G______ [Royaume-Uni], situé 1______.

c. Ils ont eu trois enfants,H______, I______ et J______ qui sont également domiciliés 1______ à G______.

d. H______, I______ et J______ sont actionnaires et administrateur d'une société C______ INC, incorporée à K______ (Libéria), depuis 2017.

e. Il ressort d'un affidavit signé par D______ le 15 mai 2018 qu'il était propriétaire d'un bien immobilier à L______ (Valais / Suisse), qu'il l'a vendu en le 27 avril 2017 et qu'il en a fait verser le prix par les acheteurs sur un compte ouvert au nom de C______ INC auprès de [la banque] A______, à Genève.

f. D______ est décédé le ______ 2018.

B. a. Le Tribunal de première instance de Genève (ci-après le Tribunal) a ordonné, le 9 novembre 2018 [soit avant la date de décès de D______],à la requête de [la banque] B______, créancière, à l'encontre de "D______", débiteur, le séquestre des avoirs de C______ INC auprès de A______ – lesquels appartenaient en réalité à D______ – à concurrence de 827'210 fr. 80 plus intérêts à 7.25 % l'an dès le 21 septembre 2017 et frais de poursuite.

Le titre de créance invoqué à l'appui du séquestre était "contrats de garantie conclus avec Monsieur D______ les 21 juin et 21 juillet 2011, contrat de prêt conclu avec la société M______ LTD le 26 juin 2011 et contrat de prêt conclu avec la société N______ LTD le 21 juillet 2011".

Le Tribunal a admis la vraisemblance de la propriété de D______ sur les biens visés par le séquestre sur la base de l'affidavit mentionné ci-dessus au point A.e.

b. L'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a informé le 9 novembre 2018 A______ du séquestre en ses mains des avoirs déposés au nom de C______ INC à concurrence 827'210 fr. 80, plus intérêts à 7.25 % l'an dès le 21 septembre 2017 et frais de poursuite, et fait interdiction à la banque de se dessaisir des avoirs séquestrés. L'avis précisait que les avoirs étaient séquestrés en tant que leur ayant-droit économique était "D______", débiteur visé par la mesure conservatoire.

c. A______ a accusé réception de l'avis le même jour et annoncé avoir pris les mesures nécessaires. Elle réservait la communication de toute information concernant la relation bancaire et la portée du séquestre au moment où l'ordonnance de séquestre serait devenue définitive.

d. B______ a requis le 23 novembre 2018 la poursuite de "D______" à concurrence de 832'210 fr. 80 plus intérêts à 7.25 % l'an dès le 21 septembre 2017, en validation du séquestre n° 2______.

Le titre de créance mentionné était le même que celui allégué à l'appui du séquestren° 2______.

Le n° 3______ a été attribué par l'Office à cette poursuite.

Le commandement de payer et le procès-verbal de séquestre ont été notifiés au débiteur au Royaume-Uni le 4 janvier 2019. Le commandement de payer n'a pas été frappé d'opposition et aucune opposition au séquestre n'a été déposée auprès du Tribunal.

e. L'Office a informé A______ le 19 mars 2019 que l'ordonnance de séquestre était devenue définitive et lui demandait toute information sur les avoirs détenus. Elle précisait que l'assiette du séquestre s'élevait à 925'242 fr. 05.

f. A______ a fourni les renseignements demandés le 25 mars 2019 en mentionnant la référence de compte 4______ et des avoirs à hauteur de 455'826 usd.

g. Parallèlement, le 11 mars 2019, B______ a requis la continuation de la poursuite n° 3______ en validation du séquestre. Il l'a fait à l'encontre de l'"hoirie D______".

L'Office a demandé le 14 mars 2019 à B______ de fournir des détails sur l'"hoirie de D______", notamment tout document concernant le décès de l'intéressé et le sort réservé à sa succession.

B______ a répondu le 15 janvier 2020 que F______ avait été désignée administratrice de la succession le 11 décembre 2019. Les actes de poursuite visant la succession pouvaient lui être notifiés.

h. Le séquestre n° 2______ a été converti le 24 janvier 2020 en saisie définitive dans la poursuiten° 3______, ce que l'Office a constaté par un procès-verbal de saisie établi le 27 janvier 2020 (dossier d'huissier n° 5______).

Ce procès-verbal a été notifié à la succession deD______ le 29 octobre 2020.

Il n'a fait l'objet d'aucune contestation.

i. L'Office a demandé le 4 janvier 2021 à A______ de transférer les fonds séquestrés à concurrence de 392'134 fr. 34 sur son compte auprès de [la banque] O______ vu la conversion du séquestre en saisie définitive dans la poursuite n° 3______ contre l'"hoirie de feu M. D______".

j. A______ s'est adressée téléphoniquement à l'Office le 6 janvier 2021 en s'inquiétant du fait que l'ayant-droit économique du compte bloqué en ses livres sur la base du séquestre n'était pas décédé à sa connaissance et que "feu D______" ne pouvait donc être l'ayant-droit du compte.

k. L'Office a confirmé à A______ par courrier du 6 janvier 2021 qu'il maintenait sa demande de transfert des fonds du 4 janvier 2021, mais que C______ INC pouvait agir en revendication si elle s'y estimait fondée et si ce n'était pas trop tard.

l. C______ INC s'est adressée les 12 et 13 janvier 2021 à l'Office pour faire valoir son droit préférable sur les avoirs en compte n° 4______ auprès de A______. Elle expliquait qu'elle était une entité totalement distincte de feu D______ et que ses administrateurs étaient H______, I______ et J______. Elle était seule titulaire et propriétaire des avoirs en compte et les détenait pour son seul compte et non pour le compte du débiteur séquestré.

A l'appui, elle déposait un lot de pièces concernant sa constitution, ses organes et ses ayants-droits :

·         L'acte de fondation de C______ INC en 1982.

·         Un procès-verbal d'une réunion commune du conseil d'administration et des actionnaires de C______ INC du 9 mai 2017 au cours de laquelle H______, I______ et J______ ont été élus administrateur en remplacement de P______, Q______ et R______.

·         Un formulaire A de A______ du 19 septembre 2017 déclarant que l'ayant-droit économique des avoirs déposés sur le compte n° 4______ au nom de C______ INC étaient propriété de "H______, né le ______ 1983 à G______, de nationalité canadienne et domicilié 1______".

m. A______ est à nouveau intervenue auprès de l'Office par courrier recommandé du 14 janvier 2021 pour l'inviter à constater que le séquestre n'avait pas porté et à renoncer à exiger le transfert des avoirs séquestrés. Dans le cas où l'Office n'entendait pas revenir sur ses décisions des 4 et 6 janvier 2021, elle souhaitait que son courrier soit considéré comme une plainte à transmettre à l'autorité de surveillance des Offices des poursuites et faillites.

n. L'Office a refusé d'entrer en matière et il a transmis le courrier de A______ à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance) le 26 janvier 2021 pour valoir plainte.

o. L'Office a par ailleurs rendu le 27 janvier 2021 une décision de rejet de la revendication de C______ INC pour tardiveté et absence de justification. Il rappelait que dès le séquestre, ordonné avant le décès de D______, A______ avait été informée de tous les développements du dossier. Elle en avait sans aucun doute informé au fur et à mesure sa cliente C______ INC. Cette dernière n'avait pas réagi. C'était donc de mauvaise foi qu'elle se manifestait plus de deux ans après le séquestre, au moment où l'Office sollicitait le transfert des avoirs sur son compte. Elle devait par conséquent être déchue de son droit d'exercer une revendication. En outre, les trois administrateurs de C______ INC étaient les enfants de D______, domiciliés à la même adresse que leur père, lieu où avaient été notifiés le commandement de payer ainsi que les procès-verbaux de séquestre et de saisie, dont ils avaient par conséquent pris connaissance.

C. a. La Chambre de surveillance a ouvert le 29 janvier 2021 une instruction écrite sur la plainte transmise par l'Office et invité ce dernier ainsi que B______ à se prononcer.

b. Par courrier du 8 février 2021, A______ a requis l'effet suspensif à sa plainte auprès de la Chambre de surveillance.

La Chambre de surveillance l'a ordonné le 10 février 2021.

c. Dans ses observations du 12 février 2021, l'Office a conclu principalement à l'irrecevabilité de la plainte en raison de l'absence d'intérêt de A______ car la banque n'était pas titulaire des avoirs litigieux et, en tant que tierce au séquestre, ne subissait aucun préjudice de la mesure.

Subsidiairement, l'Office a conclu au rejet de la plainte sur le fond au motif que le grief soulevé consistait à remettre en cause l'appréciation du juge du séquestre selon laquelle les biens visés par le séquestre étaient vraisemblablement la propriété du débiteur, ce qui aurait dû être fait par la voie de l'opposition devant le juge du séquestre suite à la notification du procès-verbal de séquestre. La voie de la plainte, à ce stade du processus d'exécution forcée, ne permettait plus de remettre en question ce constat. En outre, on ne pouvait prétendre que le séquestre "n'avait pas porté" faute de biens appartenant au débiteur auprès de A______; une fois le séquestre devenu exécutoire, il autorisait le créancier à exiger des autorités d'exécution qu'elles appréhendent sans condition les biens saisis, un litige relevant de leur propriété ne pouvant être réglé que par un juge civil selon les voies prévues pour la revendication.

d. Dans ses observations du 19 février 2021, B______ a conclu principalement à l'irrecevabilité de la plainte au motif qu'elle avait été adressée à la mauvaise autorité, que la plaignante ne disposait pas de la qualité pour agir, faute d'intérêt, et que l'autorité de surveillance n'était pas compétente pour examiner le grief principal de la plainte, à savoir que le séquestre visait des biens n'appartenant pas au débiteur.

e. C______ INC a déposé le 18 février 2021 une requête d'appel en cause au sens de l'art. 71 LPA car sa situation juridique était susceptible d'être affectée par la procédure de plainte à laquelle elle n'était pas partie; elle était en effet seule ayant-droit des avoirs séquestrés.

f. Dans ses observations sur appel en cause du 26 mars 2021, B______ s'est opposée à cette démarche de C______ INC qui avait pour but de palier à son omission de déposer une plainte contre la décision de rejet de sa revendication par l'Office. Son droit à faire valoir ses moyens avait donc fait l'objet d'une décision définitive. Si l'appel en cause devait néanmoins être admis, il ne pouvait qu'autoriser C______ INC à appuyer les conclusions de A______, mais pas à prendre ses propres conclusions ou développer ses propres griefs.

g. Dans ses observations sur appel en cause du 26 mars 2021, l'Office a souligné le caractère tardif de l'intervention de C______ INC qui était informée depuis deux ans de l'existence du séquestre et ne s'était pas manifestée. Elle n'avait notamment pas réagi en déposant une plainte contre le procès-verbal de saisie, qui était devenu définitif et exécutoire, ou contre le rejet de sa revendication par l'Office.

h. Le greffe de la Chambre de surveillance a informé les parties par courrier du 16 avril 2021 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de l'article 17 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire (al. 1), ainsi qu'en cas de déni de justice ou de retard à statuer (al. 3). L'autorité de surveillance doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps (ATF 136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'Office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP).

1.1.2 Les griefs concernant les conditions de fond du séquestre doivent être soulevés dans la procédure d'opposition et ceux concernant l'exécution du séquestre dans la procédure de plainte (ATF 129 III 203 consid. 2.2 et 2.3 et les références).

Plus singulièrement, les compétences des offices et des autorités de poursuite portent sur les mesures proprement dites d'exécution, soit celles concernant la saisissabilité des biens (art. 92 ss LP), l'ordre de la saisie (art. 95 ss LP), la sauvegarde des biens saisis (art. 98 ss LP) et la procédure de revendication (art. 106 ss LP). Elles visent aussi le contrôle de la régularité formelle de l'ordonnance de séquestre. Ce pouvoir d'examen entre en effet par définition dans les attributions d'un organe d'exécution qui ne peut donner suite à un ordre lacunaire ou imprécis, ni exécuter un séquestre entaché de nullité, l'exécution d'une ordonnance frappée de nullité étant elle-même nulle au sens de l'art. 22 LP. L'exécution du séquestre ne doit cependant être refusée par l'Office que dans les cas où l'ordonnance de séquestre apparaît indubitablement nulle (notamment lorsqu'elle viole manifestement le droit international public relatif aux immunités) et que l'on ne saurait exiger du plaignant qu'il agisse par la voie de l'opposition selon l'art. 278 LP (ATF 142 III 291 consid. 2.1 et les références; 136 III 379 consid. 3 et 4.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_883/2012 du 18 janvier 2013 consid. 6.1.2).

En revanche, le constat de l'existence de biens séquestrables appartenant au débiteur – qui est une condition d'octroi du séquestre – est de la compétence du juge. Les griefs contre ce constat doivent être soulevés dans la procédure d'opposition devant le juge du séquestre. La question de savoir si le créancier a réussi à rendre vraisemblable que certaines valeurs appartiennent au débiteur malgré l'apparence formelle contraire relève ainsi de la compétence du juge du séquestre (ATF 130 III 579 consid. 2.2.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_898/2016 du 27 janvier 2017 consid. 6; 5A_730/2016 du 20 décembre 2016 consid. 3.2).

Les litiges portant sur la propriété des biens séquestrés relèvent de la procédure de revendication (art. 106 et ss LP) et ressortissent également au juge civil.

Le créancier est en droit d'exiger l'exécution d'une ordonnance de séquestre en force sur tous les biens désignés, même ceux appartenant apparemment à des tiers. En matière de séquestre, à la différence de la saisie, l'ordonnance du juge désigne les biens à séquestrer; l'Office ne bénéficie d'aucune autonomie et l'exécution portant sur d'autres biens que ceux mentionnés dans l'ordonnance est nulle (ATF 113 III 139 consid. 6; 107 III 33 consid. 1).

1.1.3 La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP), de retard à statuer et de déni de justice (art. 17 al. 3 LP).

Sous réserve de griefs devant conduire à la constatation de la nullité absolue d'une mesure, invocables en tout temps (art. 22 al. 1 LP), l'intégralité des moyens et conclusions du plaignant doivent être à tout le moins sommairement exposés et motivés dans le délai de plainte, sous peine d'irrecevabilité. La motivation peut être sommaire mais doit permettre à l'autorité de surveillance de comprendre les griefs soulevés par la partie plaignante ainsi que ce qu'elle demande. L'invocation de nouveaux moyens en cours de procédure n'est pas admise dans le cadre de l'examen d'une plainte au sens de l'article 17 LP (ATF 142 III 234 consid. 2.2; ATF 126 III 30 consid. 1b; ATF 114 III 5 consid. 3, JdT 1990 II 80; arrêt du Tribunal fédéral 5A_237/2012 du 10 septembre 2012 consid. 2.2; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 32, 33 et 44 ad art. 17 LP).

1.1.4 Le traitement d'un acte – notamment d'une plainte au sens de l'art. 17 LP – déposé en temps utile mais auprès d'une autorité de poursuite incompétente pour en connaître fait l'objet d'une réglementation spéciale dans la LP, figurant à l'art. 32 al. 2 LP, à teneur duquel le délai est réputé observé lorsqu'un office des poursuites ou un office des faillites incompétent est saisi en temps utile; cet office doit alors transmettre sans délai la communication à l'office compétent, respectivement à l'autorité de surveillance compétente. Ce texte constitue une codification de la jurisprudence antérieure du Tribunal fédéral publiée aux ATF 100 III 8 et 130 III 515 consid. 4. L'objectif poursuivi par le législateur consiste à protéger le justiciable contre les conséquences, pouvant aller jusqu'à la perte d'un droit, d'une erreur de sa part sur l'autorité compétente pour traiter son acte, ce dans un domaine où il n'est pas toujours aisé de déterminer l'autorité compétente à raison du lieu et de la matière (Baeriswyl/Milani/Schmid, Kommentar SchKG, 4ème édition, Kren Kostkiewicz/Vock [éd.], n° 5 ad art. 32 LP). Il ne s'agit pas en revanche de donner aux parties le droit de déposer leur acte auprès de l'autorité – incompétente – de leur choix, lui laissant le soin de le faire suivre à l'autorité compétente. L'application de l'art. 32 al. 2 LP suppose au contraire que le déposant se soit trouvé dans l'erreur sur l'autorité qu'il devait saisir ou, autrement dit, qu'il ait cru de bonne foi adresser son acte à l'autorité compétente pour en connaître (Staehelin, Basler Kommentar SchKG Ergänzungsband, ad n° 6 b ad art. 32 LP; Baeriswyl/Milani/Schmid, op. cit., n° 16 ad art. 32 LP; arrêt du Tribunal fédéral 5A_421/2012 du 20 décembre 2012 consid. 3.1). Le fait pour un justiciable de s'adresser consciemment et volontairement à une autorité incompétente alors que l'autorité compétente lui est connue doit à cet égard être qualifié d'abus de droit (ATF 145 III 487 consid. 3.4.5). Il faut réserver le cas, admis par la jurisprudence, du plaignant qui s'adresse à l'Office en demandant la reconsidération d'une décision, dans le délai de plainte, et invite parallèlement l'Office, pour le cas où il refuserait d'entrer en matière sur la reconsidération, à transmettre l'acte à l'autorité de surveillance pour valoir plainte (parmi d'autres, décision de la Chambre de surveillance DCSO/335/2015 du 15 octobre 2015).

1.1.5 La qualité pour porter plainte selon l'art. 17 LP – condition de recevabilité devant être examinée d'office (GILLIERON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n° 140 ad art. 17 LP) – est reconnue à toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou à tout le moins atteinte dans ses intérêts de fait, par une mesure ou une omission d'un organe de la poursuite. Selon la jurisprudence, les créanciers et les débiteurs ont, de manière générale, le droit de se plaindre de ce que les actes de l'administration de la faillite n'ont pas été accomplis conformément à la loi. En revanche, les tiers à la procédure d'exécution forcée n'ont en principe pas la qualité pour former une plainte, à moins qu'un acte de poursuite ne leur soit directement préjudiciable. Le plaignant doit dans tous les cas poursuivre un but concret; il doit être matériellement lésé par les effets de la décision attaquée et avoir un intérêt digne de protection à sa modification ou à son annulation (ATF 139 III 384 consid. 2.1; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3, JdT 2004 II 96; 120 III 42 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_483/2012 du 23 août 2012 consid. 5.3.1).

Notamment, le tiers débiteur d'une créance envers le poursuivi n'a aucun intérêt à attaquer la validité de la saisie de la créance ou à se plaindre de devoir s'exécuter en mains de l'Office (ATF 135 III 46 consid. 4).

1.2.1 En l'occurrence, la plainte, déposée par écrit le 14 janvier 2021, dans les dix jours suivant la décision entreprise de l'Office du 4 janvier 2021, encore confirmée le 6 janvier 2021 par l'Office, est recevable à la forme.

Bien que formellement et intentionnellement déposée devant l'Office – soit une autorité incompétente – sous forme de demande de reconsidération, avec une conclusion subsidiaire de transmission à l'autorité de surveillance pour valoir plainte en cas de rejet de la reconsidération, la plainte est exceptionnellement recevable sous cette forme selon la jurisprudence de la Chambre de céans rappelée ci-dessus.

1.2.2 La plaignante, en sa qualité de simple dépositaire des avoirs séquestrés, n'a en revanche aucun intérêt à agir par la voie de la plainte dès lors qu'elle ne prétend aucun droit sur les fonds séquestrés et ne subit aucun préjudice de la mesure de séquestre entreprise. Elle n'allègue ainsi aucun intérêt propre à la plainte. En réalité, elle endosse celui de ses clients C______ INC et H______.

La plainte est par conséquent irrecevable faute d'intérêt à agir et de préjudice.

1.2.3 La plaignante prétend encore que le séquestre n'aurait pas porté car elle ne détiendrait aucun avoir appartenant au débiteur séquestré. Or, elle détient bien les avoirs visés par l'ordonnance de séquestre et les a d'ailleurs considérés comme valablement séquestrés pendant plus de deux ans. Il ne lui appartient pas de se prononcer sur le fait de savoir à qui appartiennent réellement les fonds qu'elle détient, car le juge du séquestre a déjà examiné cette question et pris sa décision, certes sous l'angle de la seule vraisemblance, mais de manière définitive, en l'absence d'opposition à son ordonnance de séquestre par qui que ce soit, notamment par C______ INC ou H______ à qui le procès-verbal de séquestre avait été valablement notifié. Or, l'opposition au séquestre – exercée par ceux qui se considèrent réels ayants-droits des actifs appréhendés – est la voie à suivre pour obtenir du juge séquestre qu'il réexamine la question de la titularité des fonds immobilisés par la mesure.

Le grief de la non-portée du séquestre tel qu'exposé par la plaignante – qui est en réalité, en l'occurrence, une annonce de revendication – est par conséquent irrecevable dans le cadre d'une plainte au sens de l'art. 17 LP contre une décision de l'Office de faire transférer les avoirs séquestrés sur son compte.

1.2.4 Même si ce grief avait été recevable, il aurait été rejeté faute de pertinence.

La banque croit s'être trompée dans l'exécution du séquestre et avoir confondu D______ avec H______, en acceptant de séquestrer des avoirs du second, par le truchement de C______ INC, alors que le séquestre visait le premier. Or, tel n'est pas le cas car le juge du séquestre avait ordonné le blocage des avoirs sur le compte de C______ INC parce que la requérante en séquestre avait rendu vraisemblable leur appartenance à D______ – et non pas H______ – puisqu'ils provenaient d'une vente d'un bien immobilier ayant appartenu au premier. Il s'est fondé à cet égard sur un affidavit dans lequel D______ reconnaissait être l'ayant-droit de ces fonds. Le séquestre portait donc bien sur les avoirs litigieux et la banque ne saurait substituer son appréciation à celle du juge du séquestre sur la portée de cette mesure, en arguant d'un formulaire A qui mentionne H______ comme ayant-droit des avoirs sur le compte de C______ INC. L'Office ne saurait le faire non plus, alors qu'il est lié par une ordonnance du juge définitivement en force. L'autorité de surveillance est également liée par l'ordonnance du juge et n'est pas non plus compétente pour la remettre en cause – sauf cas de nullité absolue au sens de l'art. 22 LP, non réalisé en l'occurrence.

En réalité, A______ tente aujourd'hui de soutenir, par sa plainte, les démarches en revendication de C______ INC et de H______ qui sont toutefois vouées à l'échec pour les raisons qui suivent.

2. C______ INC a sollicité d'être appelée en cause dans la procédure de plainte.

2.1.1 Les cantons règlent la procédure devant l'autorité de surveillance (art. 20 al. 3 LP), sous réserve des règles de procédure prévues dans la LP, notamment à l'art. 20a al. 2 LP. A Genève, l'art. 9 al. 4 LaLP prévoit que la LPA est applicable devant la Chambre de surveillance pour l'examen des plaintes au sens de l'art. 17 LP.

A teneur de l'art. 71 al. 1 LPA, l'autorité peut ordonner, d'office ou sur requête, l'appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d'être affectée par l'issue de la procédure.

2.1.2 A teneur des art. 106 al. 1 et 271 LP, lorsqu'il est allégué qu'un tiers a sur le bien saisi ou séquestré un droit de propriété de gage ou autre droit qui s'oppose à la saisie, respectivement au séquestre, ou qui doit être pris en considération dans la suite de la procédure d'exécution, l'Office mentionne la prétention dans le procès-verbal de saisie, respectivement de séquestre, ou en informe les parties si la communication du procès-verbal a déjà eu lieu.

Si le débiteur est en possession du bien revendiqué, que son droit sur la créance est plus vraisemblable que celui du tiers revendiquant ou que la prétention du tiers revendiquant sur un immeuble ne découle pas du registre foncier, le débiteur ou le créancier dans la poursuite ou le séquestre doivent manifester leur contestation de la revendication dans un délai de dix jours que leur fixe l'Office. En l'absence de contestation, la revendication est admise. En cas de contestation, il appartient au tiers revendiquant de saisir le juge dans le délai de vingt jours que lui fixe l'Office (art. 107 al. 1, 2, 4 et 5 LP).

Si le tiers revendiquant est en possession du bien revendiqué, que son droit sur la créance est plus vraisemblable que celui du débiteur ou que la prétention du tiers revendiquant ressort du registre foncier, il appartient au créancier ou au débiteur dans la poursuite ou le séquestre d'agir devant le juge pour faire valoir leur droit dans un délai de vingt jours qui leur est fixé par l'Office; s'ils n'agissent pas, la revendication est réputée admise (art. 108 al. 1 et 2 LP).

La déclaration de revendication peut intervenir dès la saisie ou le séquestre, voire avant si elle se réfère à une poursuite pendante et, au plus tard, avant la distribution du produit de la réalisation du bien saisi, soit avant la remise effective du produit de la réalisation à l'ayant-droit (art. 106 al. 2 LP). La déclaration de revendication doit être opérée dans un délai bref et approprié aux circonstances, le tiers étant déchu de son droit – dans la poursuite en cause uniquement – s'il tarde malicieusement à la faire ou s'il commet une négligence grossière (ATF
120 III 123, consid. 2a, JdT 1997 II 153; 114 III 92, JdT 1990 II 72; 113 III 104, JdT 1989 II 124; 112 III 59, JdT 1988 II 94; 109 III 18, JdT 1985 II 72 c. 1; arrêts du Tribunal fédéral 7B.242/2000 consid. 2; 7B.18/2004 consid. 2; Tschumy, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 16, 17 et 21 ad art. 106 LP).

La procédure des art. 106 al. 1 et 2 et 107 à 109 se caractérise par le fait qu'elle se déroule en deux phases. La première est de nature administrative. Elle est destinée à permettre aux intéressés d'annoncer leurs prétentions à l'Office et à ce dernier de fixer la position procédurale des parties. La seconde, de nature judiciaire, permet, une fois les prétentions annoncées et les déterminations des parties connues, de trancher le conflit au fond, que l'Office n'a pas à résoudre dès lors qu'il est de la compétence du juge (Tschumy, op. cit. n° 3 ad introduction aux art. 106 à 109 LP).

La décision de l'Office relative à la répartition des rôles dans le procès en revendication ou à la déchéance du droit de revendiquer peut être contestée par la voie de la plainte au sens des art. 17 ss (Tschumy, op. cit. n° 3 ad art. 108 LP; cf. les diverses jurisprudences susmentionnées).

2.2 En l'espèce, C______ INC demande à intervenir dans la présente procédure, par la voie de l'appel en cause, car sa situation juridique était affectée par cette procédure de plainte. Il est indéniable qu'en qualité de détentrice formelle des avoirs séquestrés, C______ INC est touchée dans ses intérêts par l'objet de la présente procédure. Cela étant, elle a été informée de tous les actes de la procédure de séquestre, que ce soit par A______ ou par l'hoirie D______ auxquels les actes de la procédure ont été valablement notifiés. Elle a toutefois renoncé à agir dans le délai d'opposition au séquestre. En outre, elle n'a pas manifesté pendant plus de deux ans l'intention de revendiquer les avoirs séquestrés. Ce n'est qu'en janvier 2021, alors que l'Office exigeait le transfert des fonds, qu'elle a revendiqué les avoirs litigieux auprès de l'Office, vraisemblablement sur recommandation de A______. L'Office a statué sur la revendication en la rejetant dans une décision formelle, mentionnant des voies de droit. A ce jour, C______ INC n'a pas déposé de plainte contre cette décision et elle est devenue exécutoire. Or, tant l'opposition à séquestre que la plainte contre la décision de rejet de la revendication étaient les voies offertes par la LP à C______ INC pour faire valoir ses droits.

En utilisant la voie de l'appel en cause prévue par la LPA, elle tente de créer une troisième voie, non prévue par le droit fédéral de l'exécution forcée, qui règle pourtant exhaustivement la question. Or, le droit procédural cantonal ne saurait déroger au cadre posé par la LP (art. 49 Cst. féd.) et l'institution de l'appel en cause ne peut être utilisée pour réparer l'omission d'agir par la voie de l'opposition ou de la plainte en temps voulu.

La requête en appel en cause doit par conséquent également être déclarée irrecevable.

Même si la décision de l'Office de rejeter la revendication de C______ INC avait pu être remise en cause par la voie de l'appel en cause dans la présente procédure, la Chambre de surveillance l'aurait certainement confirmée, car la démarche était tardive et le retard imputable à faute de C______ INC. De surcroît, C______ INC n'a jamais fourni d'explications permettant de remettre en cause les constats du juge du séquestre selon lesquels les fonds saisis appartenaient à D______ au vu des pièces produites. C______ INC s'est limitée à exposer des arguments fondés sur l'appartenance formelle des avoirs litigieux et n'a jamais vraiment contesté leur origine ni expliqué à quoi ils pouvaient correspondre s'ils n'étaient pas le prix de vente de l'immeuble dont D______ était propriétaire à L______.

3. En conclusion, tant la plainte que la requête d'appel en cause seront déclarées irrecevables.

4. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

 

Déclare irrecevable la plainte du 14 janvier 2021 contre les décisions des 4 et 6 janvier 2021 de l'Office refusant de constater que le séquestre n° 2______.

Déclare irrecevable la requête d'appel en cause de C______ INC du 18 février 2021.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Messieurs Luca MINOTTI et
Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.