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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/4821/2017

DCSO/308/2018 du 24.05.2018 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : MINVIT
Normes : LP.93.al1
Résumé : Prise en compte des frais d'une formation complémentaire ? Concubins sans enfants communs : partage de la charge de loyer
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4821/2017 et A/136/2018-CS DCSO/308/18

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 24 mai 2018

 

Plaintes 17 LP (A/4821/2017 et A/1______) formées en date des 6 décembre 2017 et 17 janvier 2018 par A______.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

- A______

Rue de Savoie 5

1207 Genève.

- CONFEDERATION SUISSE

c/o OFFICE D'IMPÔT DU DISTRICT

DE NYON

Avenue Reverdil 4-6

Case postale 1341

1260 Nyon 1.

- ETAT DE VAUD

c/o OFFICE D'IMPÔT DU DISTRICT

DE NYON

Avenue Reverdil 4-6

Case postale 1341

1260 Nyon 1.

- Office des poursuites.


EN FAIT

A.           a. A______ fait l'objet des poursuites n° 1______ et 2______, engagées à son encontre par, respectivement, la Confédération suisse et l'Etat de Vaud. Ces deux poursuites, qui se trouvent au stade de la saisie, composent la série n° 3______, pour un montant total de 13'143 fr. 85 au 7 décembre 2017.

b. A______ est employé en qualité d'enseignant auprès de la D______ et réalise à ce titre un revenu mensuel net de 5'225 fr. 45.

Marié mais séparé et en instance de divorce, il partage avec sa compagne, E______, un logement dont le loyer, charges comprises, s'élève à 1'950 fr. par mois. Il s'acquitte régulièrement de ses primes d'assurance maladie, d'un montant de 281 fr. par mois, et assume des frais médicaux de 25 fr. par mois. Ses frais de transport s'élèvent à 70 fr. par mois et il doit prendre ses repas hors de son domicile, d'où un surcoût mensuel de 242 fr.

A______ indique encore devoir s'acquitter de 615 fr. d'impôts par mois, de frais de communication (téléphone fixe et mobile et liaison internet) à hauteur de 90 fr. par mois, de redevances radio/télévision d'un montant de 15 fr. par mois et de primes d'assurance ménage et responsabilité civile de 15 fr. par mois.

Enfin, il explique avoir débuté en 2017 une formation postgrade en ligne en éducation auprès de la F______ devant conduire à l'obtention d'un master, selon lui indispensable à l'exercice d'un emploi stable dans l'éducation privée à Genève. Le coût total de cette formation s'élève à 15'885 £, soit un montant moyen mensuel sur trois ans de 583 fr. Il s'était déjà acquitté en juillet 2017 d'un montant de 4'380 fr. 25 au titre d'écolage pour la première année et, sous réserve de la réussite de celle-ci, devrait effectuer un nouveau versement en 2018. A l'appui de ces explications, A______ a notamment produit une attestation de la F______ confirmant son inscription pour l'année universitaire 2017/2018, qui se termine le 21 septembre 2018.

Selon les indications de A______, lesquelles ne sont toutefois confirmées par aucune pièce, sa compagne E______ réaliserait un revenu mensuel net de 1'500 fr. Elle s'acquitte d'une prime d'assurance maladie mensuelle de 504 fr. 30 (dont 451 fr. 10 d'assurance de base), de 25 fr. par mois de frais médicaux non couverts et de 70 fr. par mois de frais de transport.

c. Le 6 décembre 2017, A______ a été entendu par l'Office des poursuites (ci-après : l'Office) dans le cadre des opérations de saisie. Il a ensuite adressé à l'Office diverses pièces justificatives.

d. Par avis de saisie de gains dite "arrangée" daté du 15 janvier 2018, l'Office a arrêté à 2'455 fr. par mois la quotité saisissable du salaire de A______ et enjoint à ce dernier de s'acquitter mensuellement de ce montant en ses mains, ainsi que de toute somme pouvant lui revenir à titre de gratification, de prime ou de treizième salaire.

Pour arriver au montant de 2'455 fr., l'Office a déduit des revenus mensuels nets du poursuivi ses dépenses nécessaires, qu'il a arrêtées à 2'768 fr. (soit 850 fr. d'entretien de base, 1'300 fr. de participation au loyer, 281 fr. d'assurance maladie, 70 fr. de frais de transport, 242 fr. de surcoût lié aux repas pris hors du domicile, et 25 fr. de frais médicaux non couverts).

B. a. Par acte déposé le 6 décembre 2017 – jour de son audition par l'Office – au greffe de la Chambre de surveillance, A______ a sollicité la "mise en attente" des procédures de poursuite en cours à son encontre.

A l'appui de cette demande, il a expliqué que les poursuites portaient sur des dettes fiscales du couple qu'il formait encore avec son épouse et que, alors qu'il s'était ponctuellement acquitté de sa part des impôts, cette dernière n'en avait rien fait. Il était ainsi inéquitable qu'il soit poursuivi pour des montants devant être versés par son épouse. Une saisie le contraindrait à s'endetter pour payer ses impôts courants et risquait de lui faire perdre son emploi. Il convenait donc de suspendre la procédure de saisie le temps que le juge du divorce statue sur la charge des impôts dus par le couple.

b. Par ordonnance datée du 6 décembre 2017, la Chambre de surveillance a refusé d'accorder l'effet suspensif à la plainte, pour autant qu'il faille considérer qu'un tel effet avait été requis, et a ouvert une instruction écrite.

c. Dans ses observations datées du 8 janvier 2018, l'Office s'est considéré comme incompétent pour statuer sur la nature de la créance et sur une éventuelle suspension de la procédure de saisie.

d. Par lettre datée du 4 janvier 2018, l'Etat de Vaud s'en est rapporté à justice, tout en relevant que, quelle que soit l'issue de la procédure de divorce, A______ demeurerait solidairement responsable des dettes fiscales relatives à l'année 2015.

e. La cause a été gardée à juger le 9 janvier 2018, ce dont les parties ont été informées par avis du même jour.

C. a. Par acte déposé le 16 janvier 2018 au greffe de la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre l'avis concernant une saisie dite "arrangée" daté du 15 janvier 2018, sans prendre de conclusion formelle mais en exposant que la saisie l'empêcherait de payer ses impôts courants, le contraindrait à abandonner la formation qu'il avait entamée et risquait de lui faire perdre son emploi et de le placer dans une situation d'impasse malgré les efforts qu'il avait consentis pour rembourser ses dettes.

b. Dans ses observations datées du 7 février 2018, l'Office a conclu au rejet de la plainte. Il a en particulier expliqué avoir considéré que, compte tenu de ses revenus mensuels de 1'500 fr., la compagne du plaignant devait contribuer au paiement du loyer à hauteur de 650 fr. par mois. Il n'avait pour le surplus pas tenu compte des frais de formation invoqués, à hauteur de 400 fr. par mois, car aucun justificatif ne lui avait été remis.

c. Par lettre datée du 17 février 2018, A______ a contesté les explications de l'Office, soutenant avoir produit les pièces justificatives requises par ce dernier. Il a pour le surplus relevé que, une fois toutes ses dépenses nécessaires prises en considération, sa compagne ne pouvait contribuer au paiement du loyer.

d. Par courrier daté du 15 mars 2018, A______ a sollicité l'octroi de l'effet suspensif à sa plainte.

Par ordonnance datée du 16 mars 2018, la Chambre de surveillance a partiellement fait droit à cette requête et réduit à 1'932 fr., pour la durée de la procédure de plainte, la quotité saisissable des revenus du plaignant.

e. La cause a été gardée à juger le 7 mars 2018, ce dont les parties ont été informées par avis de la Chambre de surveillance du même jour.

EN DROIT

 

1. Les actes déposés les 6 décembre 2017 et 16 janvier 2018 par le plaignant concernent une même procédure de saisie, relative à la même série. Les griefs invoqués par le plaignant, de même que, dans la mesure où on peut les déduire de ses écrits, les conclusions prises sont par ailleurs similaires. Il se justifie ainsi de joindre les causes A/4821/2017 et A/1______ en application de l'art. 70 al. 1 LPA.

2. 2.1.1 La voie de la plainte au sens de l'art. 17 LP est ouverte contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire (al.1), ainsi qu'en cas de déni de justice ou de retard à statuer (al. 3). L'autorité de surveillance doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps (ATF 136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'Office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP).

Par mesure de l'Office, il faut entendre tout acte matériel d'autorité accompli par l'Office en exécution d'une mission officielle dans une affaire concrète, ayant pour objet la continuation ou l'achèvement de la procédure d'exécution forcée et produisant des effets externes (ATF 116 III 91 consid. 1). Ne constituent en conséquence pas des mesures sujettes à plainte la simple confirmation d'une décision déjà prise, une communication de l'Office sur ses intentions ou un avis (Erard, in CR LP, 2005, n° 10 ad art. 17 LP).

2.1.2 La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP), de retard à statuer et de déni de justice (art. 17 al. 3 LP). Une augmentation des conclusions après l'expiration du délai de plainte n'est pas admissible (arrêt du Tribunal fédéral 5A_326/2015 du14 janvier 2016 consid. 2.2).

A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3).

2.2 L'acte déposé le 6 décembre 2017 par le plaignant, intitulé "réclamation", est immédiatement consécutif à son audition du même jour par l'Office. Cette audition ne constitue toutefois pas un acte de poursuite dès lors qu'il ne produit en lui-même aucun effet externe, ne visant qu'à permettre à l'Office d'établir la situation personnelle et financière du poursuivi afin de pouvoir connaître les actifs saisissables. Les explications fournies par le plaignant à l'appui de sa demande de "mise en attente" des procédures de poursuite ne concernent au demeurant pas l'activité de l'Office mais d'autres éléments de sa situation, de nature fiscale et matrimoniale. L'unique conclusion intelligible, relative à la "mise en suspens" des poursuites en cours, n'est fondée sur aucune disposition du droit de l'exécution forcée (p. ex. art. 57, 58, 60, 61 et 62 LP) mais sur des considérations relevant de l'équité et de la cohérence de l'ordre juridique, selon la conception qu'en a le plaignant.

C'est le lieu de rappeler que, contrairement à ce que ce dernier paraît considérer, le rôle de la Chambre de céans ne consiste pas à assurer de manière générale une application équitable et cohérente de l'ensemble du droit matériel et procédural fédéral et cantonal, mais à veiller à la bonne application par les autorités de poursuite des règles légales, règlementaires et jurisprudentielles régissant l'exécution forcée des dettes d'argent. Au contraire du juge civil ou administratif (cf. art. 85a al. 2 LP), ni l'Office ni la Chambre de céans ne sauraient dès lors, de leur propre initiative et alors qu'aucun motif de suspension au sens des art. 57 et suivants LP n'est invoqué, suspendre une poursuite au stade de l'exécution de la saisie; il résulte au contraire de l'art. 89 LP que, dûment saisi d'une réquisition de continuer la poursuite, l'Office, qui ne dispose à cet égard d'aucun pouvoir d'appréciation, est tenu de procéder "sans retard" à la saisie.

Dès lors qu'elle n'est pas dirigée contre une mesure de l'Office au sens de l'art. 17 al.1 LP, la "réclamation" déposée le 6 décembre 2017 doit ainsi être déclarée irrecevable.

2.3 La plainte déposée le 16 janvier 2018 est pour sa part dirigée contre l'avis de l'Office daté de la veille, lequel fixe la quotité saisissable des revenus du plaignant et l'informe qu'il aura dorénavant à s'en acquitter en mains de l'autorité. Il s'agit là d'une mesure susceptible d'être contestée par la voie de la plainte.

L'acte déposé le 16 janvier 2018 l'a été en temps utile et respecte la forme écrite. Il comporte une motivation, quand bien même une partie des griefs invoqués ne relève pas de la compétence des autorités de poursuite. Bien qu'il ne comporte pas de conclusions formelles, on comprend que le plaignant souhaite que la décision de l'Office soit modifiée dans le sens d'une diminution de la quotité saisissable, voire de la constatation d'une insaisissabilité, ce qui, s'agissant d'une partie non assistée d'un mandataire professionnel, doit être considéré comme suffisant.

La plainte est donc recevable.

3. 3.1 Selon l'art. 93 al. 1 LP, tous les revenus du travail peuvent être saisis, déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital).

Pour fixer le montant saisissable – en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 115 III 103 consid. 1c) – l'office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; puis, après avoir déterminé le revenu global brut, il évalue le revenu net en opérant les déductions correspondant aux charges sociales et aux frais d'acquisition du revenu; enfin, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse (BlSchK 2009, p. 196 ss), respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées par l'autorité de surveillance (ci-après: NI-2018, RS/GE E 3 60.04; OCHSNER, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, 123; COLLAUD, Le minimum vital selon l'article 93 LP, in RFJ 2012 p. 299 ss, 303; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).

Les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur se composent en premier lieu d'une base mensuelle d'entretien, fixée selon la situation familiale du débiteur, qui doit lui permettre de couvrir ses dépenses élémentaires, parmi lesquelles l'alimentation, les vêtements et le linge y compris leur entretien, les soins corporels et de santé, l'entretien du logement, les assurances privées, les frais culturels et les dépenses pour l'éclairage, le courant électrique ou le gaz pour cuisiner (art. I NI-2018). D'autres charges indispensables, comme les frais de logement y compris les frais de chauffage et charges accessoires (art. II.1 et II.3 NI-2018), les dépenses indispensables à l'exercice d'une profession (art. II.4 NI-2018) ou encore les primes d'assurance-maladie obligatoire (art. II.3 NI-2018) doivent être ajoutées à cette base mensuelle d'entretien, pour autant qu'elles soient effectivement payées (Ochsner, in CR-LP, n. 82 ad art. 93 LP). En revanche, les impôts ne font pas partie du minimum vital (ATF 140 III 337 consid. 4.4 et références citées).

Dans le cadre tracé par les dispositions légales et les nombreux principes dégagés par la jurisprudence, l'Office dispose, dans la détermination du minimum vital du débiteur, d'un pouvoir d'appréciation étendu (art. 93 al. 1 LP; ATF 134 III 323 consid. 2; Ochsner, in CR LP, n. 79 ad art. 93 LP), qui lui permet de prendre en considération aussi bien les intérêts des créanciers que ceux du débiteur (ATF 119 III 70 consid. 3b; Kren Kostkiewicz, in KUKO SchKG, 2ème édition, 2014, n. 17 ad art. 93 LP). La garantie du minimum vital prévue par l'art. 93 LP ne vise pas à permettre au débiteur de préserver un train de vie correspondant aux standards communément admis, mais à empêcher que l'exécution forcée ne porte atteinte à ses intérêts fondamentaux, le menace dans sa vie ou sa santé ou lui interdise tout contact avec l'extérieur (ATF 134 III 323 consid. 2).

3.2 Dans sa plainte datée du 16 janvier 2018, le poursuivi relève les conséquences défavorables que pourrait avoir la saisie de ses revenus sur sa situation professionnelle et personnelle. Comme déjà relevé (ci-dessus consid. 2.2), la Chambre de surveillance n'est toutefois pas compétente pour juger du bien-fondé (ou du caractère équitable) des créances faisant l'objet des poursuites concernées, ni pour surseoir à l'exécution de la saisie jusqu'à droit jugé dans la procédure de divorce actuellement en cours.

Seuls seront dès lors examinés les griefs relatifs au calcul par l'Office de la quotité saisissable.

3.2.1 Le revenu mensuel net du débiteur, soit 5'225 fr. 45, est établi et non contesté. Celui de sa compagne ne résulte pour sa part pas des pièces du dossier. Dans la mesure toutefois où l'Office a retenu, conformément aux déclarations du plaignant, un revenu mensuel net de 1'500 fr., celui-ci sera admis.

3.2.2 Au vu de la jurisprudence constante, c'est à juste titre que l'Office n'a pas inclus dans les dépenses nécessaires du plaignant les impôts courants.

3.2.3 Les frais de communication, les redevances radio/télévision et les assurances privées sont compris dans le montant forfaitaire de l'entretien de base, de même que les dépenses d'alimentation. Il n'y a donc pas lieu d'en tenir compte séparément.

3.2.4 Dans la mesure où il s'acquitte du loyer et des charges du logement qu'il partage avec sa compagne (soit 1'950 fr.), le plaignant considère que la totalité de ce montant devrait être prise en compte dans ses dépenses nécessaires.

Selon la jurisprudence (ATF 130 III 765 consid. 2.4; 128 III 159 consid. 3b), le minimum vital d'un concubin doit, en l'absence d'enfants communs aux deux partenaires, être calculé séparément de celui de l'autre concubin, contrairement à ce qui est le cas pour un couple marié, des partenaires enregistrés ou des concubins ayant des enfants communs. La vie commune permettant de réaliser des économies, le montant de l'entretien de base sera, en principe, de la moitié de celui d'un couple marié. Les concubins n'assumant aucune obligation de soutien à l'égard de leur partenaire, la contribution du concubin non saisi aux charges communes ne pourra par ailleurs excéder la moitié de celles-ci. Inversement, une contribution de la part du concubin saisi aux charges communes excédant la moitié de celles-ci revêtirait le caractère d'une libéralité, de telle sorte que sa prise en compte dans les dépenses nécessaires du poursuivi léserait les créanciers poursuivants (sur l'ensemble de la problématique : Ochsner, op. cit., pp. 131-132 et 147 à 155). Le minimum vital du concubin saisi devrait donc se calculer en ajoutant à la moitié de l'entretien de base pour un couple (soit 850 fr.) la moitié des charges communes, soit essentiellement des frais de logement, et les dépenses nécessaires du débiteur lui-même (Ochsner, op. cit., p. 151 et références citées).

Cette manière de procéder s'avère toutefois peu adéquate lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, le concubin non saisi ne réalise pas de revenu ou ne réalise qu'un faible revenu, ne lui permettant pas de couvrir à la fois ses propres dépenses nécessaires et, en plus, la moitié des charges communes, au premier rang desquelles celles de logement. Il faut ainsi admettre, dans une telle situation, la possibilité pour l'Office, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, d'intégrer dans le minimum vital du concubin saisi une participation aux charges communes supérieure à la moitié de celles-ci. Afin de ne pas léser les créanciers saisissants, cette participation ne pourra toutefois excéder le montant dont il aurait raisonnablement pu être tenu compte s'il avait vécu seul.

En l'occurrence, l'Office, à juste titre, s'est écarté d'une répartition à parts égales des frais de logement au vu de la relation de concubinage stable existant entre le plaignant et sa compagne et du faible revenu de celle-ci. Il a arrêté à 1'300 fr., soit deux tiers des frais de logement globaux, la part pouvant être imputée au poursuivi. Bien que ce montant ne corresponde pas à une répartition de ces frais proportionnelle aux revenus des parties (soit 75% - 25%), il doit être confirmé dans la mesure où, selon le calculateur de loyer mis à disposition sur le site de l'Office cantonal genevois des statistiques, il se trouve dans la fourchette supérieure des loyers payés en secteur urbain pour un logement de 2 à 2,5 pièces, suffisant pour une personne vivant seule. Admettre l'imputation d'un montant plus élevé reviendrait ainsi à prendre en considération, au détriment des créanciers poursuivant, une prestation en faveur du concubin non saisi qu'aucun devoir d'entretien légal ne justifie.

La plainte est donc mal fondée sur ce point également.

3.2.5 Le plaignant reproche enfin à l'Office de ne pas avoir tenu compte des frais de la formation en ligne qu'il poursuit auprès de la F______.

Sont ajoutées à l'entretien de base, dans le cadre de la détermination du minimum vital, les dépenses "indispensables à l'exercice d'une profession", telles les frais de déplacement sur le lieu de travail, le coût supplémentaire résultant de l'obligation de prendre des repas hors du domicile ou de porter des vêtements spéciaux, etc. (art. II.4 NI-2018). La prise en charge de frais de formation est dès lors concevable lorsque celle-ci est en relation étroite avec l'exercice par le débiteur de son activité professionnelle, au point qu'il faille retenir que, sans cette formation, l'exercice de cette activité lui serait rendu considérablement plus difficile. Une formation de perfectionnement, devant permettre au débiteur d'obtenir un poste plus élevé ou une augmentation de son revenu, ne saurait en revanche être tenue pour indispensable.

Le plaignant a en l'espèce expliqué exercer une activité dans l'enseignement privé depuis huit ans, au bénéfice de contrats à durée déterminée. L'obtention d'un master en éducation lui serait toutefois indispensable pour stabiliser sa situation par la conclusion d'un contrat fixe.

Ces explications ne permettent pas de retenir le caractère indispensable de la formation entreprise par le débiteur. Selon ses propres indications, il exerce sa profession depuis huit ans sans disposer d'un master en éducation et il n'invoque pas que le renouvellement de son contrat de durée déterminée serait à bref délai mis en péril par l'absence d'un tel diplôme. Rien ne permet donc d'admettre en l'état que, sans la formation entreprise, il ne puisse plus exercer sa profession ou ne puisse plus l'exercer qu'avec des difficultés considérables.

Dans la mesure toutefois où cette formation est manifestement en relation avec l'activité professionnelle du plaignant et que celui-ci, avant d'avoir connaissance de la saisie, s'est acquitté de la totalité de l'écolage pour la première année, de telle sorte qu'il ne lui est plus possible de renoncer à cette dépense, il se justifie d'en tenir compte jusqu'à l'expiration du premier terme annuel, soit jusqu'au 21 septembre 2018. Un montant mensuel de 365 fr. (4'380 fr. 25 : 12 mois) doit donc être ajouté jusqu'à cette date à l'entretien de base et aux autres charges admises.

Une éventuelle prise en charge des frais de formation postérieurs au 21 septembre 2018 demeure envisageable si des éléments nouveaux (p. ex. une attestation de l'employeur actuel du plaignant) la font apparaître comme véritablement indispensable à la poursuite par celui-ci de son activité d'enseignant, et ce sous réserve de la preuve du montant et du paiement effectif de ces frais.

3.2.6 La plainte est ainsi très partiellement fondée. La quotité saisissable sera réduite à 2090 fr. (2'455 fr. – 365 fr.) pour la période allant du 15 janvier au 21 septembre 2018, et laissée inchangée pour la période postérieure, une adaptation à d'éventuelles circonstances nouvelles (art. 93 al. 3 LP) demeurant réservée.

4. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Joint les causes A/4821/2017 et A/1______.

Déclare irrecevable la "réclamation" déposée le 6 décembre 2017 par A______.

Déclare recevable la plainte déposée le 16 janvier 2018 par A______ contre l'avis de saisie de gains daté du 15 janvier 2018 dans la série 3______.

Au fond :

Réduit à 2'090 fr. par mois, pour la période allant du 15 janvier au 21 septembre 2018, le montant de la saisie exécutée sur le salaire de A______.

Confirme, pour la période postérieure au 21 septembre 2018, la décision attaquée, fixant à 2'455 fr. par mois le montant saisi.

Réserve une éventuelle révision fondée sur l'art. 93 al. 3 LP.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Messieurs Georges ZUFFEREY et Eric DE PREUX, juges assesseurs ; Madame Véronique PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Véronique PISCETTA

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.