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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3260/2021

DCSO/181/2022 du 06.05.2022 ( DEM ) , ADMIS

Normes : COVID-19.7; LP.72; LP.22; LP.65
En fait
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3260/2021-CS DCSO/181/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU VENDREDI 6 MAI 2022

 

Renvoi en application de l'art. 172 al. 2 LP (A/3260/2021-CS) adressé en date du 24 septembre 2021 par la Chambre civile de la Cour de justice.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

- COUR DE JUSTICE - CHAMBRE CIVILE

______

Case postale 3108

1211 Genève 3.

- A______ SARL

c/o Me C______

______, ______ [GE].

- B______ SARL

repr. par D______ SA

_______, ______ [FR].

 

- Office cantonal des poursuites.

 


EN FAIT

A. a. La société A______ SARL (depuis le 4 mai 2021 : A______ SARL EN LIQUIDATION), dont l'adresse inscrite au Registre du commerce était 1______ à E______ [GE], a pour seul associé gérant, depuis sa constitution en 2016, F______, domicilié selon le Registre du commerce à G______ (GE).

C______ a été inscrit au Registre du commerce le 18 mai 2021 en qualité de liquidateur.

b. A une date qui n'a pas été déterminée avec précision, soit vraisemblablement en septembre 2017 mais en tous les cas avant la fin de l'année 2018, F______ est parti s'installer au Portugal.

Probablement pour donner suite à une mise en demeure reçue du Registre du commerce, F______ a néanmoins indiqué à l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) avoir (re)pris domicile à Genève, en provenance de I______ (Portugal), le 5 novembre 2018 et être domicilié au 2______ à G______ [GE], chez Madame H______.

c. Selon les déclarations de cette dernière, entendue en qualité de témoin, elle avait effectivement remis en location à F______, de 2012 à juillet 2020, une partie de la grange attenant à son domicile, situé 2______ à G______. Les locaux remis en location étaient de nature commerciale, même s'il était arrivé à F______ d'y dormir. Ils disposaient d'une boîte aux lettres propre.

En 2015 ou 2016, F______ l'avait informée qu'il avait ouvert un bureau au Portugal. Depuis lors, sa présence dans les locaux sis 2______ avait été de moins en moins fréquente. Le courrier était néanmoins périodiquement relevé, par F______ ou par un ouvrier.

En 2018, F______ lui avait demandé de signer un document confirmant qu'il habitait chez elle, ce qu'elle avait accepté de faire.

A compter de cette date, elle avait personnellement reçu, dans sa propre boîte aux lettres, de plus en plus de plis adressés à F______ "c/o H______" sans qu'elle sache pourquoi. Elle mettait ces plis dans la partie de grange louée à F______, dont elle avait conservé une clé, et ne s'en occupait plus. Selon elle, ils étaient relevés de temps à autre par un ouvrier ou un ami de F______.

En juillet 2020, un ami de F______ avait vidé les locaux loués. A compter du début du mois d'août 2020, le nom de ce dernier ne figurait plus sur la boîte aux lettres propre à ces locaux.

Jusqu'en automne 2020, elle avait continué à recevoir dans sa boîte aux lettres des courriers adressés à F______ "c/o H______". Elle ne les avait pas ouverts mais les avait remis à l'ami de ce dernier ayant vidé les locaux, qui était revenu sur les lieux par la suite. Après quelques mois, par lassitude, elle avait tracé l'adresse inscrite sur les plis qui lui parvenaient et les avait retournés au bureau de poste.

B. a. Par réquisition du 19 mars 2020, B______ SARL a engagé à l'encontre de A______ SARL une poursuite tendant au recouvrement de divers montants allégués être dus au titre de plusieurs factures établies entre les 13 avril et 27 juillet 2018 et de frais de recouvrement.

Un commandement de payer, poursuite n° 3______, a été établi le 9 avril 2020 par l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office).

b. La notification ordinaire dudit commandement de payer en mains de la débitrice, à son adresse inscrite au Registre du commerce, ayant échoué, l'Office a décidé de procéder à une notification simplifiée (art. 7 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural) de l'acte en mains de F______, en sa qualité de seul associé gérant. Il a donc adressé à ce dernier par courrier A+, le 27 juillet 2020, à l'adresse 2______, un pli contenant un courrier l'avertissant de la prochaine notification en ses mains, par courrier A+ également, d'un acte de poursuite. Selon l'extrait du système "track&trace" de la Poste, ce pli a été déposé le 29 juillet 2020 dans la boîte aux lettres de l'intéressé. Le 3 août 2020, il a adressé par courrier A+ à F______, "c/o Mme H______, 2______", un pli contenant le commandement de payer lui-même. Selon l'extrait du système "track&trace" de la Poste, ce pli a été déposé le 4 août 2020 dans la boîte aux lettres de son destinataire (soit, vraisemblablement, de H______).

c. Aucune opposition n'ayant été formée dans le délai prévu par l'art. 74 al. 1 LP, l'Office a adressé à la poursuivante l'exemplaire du commandement de payer qui lui était destiné, lequel mentionnait la notification intervenue le 4 août 2020 et l'absence d'opposition.

Le 26 août 2020, la poursuivante a requis la continuation de la poursuite.

d. Après diverses péripéties, une commination de faillite a été notifiée le 25 mars 2021 à A______ SARL.

Aucune plainte au sens de l'art. 17 LP n'a été formée contre cette commination de faillite ni, consécutivement à sa notification, contre le commandement de payer notifié le 4 août 2020.

C. a. Le 28 avril 2021, la poursuivante a requis le prononcé de la faillite de A______ SARL.

b. Comparant le 3 juin 2021 par son liquidateur, A______ SARL (devenue dans l'intervalle A______ SARL EN LIQUIDATION) a conclu au déboutement de la requérante au motif que le commandement de payer ne lui avait pas été valablement notifié.

c. Par jugement JTPI/7609/2021 du 10 juin 2021, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de A______ SARL EN LIQUIDATION.

d. Le 24 juin 2021, A______ SARL EN LIQUIDATION a formé un recours contre ce jugement, concluant à son annulation au motif que la notification du commandement de payer était atteinte de nullité.

Par ordonnance du 14 juillet 2021, la Chambre civile de la Cour de justice (ci-après : la Chambre civile) a suspendu le caractère exécutoire du jugement du 10 juin 2021.

e. Par arrêt du 16 septembre 2021, la Chambre civile a transmis la cause à la Chambre de surveillance et suspendu la procédure jusqu'à droit jugé par cette dernière sur la validité de la commination de faillite. Il résulte des considérants de cette décision que la Chambre civile a considéré qu'il était possible que la notification du commandement de payer soit nulle, ce qui emporterait la nullité de la commination de faillite elle-même. Il convenait donc, conformément à l'art. 173 al. 2 LP, de suspendre la procédure et de transmettre la cause à l'autorité de surveillance de l'Office, soit la Chambre de céans, afin de trancher cette question.

f. Les parties et l'Office ont été invités à se déterminer par courriers du 5 octobre 2021.

g. Par mémoire du 19 octobre 2021, A______ SARL EN LIQUIDATION a conclu à la constatation de la nullité de la notification du commandement de payer, poursuite n° 3______, et de celle des actes de poursuite postérieurs, dont la commination de faillite. Selon elle, le commandement de payer aurait dû être notifié dans les bureaux de la poursuivie, sis 1______ à E______, et non en mains de son associé-gérant, lequel ne se trouvait au demeurant pas en Suisse au moment de la notification.

h. Par détermination du 19 octobre 2021, B______ SARL a conclu à ce qu'il soit constaté que tant la notification du commandement de payer que celle de la commination de faillite étaient valables. Elle a soutenu qu'un commandement de payer pouvait être notifié d'emblée au domicile privé d'un représentant au sens de l'art. 65 al. 1 ch. 2 LP et que, dans cette hypothèse, il pouvait être remis à une personne adulte de son ménage, ce qui paraissait être le cas de H______. En tout état, un vice de notification ne rendait celle-ci nulle que si l'acte ne parvenait pas en mains du poursuivi. Or, dans le cas d'espèce, la poursuivie avait eu connaissance du contenu du commandement de payer le 25 mars 2021 lorsque la commination de faillite lui avait été valablement notifiée. La notification prétendument viciée n'était donc qu'annulable et il aurait appartenu à la poursuivie de faire valoir le vice allégué par une plainte déposée dans les dix jours suivant la notification de la commination de faillite.

i. Dans ses observations du 26 octobre 2021, l'Office a de même conclu à la validité de la commination de faillite, considérant que la notification du commandement de payer était intervenue valablement par la voie de la procédure simplifiée prévue par l'art. 7 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural et qu'en tout état un éventuel vice entachant cette notification avait été guéri par l'inaction de la poursuivie après qu'elle avait eu connaissance, avec la notification de la commination de faillite, du contenu dudit commandement de payer.

Répondant à un argument soulevé par A______ SARL, l'Office a en outre indiqué avoir – dans le cadre d'une procédure de plainte et en application de l'art. 17 al. 4 LP – spontanément admis, au vu de la carence organisationnelle de A______ SARL et de l'absence de son unique associé gérant F______ en septembre et en octobre 2020, l'opposition formée tardivement à un commandement de payer notifié en octobre 2020 et annulé en conséquence la commination de faillite notifiée par la suite dans le cadre de la même poursuite.

j. La Chambre de surveillance a tenu une audience le 29 mars 2022, à la suite de laquelle la cause a été gardée à juger.

DROIT

1. 1.1 Lorsque le juge de la faillite estime qu'une décision nulle a été rendue dans la procédure de poursuite antérieure à la réquisition de faillite, il ajourne sa décision et soumet le cas à l'autorité de surveillance (art. 173 al. 2 LP), soit à Genève à la Chambre de céans.

1.2 Dans le cas d'espèce, la Chambre de surveillance a été saisie par la Chambre civile de la Cour de justice, qui est l'autorité compétente en matière de recours contre les jugements de première instance déclarant la faillite (art. 120 al. 1 let. a LOJ cum art. 319 let. a CPC), aux fins de statuer sur la validité de la commination de faillite notifiée le 25 mars 2021.

Il y a donc lieu d'entrer en matière.

2. La poursuivie fait en premier lieu valoir que la notification du commandement de payer intervenue le 4 août 2020 serait viciée, ce que contestent tant la poursuivante que l'Office.

2.1.1 Un commandement de payer est un acte de poursuite qui doit faire l'objet d'une communication revêtant la forme qualifiée de la notification (art. 72 LP). Telle que décrite aux art. 64 à 66 et 72 LP, cette notification consiste en la remise directe par le préposé, un employé de l'office des poursuites ou par la poste de l'acte en mains du poursuivi ou, en l'absence de ce dernier, en mains d'une personne de remplacement désignée par la loi et aux lieux prévus par la loi, ce qui exclut la remise de l'acte dans une boîte aux lettres (ATF 117 III 7 consid. 3b) ou une case postale (ATF 116 III 8 consid. 1a).

Entre les 20 avril 2020 et 31 décembre 2021, les règles régissant la notification ont toutefois été modifiées par l'art. 7 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural, lequel prévoit la possibilité de notifier des actes de poursuite (et notamment des commandements de payer) "contre une preuve de notification qui n'implique pas la remise d'un reçu" (art. 7 al. 1 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural) à deux conditions cumulatives. D'une part, cette notification doit avoir été précédée d'une première tentative infructueuse de notification par la voie ordinaire ou que dans un cas d'espèce elle serait d'emblée vouée à l'échec en raison de circonstances particulières (art. 7 al. 1 let. a Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural dans sa teneur en vigueur jusqu'au 25 septembre 2020); d'autre part, le destinataire doit avoir été informé de la notification par communication téléphonique au plus tard le jour précédant la notification ou on peut supposer qu'il a été informé par écrit ou par courrier électronique au plus tard le jour précédant la notification (art. 7 al. 1 let. b Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural dans sa teneur en vigueur jusqu'au 25 septembre 2020). Pour autant que ces conditions soient réalisées, la preuve de notification mentionnée à l'al. 1 remplace le procès-verbal de notification prévu par l'art. 72 al. 2 LP (art. 7 al. 2 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural).

Lorsqu'elle est donnée par écrit, l'information relative à la notification prochaine d'un acte de poursuite est considérée comme notifiée lorsqu'elle se trouve dans la sphère de puissance du destinataire, sans qu'il soit nécessaire que celui-ci réceptionne effectivement l'envoi ou en prenne connaissance. Dans le cas d'un courrier envoyé sous pli A+, l'enregistrement effectué dans le système "track&trace" de la Poste au moment du dépôt de l'envoi dans la boîte aux lettres ou la case postale du destinataire constitue un indice que la distribution est effectivement intervenue à ce moment-là, et donc que l'avis est entré dans la sphère de puissance de son destinataire. Même si une erreur de distribution ne peut d'emblée être exclue, elle ne doit être retenue que si elle paraît plausible au vu des circonstances : si le destinataire, dont la bonne foi est présumée, se prévaut d'une erreur de distribution, il lui appartient d'exposer de manière claire les circonstances permettant d'admettre avec une certaine vraisemblance cette hypothèse, des considérations purement hypothétiques n'étant pas suffisantes (arrêt du Tribunal fédéral 5A_305/2021 du 4 octobre 2021 consid. 4.4 et 4.5 et références citées).

Quant à la notification elle-même de l'acte de poursuite, elle peut également, selon l'art. 7 al. 1 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural, intervenir par courrier A+ (Commentaire des dispositions de l'Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural p. 8; instruction n° 7 du service Haute surveillance LP § 10). Lorsque l'acte à notifier est un commandement de payer, la preuve de notification sans reçu – soit, dans le cas d'une notification par envoi A+, l'enregistrement effectué dans le système "track&trace" de la remise du pli dans la boîte aux lettres ou la case postale du destinataire – remplace l'attestation de notification visée à l'art. 72 al. 2 LP (art. 7 al. 2 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural). Le délai d'opposition prévu par l'art. 74 al. 1 LP commence ainsi à courir à compter de l'entrée du commandement de payer dans la sphère de puissance du débiteur, que celui-ci en ait ou non effectivement connaissance.

2.1.2 L'art. 65 LP dresse une liste des personnes qui sont réputées être les destinataires directs autorisés à recevoir des actes de poursuite dirigés contre les personnes morales ou les sociétés. Le but de cette disposition est, compte tenu des lourdes conséquences attachées à la notification d'un acte de poursuite, de garantir une notification effective à l'un ou l'autre des représentants autorisés afin qu'il puisse, par exemple pour le commandement de payer, examiner l'opportunité d'y former opposition en pleine connaissance de cause (ATF 118 III 10 consid. 3a, JdT 1994 II 119; 117 III 10 consid. 5a; 116 III 8 consid. 1b).

S'agissant des sociétés anonymes, l'art. 65 al. 1 ch. 2 LP prescrit que les actes de poursuite doivent être notifiés à leur représentant, c'est-à-dire à un membre de l'administration, à un directeur ou à un fondé de procuration. Est déterminant à cet égard le fait que le représentant soit inscrit ès qualités au registre du commerce, sans qu'il soit nécessaire qu'il dispose d'un pouvoir de signature individuel (Jaques, De la notification des actes de poursuite, in BlSchK 2011 pp. 177 ss., § 4.3).

La notification à un représentant de la personne morale ne doit pas nécessairement être faite dans le bureau de celle-ci. Elle peut notamment intervenir, sans qu'une tentative préalable ait été effectuée dans les bureaux de la personne morale, au domicile privé du représentant désigné par l'art. 65 al. 1 ch. 2 LP (ATF 134 III 112 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_167/2013 du 29 août 2013 consid. 3.1).

2.1.3 Le domicile d'une personne est au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir (art. 23 al. 1 CC). Nul ne peut avoir en même temps plusieurs domiciles (art. 23 al. 2 CC).

Pour savoir quel est le domicile d'une personne physique, il faut tenir compte de l'ensemble de ses conditions de vie, le centre de son existence se trouvant à l'endroit, lieu ou pays, où se focalisent un maximum d'éléments concernant sa vie personnelle, sociale ou professionnelle, de sorte que l'intensité des liens avec ce centre l'emporte sur les liens existant avec d'autres endroits. Ce qui est déterminant n'est pas la volonté intime de l'intéressé, mais son intention manifestée objectivement et de manière reconnaissable pour les tiers (ATF
125 III 100 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 7B.207/2003 du 25 septembre 2003 cons. 3.2).

2.2 Dans le cas d'espèce, il résulte du dossier que, saisi de la réquisition de poursuite déposée par la poursuivante, l'Office a procédé à une première tentative de notification du commandement de payer par la voie ordinaire, dans les bureaux de la société poursuivie. Cette tentative ayant échoué, l'Office était en principe fondé, en application de l'art. 7 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural, à procéder à la notification par la voie simplifiée prévue par cette disposition.

Conformément aux jurisprudences rappelées ci-dessus, cette notification pouvait par ailleurs intervenir en mains de F______, qui était alors le seul représentant – au sens de l'art. 65 al. 1 ch. 2 LP – de la société poursuivie.

En revanche, la validité de la notification facilitée elle-même doit être niée, pour un double motif.

D'une part, les auditions du témoin H______ et du liquidateur de la débitrice ont établi que l'unique organe de cette dernière, F______, avait déplacé son domicile au Portugal au plus tard dans le courant de l'année 2018. Certes, au mois de novembre de la même année, il avait annoncé à l'OCPM, probablement pour répondre à une mise en demeure du Registre du commerce, avoir (re)pris domicile à Genève, indiquant pour adresse 2______ à G______, chez Madame H______; il s'agissait toutefois là, comme l'instruction l'a démontré, d'un domicile fictif dès lors que les locaux dont il disposait à l'adresse indiquée étaient de nature commerciale et que F______ n'y a jamais résidé, n'y passant qu'occasionnellement la nuit. Or, dans la mesure où il ne disposait plus à Genève ni de domicile ni de résidence, et qu'il n'avait pas valablement élu domicile chez un tiers, une notification du commandement de payer par voie postale n'était pas possible.

D'autre part, et même à supposer que l'art. 7 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural autorise une notification par voie postale à une adresse ne correspondant ni au domicile, le cas échéant élu, ni à la résidence du destinataire, il n'est pas établi que le pli contenant le commandement de payer aurait effectivement été délivré à cette adresse. Il résulte en effet des déclarations du témoin H______ que les locaux occupés jusqu'en juillet 2020 par F______ disposaient de leur propre boîte aux lettres, dans laquelle était en principe déposé le courrier qui lui était destiné, dont en particulier l'avis de notification simplifiée du 27 juillet 2020, distribué le 29 juillet 2020 selon le système "track&trace" de la Poste. A compter de la fin du bail en juillet 2020 toutefois, le nom de F______ n'a plus figuré sur ladite boîte aux lettres, de telle sorte que le pli contenant le commandement de payer, délivré selon l'extrait du système "track&trace" de la Poste le 4 août 2020, a vraisemblablement été déposé non pas dans l'ancienne boîte aux lettres de son destinataire mais dans celle de H______, soit à une adresse qui n'était pas celle du destinataire de l'acte. Le fait que F______ ait lui-même indiqué à l'OCPM, avec l'accord de l'intéressée, résider chez H______ ne change rien à ce qui précède, une telle déclaration adressée à l'autorité chargée de tenir le registre de la population ne valant pas élection de domicile à l'égard de l'Office.

Il doit ainsi être retenu que la notification du commandement de payer était atteinte d'un vice.

3. Il convient encore d'examiner si ce vice a entraîné la nullité de la notification, comme le soutient la poursuivie, ou son annulabilité, comme l'invoquent la poursuivante et l'Office.

3.1 Un vice affectant la procédure de notification entraîne la nullité de cette dernière si l'acte notifié n'est pas parvenu à la connaissance du débiteur (ATF
110 III 9 consid. 2). Si en revanche, malgré ce vice, le débiteur a connaissance de l'acte notifié ou de son contenu essentiel, la notification n'est qu'annulable (ATF 128 III 101 consid. 2). Le délai pour former une plainte (art. 17 al. 2 LP), comme celui pour former opposition si l'acte notifié était un commandement de payer, commence alors à courir au moment de cette prise de connaissance (ATF
128 III 101 consid. 2).

3.2.1 Dans le cas d'espèce, aucun élément du dossier ne permet de retenir que la poursuivie, respectivement son associé gérant, aient eu connaissance du commandement de payer ou de son contenu essentiel avant la notification de la commination de faillite, intervenue le 25 mars 2021.

Il doit en revanche être admis que, par cette notification, la poursuivie a eu connaissance du contenu essentiel du commandement de payer. Selon l'art. 160 al. 1 ch. 1 LP en effet, la commination de faillite doit énoncer les indications prescrites pour la réquisition de poursuite – lesquelles doivent être reprises sur le commandement de payer en application de l'art. 69 al.2 ch. 1 LP – soit en particulier les noms et domiciles des créancier et débiteur, le montant en valeur légale suisse de la créance invoquée et, si des intérêts sont réclamés, leur taux et le jour à compter duquel ils courent, ainsi que les titre et date de cette créance ou, en l'absence de titre, la cause de l'obligation (art. 67 al. 1 ch. 1 à 4 LP). La commination de faillite mentionne par ailleurs le numéro de la poursuite ainsi que la date de notification du commandement de payer (art. 160 al. 1 ch. 2 LP).

Même tardive, cette prise de connaissance du contenu essentiel du commandement de payer par la poursuivie a pour conséquence d'exclure la nullité de la notification de cet acte (Angst/Rodriguez, in BSK SchKG 1, 3ème édition, 2021, N 23 ad art. 64 LP; arrêt de l'autorité supérieure du canton de Vaud du 25 juillet 2005, in BlSchKG 2006 p. 197; arrêt de l'autorité de surveillance du canton de Bâle-Ville du 25 août 2003, in BlSchKG 2004 p. 184). Celui-ci n'était ainsi qu'annulable et, si elle avait entendu se prévaloir du vice ayant entaché la procédure de notification pour obtenir son annulation, la poursuivie aurait dû former une plainte dans les dix jours (art. 17 al. 2 LP) de la notification de la commination de faillite. Ne l'ayant pas fait, elle ne peut aujourd'hui invoquer ce vice comme cause de nullité de la notification du commandement de payer.

En résumé, le commandement de payer notifié le 4 août 2020 n'est pas nul et, faute d'avoir fait l'objet en temps utile d'une plainte au sens de l'art. 17 LP, ne peut être annulé. Il déploie donc tous ses effets nonobstant le vice ayant affecté la procédure de notification.

3.2.2 Pour la poursuivie, la nullité de la commination de faillite résultait de l'absence de commandement de payer entré en force, dès lors que celui notifié le 4 août 2020 était à son sens lui-même atteint de nullité.

Il résulte cependant des motifs développés ci-dessus que ce commandement de payer n'était qu'annulable et qu'en conséquence, en l'absence de plainte déposée en temps utile à son encontre, il déployait tous ses effets.

Il n'est par ailleurs pas contesté que ce commandement de payer n'a fait l'objet d'aucune opposition, que ce soit dans les dix jours de sa notification ou dans les dix jours de sa prise de connaissance par la poursuivie. Il est donc réputé entré en force.

Ce point étant établi, la poursuivie ne conteste pas que la poursuivante ait valablement requis la continuation de la poursuite (art. 88 al. 1 LP) et ne soutient pas que ce serait à tort que l'Office aurait donné suite à cette réquisition de continuer la poursuite par l'établissement d'une commination de faillite (art. 39 al. 1 ch. 6 et 159 LP) conforme aux exigences légales (art. 160 LP). Elle ne prétend enfin pas que cette commination de faillite ne lui aurait pas été notifiée conformément aux dispositions légales.

Il ne résulte enfin pas du dossier, et la poursuivie ne l'allègue pas, qu'une plainte aurait été formée en temps utile contre la commination de faillite.

Celle-ci n'est donc pas nulle, ce qui sera constaté.

4. La procédure est gratuite et ne donne pas lieu à l'octroi de dépens (art. 20a al. 1 ch. 5 LP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Entre en matière sur la question de la nullité de la commination de faillite, poursuite n° 3______, selon arrêt ACJC/1174/2021 prononcé le 16 septembre 2021 par la Chambre civile de la Cour de justice dans la cause C/4______/2021.

Au fond :

Constate que la commination de faillite, poursuite n° 3______, notifiée le 25 mars 2021 n'est pas nulle.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI et Monsieur Jean REYMOND, juges Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.