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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/788/2013

DCSO/101/2013 du 18.04.2013 ( PLAINT ) , ADMIS

Recours TF déposé le 06.05.2013, rendu le 26.09.2013, DROIT PUBLIC
Descripteurs : Déni de justice; Demande de reconsidération; Obligation de transmettre; For de la poursuite; Changement de domicile; Avis de saisie.
Normes : LP.17.3; LP.32.2; LP.46.1; LP.53
Résumé : Faute de décision expresse et écrite refusant la demande de reconsidération, le plaignant n'est pas forclos à se plaindre d'un déni de justice. Malgré la modification de l'art. 32 al. 2 LP suite à l'entrée en vigueur du CPC, la pratique selon laquelle l'Office doit transmettre à la CSO une demande de reconsidération qu'il rejette doit être maintenue. Faute de changement de domicile, le for de la poursuite est demeuré à Genève et l'OP ne pouvait pas rendre un non-lieu de saisie. Recours au TF interjeté le 6 mai 2013 par le débiteur, rejeté par arrêt du 26 septembre 2013 (5A_335/2013).
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/788/2013-CS DCSO/101/13

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU jeudi 18 avril 2013

 

Plainte 17 LP (A/788/2013-CS) formée en date du 6 mars 2013 par l'ETAT
DE GENÈVE, élisant domicile en l'étude de Me Laurent MARCONI, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

- ETAT DE GENÈVE,
Département des finances,
Direction générale des finances de l'Etat,
Service du contentieux
c/o Me Laurent MARCONI, avocat
Avenue de Champel 24
Case postale 123
1211 Genève 12

- M. T______

- Office des poursuites.

 


EN FAIT

A. a. Le 31 mars 2010, l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui le Département des finances, Direction générale des finances de l'Etat, Service du contentieux,
a requis une poursuite à l'encontre de M. T______, xx, rue Z______, 12xx Genève, en recouvrement des sommes de 5'684'804 fr. 59, avec intérêts à 5% l'an dès le 18 février 2009, au titre d'un certificat d'insuffisance de gage délivré le 1er septembre 2009 dans la poursuite n° 05 xxxx17 B, et de
4'996'927 fr. 49, avec intérêts à 5% dès le 18 février 2009, au titre d'un certificat d'insuffisance de gage délivré le 26 janvier 2010 dans la poursuite
n° 05 xxxx16 C.

b. Le 20 avril 2010, l'Office des poursuites (ci-après: l'Office) a établi un commandement de payer, poursuite n° 10 xxxx85 F, qu'il a notifié le 6 mai 2010 à M. T______, lequel y a formé opposition. Le procès-verbal de notification figurant au verso de l'acte mentionne ce qui suit: "Pris connaissance, mais refusé de prendre possession de l'acte de poursuite. Domicilié en France chez celui-ci et le créancier connaît le domicile de celui-ci."

M. T______ n'a pas formé plainte contre la notification du commandement de payer considéré.

c. Par jugement rendu par défaut le 28 juin 2010 (JTPI/8772/2010), le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée par M. T______ au commandement de payer, poursuite n° 10 xxxx85 F.

M. T______ a formé opposition audit jugement. Par jugement du
2 novembre 2010 (JTPI/19200/2010), cette opposition a été déclarée infondée et le jugement de mainlevée rendu par défaut le 28 juin 2010 confirmé. Le 3 mars 2011, la Cour de justice a rejeté l'appel formé par M. T______ à l'encontre de ce jugement (ACJC/307/2011), rappelant que le moyen pris de ce que la poursuite a été introduite ou est continuée à un for irrégulier relève non du juge de mainlevée, mais exclusivement de l'autorité de surveillance, agissant sur plainte au sens de l'art. 17 LP.

d. Le 10 mars 2011, l'ETAT DE GENÈVE a requis la continuation de la poursuite n° 10 xxxx85 F.

e. Le 22 mars 2011, l'Office a expédié, sous plis simple et recommandé, un avis de saisie à M. T______ à l'adresse du xx, rue Z______ à Genève.

Lesdits plis ont été retournés à l'Office par La Poste avec la mention suivante: "Le destinataire est introuvable à l'adresse indiquée."

f. Le 17 juin 2011, l'Office a expédié à l'ETAT DE GENÈVE, à l'attention de son conseil, un procès-verbal de non-lieu de saisie.

Cet acte mentionne notamment ce qui suit:

"L'Office des poursuites ne peut procéder à une saisie pour les motifs suivants:

Suite à un constat au xx, rue Z______ - 12xx Genève, il appert que le débiteur ne réside plus à cette adresse.

A noter que les différents courriers envoyés à l'adresse énoncée ci-dessus, ont été retournés par la poste à l'Office avec la mention "le destinataire est introuvable à l'adresse indiquée".

Dès lors, l'Office a procédé à diverses demandes bancaires, lesquelles se sont toutes révélées négatives.

De plus, après vérifications auprès de l'Office cantonal de la population, il s'avère que le débiteur n'est plus résident à Genève depuis le 31.12.2004, la mention "quitté" est inscrite dans leur fichier (destination V______, France).

Pour toutes ces raisons, le présent non-lieu est établi.

Genève, le 7 juin 2011."

Ce procès-verbal a été reçu par le conseil de l'ETAT DE GENÈVE en date du
20 juin 2011.

g. Par courrier recommandé du 27 juin 2011 adressé à l'Office, le conseil de l'ETAT DE GENÈVE a sollicité que la décision de non-lieu de saisie soit reconsidérée et qu'une nouvelle notification d'un avis de saisie soit tentée, au besoin en recourant à l'assistance de la force publique. Subsidiairement, ledit conseil requérait la délivrance d'un acte de défaut de biens.

A l'appui de sa demande de reconsidération, l'ETAT DE GENÈVE énonçait certains éléments factuels qu'il estimait être de nature à démontrer que, nonobstant le dépôt de ses papiers à V______ en France, M. T______ était effectivement domicilié à Genève au xx, rue Z______.

Le courrier en cause se terminait ainsi: "Enfin, si vous n'entendiez pas donner suite à la reconsidération requise, je vous prie de considérer la présente comme valant plainte 17 LP contre le procès-verbal de non-lieu de saisie du 7 juin 2011 et de l'acheminer à l'Autorité compétente, mon mandant se réservant d'en compléter la motivation."

h. Dans le cadre d'une plainte formée par un autre créancier de M. T______ contre un procès-verbal de non-lieu de notification du commandement de payer dressé par l'Office faute de for de poursuite à Genève, l'Autorité de surveillance des Offices des poursuites et des faillites (actuellement la présente Chambre de surveillance) a, par décision du 7 juillet 2011 (DCSO/209/2011), annulé l'acte attaqué et a invité l'Office à donner suite à la réquisition de poursuite du créancier plaignant.

L'Autorité de surveillance a notamment retenu l'existence d'éléments conduisant à considérer que M. T______ n'avait pas déménagé de manière effective à V______ (Ain/France), mais qu'il était resté domicilié à Genève au xx, rue Z______. Pour parvenir à cette conclusion, elle s'est basée sur les déclarations de Mme A______, compagne de M. T______, et de M. R______, gardien du Domaine de J______ sis à V______, ainsi que sur le rapport de la société C______ SA, mandatée par le créancier plaignant, confirmé en audience par son auteur M. C______, détective privé.

M. T______ n'a pas recouru au Tribunal fédéral contre cette décision.

i. Le 7 septembre 2011, l'Office a transmis à Me Pierre de PREUX, conseil genevois de M. T______, deux convocations destinées à ce dernier.

j. Par courrier du 15 septembre 2011, Me Pierre de PREUX a informé l'Office que son client était domicilié en France et que l'adresse du xx, rue Z______, à Genève, était celle où habitait la mère de sa fille. Il n'y avait ni sa résidence, ni de locaux professionnels. Ledit conseil sollicitait dès lors l'annulation des convocations en cause.

k. Par courrier du 1er novembre 2011, Me Pierre de PREUX a encore transmis à l'Office une attestation délivrée le 22 juin 2010 par la Mairie de V______ (Ain/France), aux termes de laquelle M. T______ est domicilié au lieudit "J______" à V______ depuis janvier 2005.

l. Par courrier du 1er novembre 2011, demeurant sans nouvelles suite à l'envoi de son courrier du 27 juin 2011, le conseil de l'ETAT DE GENÈVE a relancé l'Office.

m. Suite à ce courrier, l'Office affirme avoir, en novembre 2011, verbalement informé le conseil de l'ETAT DE GENÈVE que le complément d'instruction qu'il avait mené avait abouti au même constat, à savoir que M. T______ n'était pas domicilié à Genève.

n. Par décision du 11 octobre 2012 (DCSO/390/12), la Chambre de céans a rejeté la plainte formée par M. T______ dans le cadre de la poursuite
n° 11 243007 P dirigée à son encontre par l'ETAT DE GENÈVE, Administration fiscale cantonale. La Chambre de céans a notamment retenu que le plaignant n'avait pas fourni d'indices nouveaux permettant de considérer qu'il était domicilié en France. Il y avait dès lors lieu de s'en tenir à la décision rendue le
7 juillet 2011, qui avait retenu l'existence d'un domicile à Genève.

M. T______ n'a pas recouru au Tribunal fédéral contre cette décision.

o. Le 21 février 2013, faisant suite à ses courriers des 27 juin et 1er novembre 2011, ainsi qu'à "un entretien téléphonique dans l'intervalle [lui] indiquant que des démarches en vue de la saisie étaient en cours", le conseil de l'ETAT
DE GENÈVE a prié l'Office de le tenir informé du suivi de cette affaire et de lui transmettre le procès-verbal de saisie et/ou l'acte de défaut de biens qui devait en résulter.

p. Par courrier du 25 février 2013, reçu le 1er mars 2013 par le conseil de l'ETAT DE GENÈVE, l'Office a "informé" ce dernier qu'un procès-verbal de non-lieu de saisie lui avait été adressé en date du 17 juin 2011 et lui en a remis une copie.

B. a. Par acte déposé le 6 mars 2013 au greffe de la Cour de justice, l'ETAT
DE GENÈVE a formé plainte pour déni de justice, avec demande d'effet suspensif.

L'ETAT DE GENÈVE conclut à l'annulation du procès-verbal de non-lieu de saisie du 7 juin 2011 et à ce qu'il soit ordonné à l'Office de procéder aux saisies et démarches qui s'imposent, cas échéant à la délivrance d'un acte de défaut de biens.

L'ETAT DE GENÈVE considère qu'en ignorant les nouveaux éléments et les arguments contenus dans le courrier de son conseil du 27 juin 2011, sans pour autant le transmettre à la Chambre de céans, comme l'art. 32 al. 2 LP l'y obligeait, l'Office a généré une situation de déni de justice. Il y avait désormais lieu que sa plainte déposée le 27 juin 2011 pour violation de l'art. 46 al. 1 LP soit instruite.

A cet égard, l'ETAT DE GENÈVE allègue que lors du dépôt de la réquisition de poursuite, le 31 mars 2010, bien que M. T______ ait annoncé son départ de Genève pour la France, avec effet au 31 décembre 2004, il continuait depuis lors à résider au xx, rue Z______, à Genève. A cette adresse résidaient également sa fille mineure et la mère de celle-ci. M. T______ exerçait en outre sa profession à Genève au sein de R______ SA. Durant la période concernée, il faisait également de la politique au sein du X______. Au vu de ces éléments, le domicile français de M. T______ apparaissait comme purement fictif. Le for ordinaire de la poursuite étant à Genève, c'était donc à juste titre que l'Office avait reconnu sa compétence. L'Office était toutefois par la suite revenu à tort sur sa décision, sur la seule base du dépôt des papiers de M. T______ en France. La domiciliation administrative de ce dernier en France n'était pas un fait nouveau, mais un fait que l'Office avait sciemment ignoré en acceptant de donner suite à la réquisition de poursuite, de sorte qu'il ne pouvait plus changer d'avis pour ce seul motif. De surcroît, de nouveaux éléments venaient confirmer que le domicile réel de M. T______ était à Genève, soit notamment que la résidence de ce dernier dans l'immeuble du xx, rue Z______ était l'appartement du 1er étage sur la porte duquel figure une plaque au nom de L______ SA, société dont il est l'ayant droit économique.

b. L'effet suspensif sollicité a été refusé par ordonnance du 7 mars 2013 et un délai au 22 mars 2013 a été imparti à M. T______ et à l'Office pour se déterminer sur la plainte. L'ordonnance destinée à M. T______ a été notifiée à Me Pierre de PREUX.

c. Après avoir consulté le dossier au greffe le 8 mars 2013, Me Pierre de PREUX a, par courrier du 13 mars 2013, informé la Chambre de céans qu'il n'était pas constitué pour la défense des intérêts de M. T______ dans le cadre de la présente procédure de plainte, ce dernier n'entendant en l'état pas le mandater à cette fin. Pour le surplus, il a indiqué que l'adresse officielle de M. T______ était au Domaine de J______ à V______ en France, adresse qui était connue de l'ETAT DE GENÈVE, qui l'utilisait depuis des années comme adresse de notification.

d. Par avis du 14 mars 2013, le greffe de la Chambre de céans a transmis la plainte à M. T______ à l'adresse de notification indiquée par Me Pierre de PREUX dans son courrier du 13 mars 2013. Le délai au 22 mars 2013 pour se déterminer sur la plainte a été maintenu.

e. Dans son rapport du 20 mars 2013, l'Office a conclu, principalement, à l'irrecevabilité de la plainte et, subsidiairement, à son rejet.

f. M. T______ n'a pas procédé dans le délai imparti à cet effet.

g. Les parties ont été informées que l'instruction de la cause était close par avis du greffe de la Chambre de céans du 26 mars 2013.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures non attaquables par la voie judiciaire ou, comme en l'espèce, pour déni de justice ou retard injustifié (art. 17 al. 1 et 2 LP).

La plainte doit être formée dans les 10 jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Une plainte pour déni de justice ou retard injustifié peut en revanche être formée en tout temps (art. 17 al. 3 LP).

1.2 Le déni de justice visé par l'art. 17 al. 3 LP ne consacre pas une violation de la loi puisque, dans ce cas de figure, l'autorité n'applique ni ne viole la loi: elle n'agit pas. Toutefois – et en cela la situation n'est pas admissible – ce refus (exprès ou tacite) d'agir va à l'encontre du droit de l'administré d'obtenir de l'autorité qu'elle prenne une décision comme le prévoit la loi, soit qu'elle en ait été requise, soit qu'elle doive agir d'office (Jeandin, La plainte, FJS 679, p. 7).

En l'espèce, le plaignant reproche à l'Office de ne pas avoir transmis à la Chambre de céans sa demande de reconsidération pour valoir plainte, alors qu'il l'avait expressément requis et que l'art. 32 al. 2 LP l'y obligeait. Il justifie ainsi d'un intérêt suffisant au regard de l'art. 17 al. 3 LP.

Sa plainte satisfait pour le surplus aux exigences de forme et de contenu prescrites par la loi (art. 9 al. 1 LaLP et art. 65 al. 1 et 2 LPA applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP).

2.                  L'Office considère que la plainte devrait être considérée comme tardive et, partant, irrecevable. Le plaignant aurait en effet été informé verbalement – soit par un téléphone si l'on se réfère au courrier du plaignant du 21 février 2013 – en novembre 2011 du fait que l'Office n'entendait pas revenir sur sa décision de non-lieu de saisie. Le plaignant aurait dû agir dans les 10 jours de cette communication verbale (art. 17 al. 2 LP). En attendant la réception d'un "courrier d'information" de l'Office du 25 février 2013, le plaignant aurait tardé à agir.

2.1 La possibilité d'agir en tout temps par la voie de la plainte ne vaut qu'en cas de déni de justice formel. En revanche, lorsque l'office commet un déni de justice matériel en rendant une décision négative, le délai de 10 jours de l'art. 17 al. 2 LP s'applique (Cometta/Möckli, BaK, SchKG-I, 2ème éd., 2010, n. 25 et 54 ad art. 17 LP).

Ainsi, si l'autorité de poursuite ou l'organe de l'exécution forcée refuse clairement une mesure déterminée par une décision expresse, écrite et communiquée aux intéressés, la personne concernée ne conserve le droit de porter plainte pour déni de justice au moment qui lui conviendra que si l'autorité n'a pas motivé son refus ou s'il est clair que les raisons indiquées n'ont rien de commun avec les conditions dont la loi fait dépendre la mesure en question (ATF 77 III 79 = JdT 1952 II 57; 80 III 135 = JdT 1955 II 26).

Si l'office refuse la mesure pour des motifs déterminés découlant du droit régissant la procédure, on est toujours en présence d'une décision qui, si elle ne viole pas des intérêts publics ou des intérêts de personnes étrangères à la poursuite et n'est donc pas frappée de nullité absolue, ne peut être attaquée que dans le délai de l'art. 17 al. 2 LP (ATF 97 III 32 = JdT 1971 II 125).

Doivent être considérées comme des décisions de l'office non seulement les dispositions et les mesures prises par cet organe qui doivent être attaquées, conformément à l'art. 17 al. 2 LP, dans les 10 jours dès qu'elles sont connues dans la mesure où elles ne doivent pas passer en force, mais aussi le rejet d'une disposition ou d'une mesure requise par les intéressés dans la mesure où le rejet est exprimé expressément ou qu'il ressort sans équivoque de la manière de procéder de l'office (ATF 109 III 14 = JdT 1985 II 106).

2.2 En l'espèce, l'Office n'a pas signifié en novembre 2011 son refus de reconsidérer le non-lieu de saisie par une décision expresse, écrite et communiquée au plaignant. Il s'est contenté d'une simple communication téléphonique, dont la teneur apparaît au demeurant contestée. Une telle communication ne saurait donc faire partir le délai de 10 jours de l'art. 17 al. 2 LP. Ce n'est qu'ainsi qu'à réception du courrier de l'Office du 25 février 2013, que le plaignant a pu clairement comprendre que la décision dont il demandait la reconsidération était maintenue.

Il suit de là que la présente plainte, formée le 6 mars 2013, est recevable et qu'il convient d'entrer en matière.

3.                  3.1 L'art. 32 al. 2 LP a été modifié par le ch. II 17 de l'annexe 1 au Code de procédure civile du 19 décembre 2008 (RO 2010 1739; FF 2006 6841).

La nouvelle teneur de cette disposition, en vigueur depuis le 1er janvier 2011, se lit comme suit: "Le délai est observé lorsqu’un office des poursuites ou un office des faillites incompétent [au lieu de, jusqu'au 31 décembre 2010: "une autorité incompétente"] est saisi en temps utile; celui-ci transmet la communication sans retard à l'office compétent [au lieu de, jusqu'au 31 décembre 2010: "l'autorité compétente"]."

Jusqu'à l'entrée en vigueur de cette modification, une plainte dirigée contre une mesure de l'office des poursuites et adressée à ce dernier devait être transmise à l'autorité de surveillance compétente en application de l'art. 32 al. 2 aLP, le délai de plainte étant réputé observé lorsque la plainte avait été adressée en temps utile à l'office (ATF 100 III 8, JdT 1975 II 69). Il en allait de même d'une demande de reconsidération adressée à l'office, indiquant qu'elle valait plainte en cas de non-entrée en matière ou de rejet de celle-ci (cf., par ex., DCSO/498/2009).

Dans un arrêt du 20 décembre 2012 (5A_421/2012), le Tribunal fédéral a relevé que la doctrine préconisait d'interpréter le nouvel art. 32 al. 2 LP en ce sens que, comme auparavant, la saisine d'une autorité (de surveillance) incompétente obligeait à transmettre l'acte mal adressé, sous réserve du cas où un délai pour ouvrir une action judiciaire était en jeu (consid. 3.1 et la référence à Nordmann, in BaK, SchKG-I, 2ème éd., 2010, n. 6 ad art. 32 LP). Le Tribunal fédéral a également observé que l'existence d'une telle obligation de transmettre ne changeait rien au principe selon lequel les règles de la bonne foi ne s'appliquent pas seulement aux organes étatiques, mais également aux administrés à qui l'interdiction de l'abus de droit peut être opposée. C'est ainsi que l'obligation de transmettre un acte mal adressé ne vaut que pour autant que l'erreur d'adressage n'est pas intentionnelle (ibidem). Ce faisant, le Tribunal fédéral n'a pas considéré comme contraire à l'interdiction du formalisme excessif le refus de l'autorité supérieure de surveillance du canton de Zurich de transmettre à l'autorité inférieure de surveillance une plainte qui lui avait été directement adressée, intentionnellement et en connaissance des règles de compétence applicables
(cf. décision de l'autorité supérieure de surveillance zurichoise PS120092-O/U du 22 mai 2012, résumée in CAN 2012 p. 213 n° 80).

3.2 Dans le cas d'espèce, le plaignant n'a pas intentionnellement mal adressé son courrier du 27 juin 2011. Il a, au contraire, procédé selon la pratique bien établie voulant que si la décision querellée n'est pas reconsidérée, l'Office transmet la demande de reconsidération à la Chambre de céans pour valoir plainte au sens de l'art. 17 LP. Cette pratique apparaît toujours compatible avec le nouveau texte de l'art. 32 al. 2 LP, conformément à l'interprétation donnée par l'auteur cité par le Tribunal fédéral dans son arrêt précité. Il suit de là que, contrairement à ce qu'il soutient, l'Office aurait dû transmettre le courrier du plaignant, ainsi qu'il le requérait expressément. En ne le faisant pas, il a commis un déni de justice formel. Toute autre interprétation contreviendrait aux règles de la bonne foi, aucun comportement abusif ne pouvant être imputé au plaignant.

Au vu de ce qui précède, la plainte apparaît bien fondée s'agissant du déni de justice formel dont se plaint le plaignant. Ce dernier ayant intégré dans sa plainte ses griefs de fond dirigés contre le procès-verbal de non-lieu de saisie expédié le 17 juin 2011, il y a lieu de les examiner ci-après, l'Office y ayant répondu à titre subsidiaire dans son rapport.

4. 4.1 Le for de la poursuite est au domicile du débiteur (art. 46 al. 1 LP). La LP prévoit une règle de perpétuation du for en cas de changement de domicile en cours de procédure; il faut toutefois, pour que la poursuite puisse continuer au précédent domicile, que la procédure ait franchi une étape déterminée suffisamment avancée au moment du changement de domicile (Walter A. Stoffel/Isabelle Chabloz, Voies d'exécution, 2ème éd., 2010, § 3 n° 107). En effet, selon l'art. 53 LP, si le débiteur change de domicile après l'envoi de l'avis de saisie, après la commination de faillite ou après la notification du commandement de payer pour effets de change, la poursuite se continue au même domicile. A contrario, si le changement de domicile intervient avant ces événements, la poursuite doit être continuée au nouveau domicile du débiteur (DCSO/456/03 du 20 octobre 2003 consid. 3; Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, n. 13 et 16 ad art. 53 LP; Ernst F. Schmid, in BaK, SchKG-I,
2ème éd., 2010, ad n. 2 art. 53 LP). En d'autres termes, en cas de transfert du domicile du poursuivi à l'étranger avant la communication de l'avis de saisie, la continuation de la poursuite commencée en Suisse y est impossible, sous réserve des cas prévus aux art. 50, 51, 52 et 54 LP (DCSO/6/2004 du 15 janvier 2004 consid. 3).

En cas de changement de domicile en cours de poursuite, les organes de l'exécution forcée doivent examiner d'office si le transfert de domicile est intervenu avant ou après l'événement décisif pour perpétuer ou non le for initial de la poursuite (ATF 120 III 110).

4.2 En l'espèce, l'avis de saisie n'a pas encore été communiqué au débiteur. Il y a donc lieu d'examiner si ce dernier a, après la réquisition de continuer la poursuite du 10 mars 2011, transféré son domicile en France, comme l'a retenu l'Office. Force est de constater qu'il n'en est rien. Il s'avère en effet que par décision du
7 juillet 2011 (DCSO/209/2011), la Chambre de céans a, après complète instruction, constaté que le domicile du débiteur était à Genève. Cette décision – confirmée en octobre 2012 faute de faits nouveaux (DCSO/390/12) – a été purement et simplement ignorée par l'Office, qui ne la mentionne même pas dans son rapport. Il s'est en effet contenté des seules affirmations de l'avocat genevois du débiteur contenues dans un courrier daté du 15 septembre 2011 et d'une attestation administrative de la Mairie de V______ (Ain/France) du 22 juin 2010, qui ne constituent pas des faits nouveaux puisque, dans les registres de l'Office cantonal de la population, le débiteur est annoncé partant pour cette commune française depuis le 31 décembre 2004 (cf. pièce 101/2 plaignant).

Faute de changement de domicile au sens susrappelé, le for de la poursuite était toujours à Genève et l'Office ne pouvait rendre une décision de non-lieu de saisie au motif que le débiteur n'était plus domicilié à Genève.

La plainte, bien fondée, sera en conséquence admise et l'Office invité à communiquer un avis de saisie au débiteur, au besoin au moyen de la force publique (cf. ATF 91 III 41, JdT 1965 II 34; Jeanneret/Lembo, n. 8 et 30 ad art. 64 LP) ou, en dernier ressort, par la voie édictale (cf. Angst, in BaK, SchKG-I, 2ème éd., 2010, n. 10 ad art. 90 LP et les références citées).

5. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucun dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte pour déni de justice formée le 6 mars 2013 par l'ETAT
DE GENÈVE dans le cadre de la poursuite n° 10 xxxx85 F dirigée contre M. T______.

Au fond :

L'admet.

Annule le procès-verbal de non-lieu de saisie expédié par l'Office des poursuites le
17 juin 2011 dans le cadre de la poursuite n° 10 xxxx85 F.

Invite l'Office à donner suite à la réquisition de continuer la poursuite n° 10 xxxx85 F formée le 10 mars 2011 par l'ETAT DE GENÈVE par la communication d'un avis de saisie à M. T______.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Grégory BOVEY, président; Monsieur Antoine HAMDAN et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Grégory BOVEY

 

La greffière :

Véronique PISCETTA

 


Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.