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Décisions | Chambre de surveillance

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C/18992/1998

DAS/56/2021 du 09.03.2021 sur DJP/512/2020 ( AJP ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18992/1998 DAS/56/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 9 MARS 2021

 

Appel (C/18992/1998) formé le 21 décembre 2020 par Madame A______, domiciliée à ______, Canada, comparant par Me Raphaël Reinhardt, avocat, en l'Etude duquel elle élit domicile.

* * * * *

Arrêt communiqué par plis recommandés du greffier
du 12 mars 2021 à :

 

- Madame A______
c/o Me Raphaël Reinhardt, avocat,
Avenue de Mon-Repos 24, CP 1410, 1001 Lausanne.

- Monsieur B______
c/o Me Lucien FENIELLO, avocat,
Rue du Mont-Blanc 3, CP, 1211 Genève 1.

- Madame C______
______, ______ (GE).

- JUSTICE DE PAIX.

 


EN FAIT

A. Par décision du 7 décembre 2020 (DJP/512/2020), le juge de Paix a rejeté la requête [de désignation d'un représentant de la communauté héréditaire] dans la mesure de sa recevabilité (chiffre 1 du dispositif) et mis les frais de greffe et un émolument de décision de 600 fr. à la charge de la succession (ch. 2).

En substance, le juge de Paix a considéré qu'il n'y avait pas lieu à désignation d'un représentant à la communauté héréditaire de D______, né le ______ 1919 et décédé le ______ 1998, du fait que la succession se trouve dans une communauté héréditaire prolongée, en ce sens que la perpétuation de cette communauté ne semblait plus viser un partage de la partie de la succession non encore partagée, mais la gestion de celle-ci, dont se charge l'un des héritiers, les éventuelles divergences entre eux ne mettant pas en échec l'administration des actifs successoraux.

La décision en question a été communiquée le 9 décembre 2020 aux parties à la procédure pour notification.

B. a) Par appel expédié le 21 décembre 2020 à l'adresse du greffe de la Cour, A______ a conclu à l'annulation de ladite décision et à la désignation d'un tiers en qualité de représentant de la succession de D______, ainsi que du même tiers, en qualité de représentant de la succession de E______, née [E______], son épouse, ledit représentant ayant pour mission de gérer et administrer les hoiries et d'établir un décompte des revenus déjà encaissés par les héritiers notamment, sous suite de frais et dépens.

En substance, elle fait grief au juge de Paix d'avoir sous-estimé le manque de transparence dans la gestion des hoiries dont a fait preuve l'héritier B______ et la perte de confiance induite de ce fait de l'appelante en celui-ci. Elle reproche au juge de Paix de ne pas avoir retenu l'existence d'un danger abstrait des intérêts de la succession par la gestion de l'héritier en question et de ne pas avoir instruit suffisamment la cause.

b) Par réponse expédiée le 22 janvier 2021 à l'adresse du greffe de la Cour, B______ a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation de la décision attaquée sous suite de frais et dépens. Il a subsidiairement conclu, si un représentant de la communauté devait être nommé, à la limitation de ses pouvoirs à l'établissement d'un état documenté des terrains agricoles appartenant aux hoiries et à la communication de celui-ci aux parties.

En substance, il conteste toute situation de blocage et tout manque de transparence dans la gestion du reliquat successoral qui lui incombe. Des mesures d'instruction supplémentaires sont inutiles, les dispositions de procédure applicables consacrant la preuve par titre.

Enfin, il expose gérer depuis près de 9 ans, sans que quiconque ne s'en soit plaint, les parcelles agricoles en indivision faisant l'objet d'un bail à ferme. Il a fourni toutes informations à l'appelante alors qu'il en avait été requis en 2016, 2017 et en 2019. Il n'y a aucune raison de confier la gestion des parcelles agricoles à un tiers.

c) L'héritière C______ n'a pas répondu à l'appel.

d) Les parties ont été informées en date du 28 janvier 2021 que la cause était mise en délibération.

C. Ressortent pour le surplus du dossier les faits pertinents suivants :

a) D______, originaire de F______, est né le ______ 1919 et décédé le ______ 1998. Son dernier domicile se trouvait à G______ (Genève). D______ a laissé des dispositions de dernières volontés en la forme d'un pacte successoral dressé le ______ 1988 et instituant héritier sa conjointe, E______, née [E______], ainsi que leur descendant commun B______ et les descendantes non-communes de D______, soit C______ et A______.

b) Le 28 octobre 2004, les héritiers ont signé une convention de partage partiel. La communauté héréditaire a été maintenue sur diverses parcelles agricoles.

c) E______ est décédée le ______ 2012.

d) Le 12 décembre 2019, A______ a sollicité de la justice de Paix la désignation d'un représentant de la communauté héréditaire. Elle considérait qu'un conflit persistant existait entre les enfants d'un premier lit de D______, dont elle-même, et son fils du second lit B______, lequel a adopté "un comportement suspect" dans la gestion des biens restés en hoirie. Elle estimait que la désignation d'un représentant de la communauté héréditaire se justifiait en outre du fait qu'elle n'obtenait pas toutes les informations nécessaires, relativement à la gestion desdits biens.

B______ s'est opposé à cette demande et, subsidiairement, si un représentant devait être désigné, a conclu à ce que ses pouvoirs soient limités à l'établissement d'un état documenté des terrains appartenant aux hoiries et à la communication de cet état aux parties. Il a allégué avoir depuis 9 ans, repris la gestion des terrains affermés et encaissé les fermages en toute transparence, aucun autre hoir ne s'en occupant. Il a en outre soutenu qu'il n'existait aucun blocage dans la gestion desdits biens, contrairement à ce qu'insinuait la demande, ni dans la transmission des informations. Il a produit en outre un état des fermages perçus à hauteur de 8'000 fr. par année.

En date du 16 janvier 2020 et par un courrier peu explicite, C______ a exposé que B______ avait "vendu un bout de trottoir à l'Etat de Genève sans son accord", acte qu'elle avait refusé de signer. Elle expose également avoir perçu des fermages en 2014 et 2015, notamment.

L'appelante a répliqué, considérant ne pas avoir reçu toutes les pièces nécessaires relatives aux encaissements et dépenses de l'hoirie depuis 2012, qualifiant les comptes présentés par B______ de fantaisistes. Elle persistait à soutenir qu'aucune collaboration n'existait entre les parties, la position de B______ étant dilatoire.

Celui-ci a dupliqué le 29 juin 2020 persistant dans sa position antérieure, suite à quoi, la justice de Paix a rendu l'ordonnance attaquée.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions du juge de Paix en matière successorale relèvent de la juridiction gracieuse et sont soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. e CPC). Elles sont susceptibles d'un appel dans le délai de dix jours (art. 314 al. 1 CPC) auprès de la Chambre civile de la Cour de justice (art. 120 al. 2 LOJ) si la valeur litigieuse est égale ou supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

1.2 En l'espèce, les fermages perçus pour la location des parcelles agricoles, propriété des hoiries, sont de 8'000 fr. par an, de sorte qu'en application de l'art. 92 al. 2 CPC, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr.

Pour le surplus, l'appel a été déposé dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC) auprès de l'autorité compétente pour en connaître, de sorte qu'il est recevable.

1.3 La Cour revoit la cause EN FAIT et EN DROIT avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

2. L'appelante reproche au juge de Paix d'avoir rejeté sa requête en désignation d'un représentant à la succession, alors qu'un conflit opposerait les hoirs, de sorte qu'elle ne pourrait obtenir toutes les informations nécessaires concernant la gestion des biens en hoirie effectuée par l'un des héritiers, la gestion elle-même de ces biens étant qualifiée de suspecte.

2.1 S'il y a plusieurs héritiers, tous les droits et obligations compris dans la succession restent indivis jusqu'au partage (art. 602 al. 1 CC). A la demande de l'un des héritiers, l'autorité compétente peut désigner un représentant à la communauté héréditaire jusqu'au moment du partage (art. 602 al. 3 CC).

La nomination d'un représentant de l'hoirie doit être faite chaque fois qu'elle paraît utile, selon l'appréciation de l'autorité, parce que les héritiers ne peuvent pas agir envers des tiers, d'une façon générale ou dans un cas particulier, en raison de leurs divergences, ou en cas de blocage survenu en raison des dissensions des héritiers ou encore lorsque la substance ou les rendements de la succession sont mis en péril. L'autorité ne peut désigner un représentant que si la communauté héréditaire dure encore et si la représentation n'est pas déjà assurée par un exécuteur testamentaire, un administrateur officiel ou un liquidateur officiel (SPAHR,
CR-CC ad art. 602 n. 62 et ss 71, 73, 74).

L'autorité peut donner un pouvoir général de gérer la succession aux représentants de l'hoirie. Sauf précision contraire, les pouvoirs du représentant sont alors ceux d'un exécuteur testamentaire, à ceci près qu'il n'a pas à préparer le partage de la succession (STEINAUER, Le droit des successions, 2015 n. 1224). La désignation d'un représentant de la communauté héréditaire jusqu'au partage, est une mesure ordonnée dans le cadre de la dévolution successorale (arrêt du Tribunal fédéral 5A_267/2012 consid. 3.1). Le représentant de l'hoirie indivise est nommé pour la communauté des héritiers, non comme le représentant et dans l'intérêt d'un unique héritier (arrêt du Tribunal fédéral 5A_241/2014 consid. 2.1).

L'autorité bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation pour décider si elle accueille la requête favorablement ou non. Elle nommera un représentant chaque fois que les circonstances justifient une telle solution, par exemple, lorsque les héritiers sont incapables d'administrer le patrimoine successoral, lorsqu'ils n'arrivent pas à prendre une décision importante ou à choisir un représentant, lorsqu'ils sont en conflit, si certains d'entre eux sont absents ou en cas de mise en danger de la substance voire des revenus de la succession (SPAHR, op., cit. n. 73 ad art. 602 CC). La requête doit être admise en principe lorsque les membres de la communauté ne peuvent pas agir envers les tiers ou s'il y a rupture de leur rapport de confiance. Toutefois, de simples divergences internes sur la manière d'exploiter et de gérer le patrimoine successoral ne justifient en principe pas la désignation d'un représentant (ibidem). La désignation d'un représentant de la communauté doit servir en premier lieu les droits de la succession et la capacité à représenter la communauté à l'égard des tiers. Elle n'est toutefois pas faite pour le règlement de conflits purement internes entre les héritiers (WOLF, Bernard Kommentar, 2014 n. 139 ad art. 602 CC). Un rapport de confiance rompu entre les héritiers peut toutefois suffire pour la désignation d'un représentant de la communauté (ibidem).

En outre, en présence d'une communauté héréditaire prolongée, la désignation d'un représentant de la communauté héréditaire doit être ordonnée avec retenue dans la mesure où la poursuite de la communauté héréditaire ne vise plus le partage mais la gestion commune de la succession (arrêt du Tribunal fédéral 5D_133/2010 consid. 4.3.4 et réf. cit.).

2.2 Dans le cas d'espèce, il ressort de l'état de fait que la première communauté héréditaire entre les parties remonte au ______ 1998, date du décès de D______, son épouse E______, mère de B______, étant pour sa part décédée le ______ 2012. Les parties à la procédure sont dès lors en communauté héréditaire prolongée depuis près de 25 ans dans la succession de leur père, et depuis près de 10 ans dans la seconde succession.

Par ailleurs, les parties ont passé en octobre 2004 une convention de partage partiel dont personne n'indique qu'elle n'a pas été exécutée, de sorte qu'il doit être retenu que les rapports entre elles à cette date n'étaient pas si mauvais que le prétend l'appelante.

De plus, il ne ressort pas du dossier qu'hormis quelques dissensions ponctuelles et récentes, la substance de la succession serait en danger, respectivement que la gestion de facto des fermages, seul élément de friction, par l'héritier B______ apparaît à ce point problématique qu'un représentant doive être désigné à ladite communauté.

En outre, conformément à ce qui a été rappelé ci-dessus, un représentant ne sera pas désigné en cas de communauté prolongée, dans la mesure où celle-ci ne vise plus le partage mais la gestion de ladite communauté.

C'est donc à juste titre que le juge de Paix a considéré que les conditions à la désignation d'un représentant à l'hoirie n'étaient pas remplies.

Au vu de ce qui précède enfin, il n'y a pas lieu à l'ordonnance de mesures d'instruction complémentaires.

3. Par conséquent, infondé, l'appel sera rejeté et la décision entreprise confirmée sous suite de frais fixés à 500 fr. et mis à la charge de l'appelante qui succombe.

Ce montant sera entièrement compensé par l'avance de frais versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

L'appelante sera en outre condamnée au paiement de 1'000 fr. à titre de dépens en faveur de B______.

C______ n'ayant pas procédé dans la procédure d'appel, il ne lui sera pas alloué de dépens.

 

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel déposé le 21 décembre 2020 par A______ contre la décision DJP/512/2020 rendue le 7 décembre 2020 par la justice de Paix dans la cause C/18992/1998.

Au fond :

Confirme la décision attaquée.

Arrête les frais de la procédure à 500 fr., les met à la charge de A______ et les compense en totalité avec l'avance de frais versée par elle qui reste acquise à l'Etat de Genève.

La condamne au paiement à B______ de dépens à hauteur de 1'000 fr.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours:

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.