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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/29/2001

CAPH/28/2002 (2) du 20.02.2002 sur TRPH/269/2001 ( CA ) , ARRET/CONTRA

Descripteurs : CONTRAT INDIVIDUEL DE TRAVAIL; LÉGITIMATION ACTIVE ET PASSIVE; INTERVENTION(PROCÉDURE); CAISSE DE CHÔMAGE; SUBROGATION LÉGALE; RÉSILIATION IMMÉDIATE ; JUSTE MOTIF ; INTERPRÉTATION CONTRA STIPULATOREM
Normes : CO. 166; CO. 337a; CO. 337b; LACI. 11; LACI. 29; LACI. 54; LACI. 55; LPC. 109; LPC. 312; LJP. 14; LJP. 56; LJP. 65
Résumé : La Cour considère que rien ne s'oppose à ce qu'une caisse chômage introduise elle-même, sans le concours du salarié, une demande dirigée contre l'employeur. Elle peut par ailleurs, prendre ses propres conclusions. Partant, l'appel de la Caisse contre le jugement par défaut portant sur des montants non réclamés par T à E AG en liquidation, est recevable. La Cour examine cependant l'étendue de la créance de T, soit en l'occurrence, les dommages et intérêts fondés sur l'article 337b CO, en précisant qu'il disposait de justes motifs de résiliation immédiate du contrat de travail, vu l'insolvabilité de son employeur. A cet égard, elle relève que la disposition du contrat de travail afférent au délai de congé est ambiguë, dans la mesure où elle prévoit des délais de congé nets, tout en renvoyant au CO. Dès lors, la Cour, compte tenu du principe de l'interprétation contra stipulatorem des clauses obscures ou ambiguës, retient que c'est un délai de congé d'un mois pour la fin d'un mois qui doit s'appliquer. Elle relève que T avait simplement omis de réclamer une partie du montant dû par E AG et qu'une omission ne vaut pas renonciation de ses droits. Quant aux conclusions constatatoires de la Caisse, tendant à la confirmation de son intervention en qualité de partie, ainsi qu'à son admission de prendre des conclusions propres, la Cour les déclare irrecevables, dès lors qu'elles se heurtent au principe de subsidiarité par rapport à ses conclusions condamnatoires.
En fait
En droit
Par ces motifs

 

 

CAISSE DE CHOMAGE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Partie appelante

 

 

 

 

 

D’une part

 

 

E___________________ AG,

IN LIQUIDATION

 

 

 

et

 

T__________

Dom. élu : Me Charles BAVAUD

10, place de la Gare

Case postale 2189

1002 LAUSANNE

 

 

 

Parties intimées

 

 

 

 

 

D’autre part

 

 

 

 

 

ARRET

 

du mercredi 20 février 2002

 

 

Mme Laura JACQUEMOUD-ROSSARI, présidente

 

 

MM. Dominique BALTHASAR et Jean RIVOLLET, juges employeurs

 

M. François DEWARRAT et Mme Agnès MINDER, juges salariés

 

 

M. Joël SCHWARZENTRUB, greffier d’audience

 

 

 

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EN FAIT

 

 

A. E___________________ AG, société anonyme de droit suisse avec siège à C (ZG), avait pour but social la création d’une compagnie internationale d’aviation. A cette fin, elle louait des locaux à la halle de fret de l’aéroport de Genève-Cointrin.

 

 

B. Par contrat de travail conclu le 1er novembre 2000, T__________ a été engagé par E___________________ AG en qualité de « Directeur en charge de l’agence s’occupant des ventes générales des franchises et celles des franchises de produits commerciaux », moyennant un salaire mensuel net de fr. 6'000,--, versé treize fois l’an, pour une activité de 20 heures par semaine.

 

L’article 1er dudit contrat stipulait ce qui suit s’agissant du délai de congé : « Le congé est fixé à un mois net pendant la première année d’engagement et à deux mois nets dès la deuxième année d’engagement, qu’elle que soit la durée des rapports de service (voir selon le Code des Obligations suisses) ».

 

 

C. N’ayant pas reçu son salaire à fin novembre 2000, T__________ a vainement mis son employeur en demeure de le lui verser par pli recommandé du 1er décembre 2000, avant de résilier le contrat de travail avec effet immédiat en date du 6 décembre 2000.

 

 

D. Par demande reçue au greffe de la juridiction le 2 janvier 2001, T__________ a assigné E___________________ AG en paiement de fr. 19'300,-- nets, plus intérêts à 5% l’an dès le 1er décembre 2000. Ladite somme se décompose comme suit :

 

fr. 6'000,-- à titre de salaire pour le mois de novembre 2000 ;

fr. 6'745,-- à titre d’heures supplémentaires rémunérées à 125% ;

fr. 2'679,-- à titre d’heures supplémentaires rémunérées à 150% ;

fr. 500,-- à titre de treizième salaire (novembre 2000) ;

fr. 576,-- à titre d’indemnité pour vacances non prises (novembre 2000) ;

fr. 2'800,-- à titre de remboursement de frais de représentation.

 

 

E. A l’audience de conciliation du 12 février 2001, T__________ a amplifié ses conclusions à hauteur de fr. 7'076,--, somme se décomposant comme suit :

 

fr. 6'000,-- à titre de salaire pour le mois de décembre 2000 ;

fr. 500,-- à titre de treizième salaire (décembre 2000) ;

fr. 576,-- à titre d’indemnité pour vacances non prises (décembre 2000).

 

 

F. Par courrier du 26 février 2001, T__________ a également demandé la mainlevée définitive de l’opposition faite par E___________________ AG au commandement de payer, poursuite n° 2002324 de l’Office des poursuites et faillites de C (ZG), pour un montant de fr. 21'675,--.

 

 

G. Par requête du 6 février 2001, CAISSE DE CHOMAGE (ci-après la Caisse) a déclaré intervenir dans la présente procédure, faisant valoir une subrogation à hauteur de fr. 4'309,30 nets dans les droits de T__________, correspondant aux indemnités versées à son assuré pour la période du 1er décembre 2000 au 31 janvier 2001.

 

 

H. E___________________ AG, dont la raison sociale a été modifiée en E___________________ AG, IN LIQUIDATION (ci-après E___________) suite à sa dissolution d’office intervenue le 10 avril 2001, n’a comparu ni à l’audience de conciliation du 12 février 2001, ni à l’audience du Tribunal du 14 mai 2001.

 

 

I. Par jugement du 14 mai 2001, le Tribunal des prud'hommes a prononcé défaut contre E_______, l’a condamnée à verser à T__________ fr. 26'376,-- nets, sous déduction de la somme nette de fr. 1'438,40 allouée à la Caisse, et a prononcé la mainlevée requise à hauteur de fr. 19'300,--.

 

En substance, s’agissant de l’intervention de la Caisse, les premiers juges ont estimé que, T__________ ne réclamant son salaire que pour les mois de novembre et décembre 2000, la subrogation relative au mois de janvier 2001 ne pouvait être prise en compte. En conséquence, le montant de fr. 2'870,90 réclamé à ce titre n’a pas été alloué.

 

 

J. Contre ce jugement, expédié pour notification par pli recommandé du greffe le 4 juillet 2001, la CAISSE DE CHOMAGE a interjeté appel le 3 août 2001, concluant, principalement, à la condamnation de E_______ au paiement de fr. 4'580,90 nets (période du 1er décembre 2000 au 31 janvier 2001) et, subsidiairement, au renvoi de la cause au Tribunal. Par ailleurs, elle a requis de la Cour de céans qu’elle ordonne, préalablement, à T__________ de produire une série de pièces en sa possession et pris des conclusions constatatoires tendant à la confirmation de son intervention et de sa qualité de partie, ainsi qu’à son admission à prendre des conclusions propres.

 

A l’appui de ses conclusions, l’appelante a soutenu que le fait que T__________ ait renoncé à faire valoir une partie de ses droits, soit le salaire afférent au mois de janvier 2001, ne saurait l’empêcher, vu sa qualité de partie intervenante conservatoire et agressive, de prendre des conclusions propres, sur la base de sa subrogation légale. Dès lors, comme T__________, après une mise en demeure restée sans effet, a résilié son contrat de travail avec effet immédiat le 6 décembre 2000 pour de justes motifs (insolvabilité de l’employeur), la Caisse peut prétendre au remboursement par l’employeur des indemnités qu’elle a versées au travailleur pendant toute la durée du délai de congé ordinaire, soit jusqu’à fin janvier 2001.

 

Enfin, bien qu’elle ait indiqué, dans sa requête d’intervention du 6 février 2001, réclamer un montant net de fr. 4'309,30, il ressort clairement des décomptes produits que sa subrogation s’élevait, au total, à fr. 4'580,90, de sorte que c’est ce dernier montant qui doit lui être alloué.

 

 

K. Par courrier de son conseil du 11 septembre 2001, T__________ a déclaré adhérer pleinement aux conclusions d’appel de la Caisse.

 

 

L. Pour sa part, E_______, convoquée par voie édictale à l’audience de la Cour de céans fixée au mercredi 20 février 2002, a sollicité, par courrier reçu au greffe de la juridiction le 18 février 2002, le renvoi de celle-ci, tout en faisant valoir plusieurs griefs à l’encontre de son ancien employé.

 

 

M. A l'audience de ce jour, à laquelle E_______ n’était pas valablement représentée, T__________ a expliqué que s’il n’avait pas réclamé le paiement du salaire afférent au mois de janvier 2001, c’était par simple omission de sa part.

 

 

 

 

EN DROIT

 

 

1. Aux termes de l’article 65 de la Loi sur la juridiction des prud’hommes (ci-après LJP), en cas de non comparution sans excuse valable de l’une des parties à l’audience de la Cour d’appel, la cause est gardée à juger (al. 1). L’arrêt est réputé contradictoire à l’égard de la partie qui n’a pas comparu (al. 2).

 

En l’occurrence, E_______, bien que dûment citée à comparaître par voie édictale, n’était pas valablement représentée à l’audience de ce jour. Son absence, non motivée par une excuse valable, ne saurait entraîner un renvoi d’audience, comme sollicité par courrier reçu deux jours seulement avant celle-ci.

 

Au demeurant, il ressort dudit courrier que E_______ aurait certains griefs à faire valoir à l’encontre de T__________. Or, non seulement la présente procédure d’appel ne porte que sur les problèmes liés à l’intervention de la CAISSE DE CHOMAGE, mais la partie défaillante n’est pas recevable à appeler du jugement qui l’a condamnée par défaut (art. 56 al. 4 LJP).

 

 

2. Liminairement, il sied de déterminer si une caisse de chômage peut appeler d’un jugement prud’homal, étant précisé que l’appel de la CAISSE DE CHOMAGE a été interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi (art. 59 LJP). Cette question nécessite une analyse de la position occupée par la caisse, subrogée dans les droits de son assuré, dans la procédure.

 

 

a) La subrogation légale de la caisse de chômage, prévue aux articles 29 alinéa 2 et 54 alinéa 1 LACI, constitue une cession légale de créance au sens de l’article 166 CO qui a pour effet de transférer la qualité de créancier de l’assuré à la caisse de chômage jusqu’à concurrence du montant versé par cette dernière. La subrogation se produit au moment où la caisse opère le versement. Elle n’assortit toutefois ses effets envers le débiteur qu’une fois qu’elle lui a été communiquée. Dès lors, l’employeur est valablement libéré s’il paie de bonne foi entre les mains du travailleur (Hohl, La subrogation de la caisse de chômage et ses effets sur le procès civil, in Etudes de procédure et d’arbitrage en l’honneur de Jean-François Poudret, Lausanne 1999, p. 79-80).

 

Le transfert de la titularité de la créance à la caisse de chômage, et, partant, de la légitimation active et de la qualité pour agir, entraîne parallèlement, pour le travailleur, la perte de la titularité de la créance et de la qualité pour agir en paiement de celle-ci (Hohl, op. cit., p. 82). Le travailleur conserve toutefois la légitimation active pour le montant de sa créance envers l’employeur non couvert par les prestations de l’assurance sociale (Munoz, La fin du contrat individuel de travail et le droit aux indemnités de l’assurance-chômage, Lausanne 1992, p. 198 et les références citées).

 

L’article 55 alinéa 1 1ère phrase LACI, relatif à l’indemnité en cas d’insolvabilité de l’employeur, prévoit que le travailleur est tenu, dans la procédure de faillite ou de saisie, de prendre toutes les mesures propres à sauvegarder son droit envers l’employeur jusqu’à ce que la caisse de chômage communique sa subrogation. Le Tribunal fédéral en a déduit, d’une part, que cette disposition doit s’appliquer par analogie à l’indemnité de chômage versée en application de l’article 29 alinéa 1 LACI pour les prétentions de salaire et que, d’autre part, la sauvegarde des droits de la caisse impliquait, pour le travailleur, le devoir d’agir en justice à cette fin, tout comme celui de produire dans la faillite de l’employeur, alors même que la créance du travailleur aurait déjà été transmise à la caisse par l’effet de la subrogation. Ainsi, le droit fédéral confère au travailleur la qualité pour agir à la place de la caisse jusqu’à communication de la subrogation par celle-ci, l’incombance du travailleur n’étant plus ensuite que d’assister la caisse dans la conduite de ses droits et non plus de mener le procès (Hohl, op. cit., p. 81 et ss et la jurisprudence citée).

 

Il résulte de ce qui précède que ce n’est qu’au cas où la caisse de chômage aurait informé l’employeur de sa subrogation dans les droits de son assuré préalablement à l’ouverture de l’action en justice par ce dernier, et pour autant que la subrogation couvre l’entier des prétentions du travailleur, que ce dernier pourrait se voir dénier tant la légitimation active que la qualité pour agir.

 

 

b) Le droit fédéral ne règle pas les conséquences de l’article 29 alinéa 2 LACI pour le procès de droit du travail. Le législateur s’en est remis pour ces questions au droit de procédure cantonal (Gerhards, Kommentar zum Arbeitslosenversicherungsgesezt, Bern 1987, I, n° 18 ad art. 29 LACI).

 

En procédure civile genevoise, la cession d’une créance en cours de procès ne prive pas le cédant de la qualité pour poursuivre le procès et c’est par la voie de l’intervention principale, impliquant la prise de conclusions personnelles, que le cessionnaire d’une créance en litige pourra exiger qu’elle soit honorée à son profit (Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, n° 7 ad art. 1 LPC, n° 1 ad art. 109 LPC).

 

L’article 14 LJP suit la même voie en disposant que la caisse de chômage, intervenant dans la procédure en raison de sa subrogation dans les droits de son assuré partie à la procédure, comparaît à l’audience et, qu’en cas de d’absence de sa part, il n’est pas prononcé défaut contre elle, mais statué sur la base de ses prétentions formulées par écrit et en fonction des pièces.

 

Dès lors, il convient d’admettre avec la doctrine que la caisse de chômage occupe, dans le procès prud’homal, une position intermédiaire entre celle d’un consort actif matériel et d’un intervenant accessoire. A Genève, cette position est qualifiée d’« intervention principale ». La caisse de chômage est intervenante dans la mesure où elle participe à un procès préexistant, appuyant les moyens développés par la partie « assistée ». Elle est consort dans la mesure où elle fait valoir une créance propre à l’encontre de la partie adverse, sachant que le jugement a un effet direct sur les rapports juridiques entre elle et cette dernière. En tant qu’intervenant à titre de consort accessoire, la caisse de chômage peut accomplir tous les actes de procédure que la partie principale pourrait elle-même effectuer. Elle peut donc appeler du jugement du Tribunal, sans que le travailleur, demandeur, fasse de même (JAR 1991, p. 295 et 296 et les références citées).

 

Au vu des considérants qui précèdent, il ne fait aucun doute que la CAISSE DE CHOMAGE pouvait faire appel du jugement par défaut rendu le 14 mai 2001 par le Tribunal des prud’hommes. En conséquence, son appel du 3 août 2001 est recevable.

 

 

3. L’appelante estime que c’est à tort que les premiers juges n’ont pas fait droit à ses prétentions pour le mois de janvier 2001, T__________ n’ayant pris aucune conclusion propre pour cette période.

 

 

a) La subrogation prévue par les articles 29 al. 2 et 54 al. 1 LACI a pour effet de transférer la qualité de créancier de l’assuré à la caisse de chômage : la caisse devient le titulaire de la créance du travailleur contre l’employeur (ATF 123 V 75, consid. 2c ; 115 V 24, consid. 4 ; 112 II 129, consid. 5c). Cette cession légale a pour effet que la caisse a la qualité pour agir en justice contre l’employeur en paiement de cette créance (Hohl, op. cit., p. 81 et les références citées). Dès lors, rien ne s’oppose à ce qu’une caisse introduise elle-même, sans le concours du salarié, une demande dirigée contre l’employeur (JAR 1991, p. 296, consid. 4) et prenne ses propres conclusions, comme l’autorise la procédure civile cantonale (art. 109 LPC applicable à titre supplétif en procédure prud’homale en vertu de l’art. 11 LJP).

 

Au vu de ce qui précède, c’est manifestement à tort que les premiers juges ont retenu que la CAISSE DE CHOMAGE ne pouvait faire valoir sa subrogation pour le mois de janvier 2001, alors que son assuré n’a pris des conclusions que pour les mois de novembre et décembre 2000.

 

Reste dès lors à déterminer si les conditions de la subrogation sont réalisées pour ce mois.

 

 

b) La subrogation de l’article 29 alinéa 2 LACI est limitée, d’une part, d’un point de vue matériel et, d’autre part, d’un point de vue temporel. Matériellement, la caisse ne devient titulaire de la créance de son assuré qu’à concurrence des prestations qu’elle a payées. Du point de vue temporel, les prétentions de l’assuré doivent coïncider avec la période durant laquelle les indemnités journalières sont versées. Enfin, la subrogation ne peut porter que sur des prétentions de salaire appartenant au travailleur assuré ou sur des créances assimilées au sens de l’article 11 alinéa 3 LACI (Munoz, op. cit., p. 199). Les dommages-intérêts fondés sur l’article 337b constituent une telle créance.

 

Par conséquent, il convient de déterminer en l’espèce l’étendue de la créance que T__________ peut faire valoir à l’encontre de E_______ sur la base de l’article 337b alinéa 1 CO, étant précisé qu’il disposait de justes motifs de résiliation immédiate du contrat de travail, vu l’insolvabilité de son employeur (art. 337a CO).

 

Pour le travailleur, les dommages-intérêts fondés sur l’article 337b CO couvrent les créances jusqu’au prochain terme de congé et la compensation des avantages perdus du fait de la cessation prématurée des rapports de travail (Duc/Subilia, Commentaire du contrat individuel de travail, n° 5 ad art. 337b CO).

 

En l’occurrence, selon l’article 1er du contrat de travail du 1er novembre 2000, « le congé est fixé à un mois net pendant la première année d’engagement et à deux mois nets dès la deuxième année d’engagement, qu’elle que soit la durée des rapports de service (voir selon le Code des obligations suisses) ». Cette clause est pour le moins ambiguë dans la mesure où elle prévoit des délais de congé nets, tout en renvoyant au Code des obligations qui retient, pour sa part, la fin d’un mois comme terme de délai de congé (art. 335c al. 1 CO). Dès lors, la Cour de céans, compte tenu du principe de l’interprétation contra stipulatorem des clauses obscures ou ambiguës (ATF 87 II 234 = JdT 1962 I 206), retiendra que, pour la première année de service, c’est un délai de congé d’un mois pour la fin d’un mois qui doit s’appliquer. En conséquence, T__________ pouvait, vu le congé immédiat donné le 6 décembre 2000, prétendre au paiement de son salaire jusqu’à fin janvier 2001.

 

Au vu de ce qui précède, la subrogation de la CAISSE DE CHOMAGE dans les droits de T__________ s’étend jusqu’à fin janvier 2001.

 

 

c) Par ailleurs, une renonciation – soit l’acte de disposition par lequel une personne, abandonnant volontairement un droit déjà né dans son patrimoine, éteint ce droit – du travailleur à des prétentions de salaire ou d’indemnisation, pour autant qu’elle soit juridiquement valable, entraîne leur perte, de sorte que l’article 29 LACI ne saurait s’appliquer (Secrétariat d’Etat à l’économie [SECO], Circulaire relative à l’indemnité de chômage, janvier 2002, n° C189). Si la perte des prétentions est imputable au comportement de l’assuré, une suspension de son droit à l’indemnité pourra, cas échéant, s’imposer (SECO, op. cit., n° C161).

 

En l’espèce, T__________ a expliqué à l’audience de ce jour que s’il n’avait pas réclamé le paiement du salaire afférent au mois de janvier 2001, c’était par simple omission de sa part. Comme une telle omission ne saurait être assimilée à une renonciation, force est de constater que la CAISSE DE CHOMAGE peut prétendre au remboursement des indemnités versées à son assuré pour le mois de janvier 2001.

 

 

d) Si la CAISSE DE CHOMAGE a réclamé, dans sa requête d’intervention du 6 février 2001, un montant total net de fr. 4'309,30, elle conclut, dans ses écritures d’appel, à l’allocation de fr. 4'580,90 pour tenir compte de l’erreur de calcul qu’elle a commise dans l’addition des deux montants réclamés sur la base de sa subrogation.

 

Le principe de l'immutabilité du litige, qui découle de l'article 312 de la loi de procédure civile, applicable à titre supplétif à la procédure prud'homale (art. 11 LJP), prévoit que le juge d'appel ne peut statuer sur aucun chef de demande qui n'a pas été soumis aux premiers juges. Cet article pose le principe du double degré de juridiction qui veut que le litige soumis au juge d'appel soit identique à celui dont le premier juge avait été saisi : mêmes caractéristiques de personnes, de conclusions, d'allégués de fait et de preuves (CAPH du 2.6.97 S. c/ O. cause n° X/806/96; Bertossa/Gaillard, Guyet/Schmidt, Commentaire de la loi de procédure civile genevoise ad art. 312 LPC).

 

Or en l’espèce, en réclamant le paiement de fr. 4'580,90 en appel, alors qu’elle n’a conclu qu’à l’allocation de fr. 4'309,30 en première instance, l’appelante a formellement amplifié sa demande, en violation des principes rappelés ci-dessus. Peu importe à cet égard que cette amplification soit la conséquence d’une erreur de calcul. En effet, le juge est lié par les conclusions des parties qui forment le cadre des débats. (Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, op. cit., n° 8 ad art. 7 LPC).

 

Par conséquent, c’est un montant total net de fr. 4'309,30 qui sera alloué à la CAISSE DE CHOMAGE, ses conclusions tendant à l’octroi d’un montant supérieur s’avérant irrecevables.

 

 

3. Enfin, la Cour de céans ne donnera pas suite aux conclusions préalables de l’appelante, dans la mesure où les pièces dont la production est requise ont déjà été versées à la procédure en première instance.

 

Quant à ses conclusions constatatoires, elles seront déclarées irrecevables, puisque les conditions de recevabilité d’une action en constatation de droit ne sont à l’évidence pas réalisées en l’espèce. En effet, vu ses conclusions condamnatoires tendant au paiement de fr. 4'309,30, les conclusions de la CAISSE DE CHOMAGE tendant à la confirmation de son intervention et de sa qualité de partie, ainsi qu’à son admission à prendre des conclusions propres se heurtent au principe de subsidiarité de celles-ci par rapport à celles-là (ATF 97 II 375 = JdT 1973 I 59).

 

 

 

PAR CES MOTIFS

 

La Cour d'appel des prud'hommes, groupe 3,

 

A la forme :

 

- Déclare irrecevables les conclusions de la CAISSE DE CHOMAGE tendant au paiement d’un montant total supérieur à fr. 4'309,30 et celles tendant à la confirmation de son intervention et de sa qualité de partie, ainsi qu’à son admission à prendre des conclusions propres ;

 

- Déclare au surplus recevable l'appel interjeté par la CAISSE DE CHOMAGE contre le jugement par défaut du Tribunal des prud'hommes du 14 mai 2001 rendu en la cause n° C/29/2001-3;

 

Au fond :

 

- Annule ledit jugement en ce qui concerne les deuxième et troisième paragraphes de son dispositif ;

 

 

 

Puis statuant à nouveau :

 

- Condamne E___________________ AG, IN LIQUIDATION à verser à T__________ la somme nette de fr. 26'376,-- (vingt-six mille trois cent septante-six francs), plus intérêts à 5% l’an dès le 1er décembre 2000 sur fr. 19'300,-- et dès le 1er janvier 2001 sur fr. 7'076,--, sous déduction de la somme nette de fr. 4'309,30 (quatre mille trois cent neuf francs et trente centimes) ;

 

- Condamne E___________________ AG, IN LIQUIDATION à verser à la CAISSE DE CHOMAGE la somme nette de fr. 4'309,30 (quatre mille trois cent neuf francs et trente centimes), plus intérêts à 5% l’an dès le 6 février 2001 ;

 

- Confirme au surplus le jugement par défaut du 14 mai 2001 ;

 

- Déboute les parties de toute autre conclusion.

 

 

 

Le greffier de juridiction La présidente