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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2604/2022

ATAS/99/2023 du 16.02.2023 ( AVS ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2604/2022 ATAS/99/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 février 2023

5ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée chez Monsieur B______, chemin ______, GENTHOD

 

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’intéressée ou la recourante), citoyenne américaine née en ______ 1955, a vécu dans le canton de Genève du 2 mai 2003 au 29 novembre 2020. Elle a obtenu la nationalité suisse le 17 novembre 2015. Elle a pris sa retraite le 1er janvier 2018, après avoir travaillé pour le C______ (ci-après : C______) jusqu’au 31 décembre 2017.

b. Par décision du 22 mars 2019, la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse ou l’intimée) a affilié l’intéressée en qualité de salariée d'un employeur non tenu de cotiser en Suisse. Celle-ci s’y est opposée, affirmant que ladite décision n’était pas conforme au droit international, soit à la convention conclue par la Suisse et les États-Unis en matière de sécurité sociale.

c. La caisse a admis l’opposition par décision du 5 mars 2020, relevant que l’intéressée avait travaillé pour le C______ du 23 octobre au 14 décembre 2018, soit durant moins de trois mois. Partant, son affiliation à ce titre était annulée. Au vu de sa résidence en Suisse, la caisse examinerait une affiliation au 1er janvier 2018 en tant que personne sans activité lucrative.

d. Le 12 janvier 2021, la caisse a indiqué à l’intéressée que les personnes sans activité lucrative domiciliées en Suisse avaient l'obligation de verser des cotisations aux assurances sociales suisses. Elle l’a invitée à remplir un questionnaire et requis ses déclarations d'impôts de 2018 et 2019 ainsi que divers justificatifs.

e. Dans un courrier du 10 février 2021, l’intéressée a requis une dérogation à son affiliation à l’AVS, conformément à ce que prévoyait le droit international. Elle a affirmé qu’elle était assurée auprès de l’institution américaine d'assurance-vieillesse (US Social Security) depuis 1973, et s’est dite obligée de payer des cotisations sociales aux États-Unis sur le revenu réalisé en Suisse en 2018 et 2019. S’acquitter de cotisations en Suisse lui causerait un préjudice que la dérogation requise lui éviterait.

f. L’intéressée a transmis diverses pièces à la caisse le 19 avril 2021. Il ressort notamment de ses déclarations fiscales et des certificats de salaire joints qu’elle a perçu tant en 2018 qu’en 2019 un salaire de l’université de Berne de CHF 8'390.-, sur lequel des cotisations sociales de CHF 522.- ont été prélevées. Elle a en outre réalisé un revenu déclaré en tant qu’indépendante de CHF 23'478.- en 2018 et de CHF 12'356.- en 2019.

B. a. Par décision du 9 avril 2021, la caisse a affilié l’intéressée en qualité de personne sans activité lucrative dès le 1er janvier 2018. À la même date, elle a rendu des décisions de cotisations pour 2018 et 2019, assorties d’intérêts moratoires.

Le même jour, la caisse a adressé un courriel à l’intéressée lui rappelant que selon la loi, elle était tenue de cotiser à l'AVS tant qu’elle était domiciliée en Suisse, et ce jusqu'à l’âge légal de la retraite, soit au 31 août 2019.

b. L’intéressée s’est opposée à la décision de la caisse le 7 mai 2021. Elle a derechef requis une dérogation fondée sur le droit international, afin d’éviter le préjudice que lui causait un double assujettissement. Elle a conclu à l’annulation des décisions du 9 avril 2021 et au prononcé de nouvelles décisions dans le respect des dispositions légales. Elle a affirmé avoir travaillé en qualité d’indépendante pour l’Organisation internationale du travail en 2018 et 2019, et a répété qu’elle était obligée de payer des cotisations à hauteur de USD 2'486.- en 2018 et de USD 1'768.- en 2019 au système de sécurité sociale des États-Unis. Subsidiairement, elle demandait la réduction des cotisations sociales suisses aux montants minimaux pour les années 2018 et 2019, conformément à la loi.

Elle s’est référée à son opposition dans le cadre de la procédure administrative s’étant achevée par la décision du 5 mars 2020, dont elle disait reprendre les arguments.

Elle a produit deux formulaires « self employment tax » de l’administration américaine pour 2018 et 2019, affichant respectivement des montants dus à ce titre de USD 2'486.- et USD 1'768.-.

c. Par décision sur opposition du 9 juin 2022, la caisse a maintenu ses décisions du 9 avril 2021 concernant les années 2018 et 2019 et renvoyé le dossier à son service des personnes sans activité lucrative pour examen de la réduction des cotisations. Elle a en substance fait valoir qu’une exemption pour charges trop lourdes ne se justifiait pas si le paiement de cotisations à une institution étrangère était volontaire, comme en l’espèce. L’intéressée devait être affiliée en Suisse de janvier 2018 à août 2019 au vu de son domicile, et du fait qu'elle n'avait pas été affiliée en tant que salariée d'un employeur non soumis à cotisation. La dérogation prévue par le droit international invoquée par l’intéressée n’était pas applicable à une personne sans activité lucrative.

d. L’intéressée a procédé au paiement des cotisations sociales et des intérêts moratoires le 16 juin 2021.

C. a. Par écriture du 17 août 2022, l’intéressée a interjeté recours contre la décision de la caisse auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans). Elle a conclu à son non-assujettissement à l’AVS et au remboursement des cotisations déjà versées, subsidiairement à la remise d’un certificat de couverture, et au remboursement de ses versements à l'AVS au moins équivalent aux montants payés aux États-Unis.

Elle a affirmé s’être toujours opposée à son assujettissement à l’AVS. Elle est revenue sur la première procédure l’opposant à l’intimée, dans laquelle elle avait requis la soumission de son dossier à l'autorité désignée par le droit conventionnel pour trancher les cas de double assurance. En substance, la recourante a contesté le caractère volontaire de ses versements à l’institution américaine. Elle s’est référée à plusieurs dispositions de la législation et de la réglementation américaines, dont elle a compilé des extraits dans une annexe à son recours. Les conditions d’une dérogation selon le droit international étaient remplies. Elle a développé plusieurs arguments en lien avec le droit international pour contester son assujettissement à l’AVS. En outre, la décision ne traitait pas son opposition du 6 juillet 2021 à la perception d’intérêts moratoires sur les décisions de cotisations.

b. Dans sa réponse du 2 septembre 2022, l’intimée a conclu au rejet du recours. Elle a affirmé que s’il y avait un double assujettissement à la sécurité sociale américaine et à l’AVS, aucune erreur d’affiliation n’était imputable à la Suisse. En effet, même si l'activité exercée en Suisse pour le C______ en 2018 et 2019 avait été considérée comme une activité salariée, voire indépendante, la recourante aurait dû être affiliée en Suisse en vertu du droit international. C’était ainsi à juste titre, au vu de son domicile, que la recourante avait été assujettie aux assurances sociales en Suisse, en tant que personne sans activité lucrative jusqu'au 31 août 2019. Les intérêts moratoires des années 2018 et 2019 avaient fait l’objet d’une opposition séparée, qui serait tranchée par l’intimée une fois la problématique de l'affiliation résolue.

c. Dans ses observations du 27 septembre 2022, la recourante a conclu à l’annulation de la décision sur opposition du 9 juin 2022, à ce qu’il soit constaté qu’elle faisait l'objet d'une double imposition obligatoire en matière de sécurité sociale pour les années concernées, à ce qu’il soit constaté qu’elle remplissait les conditions d'une dérogation à l'affiliation selon le droit international ; subsidiairement, à la délivrance d’un certificat de couverture d'affiliation à l'AVS ou à un remboursement des cotisations à l’AVS au moins égal aux montants versés au système de sécurité sociale américain, en vertu du droit international en matière de double imposition. La recourante a reproché à l’intimée de ne pas se prononcer sur la question essentielle concernant la double imposition. Elle a soutenu que celle-ci remettait désormais en cause l’affiliation en tant que personne sans activité lucrative. Les pièces dont l’intimée disposait à l’époque contredisaient cette redésignation (sic). En se fondant uniquement sur le principe de la résidence pour justifier l'affiliation à l’AVS, l’intimée ignorait les mécanismes de coordination entre la Suisse et les États-Unis, et notamment les dérogations prévues. À défaut d’une dérogation, un certificat de couverture devait lui être délivré. La recourante a allégué qu’elle remplissait les critères pour être qualifiée d’indépendante pendant la période litigieuse. L’intimée devrait examiner comment alléger le fardeau de la double imposition, plutôt que d’imputer une erreur à l’administration américaine.

d. Dans son écriture du 5 octobre 2022, l’intimée a maintenu que la recourante devait être obligatoirement affiliée à l’AVS et ne pouvait être exemptée du paiement de ses cotisations sociales.

e. Le 7 octobre 2022, la chambre de céans a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La modification du 21 juin 2019 de la LPGA, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, est applicable dans la mesure où le présent recours n’était pas pendant à cette date (art. 82a LPGA a contrario).

3.             Le litige, tel que circonscrit par la décision litigieuse, porte sur l’affiliation de la recourante en qualité de personne sans activité lucrative de 2018 à 2019, notamment au regard du droit international.

4.             Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56ss LPGA), le recours est recevable.

On précisera que les conclusions constatatoires de la recourante, en principe irrecevables (cf. ATF 129 V 289 consid. 2.1), n’ont pas de portée propre, puisqu’elles ne visent qu’à asseoir le fondement juridique des conclusions condamnatoires également formulées.

5.             Aux termes de l’art. 1a al. 1 LAVS, portant sur l’assurance obligatoire, sont notamment assurés conformément à la présente loi les personnes physiques domiciliées en Suisse (let. a) et les personnes physiques qui exercent en Suisse une activité lucrative (let. b).

L’art. 1a al. 2 let. c LAVS dispose que ne sont pas assurés les indépendants et les salariés dont l’employeur n’est pas tenu de payer des cotisations, lorsqu’ils ne remplissent les conditions énumérées à l’al. 1 que pour une période relativement courte ; le Conseil fédéral règle les modalités. L’art. 2 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101) précise qu’est considérée comme relativement courte au sens de l’art. 1a al. 2 let. c LAVS une activité lucrative qui n’excède pas trois mois consécutifs par année civile.

L'exemption à l'assurance prévue à l'art. 1a al. 2 let. c LAVS a été introduite avant tout pour des motifs administratifs, afin d’éviter des difficultés d'affiliation disproportionnées par rapport au montant des cotisations à encaisser. Pour cette raison, il se justifiait d'exempter de l'obligation d'assujettissement les personnes qui venaient depuis l'étranger en Suisse pour travailler pendant une courte durée, que ce soit à titre dépendant ou indépendant. Il résulte toutefois clairement de l'art. 1a al. 2 let. c LAVS qu'une exemption de l'AVS motivée par la courte durée de l'activité lucrative n'est possible qu'à la condition que la personne en question ne soit pas domiciliée en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 9C_43/2014 du 21 mai 2014 consid. 3.2 et 3.3).

6.             Les cotisations des assurés qui exercent une activité lucrative sont calculées en pourcentage du revenu provenant de l’exercice de l’activité dépendante ou indépendante (art. 4 al. 1 LAVS).

6.1 L’art. 9 al. 1 LAVS prévoit que le revenu provenant d'une activité indépendante comprend tout revenu du travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation dépendante.

En vertu de l’art. 8 al. 2 LAVS, si le revenu annuel de l’activité indépendante est égal ou inférieur à CHF 9'300.- selon la teneur de cette disposition en 2018, respectivement CHF 9'400.- selon la teneur de cette disposition dès le 1er janvier 2019, l’assuré paie la cotisation minimale de respectivement CHF 392.- en 2018 et CHF 395.- en 2019, sauf si ce montant a déjà été perçu sur son salaire déterminant. Dans ce cas, l’assuré peut demander que la cotisation due sur le revenu de l’activité indépendante soit perçue au taux le plus bas du barème dégressif.

6.2 Conformément à l’art. 10 al. 1 LAVS, les assurés n’exerçant aucune activité lucrative paient une cotisation selon leur condition sociale. Les assurés qui exercent une activité lucrative et qui paient moins que la cotisation minimale pendant une année civile, y compris la part d’un éventuel employeur, sont considérés comme des personnes sans activité lucrative. Le Conseil fédéral peut majorer ce montant selon la condition sociale de l’assuré pour les personnes qui n’exercent pas durablement une activité lucrative à plein temps.

Selon l’art. 28 al. 1 RAVS, les cotisations des personnes sans activité lucrative, pour lesquelles la cotisation minimale par année (art. 10 al. 2 LAVS) n’est pas prévue, sont déterminées sur la base de leur fortune et du revenu qu’elles tirent des rentes. Cette réglementation vise à empêcher que l’obligation de cotiser en qualité de non actif soit contournée par l’exercice d’une activité minime ou sporadique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_105/2012 du 14 mars 2012 consid. 1). L’art. 28bis al. 1 RAVS dispose que les personnes qui n’exercent pas durablement une activité lucrative à plein temps acquittent les cotisations comme des personnes sans activité lucrative, lorsque, pour une année civile, les cotisations qu’elles paient sur le revenu d’un travail, ajoutées à celles dues par leur employeur, n’atteignent pas la moitié de la cotisation due selon l’art. 28. Leurs cotisations payées sur le revenu d’un travail doivent dans tous les cas atteindre le montant de la cotisation minimale selon l’art. 28. La notion de durable au sens des art. 10 al. 1 LAVS et 28bis RAVS couvre une activité exercée durant au moins neuf mois par année (arrêt du Tribunal fédéral 9C_228/2021 du 9 juillet 2021 consid. 3 ; ch. 2035 des Directives sur les cotisations des travailleurs indépendants et des personnes sans activité lucrative dans l’AVS, AI et APG [ci-après : DIN] dans leur version au 1er janvier 2018). Une activité lucrative n’est pas exercée à plein temps lorsque l’assuré n’est pas actif pendant au moins la moitié du temps usuellement consacré au travail (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 29/06 du 6 février 2007 consid. 3.1 ; ch. 2039 DIN).

6.3 La deuxième révision de l'AVS a consacré le principe selon lequel le critère déterminant pour la qualification de personne active ou non active du point de vue du droit des cotisations est que l’assuré verse sur le produit de son travail des cotisations qui atteignent au moins le montant de la cotisation minimale pour tous les assurés (cf. art. 10 al. 1 2ème phr. LAVS) (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 318/01 du 10 juillet 2003 consid. 6.2). Il s’agit cependant là uniquement des assurés qui doivent être taxés selon leur situation sociale au sens de l’art. 10 al. 1 1ère phr. LAVS. En vertu de l’art. 8 al. 2 1ère phr. LAVS, les indépendants qui réalisent les revenus visés par cette disposition ne sont pas concernés. Dans le cadre de la 9ème révision de l’AVS, il a été confirmé que les indépendants n’ayant aucun revenu ou seulement un revenu minime doivent s’acquitter de la cotisation minimale (Message concernant la neuvième révision de l'assurance-vieillesse et survivants du 7 juillet 1976, FF 1976 III 27). Dès lors qu’il s’agit pour l’essentiel d’activités durables exercées à plein temps, ce traitement particulier des indépendants se justifie, car on ne peut dans de tels cas pas parler d’absence d’activité lucrative, et qu’on ne peut exiger d’un indépendant dont les affaires vont mal qu’il s’acquitte de cotisations sur sa fortune ou le revenu de ses rentes. Il en découle qu’un assuré indépendant qui ne retire aucun revenu de son activité ne peut être qualifié de non actif pour ce motif. Savoir si un assuré exerce une activité lucrative ne dépend pas du montant des cotisations mais des circonstances économiques concrètes. Lorsqu’un assuré déploie en qualité d’indépendant une activité économique effective, visible pour le public, dans le but de commercialiser ses produits, les revenus modestes qu’il en tire ne permettent pas de lui nier la qualité d'indépendant. Le fait qu'une personne exerçant une activité lucrative indépendante n'enregistre pas de revenus professionnels ou subit des pertes commerciales, et ne réalise donc pas un revenu soumis à cotisation, ne suffit pas, à lui seul, pour la considérer comme un assuré sans activité lucrative, à moins que la situation ne se prolonge sur une certaine durée (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 169/06 du 15 mars 2007 consid. 4.1).

7.             La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), en particulier, le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment et celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 9C_361/2015 du 17 juillet 2015 consid. 5.1). Le droit d'être entendu doit être reconnu et respecté lorsqu'une autorité envisage de fonder sa décision sur une norme ou un motif juridique non évoqué dans la procédure antérieure et dont aucune des parties en présence ne s'est prévalue et ne pouvait supputer la pertinence dans le cas d’espèce (ATF 128 V 272 consid. 5b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_277/2013 du 28 août 2013 consid. 3.2).

8.             L’art. 53 LPGA dispose que les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si l’assuré ou l’assureur découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits auparavant (al. 1). L’assureur peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force par la voie de la reconsidération lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (al. 2).

Par le biais de la reconsidération, on corrigera une application initiale erronée du droit (ATF 146 V 364 consid. 4.2). Une décision est manifestement erronée lorsqu’elle n’applique pas correctement le droit, par exemple lorsqu’elle se fonde sur des dispositions légales erronées. Tel n’est pas le cas lorsque le motif de reconsidération a trait à des conditions matérielles d’octroi, et que le point de savoir si ces conditions sont réalisées implique nécessairement l’exercice d’un certain pouvoir d’appréciation par l’autorité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_575/2007 du 18 octobre 2007 consid. 2.2). 

L’art. 53 al. 2 LPGA est également applicable lorsque le statut de l’assuré en matière de cotisations, fixé par une décision formelle en force, est modifié rétroactivement (arrêt du Tribunal fédéral 9C_427/2016 du 22 mai 2017 consid. 3.5 et les références). Le caractère manifestement erroné s’apprécie selon la situation de droit au moment où la décision en cause a été rendue (ATF 138 V 147 consid. 2.1).

9.             En l’espèce, la décision dont est recours porte sur l’affiliation obligatoire à l’AVS en qualité de personne sans activité lucrative de la recourante.

9.1 Il apparaît cependant que la recourante a bien travaillé pendant la période litigieuse, d’une part en qualité d’employée auprès de l’université de Berne, d’autre part pour le C______. Selon les déclarations à l’autorité fiscale, les seuls revenus perçus pour cette dernière activité, si on la considère comme indépendante, génèrent a priori au moins la cotisation minimale selon le simulateur de calcul du centre d’information AVS/AI disponible à l’adresse (www.ahv-iv.ch/fr/Assurances-sociales/Assurance-vieillesse-et-survivants-AVS/Modules-de-calcul/Calcul-des-cotisations-des-indépendants). En effet, les cotisations en qualité d’indépendante se seraient élevées à CHF 1'999.85 en 2018 et à CHF 1'008.10 en 2019 selon la simulation de calcul. L’activité salariée pour l’université de Berne a quant à elle donné lieu au versement de cotisations sociales excédant la cotisation minimale.

Partant, la décision attaquée s’avère non conforme au droit en tant qu’elle affilie la recourante en qualité de personne sans activité lucrative, et elle doit être annulée pour ce motif.

Au vu des circonstances, la chambre de céans relève que l’admission du présent recours n’exclut pas que l’intimée rende une nouvelle décision d’assujettissement de la recourante en qualité d’indépendante ou de salariée en lien avec les revenus réalisés en 2018 et 2019 pour le C______ - étant rappelé que la question de la nature dépendante ou non de cette activité doit être tranchée non pas d'après la nature juridique du rapport contractuel entre les partenaires, mais en fonction des circonstances économiques (ATF 140 V 241 consid. 4.2 et les références). Il est vrai que l’intimée a annulé l’affiliation initialement prononcée de la recourante en qualité de salariée d'un employeur non tenu de cotiser en Suisse par décision du 5 mars 2020, laquelle est entrée en force. La motivation à l’appui de cette décision est cependant clairement inexacte, dès lors que l’intimée semblait y admettre une exception à l’obligation d’assurance au motif que l’activité de la recourante aurait duré moins de trois mois en 2018. Or, comme on l’a vu, l’exemption à l’assujettissement aux assurances sociales en Suisse en raison d’une activité d’une durée inférieure à trois mois ne vaut que pour les personnes physiques qui ne sont pas domiciliées en Suisse. Elle ne s’applique ainsi pas à la recourante, dont il n’est pas contesté qu’elle vivait à Genève durant la période litigieuse. Ainsi, la décision du 5 mars 2020 est manifestement erronée, de sorte que l’intimée sera fondée à procéder à sa reconsidération le cas échéant. On rappellera à ce sujet que selon la jurisprudence, l'administration n'est pas tenue de reconsidérer les décisions qui remplissent les conditions fixées ; elle en a simplement la faculté et ni l'assuré ni le juge ne peuvent l'y contraindre (arrêt du Tribunal fédéral 8C_82/2020 du 12 mars 2021 consid. 5.1).

9.2 Il convient encore de relever que si la recourante s’est opposée à son affiliation obligatoire à quelque titre que ce soit, les moyens développés par les parties dans le cadre du présent recours portaient avant tout sur la législation applicable au vu du droit international, soit la Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et les États-Unis d’Amérique, conclue le 3 décembre 2012 et entrée en vigueur le 1er août 2014 (RS 0.831.109.336.1).

Toutefois, le juge des assurances sociales applique le droit d'office, conformément à l'art. 61 let. d LPGA (Jean METRAL in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 74 ad. art. 61 LPGA). L’examen de la chambre de céans n’était ainsi pas limité aux seuls moyens soulevés par les parties dans la présente procédure. On précisera, en outre, que l’on ne se trouve pas ici dans une situation où les exigences en matière de droit d’être entendu imposent de requérir les déterminations des parties sur une substitution de motif. En effet, les parties pouvaient s’attendre à ce que le titre auquel la recourante devait ou non être affiliée à l’AVS soit examiné, le bien-fondé de cette qualification étant essentiel pour apprécier la conformité au droit de la décision d’assujettissement. Les parties se sont, du reste, prononcées au sujet de cette qualification, l’intimée l’ayant évoquée notamment dans sa réponse du 2 septembre 2022, tandis que la recourante l’a abordée dans son écriture du 27 septembre 2022.

Au vu de l’admission du recours pour le motif qui précède, il est superflu, à ce stade, d’examiner si le droit international prévoit l’assujettissement obligatoire de la recourante en Suisse ou aux États-Unis.

10.         Compte tenu de ces éléments, le recours est admis.

11.         La recourante, qui n'est pas représentée en justice et qui n'a pas allégué ou démontré avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante de ses affaires, n'a pas droit à des dépens.

12.         Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet, au sens des considérants.

3.        Annule la décision sur opposition de l’intimée du 9 juin 2022.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le