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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/816/2022

ATAS/91/2023 du 13.02.2023 ( AI ) , ADMIS

En fait
En droit

 

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/816/2022 ATAS/91/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 février 2023

1ère Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à PLAN-LES-OUATES, représenté par INCLUSION HANDICAP

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1973, a travaillé en dernier lieu pour l’entreprise B ______ (ci-après : l’employeur) en qualité d’ « Ingénieur Systèmes » à 100%.

b. Le 10 septembre 2018, l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI), mentionnant être en totale incapacité de travail depuis le 16 janvier 2018 en raison d’une atteinte à la santé psychique.

c. Dans le cadre de l’instruction du dossier, l’OAI a reçu plusieurs documents, dont des rapports d’une psychologue et de spécialistes en médecine interne, en psychiatrie et psychothérapie, en neurologie, et en neuropsychologie.

d. L’OAI a confié une expertise au docteur C______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, lequel a diagnostiqué un trouble dépressif subclinique à léger (F32.0) et une personnalité anankastique (ou obsessionnelle) (F60.5), et conclu à une capacité de travail nulle dès le 16 janvier 2018 conformément à l’appréciation des médecins traitants, et entière dans une activité adaptée sans baisse de rendement significative, au plus tard le 1er août 2020 (cf. rapport du 18 mars 2021, complété le 11 juin 2021).

e. Par avis du 4 juillet 2021, le service médical régional de l’OAI (ci-après : le SMR) a retenu une incapacité de travail de 100% dès le 16 janvier 2018 et de 0% dès le 1er août 2020 dans une activité plus simple, sans grandes responsabilités et sans tâches complexes.

B. a. Le 16 septembre 2021, l’OAI a informé l’assuré qu’il envisageait de lui octroyer une rente entière du 1er mars 2019 au 31 octobre 2020, et un quart de rente dès le 1er novembre 2020.

b. Le 8 octobre 2021, l’assuré a contesté cette position, relevant que son état de santé ne lui permettait pas de reprendre une quelconque activité professionnelle.

c. Par rapport du 10 octobre 2021, la psychiatre traitante de l’assuré a maintenu que son patient était en incapacité totale de travail, dans toute activité.

d. Par décision du 23 février 2022, l’OAI a confirmé son projet du
16 septembre 2021. Il a retenu que la capacité de travail était nulle dans l’activité habituelle à partir du 16 janvier 2018 et entière dans une activité adaptée dès le
1er août 2020. Après comparaison des revenus sans invalidité (CHF 131'048.-) et avec invalidité (CHF 69'989.-), la perte de gain était fixée à CHF 61'059.-, soit un taux d’invalidité de 47%. La demande étant tardive, l’intéressé avait droit à une rente entière dès le 1er mars 2019, diminuée à un quart de rente dès le
1er novembre 2020, soit trois mois après l’amélioration de la capacité de gain.

C. a. Par acte du 14 mars 2022, l’assuré, représenté par un mandataire, a interjeté recours contre cette décision. Il a conclu, sous suite de frais et dépens, à la mise en œuvre d’une expertise judiciaire psychiatrique et, principalement, à l’octroi d’une demi-rente au minimum dès le 1er novembre 2020. En substance, le recourant a contesté la valeur probante du rapport du Dr C______ et le calcul du degré d’invalidité.

Il a produit un rapport du 4 janvier 2022 de sa psychiatre traitante.

b. Dans sa réponse du 12 avril 2022, l’intimé a conclu à l’admission « partielle » du recours. En effet, après nouvel examen des arguments et pièces, le SMR avait modifié sa précédente appréciation, estimant désormais que l’intéressé était apte à travailler à 100% dans une activité adaptée, avec une diminution de rendement de 40% dès le 17 décembre 2020, date du bilan neuropsychologique. Compte tenu d’un salaire de valide de CHF 152'578.- et d’un salaire d’invalide de
CHF 40'520.- (salaire « ISS » de CHF 73'673.-, réduit de 45%), il en résultait une perte de gain de 73.4%. L’intéressé avait ainsi droit à une rente entière basée sur un degré d’invalidité de 73%.

L’intimé a joint l’avis du 11 avril 2022 du SMR.

c. Par courrier du 20 avril 2022, le recourant a relevé que son recours devait être admis dans sa totalité, et non partiellement, dès lors que les conclusions de l’intimé étaient pour ainsi dire les mêmes que les siennes.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du
19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au
1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

3.             Le 1er janvier 2022 sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du
19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est, en principe, celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

4.             Déposé dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56ss LPGA), le recours est recevable.

5.             L’objet du litige dans la procédure administrative subséquente est le rapport juridique qui – dans le cadre de l’objet de la contestation déterminé par la décision – constitue, d’après les conclusions du recours, l’objet de la décision effectivement attaqué. D’après cette définition, l’objet de la contestation et l’objet du litige sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, lorsque le recours ne porte que sur une partie des rapports juridiques déterminés par la décision, les rapports juridiques non contestés sont certes compris dans l’objet de la contestation, mais non pas dans l’objet du litige (ATF 125 V 413 consid. 1b et 2 et les références).

Les questions qui - bien qu'elles soient visées par la décision administrative et fassent ainsi partie de l’objet de la contestation - ne sont plus litigieuses, d'après les conclusions du recours, et qui ne sont donc pas comprises dans l’objet du litige, ne sont examinées par le juge que s'il existe un rapport de connexité étroit entre les points non contestés et l’objet du litige (ATF 125 V 413 consid. 1b et les références).

5.1 Dans sa décision du 23 février 2022, l’intimé a accordé au recourant une rente d’invalidité entière du 1er mars 2019 au 31 octobre 2020, réduite à un quart de rente dès le 1er novembre 2020.

5.2 Le litige porte sur le bien-fondé de la diminution de la rente d’invalidité du recourant dès le 1er novembre 2020, singulièrement sur l’évaluation de sa capacité de travail à compter du 1er août 2020.

6.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles
(al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

L’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins (cf. art 28
al. 2 LAI en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021 et art. 28b al. 3 LAI en vigueur depuis le 1er janvier 2022).

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et 28a al. 1 LAI).

6.1 Selon la jurisprudence, une décision par laquelle l'assurance-invalidité accorde une rente d'invalidité avec effet rétroactif et, en même temps, prévoit l'augmentation, la réduction ou la suppression de cette rente, correspond à une décision de révision au sens de l’art. 17 LPGA (ATF 130 V 343 consid. 3.5.2 ; ATF 125 V 413 consid. 2d et les références ; VSI 2001 p. 157 consid. 2). Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d'invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l'article 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important
(ATF 130 V 343 consid. 3.5 ; ATF 113 V 273 consid. 1a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_1006/2010 du 22 mars 2011 consid 2.2).

6.2 Dans le domaine de l’assurance-invalidité, le point de départ d’une modification du droit aux prestations est fixé avec précision. En cas de modification de la capacité de gain, la rente doit être supprimée ou réduite avec effet immédiat si la modification parait durable et par conséquent stable (première phrase de l'art. 88a al. 1 RAI) ; on attendra en revanche trois mois au cas où le caractère évolutif de l'atteinte à la santé, notamment la possibilité d'une aggravation, ne permettrait pas un jugement immédiat (deuxième phrase de la disposition ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 666/81 du 30 mars 1983 consid. 3, in RCC 1984 p. 137ss). En règle générale, pour examiner s'il y a lieu de réduire ou de supprimer la rente immédiatement ou après trois mois, il faut examiner pour le futur si l'amélioration de la capacité de gain peut être considérée comme durable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_32/2015 du 10 septembre 2015 consid. 4.1).

7.             En vertu de l'art. 53 al. 3 LPGA, l'assureur peut reconsidérer une décision contre laquelle un recours est formé jusqu'à l'envoi de son préavis.

L’assureur social est tenu de notifier sa décision de reconsidération, qui doit remplacer la décision contestée par voie de recours, sans délai aux parties et d’en donner connaissance à l’autorité de recours (art. 58 al. 2 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 [PA - RS 172.021], applicable par renvoi de l’art. 55 al. 1 LPGA) et l’autorité de recours doit continuer à traiter le recours dans la mesure où la nouvelle décision de l’assureur social ne l’a pas rendu sans objet (cf. art. 58 al. 3 PA ; Commentaire romand de la loi sur la partie générale des assurances sociales éd. par Anne-Sylvie DUPONT / Margit MOSER-SZELESS, 2018, n. 105 et 106 ad art. 53) ;

8.             En l’espèce, la chambre de céans rappelle tout d’abord que, dans sa réponse du
12 avril 2022, l’intimé a conclu à l'admission « partielle » du recours, sans avoir rendu de décision formelle.

Sa requête doit ainsi être considérée comme une simple proposition au juge.

8.1 Elle observe ensuite que si l’intimé n’a pas expressément admis le droit du recourant à une rente entière d’invalidité sans interruption depuis le 1er mars 2019, il a clairement indiqué, conformément à l’avis du SMR du 11 avril 2020 annexé, qu’il retenait que l’intéressé avait présenté une capacité de travail de 0% dans l’activité habituelle dès le 16 janvier 2018 et de 100% avec une diminution de rendement de 40% dès le 17 décembre 2020 dans une activité adéquate.

Il a ainsi reconnu que la décision litigieuse était infondée, d’une part pour la période du 1er novembre au 16 décembre 2020, en ce sens que l’intéressé était alors totalement inapte à travailler, et d’autre part dès le 17 décembre 2020, en ce sens qu’il convenait de tenir compte d’une diminution de rendement.

8.2 Dans son nouveau calcul du degré d’invalidité, l’intimé a déterminé le revenu de valide en se fondant sur l’extrait de compte individuel du recourant, comme suggéré par ce dernier, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’y revenir.

Concernant le revenu d’invalide, fixé sur la base des données statistiques, l’intimé semble avoir commis une erreur de plume en appliquant une diminution de 45% puisqu’il n’a pas fait état d’autre facteur de réduction que la baisse de rendement de 40%. Ceci est toutefois sans conséquence sur le droit à une rente entière, puisque la perte de gain s’élèverait à 71% en tenant compte d’un taux de réduction de 40%.

8.3 Il s’ensuit que le recourant a droit à une rente entière, comme admis par l’intimé dans le cadre de la présente procédure, et ce dès le 1er mars 2019.

9.             Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision du 23 février 2022 annulée en tant qu’elle porte sur la diminution de la rente.

Le recourant obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 1’500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.      L’admet.

3.      Annule partiellement la décision du 23 février 2022 dans la mesure où elle réduit le droit à la rente à partir du 1er novembre 2020.

4.      La confirme pour le surplus, soit le droit à une rente entière d'invalidité dès le
1er mars 2019.

5.      Condamne l’intimé à verser au recourant une indemnité de CHF 1’500.- à titre de participation à ses frais et dépens.

6.      Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.      Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Stefanie FELLER

 

La présidente

 

 

 

 

Fabienne MICHON RIEBEN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le