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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2111/2004

ATAS/82/2005 du 03.02.2005 ( LPP ) , ADMIS

En fait
En droit

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2111/2004 ATAS/82/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL CANTONAL DES
ASSURANCES SOCIALES

du 3 février 2005

3ème Chambre

En la cause

FONDATION INSTITUTION SUPPLETIVE LPP, agence régionale de la Suisse romande, Av. du Théâtre 1, 1001 LAUSANNE

demanderesse

contre

Y__________, succursale de Satigny, Rue du Pré-Bouvier 29, 1217 MEYRIN

défenderesse


EN FAIT

La société Y__________ (ci-après : l’employeur ou la défenderesse) est active dans les domaines de la gravure, de la décoration et de la galvanoprotection. Elle possède une succursale à Satigny, laquelle emploie plusieurs personnes. Le 15 septembre 2003 a été signée une convention d’adhésion à la FONDATION INSTITUTION SUPPLETIVE LPP (ci-après la Fondation).

Sur la base des demandes d’affiliation signées par l’employeur le 10 septembre 2003, la Fondation a assuré les salariés de la défenderesse soumis à l’assurance obligatoire, avec effet rétroactif au 1er août 2003.

Le 8 octobre 2003, l’employeur a établi un bordereau de contributions fixant le montant dû pour la période d’août et septembre 2003 à Fr. 4'206.-, y compris les intérêts. Un second bordereau de contributions a été établi le 19 novembre 2003 fixant le montant dû pour la période d’octobre à décembre à Fr. 6'290.-. Le calcul des contributions a été effectué en fonction de l’âge, du sexe, du salaire AVS du salarié, de la période considérée et du taux mentionné dans le règlement des contributions valable pour l’année prise en compte. Il a été contrôlé et vérifié par l’expert agréé en matière de prévoyance professionnelle.

Au 8 mars 2004, le solde du compte courant de l’employeur s’élevait à Fr. 10'520.30 (pièce 110 demanderesse). Il représente l’addition des borderaux de contributions des 8 octobre et 19 novembre 2003, majorée des intérêts de bouclement annuels.

Par courrier du 9 février 2004, la demanderesse a sommé l’employeur de verser le solde débiteur figurant sur le relevé de compte courant au 6 février 2004.

Le 8 mars 2004, elle a déposé une réquisition de poursuite.

Le 19 avril 2004, l’Office des poursuites et faillites (ci-après l’OP) a notifié un commandement de payer n°04 140565 K à l’employeur pour un montant de Fr. 10'520.30 avec intérêts à 5% dès le 24 février 2004 et Fr. 250.- de frais. L’employeur a fait opposition.

Par courrier du 6 mai 2004, la demanderesse a encore imparti un délai de dix jours à l’employeur pour retirer l’opposition au commandement de payer ; en vain.

Le 14 octobre 2004, la demanderesse a saisi le Tribunal de céans d’une requête en mainlevée définitive de l’opposition. Entre autres documents, elle a produit le bordereau de cotisations, le commandement de payer, les relevés de compte de l’employeur, ainsi que la sommation.

Invitée à deux reprises à se déterminer, la défenderesse ne s’est pas manifestée.

EN DROIT

1. La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales (TCAS), composé de cinq juges, dont un président et un vice-président, cinq suppléants et seize juges assesseurs (art. 1 let. r et 56T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des seize juges assesseurs par le Tribunal fédéral (TF) le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente (art. 162 LOJ) permettant au TCAS de siéger sans assesseurs, à trois juges titulaires, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

2. Conformément à l’art. 56V al. 1 let. b LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce, ainsi que des prétentions en responsabilité. Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

3. La loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 (LPP) institue une régime d’assurance obligatoire des salariés (art. 2 al. 1 LPP). Selon l’art. 11 al. 1 LPP, tout employeur occupant des salariés soumis à l’assurance obligatoire doit être affilié à une institution de prévoyance inscrite dans le registre de la prévoyance professionnelle.

4. L’art. 3 al. 1 de l’ordonnance sur les droits de l’institution supplétive en matière de prévoyance professionnelle (ci-après l’ordonnance ; RS 831.434) prévoit encore que l’employeur doit verser à l’institution supplétive les cotisations dues pour l’ensemble des salariés soumis à la loi, avec effet au moment où il aurait dû être affilié à une institution de prévoyance. Le taux de l’intérêt moratoire correspond à celui qu’applique habituellement l’institution supplétive en cas de retard dans le paiement des cotisations (art. 3 al. 2 de l’ordonnance).

5. Aux termes de l’art. 73 al. 1 LPP, chaque canton désigne un tribunal qui connaît, en dernière instance cantonale, des contestations opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droits. La LPP n’a pas institué de procédure d’opposition préalable au recours au tribunal. La jurisprudence a précisé en outre que ni les institutions de prévoyance ni l’institution supplétive ne peuvent annuler l’opposition à une poursuite en recouvrement de cotisations dues par l’employeur par une décision assimilable à un jugement (ATF 115 III 95 ; JdT 1991 2 149). Le Tribunal de céans peut ainsi connaître directement de l’opposition faite par le débiteur au commandement de payer.

Les décisions des autorités administratives fédérales portant condamnation à payer une somme d’argent sont exécutées par la voie de la poursuite pour dette et sont, une fois passées en force, assimilées à des jugements exécutoires au sens de l’art. 80 al. 2 ch. 2 de la loi fédérale sur la poursuite pour dette et la faillite du 11 avril 1889 (LP ; RS 281.1 ; P.-R. GILLIERON, Commentaires de la LP, 1999, p. 1226, ch. 45). Il en est de même des décisions passées en force des autorités administratives cantonales de dernière instance qui statuent, dans l’accomplissement de tâches de droit public à elles conférées par la Confédération, en application du droit fédéral, mais qui ne statue pas définitivement en vertu du droit fédéral – autrement dit, dont les décisions sont susceptibles d’un recours administratif auprès d’une autorité fédérale ou d’un recours de droit administratif (GILLIERON, op. cit., p. 1227 ; C. JAEGER, Bundesgesetzt über Schuldbetreibung und Konkurs, 1999, p. 621). Par autorité administrative fédérale – et par extension autorité administrative cantonale de dernière instance - , il faut entendre les tribunaux fédéraux et les autres autorités ou organisations indépendantes de l’administration fédérale en tant qu’elles statuent dans l’accomplissement de tâches de droit public à elles confiées par la Confédération (art. 1 al. 2 let. b et let. e de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 [P1 ; RS 172 021]).

Le Tribunal cantonal des assurances sociales statuant en dernière instance cantonale et dans l’accomplissement de tâches de droit public peut, selon ce qui précède, prononcer la mainlevée définitive puisque, statuant au fond, la condamnation au paiement est assimilée à un jugement exécutoire. Cette solution est d’ailleurs la conséquence du fait que, dans les matières qui sont de son ressort, le juge des assurances est effectivement le juge ordinaire selon l’art. 79 LP et qu’il a dès lors qualité pour lever une opposition à la poursuite en statuant sur le fond (ATF 109 V 51).

6. En l’espèce, il convient d’admettre que les décomptes de la Fondation sont exacts. En effet, il ressort de l’ensemble des pièces produites par la demanderesse que la défenderesse est resté débitrice du montant qui lui est réclamé.

En ce qui concerne les frais de poursuite, ils sont d’office supportés par le débiteur lorsque la poursuite aboutit (JdT 1974 III 32). Les intérêts et frais dus par le défendeur sont par ailleurs prévus à l’art. 3 al. 2 de l’ordonnance sur les droits de l’institution supplétive en matière de prévoyance professionnelle précitée et à l’art. 7 ch. 3, 4 et 6 des conditions d’affiliation remises à l’employeur lors de la décision d’affiliation.

Pour tous ces motifs, il y a lieu d’admettre la demande et de prononcer la mainlevée définitive de l’opposition au commandement de payer.

7. En ce qui concerne les frais et dépens de la cause, l’art. 73 al. 2 LPP précise que les cantons doivent prévoir une procédure simple, rapide et, en principe, gratuite. L’art. 89H al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA) prévoit quant à lui que la procédure est gratuite pour les parties. Toutefois, les débours et un émolument peuvent être mis à la charge de la partie qui agit de manière téméraire ou témoigne de légèreté. En effet, ainsi que le Tribunal fédéral des assurances l’a admis, la possibilité de limiter la gratuité en cas de recours téméraire ou interjeté à la légère est un principe général de procédure prévu pour toutes les branches des assurances sociales (ATF 126 V 151 consid. 4b).

La jurisprudence a précisé qu’un recours voué à l’échec ne saurait être assimilé à un recours présentant un caractère de légèreté ou de témérité. Le fait qu’un recours soit dépourvu de chances de succès ne suffit a priori pas à lui seul à lui conférer un tel caractère. Encore faut-il qu’un élément – critiquable – s’ajoute subjectivement parlant : la partie concernée doit avoir entamé la procédure quand bien même elle pouvait sans autre se rendre compte, en usant de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elle, que son recours était dépourvu de chances de succès (Pratique VSI 1998 p. 194). Dans le cadre de litiges portant sur des cotisations de la prévoyance professionnelle, le point de savoir si un procès est téméraire doit être tranché en examinant non seulement le comportement du débiteur des cotisations dans la procédure judiciaire, mais également son comportement avant le procès (ATF 124 V 285).

Le Tribunal fédéral des assurances a également rappelé qu’il y a lieu de faire une différence entre, d’une part la sanction constituée par la mise des frais de procédure à la charge d’une partie qui agit par légèreté ou de manière téméraire au sens de l’art. 85 al. 2 let. a de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS ; RS 831.10 ; actuellement art. 61 let. a de la loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales [LPGA – RS 830.1] en vigueur depuis le 1er janvier 2003) et, d’autre part, le droit aux dépens selon l’art. 85 al. 2 let. f LAVS (actuellement art. 61 let. g LPGA), droit qui s’apprécie selon les critères développés au sujet de l’allocation de dépens à une partie agissant sans mandataire (Pratique VSI 2002 p. 61).

Les assureurs sociaux qui obtiennent gain de cause en procédure cantonale et sont représentés par un avocat ou, d’une autre manière, par une personne qualifiée, peuvent prétendre à des dépens lorsque la partie adverse procède avec légèreté ou de manière téméraire. En l’absence d’une telle représentation, les autres conditions pour l’octroi de dépens à une partie non représentée doivent être données, en sus de celles liées à la témérité ou à la légèreté (ATF 128 V 323). Selon l’arrêt publié in ATF 110 V 134 consid. 4d, il n’y a pas lieu d’allouer des dépens pour les frais de travail personnel et pour les vacations, sauf circonstances particulières. Une telle situation d’exception doit être admise lorsque les conditions suivantes sont cumulativement réunies : il faut qu’il s’agisse d’une affaire compliquée avec une valeur litigieuse élevée. Il faut en outre que la sauvegarde des intérêts de la partie en question nécessite une grande quantité de travail qui dépasse le cadre de ce que l’on peut normalement ou raisonnablement exiger de quelqu’un pour s’occuper de ses affaires personnelles ; il faut donc une masse de travail qui gêne de manière importante une occupation normale (par exemple professionnelle). Enfin, il faut qu’il y ait un rapport raisonnable entre le travail fourni et le résultat de la sauvegarde des intérêts de la personne concernée (ATF 110 V 82 consid. 7 et 135 consid. 4b ; Pratique VSI 2002 p. 60). On se base sur la situation concrète de la partie qui réclame des dépens pour juger si ces diverses conditions sont remplies cumulativement (RCC 1989 p. 274 consid. 5c).

8. En l’espèce, il convient de déterminer en premier lieu si la défenderesse a agi avec légèreté ou témérité, puis cela fait, si des dépens peuvent être octroyés à la demanderesse.

Au vu de l’attitude de la défenderesse au cours de la procédure judiciaire, la légèreté de son comportement doit être constatée. En effet, si elle s’est affiliée d’elle-même à une institution de prévoyance, elle ne s’est ensuite pas acquittée des cotisations dues, forçant ainsi la demanderesse à déposer une requête en mainlevée. En outre, appelée à se déterminer à deux reprises par le Tribunal de céans, elle n’a pas dénié répondre. Au vu de ces différents éléments, le Tribunal de céans est fondé, compte tenu de la jurisprudence précitée, à lui réclamer un émolument à titre de frais de procédure. Les frais de procédure qui peuvent être mis à la charge des parties comprennent l’émolument d’arrêté et les débours (art. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative E 5 10.03). En règle générale, l’émolument d’arrêté n’excède pas Fr. 10'000,- (art. 2 al. 1 du règlement). Dès lors, le Tribunal condamnera la défenderesse à payer un émolument de Fr. 500,-.

Reste à examiner la question des dépens. Le Tribunal constate que la Fondation a agi sans mandataire pour faire valoir sa créance. En l’occurrence, il ne s’agit au surplus pas d’une affaire complexe au niveau des faits ou du droit et le travail requis n’a pas dépassé le cadre de ce qui est normalement nécessaire dans un cas du même genre. Dans ces conditions, il ne sera octroyé aucune indemnité de dépens à la demanderesse.


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant (conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

Déclare recevable la demande déposée le 14 octobre 2004 par la Fondation Institution supplétive LPP contre Y__________, succursale de Satigny ;

L’admet ;

Condamne Y___________, succursale de Satigny, à payer à la Fondation Institution supplétive LPP le montant de Fr. 10'520.30 avec intérêts à 5% dès le 24 février 2004 ainsi que Fr. 250.-- de frais ;

Prononce la mainlevée définitive de l’opposition au commandement de payer N°04 140565 K à concurrence des montants susmentionnés ;

Met à la charge de la défenderesse un émolument de Fr. 500,-. ;

Déboute la demanderesse de toutes autres ou plus amples conclusions ; 

Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu'il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l'enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

La greffière :

Janine BOFFI

La Présidente :

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le