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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2585/2016

ATAS/774/2016 du 27.09.2016 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2585/2016 ATAS/774/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 septembre 2016

1ère Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à CHÊNE-BOURG, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Christian van GESSEL

 

 

recourant

 

contre

AXA WINTERTHUR, Assurances collect. de personnes, sise chemin de Primerose 11, LAUSANNE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Didier ELSIG

 

 

intimée

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1962, a travaillé en qualité de mandataire commercial auprès de la banque B______ (SUISSE) SA (ci-après : l’employeur). À ce titre, il était assuré contre les accidents professionnels et non professionnels à la WINTERTHUR, devenue AXA WINTERTHUR (ci-après : l’assureur).

2.        Le 1er novembre 2000, l’assuré a été victime d’un accident de scooter provoqué par un tiers, à la suite duquel il a souffert notamment d'une rupture traumatique de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite. Le cas a été pris en charge par l’assureur.

3.        Par décision du 29 janvier 2007, confirmée sur opposition le 19 mars 2007, l’assureur a alloué à l’assuré une rente calculée sur la base d’un taux d’invalidité de 50%. L’assuré a recouru contre cette décision le 19 avril 2007, considérant qu’il présentait une incapacité totale de travailler.

4.        Par arrêt du 27 mai 2008 (ATAS/627/2008), le Tribunal cantonal des assurances sociales, alors compétent, a rejeté le recours, se fondant principalement sur l’expertise du centre PMU. Le Tribunal fédéral a confirmé ledit arrêt le 17 mars 2009 (arrêt du Tribunal fédéral 8C_558/2008).

5.        Le 18 septembre 2014, ZURICH Compagnie d’assurances SA (ci-après : ZURICH), assureur responsabilité civile du tiers à l’origine de l’accident, a communiqué à l’assurance trois rapports de surveillance établis par des détectives privés, dont il ressort que l’assuré ne semblait pas gêné dans son quotidien par des douleurs et qu’il ne présentait pas de limitations fonctionnelles.

6.        Le 6 mai 2015, l’assureur a formellement informé l’assuré que sa rente d’invalidité était suspendue dans l’attente de conclusions médicales, et par décision du 15 juin 2015, a confié un mandat d’expertise au docteur C______, suspendu avec effet immédiat le versement de la rente et retiré l’effet suspensif à un éventuel recours.

7.        Par acte du 22 juin 2015, l’assuré a interjeté recours devant la Chambre de céans contre la décision du 15 juin 2015, concluant, préalablement, à la restitution de l’effet suspensif, principalement, à l’annulation de la décision querellée et, subsidiairement, à ce que le mandat d’expertise soit confié au centre PMU ou au Prof D______, avec suite de frais et dépens.

8.        Dans sa réponse du 17 août 2015, l’assureur a conclu à ce qu’il soit ordonné à l’assuré de se rendre à l’examen prévu le 23 octobre 2015 au cabinet du Dr C______, sous peine de suppression de sa rente d’invalidité à compter du 15 juin 2015 et à ce que la cause soit suspendue durant la mise en œuvre des mesures d’instructions, en particulier de ladite expertise.

9.        Dans un arrêt sur partie du 14 octobre 2015 (ATAS/766/2015), la Chambre de céans a confirmé la nomination du Dr C______. Elle a par ailleurs déclaré irrecevables les demandes d’injonction et de suspension formées par l’assureur.

10.    Par arrêt du 29 octobre 2015, la Chambre de céans a considéré que l’assureur ne pouvait pas suspendre le droit à la rente de l’assuré sur la seule base des rapports de surveillance et du rapport de son médecin-conseil, le docteur E______.

Elle en a conclu que l’assureur devait verser à l’assuré les rentes d’invalidité indûment retenues depuis le mois de juin 2015 et continuer à lui servir la rente, à tout le moins jusqu’à l’issue de l’instruction mise en œuvre pour déterminer son droit aux prestations. Aussi a-t-elle admis le recours au sens des considérants et annulé la décision querellée en tant qu’elle suspendait le droit à la rente de l’assuré.

11.    L’assuré a été examiné par le Dr C______ le 8 avril 2016.

Il ressort de l’expertise réalisée par ce médecin le 27 mai 2016 que l’assuré « peut assumer son travail administratif assez peu contraignant pour les épaules en plein ».

12.    Par décision du 20 juin 2016, l’assureur a informé l’assuré que sa rente était supprimée à compter du 1er août 2016. Un montant de CHF 600.- était par ailleurs prélevé sur sa rente de juillet 2016, du fait qu’il ne s’était pas présenté à la convocation du 23 octobre 2015 chez le Dr C______. L’assureur a enfin retiré l’effet suspensif à une éventuelle opposition.

13.    L’assuré a formé opposition le 7 juillet 2016. Il conclut, préalablement, à la restitution de l’effet suspensif, et principalement, à l’annulation de la décision du 20 juin 2016.

14.    Par décision incidente du 28 juillet 2016, l’assureur a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif.

15.    L’assuré a interjeté recours contre ladite décision le 2 août 2016.

À l’appui de sa demande, l’assuré fait valoir que la suppression de sa rente va le plonger lui et sa famille dans une situation financière précaire, rappelant à cet égard qu’il ne reçoit pas de rente de l’AI.

Il conteste le rapport d’expertise du Dr C______, lui niant toute valeur probante. Il reproche plus particulièrement à l’expert de n’avoir pas pris en considération toutes ses explications, de n’avoir pas établi un rapport en pleine connaissance de l’anamnèse, ayant délibérément écarté les rapports et vidéos des détectives privés, ainsi qu’un document d’objections qu’il avait rédigé intitulé « analyse des rapports des trois détectives » et le CD-Rom y relatif, d’avoir refusé de répondre à la question posée par son mandataire le 14 janvier 2016, à savoir

« Est-ce que les mouvements de l’assuré que vous pouvez observer sur les différents films pris par les trois agences de détectives privés, à la lumière et en tenant compte des explications fournies par l’assuré sont compatibles ? ».

Il s’étonne enfin que l’expert suggère une mobilisation de son épaule droite sous narcose, affirmant qu’une telle intervention est sans risque, alors que tel n’est pas l’avis des autres médecins.

Il allègue ainsi que la condition de modification notable du taux d’invalidité au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA n’est pas remplie.

Il se plaint également de n’avoir pas été invité à prendre position sur le rapport d’expertise du Dr C______ et constate que si tel avait été le cas, la décision litigieuse n’aurait été rendue que deux ou trois mois plus tard, ce qui aurait repoussé d’autant le moment où sa rente aurait été supprimée.

Il produit un rapport du 2 mai 2016 établi par le Prof D______ à sa demande, lequel tient précisément compte, quant à lui, des rapports de surveillance des détectives privés et de ses objections. Selon le Prof D______,

« La capacité de travail pour une activité lucrative est aujourd’hui à 0%. Cette évaluation est motivée par le diagnostic qui, pour l’épaule droite, est celui de "Raideur et contracture post traumatiques, chronicisées, d’origine multifactorielles : Contusion osseuse ancienne, déchirures et subluxation tendineuses, et éléments psychogènes anxio-dépressifs". Cette raideur objective et les douleurs qui en sont la conséquence, nécessitent une prise importante de médicaments antalgiques. Cette situation ne permet pas la concentration nécessaire et indispensable pour l’accomplissement d’une tâche comptable ou administrative lucrative. Cet état empêche également tout travail d’ordre manuel nécessitant l’utilisation régulière avec dextérité et en force du membre supérieur droit. L’état actuel de l’assuré est directement la conséquence de l’accident du 1.11.2000 ».

Le médecin relève en substance que les vidéos filmées par les détectives « démontrent à l’évidence que le membre supérieur du patient est tenu protégé et n’est utilisé que dans les limites mises en évidence par l’examen clinique ».

16.    Dans sa réponse du 1er septembre 2016, l’assureur a conclu au rejet du recours. Il rappelle que la chambre de céans avait elle-même considéré, dans son arrêt du 29 octobre 2015, qu’une expertise médicale était incontournable.

Il considère que l’expertise du Dr C______, contrairement aux allégations de l’assuré, est fouillée, rigoureuse sur le plan scientifique et qu’elle s’appuie sur de nouvelles imageries médicales. Le bilan décrit par le Dr C______ témoigne d’une amélioration significative de l’usage du bras droit, ainsi que d’une atrophie devenue pratiquement inexistante. Selon le Dr C______, l’épaule droite peut désormais être considérée comme objectivement guérie, de sorte que l’assuré ne présente plus d’incapacité de travail dans son activité de comptable.

17.    Ces écritures ont été transmises à l’assuré et la cause gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 de loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20), les dispositions de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.        Le recours, interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, est recevable (art. 56 à 60 LPGA).

4.        Le litige porte sur le droit de l’assureur de refuser de restituer l’effet suspensif à l’opposition formée par l’assuré le 7 juillet 2016 à la décision du 20 juin 2016 supprimant son droit à la rente.

5.        Selon l’art. 54 al. 1 LPGA,

« Les décisions et les décisions sur opposition sont exécutoires lorsque:

a. elles ne peuvent plus être attaquées par une opposition ou un recours;

b. l'opposition ou le recours n'a pas d'effet suspensif;

c. l'effet suspensif attribué à une opposition ou à un recours a été retiré ».

a) La LPGA ne contient aucune disposition en matière d'effet suspensif. L'art. 55 al. 1 LPGA prévoit que les points de la procédure administrative en matière d'assurances sociales qui ne sont pas réglés de manière exhaustive aux articles 27 à 54 de la LPGA ou par les dispositions des lois spéciales sont régis par la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA; RS 172.021). L'art. 61 LPGA, qui règle la procédure de recours devant le tribunal cantonal des assurances, renvoie quant à lui à l'art. 1 al. 3 PA. Aux termes de cette disposition, l'art. 55 al. 2 et 4 PA relatif au retrait de l'effet suspensif s'applique à la procédure devant les autorités cantonales de dernière instance qui ne statuent pas définitivement en vertu du droit public fédéral. Est réservé l'art. 97 LAVS relatif au retrait de l'effet suspensif pour les recours formés contre les décisions des caisses de compensation.

b) Selon l'art. 11 al. 2 de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11), l'assureur peut, sur requête ou d'office, retirer l'effet suspensif ou rétablir l'effet suspensif retiré dans la décision. L'art. 55 al. 3 PA prévoit que l'autorité de recours ou son président peut restituer l'effet suspensif à un recours auquel l'autorité inférieure l'avait retiré; la demande de restitution de l'effet suspensif est traitée sans délai.

S'agissant du retrait par l'administration de l'effet suspensif à une opposition ou à un recours ou de la restitution de l'effet suspensif, l'entrée en vigueur de la LPGA et de l'OPGA n'a rien changé à la jurisprudence en la matière (arrêt précité P.-S. du 24 février 2004). D'après la jurisprudence, la possibilité de retirer l'effet suspensif au recours n'est pas subordonnée à la condition qu'il existe, dans le cas particulier, des circonstances tout à fait exceptionnelles qui justifient cette mesure. Il incombe bien plutôt à l'autorité appelée à statuer, en application de l'art. 55 PA, d'examiner si les motifs qui parlent en faveur de l'exécution immédiate de la décision l'emportent sur ceux qui peuvent être invoqués à l'appui de la solution contraire. L'autorité dispose sur ce point d'une certaine liberté d'appréciation. En général, elle se fondera sur l'état de fait tel qu'il résulte du dossier, sans effectuer de longues investigations supplémentaires. En procédant à la pesée des intérêts en présence, les prévisions sur l'issue du litige au fond peuvent également être prises en considération; il faut cependant qu'elles ne fassent aucun doute. Par ailleurs, l'autorité ne saurait retirer l'effet suspensif au recours lorsqu'elle n'a pas de raisons convaincantes pour le faire (ATF 124 V 88 s. consid. 6a, 117 V 191 consid. 2b et les références). Ces principes s'appliquaient également dans le cadre de l'art. 97 al. 2 LAVS (teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002; ATF 110 V 46), applicable par analogie à l'assurance-invalidité en vertu de l'art. 81 LAI (abrogé par la LPGA).

6.        Dans le contexte de la révision du droit à la rente, l'intérêt de la personne assurée à pouvoir continuer à bénéficier de la rente qu'elle percevait jusqu'alors n'est pas d'une importance décisive, tant qu'il n'y a pas lieu d'admettre que, selon toute vraisemblance, elle l'emportera dans la cause principale. Ne saurait à cet égard constituer un élément déterminant la situation matérielle difficile dans laquelle se trouve la personne assurée depuis la diminution du montant de sa rente d'invalidité. En pareilles circonstances, l'intérêt de l'administration apparaît généralement prépondérant, puisque dans l'hypothèse où l'effet suspensif serait accordé et le recours serait finalement rejeté, l'intérêt de l'administration à ne pas verser des prestations paraît l'emporter sur celui de la personne assurée, il serait effectivement à craindre qu'une éventuelle procédure en restitution des prestations versées à tort ne se révèle infructueuse (ATF 119 V 503 consid. 4 p. 507 et les références; voir également arrêt I 267/98 du 22 octobre 1998, in VSI 2000 p. 184; Hansjörg SEILER, in Praxiskommentar zum VwVG, n° 103 ad art. 55 PA). Dans ce contexte, la jurisprudence a également précisé que le retrait de l'effet suspensif survenant dans le cadre de la suppression ou de la diminution d'une rente décidée par voie de révision devait également couvrir la période d'instruction complémentaire prescrite par renvoi de l'autorité de recours jusqu'à la notification de la nouvelle décision, sous réserve d'une éventuelle ouverture anticipée potentiellement abusive de la procédure de révision (ATF 129 V 370 et 106 V 18; voir également arrêt 8C_451/2010 du 10 novembre 2010 consid. 2 à 4, in SVR 2011 IV n° 33 p. 96).

7.        En l’espèce, l’assureur a confirmé sur opposition le retrait de l’effet suspensif, constatant que selon l’expertise du Dr C______, l’épaule droite peut désormais être considérée comme objectivement guérie, de sorte que l’assuré ne présente plus d’incapacité de travail dans son activité de comptable.

L’assuré a conclu à la restitution de l’effet suspensif de l’opposition, motif pris que la décision de l’assureur de supprimer sa rente d’invalidité était d’emblée manifestement infondée. En effet, il fait valoir les conclusions du rapport du Prof D______, et conteste toute valeur probante à celles du Dr C______.

8.        Force est de constater que la détermination de la capacité de travail de l’assuré, compte tenu des appréciations divergentes du Dr C______ et du Prof D______ ne peut être résolue à ce stade de la procédure. Elle nécessite une étude et analyse minutieuse des deux rapports d’expertise, ainsi que du dossier médical de l’assuré. Les prévisions quant à l’issue du litige n’apparaissent en l’état pas avec une certitude suffisante pour admettre la restitution de l’effet suspensif.

De surcroît, la situation financière intenable dont fait état l’assuré constitue un motif supplémentaire de refuser la restitution de l’effet suspensif. Dans ces circonstances, il est en effet à craindre qu’une éventuelle procédure de restitution des prestations versées à tort ne se révèle infructueuse.

L’intérêt de l’assureur à retirer l’effet suspensif à l’opposition l’emporte ainsi sur celui de l’assuré.

Partant, c’est à bon droit que l’assureur a rejeté la requête en restitution de l’effet suspensif.

9.        Au vu de ce qui précède, le recours, mal fondé, est rejeté.

10.    La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le