Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/247/2004

ATAS/688/2005 du 23.08.2005 ( LAA ) , REJETE

Recours TF déposé le 05.10.2005, rendu le 27.03.2006, REJETE, U 376/05
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/247/2004 ATAS/688/2005

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 1

du 23 août 2005

 

 

 

 

En la cause

 

 

 

Monsieur A__________, comparant par Maître Gilbert BRATSCHI

en l’Etude duquel il élit domicile

recourant

 

 

 

contre

 

 

 

SUVA, CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN

CAS D'ACCIDENTS, ayant son siège à Fluhmattstrasse 1

à Lucerne

intimée

 


EN FAIT

Monsieur A__________, ressortissant portugais né en 1955, est employé en tant que manutentionnaire par X__________ SA depuis 1981. A ce titre, il est assuré contre les accidents auprès de la CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS (ci-après : SUVA).

Le 6 juin 1994, il a été victime d’un accident de la circulation alors qu’il circulait à moto. Cet accident lui a occasionné des blessures et contusions aux genoux, ainsi qu’aux pied et bras droits. L’évolution a été favorable et l’assuré a pu reprendre son activité professionnelle à 50 % dès le 25 juillet 1994 puis à 100 % dès le 20 septembre 1994.

Le 23 juillet 2001, l’assuré a été victime d’une chute qui lui a occasionné une luxation de la rotule gauche. Une opération chirurgicale a été réalisée par le Dr L__________, chirurgien orthopédique.

Le 26 novembre 2002, l’assuré a été examiné par le médecin d’arrondissement de la SUVA, le Dr M__________, lequel a conclu à une capacité de travail totale. Des compléments de traitement étaient encore nécessaires pour améliorer la musculature de la cuisse gauche.

Le 18 février 2003, X__________ SA a fait parvenir à la SUVA une déclaration concernant une rechute de l’accident de 1994. L’assuré souffrait de douleurs aux dos et aux genoux qui l’avaient empêché de travailler du 10 au 13 février 2003.

Il avait subi le 5 février 2003, une imagerie par résonance magnétique du genou droit réalisée par le Dr N__________, radiologue. Cet examen avait révélé une arthrose tricompartimentale marquée prédominant au niveau du compartiment fémoro-tibial interne, une chondropathie rotulienne de grade IV de la ligne inter-facettaire et de la facette rotulienne externe, ainsi qu’une petite dégénérescence mucoïde de grade II du segment moyen de la corne postérieure du ménisque interne.

Selon un courrier du Dr L__________, au médecin-conseil de la SUVA du 12 février 2003, une instabilité post-traumatique de la rotule gauche avait nécessité un recentrage et un débridement arthroscopique du genou gauche, suite à un accident en juillet 2001. Le patient souffrait de douleurs à son genou droit depuis l’accident de scooter en 1994 et les douleurs s’étaient péjorées ces derniers mois. Devant le bon résultat obtenu sur le genou gauche, le Dr L__________ demandait à la SUVA une garantie de prise en charge pour une intervention sur le genou droit.

Le 14 juillet 2003, le Dr M__________ a rédigé son appréciation médicale du cas. L’accident de 1994 avait occasionné une contusion du genou droit dont la récupération s’était faite relativement rapidement. Il n’existait pas d’évidence d’une symptomatologie douloureuse particulière au niveau de ce genou avant la rechute actuelle, qui était motivée par des douleurs au genou droit. L’arthrose constatée ne pouvait pas être la conséquence d’une simple contusion survenue neuf ans auparavant. On se trouvait donc en présence d’un problème de sub-luxation chronique externe des deux rotules ayant évolué en gonarthrose. La SUVA avait pris en charge une opération du côté gauche, car il s’agissait des suites d’une luxation traumatique de la rotule gauche. Par contre, la notion de rechute actuelle au niveau du genou droit ne pouvait pas être acceptée comme étant en rapport avec l’accident de 1994.

Par décision du 16 juillet 2003, la SUVA a rejeté la demande de prestations de l’assuré. L’examen du cas n’avait pas permis d’apporter la preuve nécessaire d’une corrélation pour le moins probable entre l’accident de 1994 et la rechute.

Par courrier du 14 août 2003, l’assuré s’est opposé à cette décision. Les explications du Dr L__________ paraissaient irréfutables du moment que l’on ne voyait pas pour quels motifs la causalité naturelle entre l’aggravation des douleurs du genou droit et l’accident de 1994 serait contestée.

Le 29 septembre 2003, l’assuré a complété son opposition. A ce complément étaient joints deux courriers de ses médecins traitants.

Le premier de ces courriers émanait du Dr L__________ et était daté du 26 août 2003. Selon ce médecin, le diagnostic de « contusion du genou droit » posé suite à l’accident de 1994 ne permettait pas d’exclure que la pathologie actuelle n’était pas la conséquence de cet accident. C’était depuis cet accident que le patient souffrait de douleurs fémoro-rotuliennes qui s’étaient aggravées récemment. Il était vrai que le patient présentait également un facteur défavorable en raison de son anatomie favorisant une subluxation externe de la rotule. Le fait que le patient n’avait pu reprendre son travail qu’après deux mois et demi semblait un indice de la gravité de l’accident de 1994. Par ailleurs, le fait que la rotule droite n’avait pas été documentée comme luxée à l’époque ne permettait pas d’exclure une causalité traumatique pour le genou droit. Les radiographies récentes laissaient des indices que le traumatisme de 1994 était peut-être plus important que le laissait supposer le diagnostic, ce qui restait toutefois à confirmer.

Le second courrier, daté du 22 septembre 2003, a été rédigé par le Dr O__________, médecin généraliste, qui suivait le patient depuis 1993. Ce médecin ne s’était pas occupé des suites de l’accident de 1994. Depuis 1999, le patient se plaignait de douleurs au genou droit. Le Dr O__________ l’avait alors adressé au Dr P__________, chirurgien orthopédique, lequel avait relevé qu’il s’agissait d’une arthrose séquellaire du genou droit avec les restes d’une probable rupture partielle du ligament croisé antérieur, actuellement consolidée avec une calcification intra-tendineuse. Le patient avait échangé son poste de bagagiste en 1996 contre un poste similaire, mais moins exigeant physiquement. Il était probable qu’il n’aurait pas supporté d’exercer l’activité antérieure plus longtemps. Enfin, l’accident au genou gauche avait probablement entraîné une surcharge du genou droit, ce qui n’était pas souhaitable en cas d’arthrose. Le patient ne s’était jamais plaint du genou droit avant l’accident de 1994.

Selon l’assuré ces rapports rendaient plus que hautement probable le lien de causalité entre l’accident de 1994 et la rechute annoncée en 2003. L’opposition était donc justifiée et des prestations d’assurance devaient lui être accordées. A titre subsidiaire, l’assuré demandait à ce qu’une expertise soit ordonnée, visant à comparer les images radiographiques de 1994 et de 2003.

Par décision sur opposition du 10 novembre 2003, la SUVA a confirmé sa décision initiale. Les médecins cités par l’assuré avaient établi un rapport de causalité tout au plus possible entre l’accident et le développement des troubles au genou droit. Il ne s’agissait que d’hypothèses qui ne constituaient pas des moyens de preuve suffisants pour s’écarter des conclusions du Dr M__________. Par ailleurs, il n’y avait pas lieu de mettre sur pied une expertise, le médecin-conseil de la SUVA s’étant prononcé en toute connaissance de cause.

Par acte du 11 février 2004, l’assuré a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal de céans, concluant à son annulation et à la prise en charge par la SUVA des suites de la rechute du 10 février 2003. Les prestations de l’assureur devaient également être allouées en cas de rechutes et séquelles tardives, qui avaient en commun qu’elles étaient attribuables à une atteinte à la santé, considérée à tort comme guérie. L’analyse du Dr M__________ était erronée pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’accident de 1994 avait provoqué plus qu’une simple contusion du genou droit, notamment une déchirure oblique de la corne postérieure du ménisque interne. Ensuite, il était faux d’affirmer que la récupération avait été rapide, alors que l’assuré avait été incapable de travailler durant deux mois et demi. Les suites de l’accident l’avait également obligé à changer de poste de travail et à se faire examiner par un spécialiste, le Dr P__________. Le rapport de ce dernier confirmait que l’accident de 1994 s’était caractérisé par un choc violent au niveau du genou droit ayant provoqué une déchirure au niveau du ménisque puis des douleurs incessantes aggravées par les sollicitations dues à l’utilisation accrue de ce membre lorsque le genou droit avait subi une entorse. Enfin, deux autres dossiers concernant des accidents au genou droit avaient été détruits par la SUVA, alors qu’ils auraient probablement également permis d’établir le lien de causalité entre les douleurs et l’accident.

Dans sa réponse du 8 mars 2004, la SUVA a conclu au rejet du recours. Le litige ne portait que sur la question des séquelles de l’accident du 6 juin 1994 et non sur un rapport avec d’autres accidents. Sur ce point, selon l’appréciation du Dr M__________, laquelle répondait pleinement aux exigences de la jurisprudence, l’existence d’un lien de causalité pour le moins probable entre l’accident de 1994 et les troubles annoncés le 18 février 2003 était niée. Les rapports du Dr O__________ et L__________ ne revêtaient pas une valeur probante suffisante et n’étaient donc pas propres à infirmer l’appréciation du Dr M__________. L’arthrose responsable des douleurs au genou droit ne constituait pas la conséquence pour le moins probable du léger traumatisme du 6 juin 1994, mais résultait d’un problème dégénératif de sun-luxation chronique externe.

Dans sa réplique du 8 avril 2004, le recourant a rappelé qu’il était important de prendre en compte les deux accidents au genou droit antérieurs à celui du 6 juin 1994 et dont la SUVA avait détruit les dossiers. De plus, le point de vue du Dr M__________ se basait sur un examen totalement superficiel et insuffisant, de sorte qu’il ne remplissait pas les exigences de la jurisprudence. L’accident avait été plus grave que ce que ce dernier avait retenu, ce qui était établi par des examens de 1994. Pour le surplus, les Dr O__________, L__________ et P__________ relevaient que les douleurs qui n’avaient jamais cessé de se manifester durant les années ayant suivi l’accident de 1994 prouvaient que cet événement avait gravement lésé ce genou.

Dans sa duplique du 6 mai 2004, la SUVA a persisté dans ses conclusions.

Par courrier spontané du 9 août 2005, le recourant a transmis au Tribunal de céans un certificat médical du Dr Q__________ du 11 juillet 2005. Ce rapport faisait état d’une incapacité de travail de 50 % depuis le mois d’avril 2004 et d’un accident de voiture en décembre 2004. Selon le recourant, ces faits nouveaux devaient être signalés.

Ce courrier ainsi que ses annexes ont été transmis à l’intimée le 15 août par le Tribunal de céans, lequel a ensuite gardé la cause à juger.

 

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. a ch. 5 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’article 56 de la loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) qui sont relatives à la loi fédérale sur l’assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions dans le domaine de l'assurance-accidents. Eu égard au principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467 consid. 1), la LPGA sera applicable au cas d’espèce.

En effet, le moment déterminant en l’espèce est celui de l’annonce d’une rechute au mois de février 2003.

Selon l’art. 56 al. 1er LPGA, les décisions sur opposition sont sujettes à recours dans un délai de 30 jours (art. 60 al. 1er LPGA) auprès du tribunal des assurances du canton de domicile de l’assuré (art. 58 al. 1er LPGA). Si l’assuré ou une autre partie sont domiciliés à l’étranger, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de leur dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de leur dernier employeur suisse, selon l’art. 58 al. 2 LPGA. En matière d’assurance-accidents, en dérogation à l’art. 60 LPGA, le délai de recours est de trois mois pour les décisions sur opposition portant sur les prestations d’assurance (art. 106 LAA).

Déposé dans les délai et forme prévus par la loi, le recours est recevable.

Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.

Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire, en revanche, que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé ; il faut et il suffit que l'événement dommageable, associé éventuellement à d'autres facteurs, ait provoqué l'atteinte à la santé physique ou psychique de l'assuré, c'est-à-dire qu'il se présente comme la condition sine qua non de celle-ci. Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 181 consid. 3.1, 406 consid. 4.3.1, 119 V 337 consid. 1, 118 V 289 consid. 1b et les références).

Le droit à des prestations de l'assurance-accidents suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et l'atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 181 consid. 3.2, 405 consid. 2.2, 125 V 461 consid. 5a et les références).

La responsabilité de l'assureur-accidents s'étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle et adéquate avec l'événement assuré. Les prestations d'assurance sont donc également allouées en cas de rechutes et de séquelles tardives (art. 11 OLAA). Selon la jurisprudence, les rechutes et les séquelles tardives ont ceci en commun qu'elles sont attribuables à une atteinte à la santé qui, en apparence seulement, mais non dans les faits, était considérée comme guérie. Il y a rechute lorsque c'est la même maladie qui se manifeste à nouveau. On parle de séquelles tardives lorsqu'une atteinte apparemment guérie produit, au cours d'un laps de temps prolongé, des modifications organiques ou psychiques qui conduisent souvent à un état pathologique différent (ATF 123 V 138 consid. 3a et les références).

Corrélativement, elles ne peuvent faire naître une obligation de l'assureur-accidents (initial) de verser des prestations que s'il existe un lien de causalité naturelle et adéquate entre les nouvelles plaintes de l'intéressé et l'atteinte à la santé causée à l'époque par l'accident assuré (ATF 118 V 296 consid. 2c et les références; RAMA 1994 n° U 206 p. 327 consid. 2). A cet égard, la jurisprudence considère que plus le temps écoulé entre l'accident et la manifestation de l'affection est long, et plus les exigences quant à la preuve, au degré de la vraisemblance prépondérante, du rapport de causalité naturelle doivent être sévères (RAMA 1997 n° U 275 p. 191 consid. 1c ; ATFA non publié du 3 mai 2005 en la cause U 250/04).

a) En ce qui concerne la valeur probante d’un rapport médical, ce qui est déterminant c’est que les points litigieux aient fait l’objet d’une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu’il ait été établi en pleine connaissance de l’anamnèse, que la description du contexte médical et l’appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l’expert soient dûment motivées. Au demeurant, l’élément déterminant pour la valeur probante n’est ni l’origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 125 V 352 consid 3 a, 122 V 160 consid. 1c et les références).

De jurisprudence constante, lorsque aucun indice concret ne permet de douter du bien-fondé des appréciations émises par les médecins de la SUVA, les rapports de ces derniers ont valeur de preuve et cela, dans la mesure où la caisse n'était pas partie à la procédure au moment où ils ont été établis (ATF 104 V 209;).

Le juge peut accorder une valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins de la SUVA aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard d'un assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérées comme objectivement fondés (ATF 125 V 353 consid. 3b/ee).

b) L'autorité administrative ou le juge ne doivent considérer un fait comme prouvé que lorsqu'ils sont convaincus de sa réalité (KUMMER, Grundriss des Zivilprozessrechts, 4ème édition, Berne 1984, p. 136; GYGI, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2ème édition, p. 278, ch. 5). Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 121 V 47 consid. 2a, 208 consid. 6b et la référence). Aussi n'existe-t-il pas en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (RAMA 1999 n° U 349, p. 478 consid. 2b, ATFA non publié du 25 juillet 2002 en la cause U 287/01).

Le droit de faire administrer des preuves, qui découle du droit d'être entendu (ATF 122 II 469 consid. 4a), n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction si, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles elle doit procéder d'office, elle est convaincue que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation; une telle manière de procéder ne viole pas le droit d'être entendu (ATF 124 V 94 consid. 4b ; ATFA non publié du 25 août 2004 en la cause U 115/04).

En l’espèce, il y a lieu d'examiner si l'état pathologique qui nécessite l'intervention chirurgicale prévue est une rechute ou une séquelle tardive en relation de causalité naturelle et adéquate avec l'événement du 4 juin 1994.

Ainsi qu’on vient de le voir, les exigences en matière de preuve posées par la jurisprudence en cas de rechutes ou de séquelles et de suites tardives sont sévères (RAMA 1997 no U 275 p. 191 consid. 1c in fine et la référence). Elles sont d’autant plus sévères dans le cas du recourant, dans la mesure où le temps écoulé entre l'accident et la manifestation de l'affection est relativement long, puisqu’il s’agit de près de neuf années.

Le recourant a été examiné par le médecin d’arrondissement de la SUVA le 27 novembre 2002 suite à la luxation de sa rotule gauche. A l’issue de l’examen de la demande de prise en charge de séquelles tardives en février 2003, le Dr M__________ a donné son appréciation médicale sur le cas. A cette occasion, même si le médecin d’arrondissement n’a pas procédé à un nouvel examen, il a pu prendre en considération les plaintes émises par le patient qui figuraient au dossier (questionnaire) et dans les rapports médicaux. A la lecture de son rapport, on constate que les points litigieux ont fait l'objet d'une étude circonstanciée et qu’ils ont été établis en pleine connaissance de l'anamnèse et du dossier médical, en particulier des rapports des autres médecins ayant traité l’assuré jusqu’à ce moment. La description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale sont claires et les conclusions sont dûment motivées. Dans ces circonstances, le rapport du 14 juillet 2003 remplit toutes les conditions auxquelles la jurisprudence soumet la valeur probante de tels documents.

Reste à déterminer si les éléments apportés par la suite par le recourant sont suffisants pour remettre cette appréciation en cause et permettre de prouver de manière convaincante au sens de la jurisprudence que les douleurs dont il se plaint constituent des séquelles tardives en relation de causalité naturelle et adéquate avec l'événement du 4 juin 1994.

Tout d’abord, le rapport du Dr L__________ sur lequel s’appuie le recourant est un courrier à son avocat du 26 août 2003. Ce document met principalement en évidence l’hypothèse que la gravité de la lésion de 1994 était peut-être plus importante que ne l’a retenu le Dr M__________. Ce médecin précise également que l’anatomie du patient présente un facteur défavorable. Selon lui, on ne pouvait exclure une causalité traumatique pour le genou droit. On ne voit pas, à la lecture de ce rapport une preuve suffisante de l’existence d’une causalité naturelle en l’espèce. Tout au plus serait-il possible d’en conclure que les douleurs sont dans un rapport de causalité possible avec l’événement du 4 juin 1994.

Le rapport du Dr O__________, du 22 septembre 2003, ne constitue pas non plus un document suffisant pour s’écarter de l’appréciation du Dr M__________, dans la mesure où il n’apporte que quelques éléments de réponse quant à l’existence de douleurs plus de huit ans après l’accident. Dans un premier temps, le Dr O__________, qui est le médecin traitant de l’assuré, relève que le patient ne s’est pas plaint de douleurs au genou jusqu’au 30 septembre 1999. Il s’était simplement déclaré satisfait en 1996 d’avoir pu changer son poste de travail pour un poste moins lourd. Ensuite, ce médecin explique qu’il « est raisonnable de penser » que des sollicitations supra normales du membre inférieur droit durant une période où le membre gauche était inutilisable aient eu un effet défavorable. En tant que tel, ce rapport n’amène nullement de preuve suffisante de l’existence d’un lien de causalité naturelle avec l’accident de 1994.

Enfin, s’agissant du rapport du 11 avril 2000 du Dr P__________, spécialiste en chirurgie chez qui le Dr O__________ avait envoyé son patient, il fait principalement état d’une arthrose séquellaire du genou, avec les restes d’une probable rupture partielle du ligament croisé antérieur. Selon ce spécialiste, le pronostic à moyen terme était assez bon, l’arthrose du genou étant extrêmement lentement évolutive. En conclusion, il n’y avait pas d’autre traitement à proposer qu’une abstention de gros efforts, voire la prise d’anti-inflammatoires si nécessaire. A la lecture de ce rapport comme des deux précités, un lien de causalité naturelle ne peut être établi qu’au degré de la simple possibilité, ce qui est insuffisant compte tenu des exigences de la jurisprudence applicable en l’espèce.

On doit donc en conclure que le dossier ne permet pas d’établir de manière suffisante l’existence d’un lien de causalité naturelle entre les douleurs du recourant au genou droit et l’accident du 6 juin 1994.

A ce propos, il y a lieu de relever que, dans la mesure où aucun des médecins consultés n’a été en mesure d’établir un lien de causalité naturelle avec l’accident de juin 1994, on voit mal comment cela aurait pu être possible pour des accidents encore plus anciens. Ainsi, on ne saurait inférer de la disparition de deux dossiers concernant des accidents plus anciens l’impossibilité d’apporter les éléments requis par la jurisprudence, cela d’autant moins qu’il découle du dossier que l’assuré ne s’était jamais plaint de cette articulation avant l’accident de 1994.

En conséquence, l'existence d'une relation de causalité naturelle n'apparaît pas établie au degré de la vraisemblance prépondérante généralement appliquée en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (cf. ATF 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références). Aussi l'intimée était-elle en droit de refuser d'allouer ses prestations pour l'atteinte à la santé qui nécessite une intervention chirurgicale.

A noter ici que le Tribunal de céans ne saurait tenir compte des faits relevés par le Dr Q__________ dans son rapport du 11 juillet 2005, à savoir une incapacité de travail de 50 % depuis le mois d’avril 2004 en raison de douleurs localisées du membre inférieur droit ainsi qu’un accident de voiture en décembre 2004.

En effet, postérieurs à la décision litigieuse, ces faits n'ont pas d'incidence sur l'issue du procès; le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décision attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b). Le recourant a néanmoins la possibilité de saisir la SUVA d'une nouvelle demande ou d’une demande de révision, s’il estime que son état de santé s'est modifié postérieurement à la décision sur opposition du 10 novembre 2003, de manière à influencer ses droits.

Le recours est donc rejeté.

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

La greffière :

 

Marie-Louise QUELOZ

 

La Présidente :

 

Doris WANGELER

 

 

Le secrétaire-juriste :

 

 

 

Marius HAEMMIG

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe