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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1484/2022

ATAS/68/2023 du 02.02.2023 ( LAA ) , ADMIS

Recours TF déposé le 14.03.2023, rendu le 09.11.2023, REJETE, 8C_159/2023
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1484/2022 ATAS/68/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 février 2023

3ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE

 

recourante

 

contre

ZURICH COMPAGNIE D'ASSURANCE SA, Division sinistres, case postale, ZÜRICH.

 

 

intimée

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en 1974, est maîtresse en éducation physique et assurée obligatoirement contre le risque d’accident, professionnel ou non, auprès de ZURICH COMPAGNIE D’ASSURANCE SA (ci-après : l’assureur-accidents).

b. Le 4 janvier 2021, l’employeur de l’assurée a établi une déclaration d’accident bagatelle annonçant que l’intéressée s’était blessée en date du 24 septembre 2020 (« en faisant une démonstration de passement sur un caisson, mon coude s’est tordu »).

c. Par courrier du 7 janvier 2021, l’assureur-accidents en a accusé réception et indiqué à l’assurée : « Si vous recevez des factures sur des frais de traitement, vous pouvez nous les transmettre sans en faire le règlement ».

d. Dans un rapport du 12 août 2021, le docteur B______, spécialiste FMH en médecine interne, a expliqué que sa patiente « travaille comme professeure d’éducation physique à l’école primaire et s’est blessée au coude droit le 24.9.20 en prenant appui sur un agrès ». Le médecin indiquait avoir mis en évidence une épicondylite interne, d’évolution lentement favorable, et faisait état d’une récidive des douleurs, six semaines plus tôt. Le bilan avait été complété par une échographie et une imagerie par résonnance magnétique (ci-après : IRM ; cf. rapport d’IRM du coude droit du 10 août 2021 concluant à une tendinopathie microfissuraire d’insertion des tendons fléchisseurs avec discrète tuméfaction des structures de voisinage ; cf. également rapport d’échographie du coude droit du 27 juillet 2021 concluant à une épicondylite interne sans signe de fissuration ou déchirure).

e. Dans un rapport du 19 août 2021, la docteure C______, spécialiste en médecine du sport, a confirmé le diagnostic de tendinopathie microfissuraire avec épicondylite médiale du coude droit.

f. Le 4 octobre 2021, l’assurée a rempli un questionnaire dans lequel elle a décrit l’événement de la manière suivante : « Je me suis blessée au coude droit en faisant une démonstration de saut d’appui sur un caisson. Mon coude est parti en arrière. » À la question de savoir s’il s’était passé quelque chose de spécial ou si elle avait fait un mouvement incontrôlé (trébuché, par exemple), l’assurée a répondu par la négative. Elle a par ailleurs précisé que l’activité exercée au moment de l’événement lui était coutumière depuis l’enfance, pratiquée à raison de plusieurs fois par mois.

g. Par courriel du 13 janvier 2022, l’assurée a indiqué ne pas avoir compris la question qui lui était posée. Elle a allégué qu’en répondant par la négative, elle entendait indiquer qu’il n’y avait rien d’inhabituel à ce qu’elle fasse ce type d’exercice et une telle démonstration. Elle répétait néanmoins que son coude était « parti en arrière lors de cette démonstration, suivie d’une vive douleur au coude ce qui est pas normal lors de ce genre d’exercice » (sic).

B. a. Par décision du 26 janvier 2022, l’assureur-accidents a refusé de prendre en charge l’événement, au motif qu’il n’y avait pas eu d’accident au sens de la loi, vu l’absence de facteur extraordinaire extérieur et l’absence de lésion assimilable à un accident.

b. Le 23 février 2022, l’assurée s’est opposée à cette décision en répétant une fois de plus que son coude était « parti en arrière » lors d’un exercice.

À l’appui de sa position, elle produisait en particulier un rapport du Dr B______ du 22 février 2022 dans lequel ce dernier indique avoir examiné l’assurée le 7 décembre 2020 en raison d’une douleur persistante au coude droit décrite comme apparue brutalement lors de la prise d’appui sur un saut avec hyper-extension du coude. Le médecin ajoute : « Vu l’anamnèse, vu l’examen clinique et vu l’absence d’antécédents médicaux ou chirurgicaux au niveau de cette articulation, l’événement décrit par la patiente me paraît être la cause de la lésion tendineuse. Cet événement me paraît être clairement compatible avec un accident ».

c. Par décision du 29 mars 2022, l’assureur-accidents a rejeté l’opposition.

Selon lui, au vu des faits rapportés par l’assurée, les troubles apparus restaient dans le cadre des contraintes inhérentes au sport pratiqué, de sorte que l’existence d’un facteur extérieur extraordinaire inhabituel devait être niée.

Pour le surplus, la lésion constatée – une épicondylite avec tendinopathie du coude droit – ne figurait pas au nombre des lésions considérées comme assimilables à un accident.

C. a. Par écriture du 10 mai 2022, l’assurée a interjeté recours contre cette décision.

Elle allègue que, lors de l’appui qu’elle a pris sur le caisson, sur un bras, son coude est violemment parti dans le mauvais sens, ce qui l’a fait retomber sur ledit caisson, sur la hanche. Elle en tire la conclusion qu’il y a bel et bien eu accident, d’autant qu’elle n’a jamais eu d’antécédents, comme l’a confirmé son médecin traitant.

Elle s’étonne par ailleurs qu’après lui avoir confirmé, dans un premier temps, par courrier du 7 janvier 2021, qu’elle prendrait en charge l’événement, l’intimée ait changé de position.

À l’appui de sa position, la recourante produit, notamment, un compte rendu opératoire établi par le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie, spécialiste de l’épaule et du coude, du 23 mars 2022, après une cure d’épitrochléite du nerf ulnaire du coude droit pour une instabilité.

b. Invitée à se déterminer, l’intimée, dans sa réponse du 8 juin 2022, a conclu au rejet du recours.

L’intimée reprend en substance les arguments développés dans la décision litigieuse et souligne que, dans le formulaire du 4 octobre 2021, l’assurée a indiqué qu’il ne s’était rien passé de spécial et qu’il n’y avait pas eu de mouvement incontrôlé.

c. Dans sa réplique du 22 juin 2022, l’assurée a persisté dans ses conclusions.

d. Dans sa duplique du 28 juin 2022, l’assureur-accidents a fait de même.

e. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             La modification du 25 septembre 2015 de la LAA est entrée en vigueur le 1er janvier 2017.

Dans la mesure où l'accident est survenu après cette date, le droit de la recourante aux prestations d'assurance est soumis au nouveau droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017.

5.             Interjeté dans les délai et forme prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

6.             Le litige porte sur la question de savoir si l'événement du 24 septembre 2020 peut être qualifié d'accident ou être assimilé à un accident.

6.1 Aux termes de l'art. 6 LAA, l'assureur-accidents verse des prestations à l'assuré en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA). La notion d'accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable ; le caractère soudain de l'atteinte ; le caractère involontaire de l'atteinte ; le facteur extérieur de l'atteinte ; enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident (ATF 129 V 402 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_235/2018 du 16 avril 2019 consid. 3.1).

6.2 Suivant la définition même de l'accident, le caractère extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné des conséquences graves ou inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu'il excède le cadre des événements et des situations que l'on peut objectivement qualifier de quotidiens ou d'habituels, autrement dit des incidents et péripéties de la vie courante (ATF 129 V 402 consid. 2.1). Pour des lésions dues à l'effort (soulèvement, déplacement de charges notamment), il faut examiner de cas en cas si l'effort doit être considéré comme extraordinaire, en tenant compte de la constitution physique et des habitudes professionnelles ou autres de l'intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_827/2017 du 18 mai 2018 consid. 2.1). Il n'y a pas d'accident, au sens de ce qui précède, lorsque l'effort en question ne peut entraîner une lésion qu'en raison de facteurs maladifs préexistants, car c'est alors une cause interne qui agit, tandis que la cause extérieure – souvent anodine – ne fait que déclencher la manifestation du facteur pathologique (ATF 116 V 136 consid. 3b).

6.3 Selon la jurisprudence, le critère du facteur extraordinaire extérieur peut résulter d'un mouvement non coordonné. Lors d'un mouvement corporel, l'exigence d'une incidence extérieure est en principe remplie lorsque le déroulement naturel d'un mouvement corporel est influencé par un empêchement « non programmé », lié à l'environnement extérieur. Dans le cas d'un tel mouvement non coordonné, l'existence du facteur extérieur doit être admise, parce que le facteur extérieur – la modification entre le corps et l'environnement extérieur – constitue en même temps le facteur extraordinaire en raison du déroulement non programmé du mouvement (ATF 130 V 117 consid. 2.1). On peut ainsi retenir à titre d'exemples de facteurs extérieurs extraordinaires le fait de trébucher, de glisser ou de se heurter à un objet (RAMA 2004 n°U 502 p. 184 consid. 4.1, RAMA 1999 n°U 345 p. 422 consid. 2b).

6.4 La preuve d'un accident causant des lésions touchant l'intérieur du corps est soumise à des exigences strictes, en ce sens que la cause immédiate de la blessure doit être établie dans des circonstances particulièrement évidentes. En général, un accident entraîne des lésions qui sont perceptibles de l'extérieur, et son absence constitue une probabilité accrue qu'elle est d'origine maladive (ATF 99 V 136 consid. 1). À cet égard, le facteur externe est un élément central (ATF 134 V 72 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_225_2019 du 20 août 2019 consid. 3.4).

6.5 Lorsque la lésion se limite à une atteinte corporelle interne, qui pourrait également survenir à la suite d'une maladie, le mouvement non coordonné doit en apparaître comme la cause directe selon des circonstances particulièrement évidentes. Un accident se manifeste en règle générale par une lésion perceptible à l'extérieur. Lorsque tel n'est pas le cas, il est plus vraisemblable que l'atteinte soit d'origine maladive (arrêt du Tribunal fédéral 8C_693/2010 du 25 mars 2011 consid. 5.2).

6.6 Pour les accidents survenus dans l'exercice du sport, l'existence d'un événement accidentel doit être niée lorsque et dans la mesure où le risque inhérent à l'exercice sportif en cause se réalise. Autrement dit, le caractère extraordinaire de la cause externe doit être nié lorsqu'une atteinte à la santé se produit alors que le sport est exercé sans que survienne un incident particulier (arrêt du Tribunal fédéral 8C_410/2017 du 22 mars 2018 consid. 3.2).

6.6.1 À titre d'exemples, le critère du facteur extérieur extraordinaire a été admis dans le cas d'une charge contre la balustrade subie par un hockeyeur (ATF 130 V 117 consid. 3), d'une réception au sol manquée par un gymnaste lors d'un « saut de carpe » (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 43/92 du 14 septembre 1992 consid. 3b, in RAMA 1992 n° U 156 p. 258), ou encore dans le cas d'un skieur dans un champ de bosses qui, après avoir perdu le contrôle de ses skis en raison d'une plaque de glace, aborde une nouvelle bosse qui le soulève et le fait retomber lourdement au sol (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 114/97 du 18 mars 1999, in RAMA 1999 n° U 345 p. 420). En revanche, il a été nié dans le cas d'un duel entre deux joueurs lors d'un match de basket-ball, lors duquel l'un est « touché » au bras tendu devant le panier par l'autre et se blesse à l'épaule en réagissant à cette action du joueur adverse (arrêt du Tribunal fédéral 8C_835/2013 du 28 janvier 2014 consid. 5, in SVR 2014 UV n° 21 p. 67).

7.             Sauf disposition contraire de la loi, le juge des assurances sociales fonde sa décision sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante (ATF 126 V 353 consid. 5b). En droit des assurances sociales, il n'existe pas de principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

Les explications d'un assuré sur le déroulement d'un fait allégué sont au bénéfice d'une présomption de vraisemblance. Il peut néanmoins arriver que les déclarations successives de l'intéressé soient contradictoires avec les premières. En pareilles circonstances, selon la jurisprudence, il convient de retenir la première affirmation, qui correspond généralement à celle que l'assuré a faite alors qu'il n'était pas encore conscient des conséquences juridiques qu'elle aurait, les nouvelles explications pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (ATF 143 V 168 consid. 5.2.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016, déjà cité, consid. 4.3).

Le Tribunal fédéral a admis qu'un questionnaire dépourvu de tout commentaire explicatif, que doit remplir un assuré à la suite d'un accident, ne permet pas d'exclure la survenance d'un événement particulier, même si l'assuré n'en fait pas expressément mention lorsqu'il remplit le questionnaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_496/2007 du 29 avril 2008 consid. 4). En outre, un document qui fait état d'un renseignement recueilli oralement ou par téléphone ne constitue un moyen de preuve recevable et fiable que s'il porte sur des éléments d’importance secondaire, tels que des indices ou des points accessoires. Si les renseignements portent sur des aspects essentiels de l'état de fait, ils doivent faire l'objet d'une demande écrite (ATF 117 V 282 consid. 4c).

8.              

8.1 Aux termes de l’art. 6 al. 2 LAA dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017, l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu'elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l'usure ou à une maladie : les fractures (let. a) ; les déboîtements d'articulations (let. b) ; les déchirures du ménisque (let. c) ; les déchirures de muscles (let. d) ; les élongations de muscles (let. e) ; les déchirures de tendons (let. f) ; les lésions de ligaments (let. g) ; les lésions du tympan (let. h).

On précisera que l’art. 6 al. 2 LAA, dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2016, conférait au Conseil fédéral la compétence d’étendre la prise en charge par l’assurance-accidents à des lésions assimilables à un accident. L’ancien art. 9 al. 2 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents (OLAA - RS 832.202), adopté sur la base de cette disposition, contenait la liste exhaustive des lésions corporelles assimilées à un accident pour autant qu’elles ne fussent pas manifestement imputables à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs. La liste des lésions énumérées par l’art. 6 al. 2 LAA dans sa nouvelle teneur est identique à celle auparavant contenue dans l’art. 9 al. 2 aOLAA.

8.2 En l’espèce, il n’est ni contesté, ni contestable que la recourante souffre d’une tendinopathie microfissuraire d’insertion des tendons fléchisseurs avec discrète tuméfaction des structures de voisinage, à savoir une lésion des tendons, atteinte ne figurant pas au nombre de celles assimilables à un accident, puisqu’il n’y a pas eu de déchirure du tendon.

9.             L’intimée rappelle que le caractère extraordinaire de l’atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait, le cas échéant, entraîné des conséquences graves ou inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu’il excède le cadre des événements et des situations que l’on peut objectivement qualifier de quotidiens ou d’habituels, ce qui, selon l’intimée, n’est pas le cas en l’occurrence, puisque réaliser de tels exercices de gymnastique est normal dans la vie quotidienne et professionnelle de la recourante.

Elle se réfère notamment à la jurisprudence concernant un joueur de football qui avait stoppé brusquement dans une phase de jeu et pivoté sur sa jambe droite. Le Tribunal fédéral des assurances avait considéré qu’un tel mouvement était courant dans un tel sport, qu’il ne s’agissait pas d’un événement inhabituel et que, par conséquent, une lésion survenant dans ces circonstances n’était pas à considérer comme accidentelle (ATF 116 V 136 consid. 3c).

Et l’intimée d’invoquer la jurisprudence rendue en matière de handball, de volley-ball ou encore de football et de rappeler que, dans le cadre de la pratique de ces sports, le Tribunal fédéral considère que les gestes forcés, les déséquilibres, voire de légers contacts avec un adversaire, font partie du déroulement normal du jeu, de sorte qu’ils ne constituent pas un facteur extérieur extraordinaire, pas plus que les réceptions avec des mouvements corporels inhabituels ou les changements abrupts de direction. Elle en tire la conclusion qu’un coude qui part subitement dans le mauvais sens ne saurait être qualifié de mouvement incontrôlé ou involontaire.

Il est vrai que la pratique de la gymnastique fait partie de la vie quotidienne de la recourante, qui l’a d’ailleurs admis dans le questionnaire à l’intention de l’assureur-accidents. Dans ce même questionnaire, la recourante a répondu par la négative à la question de savoir s’il s’était passé quelque chose d’inhabituel. Cela étant, il n’en demeure pas moins que, depuis le début (dans sa déclaration d’accident, dans le questionnaire à l’intention de l’assureur, puis dans toutes ses écritures), la recourante a également indiqué que son « coude était parti vers l’arrière » alors qu’elle effectuait sa démonstration de saut sur le caisson. On peut en déduire que si un tel mouvement était habituel, l’assurée n’aurait pas pris la peine d’en faire état dans toutes ses descriptions successives de l’évènement.

Reste à établir si ce mouvement inhabituel lors de l’accomplissement de la figure est suffisant aux yeux de la jurisprudence pour admettre l’existence d’un facteur extérieur extraordinaire.

Outre les jurisprudences rappelées supra, dont il convient cependant de relever qu’elles se rapportent, pour la plupart, à des sports d’équipe impliquant par essence un risque de contact accru, contrairement à la gymnastique, il convient d’évoquer les suivantes, qui se rapprochent davantage du complexe de faits soumis à la Cour de céans.

Dans un arrêt U 17/02 du 10 décembre 2002, concernant un assuré s’étant mal réceptionné dans l'eau, alors qu'il effectuait un plongeon d'une hauteur de sept mètres à la piscine, notre Haute Cour a jugé que le choc ressenti par l'assuré en raison du mauvais positionnement de son corps lors de la pénétration dans l’eau ne pouvait être qualifié de facteur extraordinaire. Selon elle, la position incorrecte de l'assuré lors de l'impact de son corps dans l'eau ne pouvait être considérée comme un mouvement non programmé au sens dégagé par la jurisprudence, dès lors que l’intéressé n’avait pas effectué un mouvement désordonné et involontaire, tel un mouvement de recul effectué par réflexe.

De même, le Tribunal fédéral a nié le caractère extraordinaire du facteur extérieur s’agissant d’une roulade effectuée au cours d'une leçon de gymnastique ayant entraîné des douleurs dans la nuque (arrêt non publié Winterthur du 28 juin 2002, U 98/01).

Il a également jugé que l'exécution légèrement imparfaite d'une figure de gymnastique ou d'un mouvement dans l'exercice d'un sport ne constituait pas, selon la jurisprudence, un accident au sens de la loi (arrêts non publiés SWICA du 21 septembre 2001, U 134/00 ; S. du 1er avril 1998, U 304/97). 

Dans un arrêt U 164/04 du 14 avril 2005, concernant un maître d'éducation physique dont le dos s’était bloqué alors qu’il faisait la démonstration d'une culbute avant sur grand caisson avec mini-trampoline (blocage du nerfs sciatique), laquelle constituait pour lui une activité habituelle, le Tribunal fédéral a également nié l’existence d’un facteur extérieur extraordinaire, l’activité s’étant a priori déroulée dans des circonstances extérieures normales.

En l’occurrence, néanmoins, comme l’a relaté la recourante sans varier dans sa description des faits, son coude « est parti vers l’arrière ». Si la figure à effectuer entrait donc bien dans la norme de ses activités quotidiennes, la manière dont la recourante s’est réceptionnée sur le caisson sortait, elle, clairement de l’ordinaire. La Cour de céans est d’avis que la situation est similaire à celle de la gymnaste s’étant mal réceptionnée à l’issue d’un saut de carpe – situation dans laquelle notre Haute Cour a admis l’existence d’un accident (arrêt U 43/92 op. cit.). Contrairement aux cas cités ci-dessus, dans lesquels, effectivement, un facteur extérieur extraordinaire faisait défaut, les circonstances extérieures étant normales, il y a bel et bien eu un mouvement incontrôlé du coude de l’assurée au moment de la figure et de la réception sur le caisson, mouvement qui doit être qualifié de facteur extérieur extraordinaire.

Dès lors, c’est à tort que l’intimée a nié le caractère accidentel de l’évènement du 24 septembre 2020.

Eu égard à ces considérations, le recours est admis, la décision du 29 mars 2022 annulée et la cause renvoyée à l’intimée à charge pour elle d’examiner les autres conditions de sa responsabilité et de statuer sur les prestations éventuellement dues à la recourante.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet au sens des considérants.

3.        Annule la décision du 29 mars 2022.

4.        Renvoie la cause à l’intimée pour examen des autres conditions du droit aux prestations et calcul éventuel de celles-ci.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le