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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/584/2004

ATAS/64/2005 du 25.01.2005 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/584/2004 ATAS/64/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL CANTONAL DES
ASSURANCES SOCIALES

1ère Chambre

du 25 janvier 2005

En la cause

Madame L__________, recourante

mais comparant par Mme Ch. B__________ de

FORUM SANTE dans les bureaux duquel elle élit domicile

contre

OFFICE CANTONAL DE L’ASSURANCE INVALIDITE, intimé

domicilié rue de Lyon 97 à Genève


EN FAIT

1 Madame L__________, née le 7 septembre 1950 à Ladrovik (Macédoine), en Suisse depuis le 11 octobre 1992, au bénéfice d’un permis B, a déposé une demande auprès de l’Office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après l’OCAI) le 10 décembre 2001 visant à l’octroi d’une rente.

2. Dans son rapport du 4 avril 2002, le Docteur A__________, de la Permanence médico-chirugicale de Vermont, médecin traitant, a posé le diagnostic d’un état anxio-dépressif survenu dès 1983, de tachycardies supra-ventriculaires récidivantes, d’insuffisance de la circulation veineuse des membres inférieurs et d’un status post-cure de varices à la jambe droite (1997). Il a estimé la capacité de travail à 0% à compter du 4 janvier 2001 dans l’activité exercée jusqu’à ce jour en qualité d’ouvrière d’usine.

Il a précisé que sa patiente ne pouvait plus exercer ni l’activité antérieure ni une autre activité adaptée, au motif qu’elle « n’a pas les facultés mentales suffisantes pour s’adapter à une nouvelle profession ».

Consulté par le Docteur A__________, le Docteur B__________, spécialiste FMH en neurologie, avait, par courrier du 26 avril 2001, confirmé l’existence d’un tremor céphalique (de « négation »), mais pas de signe déficitaire de la série extra-pyramidale ou cérébelleuse.

L’assurée avait par ailleurs été hospitalisée du 16 au 18 mars 1994 au Centre de cardiologie des Hôpitaux universitaires de Genève. Il résulte du rapport établi à sa sortie, soit le 18 mars 1994, qu’il existe bel et bien des tachycardies par réentrée intranodale dont les caractéristiques électrophysiologiques, notamment la difficulté que l’on a à les déclencher, sont cependant a priori difficilement corrélables avec l’anamnèse de palpitations fréquentes rapportées par la patiente. Selon les médecins, une partie des plaintes pourrait être liée à un état dépressif sous-jacent.

Dans un rapport intermédiaire, daté du 16 septembre 2003, Docteur A__________ qualifie l’état de santé de stationnaire depuis mars 2002, répète que la capacité de travail est nulle en tant qu’ouvrière d’usine ainsi que dans une autre activité adaptée, confirme que la compliance est optimale et qu’il y a bonne concordance entre les plaintes et l’examen clinique.

3. Le Docteur C__________ du Service médical régional Léman (SMR), constatant que l’état dépressif existe depuis 1983 déjà, alors que l’assurée n’est venue s’installer en Suisse qu’en 1992, propose que celle-ci soit soumise à une expertise (note du 24 septembre 2003).

Le Docteur D__________ du SMR conclut à l’absence d’invalidité selon l’art. 4 LAI, au motif que :

« La tachycardie a été investiguée et il n’y a pas de proposition autre qu’un Béta-bloquant. Les cardiologues s’étonnent que la symptomatologie soit si fréquente, alors que les caractéristiques électrophysiologiques de survenue des symptômes sont difficiles (très) à provoquer. Problème de corrélation.

Après opération des varices et port de bas de compression, le système veineux devait être résolu et ne correspond pas à une atteinte à la santé.

Concernant l’état anxio-dépressif, il est présent depuis 1983, soit presque 10 ans avant l’arrivée en Suisse. Selon le médecin traitant, il n’y a pas d’évolution et l’état de santé est stationnaire selon ses différents rapports ».

4. Par décision du 30 septembre 2003, l’OCAI a informé l’assurée que sa demande était rejetée au motif que les conditions des art. 4 LAI et 8 LPGA n’étaient pas réalisées.

5. Celle-ci, représentée par Madame B__________ de FORUM SANTE, a formé opposition le 23 octobre 2003 alléguant qu’elle ne peut reprendre une activité professionnelle en raison des problèmes cardiaques dont elle souffre et de ses problèmes circulatoires aux jambes. Elle considère par ailleurs que son cas n’a pas été instruit de façon suffisamment complète (cf. également courrier du 20 novembre 2003).

6. Par décision sur opposition du 26 février 2004, l’OCAI a confirmé sa décision du 30 septembre 2003. Il considère que l’on peut se fonder sur des documents médicaux datant de 1994, dans la mesure où le médecin traitant a qualifié l’état de santé de stationnaire. Il rappelle que l’état anxio-dépressif a pu être constaté depuis 1983, soit à une date antérieure à l’entrée en Suisse de l’assurée. Enfin, le problème veineux devrait être résolu après opération des varices et le port de bas de compression.

7. Toujours représentée par Madame B__________ de FORUM SANTE, l’assurée a interjeté recours le 18 mars contre ladite décision sur opposition. Elle persiste à considérer qu’une expertise pluridisciplinaire devrait être ordonnée, aucune instruction n’ayant été envisagée aux fins de déterminer si elle souffre ou non d’un trouble psychiatrique invalidant. Elle conteste la date retenue s’agissant du début de l’état anxio-dépressif, relève qu’elle a toujours été suivie par un cardiologue, le Docteur E__________, puis par le Docteur F__________. Elle allègue enfin souffrir beaucoup des pieds et jambes en raison d’un problème veineux. Elle requiert dès lors une expertise pluridisciplinaire comprenant un cardiologue, un psychiatre et un spécialiste des maladies veineuses.

8. Dans son préavis du 2 avril 2004, l’OCAI déclare notamment que « nous sommes par ailleurs surpris que le nom du Docteur F__________ n’apparaisse qu’aujourd’hui en procédure de recours. Cela étant, si nous ne nous opposons bien entendu pas à ce que ce médecin soit questionné, cela ne signifie pas encore qu’une expertise pluridisciplinaire telle que demandée par l’assurée se justifie. En effet nous maintenons que de l’avis du SMR les atteintes à la santé telles qu’évoquées dans ce dossier n’ont pas de caractère invalidant au sens des art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI. C’est pourquoi notre Office conclura en l’état au rejet du recours en tant qu’il porte sur une demande expresse d’une mise en œuvre d’une expertise pluridisciplinaire et au maintien de la décision attaquée ».

9. Invitée à se déterminer, la recourante maintient ses conclusions.

10. Entendue par le Tribunal de céans le 5 octobre 2004, l’assurée a confirmé qu’elle consultait un cardiologue le Docteur F__________ et a précisé qu’elle avait vu à deux reprises un psychiatre dont elle ne se souvenait pas du nom il y a environ une année. Il a été convenu en audience qu’elle produirait un rapport du Docteur F__________ et de ce médecin psychiatre le cas échéant. Elle a ajouté enfin que son problème veineux n’était pas du tout résolu puisqu’elle souffrait beaucoup et devait porter des bandes compressives.

11. Finalement, interrogé directement par le Tribunal de céans, le Docteur F__________, spécialiste FMH en médecine interne et cardiologie, a confirmé que la recourante présentait des accès de tachycardie de très courte durée, apparaissant de moins en moins ces dernières années et ne nécessitant pas pour le moment d’approche invasive ni diagnostique précise ni curative « car ces accès n’ont pas créé d’handicap majeur ni vital ». Le médecin a précisé que la patiente avait catégoriquement refusé une étude électrophysiologique diagnostique et peut-être curative définitivement. Quant à l’hypertension artérielle, il a affirmé qu’elle était normalisée par le traitement en cours (cf. courrier du 5 novembre 2004).

Invité à expliquer sur quelle base il s’était fondé pour fixer à 1983 la survenance de l’état anxio-dépressif, le Docteur A__________ s’est borné à déclarer que la date mentionnée « ne correspond pas forcément au début de son état anxio-dépressif » (cf. courrier du 9 novembre 2004) et a renvoyé à la Doctoresse G__________. Celle-ci a répondu qu’elle avait constaté que la recourante souffrait de troubles anxieux « depuis le début des troubles cardiaques », mais que ne l’ayant vue qu’une seule fois, soit le 10 janvier 2002, elle ne pouvait dire si elle était incapable de travailler.

Les trois rapports médicaux ont été communiqués aux parties le 17 novembre 2004.

12. L’assurée relève que selon le Docteur F__________ il n’y a pas d’invalidité au titre des problèmes cardiaques ; le Docteur A__________ ne sait pas si la survenance de l’état anxio-dépressif date de 1983, sur le plan psychiatrique il ignorait que la Doctoresse G__________ n’avait vu sa patiente qu’une seule fois, sur le plan veineux il ne fait aucun commentaire « bien que sa patiente se plaigne constamment de douleurs » ; et enfin la Doctoresse G__________ ne peut se prononcer. La mandataire de l’assurée en conclut que l’instruction du dossier n’a pas été faite correctement.

13. L’OCAI a soumis les documents médicaux au SMR pour prise de position. Il résulte de l’avis des Docteurs D__________, spécialiste FMH en chirurgie, et H__________, spécialiste FMH en psychiatrie, qu’il n’y a pas d’atteinte à la santé selon l’art. 8 LPGA (cf. avis du 7 décembre 2004).

EN DROIT

1. La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Statuant sur un recours de droit public, le Tribunal fédéral a, dans un arrêt du 1er juillet 2004, confirmé que la disposition transitoire constituait la solution la plus rationnelle et était conforme, de surcroît, au droit fédéral (ATF 130 I 226).

C’est dans la composition prévue par l’art. 162 LOJ que le Tribunal de céans statue dans la présente cause.

2. Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. a ch. 2 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’article 56 LPGA qui sont relatives à la loi sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959.

La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales. Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s'applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 136 consid. 4b et les références). En revanche, en ce qui concerne la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b, 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b). C'est pourquoi les procédures pendantes au 1er janvier 2003 ou introduites après cette date devant un tribunal cantonal compétent en matière d'assurances sociales sont régies par les nouvelles règles de procédure contenues dans la LPGA et par les dispositions de procédure contenues dans les différentes lois spéciales modifiées par la LPGA.

3. Le recours, interjeté en temps utile, est recevable (articles 56 et 60 LPGA).

4. L’article 4 alinéa 1 LAI définit l’invalidité comme étant la diminution de la capacité de gain, présumée permanente ou de longue durée, qui résulte d’une atteinte à la santé physique, ou mentale provenant d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident.

Pour qu’une invalidité soit reconnue, il est nécessaire dans chaque cas qu’un diagnostic médical pertinent soit posé par un spécialiste et que soit mise en évidence une diminution importante de la capacité de travail (ATF 127 V 299). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore raisonnablement exiger de l’assuré (ATF 125 V 261, 115 V 134, 114 V 314, 105 V 158).

5. L’assurée souffre de tachycardies supraventriculaires récidivantes. Son médecin traitant l’estime incapable de travailler à 100% quelle que soit l’activité, au motif que sa patiente « n’a pas les facultés mentales suffisantes pour s’adapter à une nouvelle profession ».

Les médecins du centre de cardiologie des Hôpitaux universitaires de Genève ont quant à eux relevé en mars 1994, l’existence de tachycardies par réentrée intranodale, difficilement corrélables à elles seules avec les plaintes de la patiente. Le Docteur F__________ a souligné que les accès de tachycardie apparaissant de moins en moins ces dernières années ne créaient pas d’handicap majeur ni vital.

Force dès lors est de constater que les problèmes cardiaques rencontrés par la recourante n’ont pas de caractère invalidant au sens des art. 8 LPGA et 4 al. 1 LAI.

6. L’assurée allègue souffrir d’insuffisance veineuse des membres inférieurs et d’un status post-cure de varices à la jambe droite. Selon le Docteur D__________ du SMR cependant, après opération des varices et port de bas de compression, le problème circulatoire aux jambes devrait être résolu et ne saurait justifier une invalidité.

7. Enfin l’état anxio-dépressif évoqué par le Docteur A__________ n’apparaît pas non plus revêtir une importance telle qu’il conduirait à une incapacité de travail. A cet égard, la recourante n’a consulté qu’une fois la Doctoresse G__________, laquelle a simplement constaté la présence de troubles anxieux.

Quoi qu’il en soit, cet état dépressif existerait depuis 1983, selon le Docteur A__________. Or, aux termes de l’art. 6 LAI, les étrangers ont droit aux prestations, sous réserve de l’art. 9 al. 3, aussi longtemps qu’ils conservent leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse, mais seulement s’ils comptent lors de la survenance de l’invalidité au moins une année entière de cotisations ou dix de résidence ininterrompue en Suisse. Ainsi, si la date de la survenance de l’invalidité doit être fixée à 1983, soit bien avant l’arrivée de l’assurée en Suisse, il va de soi que les conditions de l’assurance ne sont pas réalisées.

8. Il ressort des différents avis médicaux figurant dans le dossier que les atteintes à la santé alléguées n’entraînent pas d’incapacité de travail. Seul le médecin traitant déclare que sa patiente ne peut exercer aucune activité lucrative. Il motive toutefois cette incapacité par le fait qu’elle « n’a pas les facultés mentales suffisantes », ce qui ne saurait être à ce stade pris en considération par l’assurance-invalidité (cf. Directives sur l’invalidité N° 1011).

Il appert ainsi que la mise en place d’une expertise ne se justifie pas.

9. Force est en conséquence de constater que l’OCAI a à juste titre rejeté la demande de prestations AI, étant précisé qu’il sera loisible à la recourante de déposer une nouvelle demande de prestations AI en cas d’aggravation de son état de santé.


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

conformément à la disposition transitoire de l’article 162 LOJ

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

2. Le rejette.

3. Dit que la procédure est gratuite.

4. Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu'il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l'enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

La greffière :

Marie-Louise QUELOZ

La Présidente :

Doris WANGELER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le