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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4552/2017

ATAS/624/2018 du 29.06.2018 ( AF ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4552/2017 ATAS/624/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 29 juin 2018

6ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à Genève, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître David MINDER

 

recourant

contre

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE ASSURANCE VIEILLESSE & SURVIVANTS, sise rue de St-Jean 98, Genève

et

Madame B______, domiciliée c/o Monsieur A______; à Genève, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Daniel MEYER

intimée

 

 

appelée en cause

 

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après l’intéressé ou le recourant) et Madame C______ se sont mariés le 8 mai 1988.

Deux enfants sont issus de cette union : B______, née le ______ 1998, et D______, né le _____ 2002.

2.        L’intéressé, domicilié à Genève, vit séparé de Mme C______, laquelle s’est établie à Cruseilles en France.

3.        Par ordonnance du 26 avril 2014, le Tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains a fixé la résidence habituelle de B______ et D______ chez Mme C______ et a confié l’autorité parentale conjointe sur eux à cette dernière et à l’intéressé.

4.        Par décision du 14 mai 2014, la Caisse interprofessionnelle assurance-vieillesse et survivants FER-CIAM (ci-après la Caisse ou l’intimée) a octroyé les allocations familiales afférentes à B______ et D______ à Mme C______.

5.        Par ordonnance du 7 août 2015, le Tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains a fixé la résidence de B______ chez l’intéressé.

6.        Le 27 août 2015, l’intéressé a requis de la Caisse le versement en ses mains des allocations familiales dues pour B______.

7.        Par décision du 21 septembre 2015, la Caisse a fait droit à cette requête avec effet au 1er août 2015.

8.        Durant l’année scolaire 2016-2017, B______ a été inscrite en qualité d’interne dans une école privée, le Château de Peynier.

9.        Le 25 novembre 2016, B______ a informé l’avocate de Mme C______ que la situation avec l’intéressé n’était plus vivable et qu’elle avait décidé d’aller habiter chez sa mère.

10.    Par courriel du 29 novembre 2016 à la Caisse, Mme C______ a sollicité le versement en ses mains des allocations familiales relatives à B______, qui vivait chez elle depuis le 25 novembre précédent.

11.    Par décision du 1er décembre 2016, la Caisse a reconnu à Mme C______ la qualité d’ayant droit des allocations familiales relatives à B______ dès cette date. Elle a communiqué ce changement d’ayant droit à l’intéressé le même jour.

12.    Le 8 décembre 2016, la Caisse a communiqué à l’intéressé qu’elle annulait sa décision du 1er décembre précédent. Elle a sollicité un courrier signé par l’intéressé et Mme C______ indiquant la date de changement de domicile de B______ et les coordonnées du compte bancaire sur lequel devaient être versées les allocations familiales.

13.    Par courrier reçu par la Caisse le 8 mai 2017, B______ a requis le versement des allocations familiales qui lui étaient destinées sur son compte bancaire, invoquant sa majorité et le fait qu’elle était étudiante.

14.    Le 20 juin 2017, la Caisse a invité Mme C______ à lui transmettre une attestation de départ du territoire suisse concernant B______ et à autoriser le versement directement en mains de cette dernière des allocations familiales.

15.    Selon un certificat délivré le 5 juillet 2017 par le maire de Cruseilles, B______ est domiciliée dans cette commune depuis le 25 novembre 2016.

16.    Le 1er août 2017, Mme C______ a donné l’autorisation à la Caisse de verser les allocations familiales relatives à B______ directement sur le compte de cette dernière.

17.    Le 7 août 2017, la Caisse a notifié une décision à B______, aux termes de laquelle les allocations familiales lui étaient directement versées dès le 1er décembre 2016. Un montant rétroactif de CHF 3'200.- lui était payé à ce titre. Cette décision mentionnait Mme C______ comme ayant droit.

18.    Par courrier du 29 août 2017 à la Caisse, l’intéressé a indiqué avoir appris que les allocations familiales de novembre (recte décembre) 2016 à août 2017 avaient été versées à Mme C______. Or, B______ résidait chez lui selon l’ordonnance du 7 août 2015, qu’aucune décision de justice n’avait modifiée. Elle était interne dans un établissement scolaire, et c’était à lui que revenaient les allocations familiales la concernant. Il invitait la Caisse à vérifier si les démarches de sortie du territoire avaient été entreprises. Il a souligné qu’il continuait à payer l’assurance-maladie de B______ et qu’il avait besoin des allocations familiales pour assumer cette charge. Il s’opposait à leur versement en mains de Mme C______ (sic), et demandait le remboursement des sommes indûment perçues par cette dernière.

19.    Par décision du 16 octobre 2017, la Caisse a écarté l’opposition de l’intéressé. Elle a retenu que c’était à juste titre que les allocations familiales avaient été versées directement à B______. Une attestation prouvait en effet qu’elle s’était établie auprès de Mme C______ dès le 25 novembre 2016 avec l’intention d’y rester. Cette dernière était l’ayant droit prioritaire pendant la période litigieuse. L’annonce de départ en Suisse était une formalité dont l’omission ne modifiait pas le domicile en France. Le fait que l’intéressé se soit acquitté de l’écolage et des primes d’assurance-maladie n’était pas un argument suffisant, les allocations familiales étant destinées à compenser partiellement la charge financière que représentait un enfant. B______ n’étant plus domiciliée chez l’intéressé, ce dernier n’avait plus à assumer son entretien quotidien.

20.    Par écriture du 16 novembre 2017, l’assuré a interjeté recours contre la décision de la Caisse. Il a conclu, sous suite de dépens, à l’annulation des décisions du 7 août 2017 et du 16 octobre 2017, à ce qu’il soit dit qu’il est l’ayant droit prioritaire pour les allocations familiales en faveur de B______ pour la période du 1er décembre 2016 au 31 juillet 2017; à ce qu’il soit dit que les conditions du versement directement en mains de B______ des allocations familiales pour la période du 1er décembre 2016 au 31 juillet 2017 ne sont pas remplies ; et à ce que l’intimée soit condamnée à lui verser la somme de CHF 3'200.- correspondant aux allocations familiales en faveur de B______ pour la période du 1er décembre 2016 au 31 juillet 2017.

Il a notamment allégué qu’il pourvoyait à l’entretien de B______ depuis la séparation judiciaire. Il avait ainsi payé ses primes d’assurance-maladie et ses frais d’écolage. S’il était vrai que B______ n’était pas physiquement chez lui du 1er décembre 2016 au 31 juillet 2017, elle ne vivait pas non plus chez Mme C______ puisqu’elle était scolarisée en internat durant cette période, et qu’elle était domiciliée chez lui selon le registre cantonal de la population et des migrations. En outre, ce n’était pas le domicile qui était déterminant mais la prise en charge effective des besoins de l’enfant. Or, aucune décision judiciaire n’avait modifié l’ordonnance du 7 août 2015, aux termes de laquelle B______ était domiciliée chez le recourant, lequel était ainsi responsable de son entretien et de ses soins. Il a en outre rappelé les principes régissant la détermination de l’ayant droit des allocations familiales, soutenant qu’il était l’ayant droit prioritaire des allocations familiales du 1er décembre 2016 au 31 juillet 2017 pour B______.

Quant au versement directement à l’enfant majeur, il supposait que les allocations familiales ne soient pas utilisées en faveur de la personne à qui elles étaient destinées, et la motivation de la demande devait être compréhensible, convaincante et en rapport avec le but des allocations familiales. Or, le recourant s’était toujours acquitté de ses obligations financières et morales envers B______, laquelle n’avait jamais soutenu le contraire. Sa demande de versement des allocations familiales en ses mains était uniquement motivée par le fait qu’elle était désormais majeure et étudiante. Il ne s’agissait pas de raisons suffisantes pour un versement direct.

Le recourant a notamment produit à l’appui de son recours un extrait du registre de l’Office cantonal de la population et des migrations du 9 octobre 2017, indiquant que le domicile de B______ était à son adresse, ainsi que les factures afférentes aux primes d’assurance-maladie qui lui avaient été adressées pour B______ pour la période du 1er janvier au 31 mars 2017 et pour octobre 2017.

21.    Le 29 novembre 2017, le recourant a transmis à la chambre de céans un extrait de son compte bancaire, dont il ressort qu’il s’est acquitté d’un montant de CHF 3'200.- en faveur de la caisse-maladie Concordia.

22.    Dans sa réponse du 13 décembre 2017, l’intimée a conclu au rejet du recours. Elle a souligné qu’elle ne niait pas la qualité d’ayant droit prioritaire du recourant pour recevoir les allocations de formation professionnelle en faveur de B______, au vu de l’ordonnance rendue par la Chambre des affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Thonon-Les-Bains du 7 août 2015, qui avait fixé la résidence de celle-ci chez le recourant. A cette époque, elle n’était pas encore majeure. Le fait que le recourant ait assumé la grande partie de l’entretien de B______, notamment le paiement de la prime d’assurance-maladie et une grande partie des écolages, n’était pas pertinent pour établir à qui les allocations familiales devaient être versées. L’intimée estimait que Mme C______ était devenue l’ayant droit prioritaire, puisque B______vivait chez elle depuis novembre 2016 malgré l’internat pendant la semaine. Sur ce point, l’intimée s’est référée à la pratique administrative. Le fait que le départ de B______ n’ait pas été annoncé auprès de l’Office cantonal de la population n’était pas décisif, le domicile étant déterminé conformément au droit civil.

23.    Par réplique du 30 janvier 2018, le recourant a persisté dans ses conclusions.

24.    Par ordonnance du 8 février 2018, la chambre de céans a appelé en cause B______ (ci-après l’appelée en cause).

25.    A la demande de la chambre de céans, le recourant lui a transmis un relevé de compte du 1er mars 2017, faisant état d’un versement de EUR 2'536.- en faveur du Château de Peney.

26.    Par écriture du 14 mai 2018, l’appelée en cause a conclu au rejet du recours, sous suite de dépens. Elle a allégué qu’elle vivait chez sa mère depuis le 26 novembre 2016 et que le recourant avait prélevé le montant de CHF 3'200.- sur son compte sans son consentement, grâce à la procuration dont il disposait. Elle avait porté plainte pour ces faits. Elle a précisé que la moitié de ses frais d’écolage avait été assumée par Mme C______, qui avait également pris en charge ses billets de train, ses vêtements et son argent de poche, à l’exception des primes d’assurance-maladie. L’ayant droit des allocations familiales était le parent auprès duquel l’enfant vivait la plupart du temps. En l’espèce, l’appelée en cause s’était installée chez sa mère en novembre 2016. Suivre l’argumentation du recourant reviendrait à contraindre une personne majeure à rester auprès du parent désigné comme ayant droit, sous peine de ne plus bénéficier des allocations familiales. Le législateur ne pouvait avoir voulu une telle solution, susceptible de violer la sphère privée et familiale des intéressés et de restreindre leur liberté personnelle.

L’appelée en cause a produit les pièces suivantes à l’appui de son écriture :

a.       ordonnance du 5 février 2018 du Juge de la mise en état des affaires familiales du Tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains dans la cause opposant le recourant à Mme C______. Cette instance a notamment établi que Mme C______ travaillait en qualité de comptable dans une entreprise en Suisse et que les frais de scolarité de l’appelée en cause avaient été assumés à parts égales par ses deux parents. Cette dernière avait échoué aux épreuves du bac en 2017, qu’elle souhaitait repasser en candidate libre en 2018. Elle n’était plus scolarisée. Le recourant a été condamné à verser une contribution d’entretien mensuelle d’EUR 300.- du 1er décembre 2016 au 30 juin 2017 et d’EUR 600.- dès le 1er juillet 2017 pour l’appelée en cause. Il devait également prendre en charge les factures d’assurance-maladie jusqu’au mois de novembre 2016. Quant à la demande de Mme C______ tendant au versement des allocations familiales, elle était déclarée irrecevable à raison de la compétence ;

b.      attestation de dépôt de plainte de l’appelée en cause contre le recourant en date du 4 octobre 2017, portant sur le vol de CHF 3'200.-.

27.    La chambre de céans a transmis copie de cette écriture aux parties le 16 mai 2018.

28.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        La chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les allocations familiales du 24 mars 2006 (LAFam - RS 836.2). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. e de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, sur les contestations prévues à l'art. 38A de la loi cantonale sur les allocations familiales du 1er mars 1996 (LAF - J 5 10).

La compétence de la chambre de céans pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux allocations familiales, à moins que la LAFam n’y déroge expressément (art. 1 LAFam).

3.        Déposé dans les délai et forme prévus par la loi (art. 56ss LPGA), le recours est recevable.

S’agissant des conclusions du recourant tendant à la reconnaissance de sa qualité d’ayant droit prioritaire et à la constatation que les conditions d’un versement direct ne sont pas réalisées, elles sont de nature constatatoire et sont ainsi en principe irrecevables en raison de leur caractère subsidiaire par rapport à une action condamnatoire (ATF 129 V 289 consid. 2.1, arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 149/06 du 11 juin 2007 consid. 5.2). Dans la présente procédure, elles n’ont toutefois pas de portée propre par rapport aux conclusions formatrices tendant au versement des allocations familiales en mains du recourant, dont elles ne sont que les prémisses juridiques.

4.        Le litige, tel qu’il est circonscrit par la décision attaquée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_195/2018 du 13 mars 2018 consid. 4), porte sur le point de savoir si c’est à juste titre que l’intimée a versé les allocations familiales afférentes à la période du 1er décembre 2016 au 31 juillet 2017 directement à l’appelée en cause. 

5.        Au vu des éléments d’extranéité du litige, il convient en préambule de préciser ce qui suit.

Les relations entre la Suisse et l’Union européenne sont régies par l'accord du 21 juin 1999 entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, la Communauté européenne et ses Etats membres sur la libre circulation des personnes (ALCP 0.142.112.681) et le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, modifié par le règlement (CE) n° 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 (RS 0.831.109.268.1).

L’art. 2 du règlement n° 883/2004 circonscrit son champ d’application personnel aux ressortissants de l'un des Etats membres, aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un Etat membre qui sont ou ont été soumis à la législation d'un ou de plusieurs Etats membres, ainsi qu'aux membres de leur famille et à leurs survivants.

Selon l’art. 11 par. 3 let. a du règlement n° 883/2004, la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un Etat membre est, sous réserve des art. 12 à 16, soumise à la législation de cet Etat membre. Cette disposition fait du lieu de travail le critère principal de rattachement et consacre le principe de la lex loci laboris. L'Etat d'emploi est alors seul compétent en vertu du principe de l'unicité de la législation applicable prévu à l'art. 11 par. 1 dudit règlement, selon lequel les personnes auxquelles le règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul Etat membre (ATF 142 V 192 consid. 3.1).

Partant, dès lors que le recourant et Mme C______ travaillent tous deux en Suisse, le droit aux allocations familiales se détermine à l’aune du droit suisse.

6.        L’art. 2 LAFam définit les allocations familiales comme des prestations en espèces, uniques ou périodiques, destinées à compenser partiellement la charge financière représentée par un ou plusieurs enfants.

Aux termes de l’art. 3 al. 1 let. b LAFam, les allocations familiales comprennent l'allocation de formation professionnelle; elle est octroyée à partir du mois qui suit celui au cours duquel l'enfant atteint l'âge de 16 ans jusqu'à la fin de sa formation, mais au plus tard jusqu'à la fin du mois au cours duquel il atteint l'âge de 25 ans.

7.        L’art. 7 al. 1 de l’ordonnance sur les allocations familiales (OAFam – RS 836.21) dispose que pour les enfants ayant leur domicile à l'étranger, les allocations familiales ne sont versées que si une convention internationale le prévoit.

Selon l’art. 67 du règlement n° 883/2004, une personne a droit aux prestations familiales conformément à la législation de l'Etat membre compétent, y compris pour les membres de sa famille qui résident dans un autre Etat membre, comme si ceux-ci résidaient dans le premier Etat membre. Toutefois, le titulaire d'une pension a droit aux prestations familiales conformément à la législation de l'Etat membre compétent pour sa pension.

8.        Un des principes régissant l’octroi d’allocations familiales est que le même enfant ne donne pas droit à plus d'une allocation du même genre (art. 6 1ère phrase LAFAm). Cela a pour corollaire la nécessité de régler les rapports entre les ayants droits, ce que le législateur a fait à l’art. 7 LAFAm qui régit le concours de droit.

Cette disposition prévoit que lorsque plusieurs personnes peuvent faire valoir un droit aux allocations familiales pour le même enfant en vertu d'une législation fédérale ou cantonale, le droit aux prestations est reconnu selon l'ordre de priorité suivant: à la personne qui exerce une activité lucrative (let. a) ; la personne qui détient l'autorité parentale ou qui la détenait jusqu'à la majorité de l'enfant (let. b) ; à la personne chez qui l'enfant vit la plupart du temps ou vivait jusqu'à sa majorité (let. c) ; la personne à laquelle est applicable le régime d'allocations familiales du canton de domicile de l'enfant (let. d) ; à la personne dont le revenu soumis à l'AVS et provenant d'une activité lucrative dépendante est le plus élevé (let. e) ; à la personne dont le revenu soumis à l'AVS et provenant d'une activité lucrative indépendante est le plus élevé (let. f) (al. 1). Dans le cas où les allocations familiales du premier et du second ayants droit sont régies par les dispositions de deux cantons différents, le second a droit au versement de la différence lorsque le taux minimal légal est plus élevé dans son propre canton que dans l'autre (al. 2).

9.        La réglementation de l’art. 7 LAFAm se fonde sur cinq critères subsidiaires, analysés successivement et uniquement si le critère mentionné à la lettre précédente ne permet pas de trancher la question de l’ayant droit. On notera que le législateur n’entendait pas introduire un régime conférant la possibilité pour les ayants droit de décider à qui les allocations seraient versées (ATF 139 V 429 consid. 4.2).

En ce qui concerne le critère prévu à la let. c de l’art. 7 al. 1 LAFAm, ce sont en première ligne les circonstances concrètes qui sont déterminantes. Dès lors que celles-ci ne peuvent souvent être clarifiées qu’au moyen d’efforts conséquents, il y a lieu de se fonder sur des documents tels que conventions alimentaires, décisions judiciaires, conventions de divorce, contrats de placement ou décisions des autorités Une analyse à long terme se justifie (arrêt de la section des assurances sociales du Tribunal cantonal de Bâle-Campagne du 5 septembre 2016 [760 15 377] consid. 4.3.1). Selon les Directives pour l’application de la LAFam éditées par l’OFAS (DAFam), s’agissant de la priorité en vertu de la let. c de l’art. 7, pour déterminer si un enfant vit la plupart du temps chez un de ses parents ou s’il passe autant de temps chez sa mère que chez son père, il convient de se référer au jugement ou à la convention signée entre les parents. Il peut être dérogé à cette règle lorsque, dans les faits, l’enfant ne vit pas, ou ne vit plus, autant chez un parent que chez l’autre. Ne sont pas pris en considération de légers ajustements ou de courtes interruptions (motivés par exemple par des obligations professionnelles ou des absences dues à des vacances). De même, le fait d’être inscrit au contrôle des habitants d’une commune n’est pas décisif. Lorsqu’un enfant vit autant chez un parent que chez l’autre, l’ayant droit prioritaire est déterminé en vertu des lettres d à f (chiffre 406.2). Le critère de l’art. 7 al. 1 let. c LAFAm ne se fonde pas sur le domicile au sens civil (arrêt du Tribunal des assurances sociales du canton d’Obwald du 2 avril 2012 dans la cause AV 11/018/sa consid. 4.2.2). Lors d’une modification du lieu de séjour, le point décisif est de savoir si cela a mené à une modification de la charge financière (Thomas FLÜCKIGER, Koordinations- und verfahrensrechtliche Aspekte bei den Kinder- und Ausbildungszulagen in René SCHAFFHAUSER / Hans-Ulrich KIESER [éd.]: Bundesgesetz über die Familienzulagen [FamZG], Saint-Gall 2009, p. 174).

Le critère prévu à l’art. 7 al. 1 let. c LAFAm présente une certaine similarité avec le principe de l’entretien prévu jusque-là par plusieurs législations cantonales, et selon lequel était déterminant le point de savoir quel parent assumait la plus importante partie des frais d’entretien de l’enfant. En vertu de ce principe, les allocations familiales pouvaient ne pas être versées au parent qui vivait avec l’enfant, dès lors que les frais d’entretien ne lui incombaient pas nécessairement malgré la vie commune. Le critère établi par la let. c diffère toutefois du principe d’entretien en tant qu’il retient comme ayant droit la personne auprès de laquelle vit l’enfant. Il correspond ainsi plutôt au principe de la garde, qui appartient à la personne qui a la responsabilité de l’enfant et lui prodigue les soins nécessaires. Partant, la personne pouvant solliciter les allocations familiales est celle qui au quotidien s’assure que les besoins de base de l’enfant soient couverts (Ueli KIESER / Marco REICHMUTH, Bundesgesetz über die Familienzulagen, Praxiskommentar, 2010, nn. 61 ad art. 7). Ainsi, en cas d’autorité parentale exercée conjointement par des parents salariés séparés ou divorcés, les allocations sont versées à la personne qui s’occupe prioritairement de l’enfant (Michelle COTTIER, Eric WIDMER, Myriam GIRARDIN, Sandrine TORNARE, La garde alternée, FamPra.ch 2018 p. 297).

On notera que dans son rapport du 20 novembre 1998 sur l’initiative parlementaire Prestations familiales, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national a considéré qu’il n’était pas judicieux de modifier le droit aux allocations familiales après la majorité de l’enfant, et qu’il convenait de se fonder sur la situation prévalant avant que la majorité ne soit atteinte, raison pour laquelle la solution légale proposée consacrait la priorité de la personne ayant la garde de l’enfant ou qui l’avait au moment de sa majorité (FF 2000 4433). Ainsi, la let. c de l’art. 7 al. 1 LAFAm prévoit, tout comme la let. b, que l’ayant droit ne change pas après que l’enfant est devenu majeur. Le législateur entendait par là adopter un critère simple et praticable pour le versement d’allocations familiales après le 18ème anniversaire de l’enfant. Ce critère peut toutefois également conduire à des résultats inéquitables et guère compréhensibles. On pensera notamment au cas où un éloignement survient par la suite avec le parent qui avait la garde au moment de la majorité. Si des développements déterminants surviennent durant cette période, tels que l’entretien complet de l’enfant par l’autre parent sans que l’allocation familiale ne lui soit reversée, la question d’un versement en mains de tiers au sens de l’art. 9 al. 2 LAFam se pose (KIESER / REICHMUTH, op. cit., nn. 58-59 et 64 ad art. 7).

10.    En vertu de l’art. 9 LAFAm, si les allocations familiales ne sont pas utilisées en faveur de la personne à laquelle elles sont destinées, cette personne ou son représentant légal peut demander, en dérogation à l'art. 20 al. 1, LPGA, que les allocations familiales lui soient versées directement, même si elle ne dépend pas de l'assistance publique ou privée (al. 1). En dérogation à l'art. 20, al. 1, LPGA, l'allocation de formation professionnelle peut, sur demande motivée, être versée directement à l'enfant majeur (al. 2).

La loi ne définit pas les motifs à prendre en compte dans le cadre de l’art. 9 al. 2 LAFam. Selon les travaux préparatoires, le versement direct s’avère particulièrement judicieux lorsque les personnes concernées n'entretiennent pas de bons rapports ou lorsque les personnes responsables soumises à une obligation d'entretien ne fournissent pas de prestations (rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 20 novembre 1998, FF 1999 III 2954). Ainsi, le versement direct à l’enfant majeur ne doit pas se faire en tenant compte uniquement des besoins de l’enfant, il peut également avoir lieu dans d’autres constellations de faits. La justification du versement direct doit être compréhensible, concluante et être liée au but des allocations familiales (KIESER / REICHMUTH, op. cit., n. 14 ad art. 9 LAFam). On peut notamment penser à la situation dans laquelle l’enfant majeur ne veut plus de contact avec l’ayant droit ou lorsque le transfert de l’allocation familiale dans les cas prévus à l’art. 8 LAFAm à l’enfant ne se fait qu’irrégulièrement (FLÜCKIGER, op. cit., p. 211).

11.    En l’espèce, la détermination de l’ayant droit conformément à la réglementation en cascade exposée ci-dessus conduit à reconnaître cette qualité au recourant.

En effet, tant lui que Mme C______ ont une activité lucrative, et l’autorité parentale était exercée conjointement. Dès lors que l’appelée en cause vivait chez le recourant lors de son 18ème anniversaire, il reste l’ayant droit prioritaire en vertu de l’art. 7 al. 1 let. c LAFAm, nonobstant le changement de domicile de l’appelée en cause après sa majorité.

C’est ainsi à tort que la décision soumise à opposition désigne Mme C______ comme ayant droit prioritaire.

Cela étant, ce n’est pas à cette dernière que les allocations familiales ont été versées, mais à l’appelée en cause. Il y a dès lors lieu d’analyser si les conditions légales d’un versement direct en mains de cette dernière sont réalisées.

S’agissant des conditions d’application de l’art. 9 al. 2 LAFAm, il est vrai que l’intimée n’a procédé à aucune instruction et que la demande de l’appelée en cause n’était guère motivée. Toutefois, les éléments que la présente procédure a permis d’établir suffisent à pallier ces lacunes. Il en ressort en effet que les relations entre l’appelée en cause et le recourant apparaissent pour le moins tendues, ce qui a motivé le déménagement de celle-ci en novembre 2016, comme elle l’a exposé au conseil de Mme C______. La plainte pénale déposée par l’appelée en cause à l’encontre du recourant démontre également que leurs liens se sont gravement dégradés. On se trouve ainsi dans la situation envisagée par le législateur lorsqu’il a édicté l’art. 9 al. 2 LAFAm.

Partant, pour ce motif déjà, le versement direct des allocations familiales correspondant à la période du 1er décembre 2016 au 31 juillet 2017 à l’appelée en cause est conforme au droit.

Par surabondance, le versement à l’appelée en cause se justifierait également de manière indirecte sous l’angle de l’art. 9 al. 1 LAFAm. En effet, cette disposition permettrait à Mme C______, qui a autorisé le paiement des allocations familiales directement sur le compte de sa fille, d’obtenir que les allocations familiales lui soient versées.

C’est ici le lieu de rappeler que l’art. 8 LAFAm dispose que l'ayant droit tenu, en vertu d'un jugement ou d'une convention, de verser une contribution d'entretien pour un ou plusieurs enfants doit, en sus de ladite contribution, verser les allocations familiales – disposition qui correspond du reste à l’art. 285a al. 1 du code civil (CC – RS 210) dans sa teneur en force depuis le 1er janvier 2017.

Il suffit pour qu’un versement s’opère en vertu de l’art. 9 al. 1 LAFAm que les allocations familiales ne soient pas affectées à la couverture des besoins de la personne à qui elles sont destinées. Tel est déjà le cas lorsque les enfants vivent auprès du parent qui n’est pas l’ayant droit prioritaire, et que ce dernier ne les lui reverse pas. Le motif pour lequel l’ayant droit prioritaire ne transfère pas les allocations familiales est sans pertinence (ATF 144 V 35 consid. 5.3.2.2).

En l’espèce, il est vrai qu’on ne peut reprocher au recourant de ne pas avoir reversé les allocations familiales litigieuses à Mme C______ ou à l’appelée en cause, puisqu’il ne les a pas perçues – sous réserve de la véracité des allégations de l’appelée en cause quant au prélèvement sans droit par le recourant du montant correspondant sur son compte, qui n’ont pas à être examinées dans le cadre du présent litige. Cela ne suffit toutefois pas à nier le droit au versement direct en vertu de l’art. 9 al. 1 LAFAm. En effet, la procédure initiée par le recourant établit sa volonté de conserver les allocations familiales. Son recours serait du reste irrecevable s’il entendait obtenir le paiement des allocations familiales pour les reverser ensuite à Mme C______, dès lors qu’il n’aurait pas d’intérêt pratique à son admission (cf. sur ce point arrêt du Tribunal fédéral 9C_844/2016 du 6 février 2017 consid. 3.2). Il a du reste allégué dans son écriture du 29 août 2017 que les allocations familiales devaient lui servir à payer les primes d’assurance-maladie de l’appelée en cause, ce qui concourt à démontrer qu’il n’entendait pas les reverser à cette dernière. Sur ce point, on notera du reste que cette charge ne lui incombe pas pendant la période litigieuse, conformément à l’ordonnance du 5 février 2018 déterminant ses obligations alimentaires.

Eu égard aux éléments qui précèdent, si le recourant est certes resté l’ayant droit prioritaire au sens de l’art. 7 let. c LAFAm, la décision portant sur le versement directement en mains de l’appelée en cause doit être confirmée dans son résultat.

12.    Le recours est rejeté.

L’appelée en cause a conclu à l’octroi de dépens. Dès lors que la partie assurée obtenant gain de cause se voit reconnaître une indemnité de procédure, il y a également lieu d’allouer des dépens à l’assuré qui intervient en qualité d’appelé en cause (Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, 3ème éd. 2015, n. 174 ad art. 61). En l’espèce, les dépens seront fixés à CHF 800.-. Conformément au principe de la gratuité ancré à l’art. 61 let. a LPGA, ils ne peuvent être mis à la charge du recourant, de sorte qu’ils seront mis à la charge de l’Etat.

Le recourant, qui succombe, ne peut pas prétendre à une telle indemnité.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.      Le rejette.

3.      Dit que l’appelée en cause a droit à des dépens de CHF 800.-, mis à la charge de l’Etat.

4.      Dit que la procédure est gratuite.

5.      Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le