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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1409/2002

ATAS/535/2005 du 17.06.2005 ( PC ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ; PC ; PRESTATION COMPLÉMENTAIRE ; REVENU HYPOTHÉTIQUE ; FORTUNE IMMOBILIÈRE ; FORTUNE MOBILIÈRE ; DESSAISISSEMENT DE FORTUNE ; INTÉRÊT(FRUIT CIVIL)
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1409/2002 ATAS/535/2005

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 5

du 15 juin 2005

 

En la cause

Madame M__________, représentée par Monsieur G__________

recourante

contre

OFFICE CANTONAL DES PERSONNES AGEES, domicilié route de Chêne 54, case postale 6375, 1211 GENEVE 6

intimé

 


EN FAIT

Madame M__________, née le 20 mai 1920, est bénéficiaire d’une rente AVS. Elle vit depuis le 22 juin 1995 dans l’établissement médico-social (EMS) La Terrassière, dont le tarif journalier était à l’époque de la demande de 147 fr. par jour. Elle est sous curatelle de gestion, laquelle est exercée, pour les aspects financiers et administratifs du mandat, par Madame G__________, sa fille. Feu Monsieur M__________, né le 6 octobre 1913 et décédé le 10 août 2004, bénéficiait également d’une telle rente. Il a vécu à son domicile jusqu’au 14 juin 2003. Dès cette date, il a été accueilli dans la résidence pour personnes âgées LES JARDINS DU RHÔNE qui lui a mis à disposition un studio au loyer mensuel de 1'373 fr.

Par acte du 28 juillet 1995, feu Monsieur M__________ a donné en nue-propriété à ses enfants M__________ et G__________, à titre d’avances d’hoirie, divers biens mobiliers (titres et créances), ainsi que des biens immobiliers avec effet rétroactif au 1er janvier 1995 et n’en a gardé que l’usufruit sa vie durant. Aux termes du ch. 2 des conditions de l’acte de donations, il continuera, en qualité d’usufruitier, à acquitter toutes les charges et impositions incombant aux créances, actions et parcelles données. Les biens immobiliers font l’objet d’un bail à ferme conclu avec des tiers et le fermage de ceux-ci revient aux époux M__________. Il en va de même des intérêts produits par les biens mobiliers cédés.

Par demande reçue par l’Office cantonal des personnes âgées (ci-après : OCPA) le 21 juillet 1999, les époux M__________ ont requis des prestations complémentaires à leur rente AVS.

Par décision du 29 mai 2000, l’OCPA a refusé à Madame M__________ les prestations complémentaires fédérales du 1er juillet 1999 au 31 janvier 2000 et lui a accordé celles-ci dès le 1er février 2000. Les prestations cantonales étaient refusées. L’assurée a été également mise au bénéfice de la couverture intégrale des cotisations de l’assurance obligatoire des soins. Pour le calcul des prestations dues, l’OCPA a pris en considération la somme de 230'189 fr., représentant la moitié de la valeur des donations effectuées par feu Monsieur M__________ en faveur de ses enfants en 1995. L’OCPA a par ailleurs indiqué que, depuis le 1er janvier 1997, la fortune dessaisie était amortie à raison de 5'000 fr. par an, de sorte que cette fortune a été prise en compte en 1999 pour le montant de 210'189 fr. A titre de fortune mobilière, l’OCPA a mentionné la somme de 102'426 fr.

A la demande de l’assurée, représentée par son conseil, l’OCPA a reconsidéré sa décision le 11 juillet 2000 et a rendu des nouvelles décisions, par lesquelles il lui a octroyé du 1er juillet 1999 au 31 décembre 1999 des prestations complémentaires fédérales mensuelles d’un montant de 113 fr., pour janvier 2000 d’un montant de 160 fr. et dès le 1er février 2000 de 434 fr., en plus de la couverture intégrale des cotisations de l’assurance obligatoire des soins. Dans son nouveau calcul, l’OCPA a retenu pour 1999 des biens dessaisis d’un montant de 166'824 fr. et le produit hypothétique de ceux-ci de 663 fr., tout en prenant également en compte le produit des biens immobiliers et mobiliers en usufruit réellement réalisé. Dès le 1er janvier 2000, il a amorti la valeur des biens dessaisis de 5’000 fr. par an. La fortune mobilière retenue est restée identique.

Par lettre du 16 août 2000, l’assurée a formé réclamation contre ces décisions, en concluant implicitement à l’augmentation des prestations complémentaires. Elle a fait valoir qu’il n’y avait pas lieu de tenir compte du produit hypothétique des biens dessaisis, dès lors que ces biens avaient un rendement effectif qui lui profitait et qui était déjà pris en considération dans le calcul de l’OCPA.

Par courrier du 29 novembre 2001, l’assurée, par l’intermédiaire de son conseil, a informé l’OCPA du décès du fils de son époux, tout en précisant que cela entraînait le passage de la donation en nue-propriété, dont le fils était bénéficiaire depuis 1995, aux trois filles de ce dernier, ce qui devait changer l’approche financière appliquée au calcul des prestations complémentaires qui lui étaient dues.

Par décision sur réclamation du 20 décembre 2001, l’OCPA a rejeté celle-ci. Il a fait valoir que le revenu de la fortune englobait également le revenu hypothétique des parts de fortune auxquelles il a été renoncé, soit le revenu correspondant au montant des gains réalisables par le placement avec intérêts de la fortune cédée. En outre, en présence d’un droit d’usufruit, la valeur de celui-ci devait être prise en compte en sus du revenu hypothétique. De l’avis de l’OCPA, c’était dès lors à juste titre que, dans le calcul du revenu déterminant de la bénéficiaire, il a été tenu compte de la valeur réelle de l’usufruit des biens donnés en nue-propriété à ses enfants, ainsi que du produit hypothétique des biens dessaisis. La nature des biens dessaisis, immobiliers ou mobiliers, n’était par ailleurs pas déterminante pour le calcul de leur produit hypothétique. Enfin, le décès du bénéficiaire de la donation n’avait aucune incidence sur le calcul.

Représentée par son conseil, l’intéressée a formé recours le 25 janvier 2002 devant la Commission cantonale de recours AVS/AI (ci-après : la Commission de recours) qui était à l’époque compétente en la matière. Elle a conclu à l’annulation de la décision attaquée et au recalcul des prestations complémentaires dues. Elle a fait valoir que seuls les biens immobiliers dessaisis pouvaient être pris en considération dans le calcul des prestations dues et non pas les biens mobiliers. S’agissant du décès d’un des bénéficiaires de la donation, elle a fait valoir que la valeur de la nue-propriété était diminuée du fait de la succession, dans la mesure où les frais et taxes de succession ainsi que les éventuelles dettes de feu son mari seront à déduire de ce montant.

Le 22 février 2002, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Par ordonnance du 22 octobre 2003, le Tribunal cantonal des assurances sociales, auquel la cause a été transmise à la suite de sa création et de son entrée en fonction en date du 1er août 2003, a suspendu l’instruction du recours, d’accord entre les parties.

Le 3 novembre 2003, l’intimé a communiqué au Tribunal de céans qu’il avait reconsidéré la décision attaquée. Il a dès lors rendu dix nouvelles décisions concernant les prestations dues à la recourante dès le 1er juillet 1999. Pour cette dernière année, il a pris en considération, à titre de biens dessaisis, la somme de 166'824 fr., ainsi que le produit hypothétique des biens dessaisis et le produit réel des biens immobiliers et mobiliers. Pour les années suivantes, il a procédé à un amortissement sur la somme des biens dessaisis de 10'000 fr. par an, soit 5'000 fr. pour chacun des époux. Une fortune mobilière de 102'426 fr. est de nouveau retenue dont le montant ne varie pas d’une année à l’autre. Les prestations complémentaires fédérales mensuelles étaient fixées à 414 fr. dès le 1er juillet 1999, à 491 fr. dès le 1er janvier 2000 et à 765 fr. dès le 1er février 2000. Ces prestations ont été augmentées dans les années qui ont suivi. Dans sa note au dossier jointe à ces décisions, l’intimé a expliqué que, lorsque le donateur se réservait un droit d’usufruit ou un droit d’habitation à vie sur des biens immobiliers donnés, l’usufruit ou le droit d’habitation devaient être capitalisés, afin de déterminer s’ils constituaient une contre-prestation équivalente à la donation. La capitalisation était effectuée à l’aide des tabelles de l’administration fiscale des contributions, pour convertir en rentes viagères les prestations en capital. En l’espèce, le produit des biens immobiliers donnés en nue-propriété était de 5'670 fr., ce qui devait être considéré comme la valeur de l’usufruit. Pour la valeur de la capitalisation de l’usufruit, il convenait de multiplier ce montant par le facteur de capitalisation - non contesté - de 7,97, ce qui donnait un montant de 45'190 fr., en chiffres ronds. La valeur de la donation immobilière en usufruit était obtenue par la soustraction, de la valeur des biens immobiliers (sans usufruit) de 147'188 fr., de la valeur de la capitalisation de l’usufruit de 45’190 fr. et s’élevait dès lors à 101'998 fr. Le total des biens dessaisis, y compris la valeur de la donation mobilière, sous forme de titres et de créances de 261’650 fr., était par conséquent de 363'648 fr. De ce montant, il convenait de procéder à un amortissement, dès 1997 jusqu’au début du droit, de 30'000 fr. (10'000 fr. par an), de sorte que la valeur des biens dessaisis était de 333'648 fr., soit de 166'824 fr. pour chacun des époux (333'648 fr. : 2). Le produit hypothétique des biens dessaisis s’élevait pour les biens immobiliers à 1,3% de la valeur de la donation immobilière.

En l’absence d’une réaction de la recourante, le Tribunal de céans a repris l’instruction du recours le 25 octobre 2004.

Invitée par le Tribunal de céans à lui communiquer si elle maintenait son recours, la recourante a répondu le 8 novembre 2004 par l’affirmative. Elle a à nouveau contesté la prise en considération du revenu hypothétique des biens dessaisis, en plus de leur revenu réel. Par ailleurs, elle a relevé que si feu son mari avait utilisé, avec l’accord de ses enfants, les biens donnés en nue-propriété à ceux-ci pour payer l’EMS et la résidence dans laquelle il avait été lui-même admis en 2003, il ne serait resté aujourd’hui plus rien de cette fortune. La diminution de 10'000 fr. par année des biens dessaisis était dès lors complètement dérisoire et disproportionnée par rapport aux frais encourus.

Par ses écritures du 6 janvier 2005, l’intimé a persisté dans ses conclusions. En sus des arguments invoqués précédemment, il a relevé que, selon la législation applicable, la valeur de la fortune au moment du dessaisissement devait être reportée telle quelle au 1er janvier de l’année suivante. Le dessaisissement devait être ensuite réduit chaque année de 10'000 fr. Par conséquent, c’était à juste titre qu’il avait procédé, sur la valeur des biens dessaisis, à un amortissement de 10'000 fr. par an dès le 1er janvier 1997.

Par ses écritures du 3 février 2005, la recourante a maintenu ses conclusions. Elle a relevé que les biens immobiliers dessaisis pris en considération étaient loués et que feu son époux ne bénéficiait d’aucun droit d’habitation ou d’exploitation sur ceux-ci. Le produit réel de ses biens s’élevait à 5'670 fr., montant qui était à prendre en considération dans le calcul du revenu déterminant des époux. Il était alors absurde de calculer en sus un revenu hypothétique de ces mêmes biens. En outre, les loyers perçus étaient conformes à ceux pratiqués dans la région. Pour le surplus, elle a repris son argumentation antérieure.

Dans ses écritures du 4 mars 2005, l’OCPA a persisté dans ses conclusions.

 

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l’art. 3 al. 3 des dispositions transitoires de la LOJ, les causes introduites avant l’entrée en vigueur de la loi et pendante devant la Commission de recours compétente en matière de prestations complémentaires à l’AVS/AI ont été transmises d’office au Tribunal cantonal des assurances sociales, statuant en instance unique sur ces contestations (cf. art. 56 V LOJ).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales. Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s'applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 136 consid. 4b et les références). En revanche, en ce qui concerne la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b, 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b). C'est pourquoi les procédures pendantes au 1er janvier 2003 ou introduites après cette date devant un tribunal cantonal compétent en matière d'assurances sociales sont régies par les nouvelles règles de procédure contenues dans la LPGA et par les dispositions de procédure contenues dans les différentes lois spéciales modifiées par la LPGA.

En l’occurrence, la décision initiale a été rendue en 2000. Par conséquent, le cas d'espèce reste régi par les dispositions matérielles en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, de sorte que celles-ci seront par la suite citées dans leur ancienne teneur.

Interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente (art. 9 de la loi sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 4 octobre 1965 – LPFC), le recours est recevable.

Selon l’art. 53 al. 3 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA), l’assureur peut, jusqu’à l’envoi de son préavis à l’autorité de recours, reconsidérer une décision sur opposition sur laquelle un recours a été formé.

En l’espèce, du moment où l’intimé n’avait pas encore communiqué ses observations à l’autorité de recours, on doit admettre que les conditions d’application de la disposition légale précitée sont remplies, de sorte qu’il était en droit de procéder à une reconsidération, en adoptant les décisions du 3 novembre 2003.

Cependant, dans la mesure où elles ne correspondent pas aux conclusions de la recourante, les décisions rectificatives rendues pendente lite ne mettent pas fin au litige, lequel doit dès lors être tranché à l’aune des nouveaux rapports juridiques créés par ces décisions, sans que celles-ci doivent être attaquées (ATF 107 V 251 s. consid.3).

En l’occurence est litigieuse la question du montant d’amortissement des biens dessaisis, ainsi que la prise en compte du revenu hypothétique de ceux-ci, en plus de leurs revenus réels. Il convient à cet égard de constater que la recourante n’a pas mis en cause les autres montants retenus par l’intimé à titre de ressources et dépenses, notamment la valeur de la donation en nue-propriété et la valeur de sa fortune mobilière.

a) En vertu de l’art. 3a de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 19 mars 1965 (LPC), le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants. Selon les art. 3a al. 5 LPC et 1a de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI), pour les couples dont l’un des conjoints ou les deux vivent en permanence ou pour une longue durée dans un home ou dans un hôpital, la prestation complémentaire annuelle est calculée séparément pour chacun des époux. A cet égard, les revenus déterminants et la fortune du couple sont partagés par moitié entre chacun de ceux-ci (VSI 2003 P. 226 consid. 2b).

Les revenus déterminants comprennent notamment les rentes, pensions et autres prestations périodiques, le produit de la fortune mobilière et immobilière, 1/10ème de la fortune nette, dans la mesure où elle dépasse 25'000 fr. pour les personnes seules ou 40'000 fr. pour les couples, ainsi que les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s’est dessaisi (art. 3 c al. 1 let. b, c, d et g LPC).

Il y a dessaisissement au sens de l’art. 3c al. 1 let. g LPC, lorsque l’assuré renonce à une part de fortune sans obligation légale et sans contre-prestation adéquate, lorsqu’il a droit à certains éléments de revenu ou de fortune mais n’en fait pas usage ou s’abstient de faire valoir ses prétentions, ou encore lorsqu’il renonce à exercer une activité lucrative possible pour des raisons dont il est seul responsable (ATF 123 V 35 consid. 1). Sont dès lors également à prendre en compte les biens mobiliers dessaisis. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances (TFA), les valeurs de fortune dessaisies sont à traiter comme si l’assuré n’y avait pas renoncé (ATF 113 V 195 consid. 5c).

Lorsque l’un des conjoints ou les deux vivent dans un home ou dans un hôpital, la fortune dessaisie doit être prise en compte par moitié dans le calcul de la fortune déterminante, indépendamment du fait auquel d’entre eux le patrimoine dessaisi en cause appartenait (VSI 2003 p. 226 consid. 2b).

b) Aux termes de l’art. 17a OPC-AVS/AI, la part de la fortune dessaisie à prendre en considération est réduite chaque année de 10'000 fr. Selon l’al. 2 de cette disposition, la valeur de la fortune au moment du dessaisissement doit être reportée telle quelle au 1er janvier de l’année suivant celle du dessaisissement, pour être ensuite réduite chaque année. Est déterminant pour le calcul de la prestation complémentaire annuelle le montant réduit de la fortune au 1er janvier de l’année pour laquelle la prestation est servie (al. 3). La diminution de la fortune dessaisie peut être effectuée déjà avant le début du droit aux prestations (ATF 119 V 438 consid. 5 b).

c) Selon la jurisprudence, la fortune dont un assuré s’est dessaisi est par ailleurs censée produire un revenu qui doit aussi être porté en compte lors du calcul du revenu déterminant (ATF 123 V 37 consid. 2). Qu’en est-il lorsque seulement la nue-propriété a été transférée à un tiers ?

En vertu de l’art. 757 CC, les intérêts des capitaux soumis à l’usufruit et les autres revenus périodiques sont acquis à l’usufruitier du jour où son droit commence jusqu’à celui où il prend fin, même s’ils ne sont exigibles que plus tard. Il convient d’en conclure que, lorsque les biens en usufruit produisent des revenus réels, il n’y a pas lieu de prendre en plus en considération un revenu hypothétique pour le calcul des prestations complémentaires. En effet, si l’intéressé ne s’était pas dessaisi de ses biens en les cédant en nue-propriété à un tiers, il n’aurait pas pu en tirer plus de revenus que ces biens continuent à produire après leur transfert.

a) En l’espèce, la recourante vit dans un EMS depuis le 22 juin 1995, dont le forfait journalier était à l’époque de 147 fr. et a ensuite augmenté. En 2003, il était de 217 fr. Elle allègue que ses ressources étaient insuffisantes, et le sont toujours, pour couvrir ses dépenses, depuis son entrée en EMS, de sorte qu’elle aurait été obligée d’entamer la fortune dessaisie d’une part bien plus importante que les 10'000 fr. prévus par l’art.17a l’OPC-AVS/AI à titre d’amortissement, ce qui aurait totalement absorbé cette fortune. Elle estime ainsi qu’il convient de déroger à la règle d’amortissement de l’art. 17a OPC-AVS/AI.

La question de savoir si et à quelles conditions un amortissement plus élevé que celui prescrit à la disposition légale précitée peut être pris en considération, peut cependant rester ouverte en l’occurrence. En effet, il appert que, au 31 décembre 1998, la recourante et son époux disposaient toujours d’une fortune mobilière de 204'852 fr., comme cela résulte de la déclaration fiscale de ce dernier pour 1999. Par conséquent, en dépit des dépenses élevées de l’EMS de la recourante, leur fortune mobilière n’était de loin pas totalement absorbée à cette date, de sorte qu’il n’y a pas lieu de supposer que la recourante aurait entamé la fortune dessaisie d’un montant supérieur à 10'000 fr. par an, tel que l’a admis l’intimé. Dans les années qui ont suivi, leur fortune mobilière n’a pas subi de variation, dès lors que le montant retenu à ce titre dans les décisions litigieuses est resté identique, à savoir à 102'426 fr. ce qui représente la moitié de la fortune totale des époux de 204'852 fr., et n’a jamais été contesté. Il convient d’en conclure que la recourante n’a pas dû recourir à cette fortune pour ses dépenses par la suite. Il ne paraît par conséquent pas vraisemblable qu’elle aurait utilisé plus que 10'000 par an des biens dessaisis, si ceux-ci n’avaient pas été cédés à des tiers.

Il résulte de ce qui précède que l’intimé a procédé à l’amortissement de la fortune dessaisie de façon conforme au droit.

b) Quant à la question du revenu hypothétique de la fortune dessaisie, force est de constater que les biens immobiliers sont en l’occurrence loués et que leur rendement a profité à la recourante et feu son époux. Les biens mobiliers ont également produit des intérêts dont ils ont bénéficié. Par conséquent, seuls les revenus réels sont à prendre en compte et c’est à tort que l’intimé a ajouté un produit hypothétique des biens dessaisis.

Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et les décisions attaquées seront annulées. La cause sera par conséquent renvoyée à l’intimé, afin qu’il détermine à nouveau le montant des prestations complémentaires revenant à la recourante, sans prendre en considération un revenu hypothétique des biens dessaisis.

La recourante obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de 500 fr. lui est octroyée à titre de dépens, à la charge de l’intimé.

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable ;

Au fond :

L’admet partiellement;

Annule les décisions dont est recours ;

Renvoie le dossier à l’intimé pour nouveau calcul des prestations complémentaires au sens des considérants ;

Condamne l’intimé au paiement de la somme de 500 fr. à la recourante à titre de dépens ;

Dit que, pour ce qui a trait aux prestations complémentaires fédérales, les parties peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Ce mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs le recourant estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter la signature du recourant ou de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints au mémoire s’il s’agit de pièces en possession du recourant. Seront également jointes au mémoire la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132 106 et 108OJ).

 

La greffière

 

 

 

 

Yaël BENZ

 

La présidente

 

 

 

 

Maya CRAMER

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le