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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2259/2003

ATAS/480/2005 du 25.05.2005 ( LPP ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2259/2003 ATAS/480/2005

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

4ème chambre

du 25 mai 2005

 

En la cause

Monsieur B__________, Monsieur B__________

 

demandeur

 

contre

 

Z__________, 3-7, rue François-Dussaud, 1227 Les Acacias

 

défenderesse

 


EN FAIT

Monsieur B__________ a été engagé en tant qu’employé d’atelier polyvalent par la société Y__________SA dès le 1er octobre 1990. Par courrier du 25 mai 1994, il a été licencié avec effet au 30 septembre 1994, en raison de retards et d’absences quotidiens depuis plusieurs mois.

Le 22 juin 1994, la CAISSE DE VIEILLESSE ET DE PREVOYANCE EN FAVEUR DU PERSONNEL Y__________SA ET Y__________ SA a transmis à l’assuré un décompte de sortie du Fonds de Prévoyance au 1er octobre 1994.

Le 8 octobre 1994, l’assuré s’est fracturé le tibia droit et a été soigné à l’Hôpital cantonal jusqu’au 2 mai 1995.

Le 27 mars 1998, l’assuré a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité auprès de l’Office cantonal de l’assurance-invalidité (OCAI) visant à l’obtention d’une orientation professionnelle, d’un reclassement, d’une rééducation dans la même profession ou d’une rente en raison de toxicomanie entraînant des atteintes physiques et psychiques réduisant la capacité de gain.

Selon un rapport du 13 novembre 1998 du Dr A__________, l’assuré a été totalement incapable de travailler en raison de son accident du 8 octobre 1994 au 3 janvier 1995. A compter du 3 janvier 1995, son incapacité de travail était évaluée entre 75 et 100 % en raison de toxicodépendance aux opiacés depuis 1993, amaigrissement marqué avec état de nutrition précaire et tabagisme. Il suivait un traitement substitutif de pharmacodépendance aux opiacés depuis le mois de novembre 1994, période qui coïncidait avec l’abandon de son activité professionnelle. La capacité de travail était fortement réduite et aléatoire depuis plus de cinq ans.

Dans un rapport du 20 juin 2001, le Dr B__________, de l’Unité de toxicodépendances du Département de Psychiatrie de l’Hôpital Cantonal, a diagnostiqué une personnalité anxieuse évitante, de l’agoraphobie, de la claustrophobie et des troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation d’opiacés, d’alcool et de cocaïne avec dépendance. La demande de rente à 100 % semblait totalement justifiée. En raison de la pathologie psychiatrique, le patient était incapable d’assumer une activité suivie et il n’y avait pas de capacité de travail exigible.

Par décision du 7 novembre 2001, l’OCAI a octroyé à l’assuré une rente entière d’invalidité dès le 1er mars 1997, basée sur un degré d’invalidité de 100 %. L’incapacité de travail ayant débuté le 8 octobre 1994, le délai de carence prenait fin le 8 octobre 1995 et ouvrait à l’assuré le droit à une rente entière d’invalidité. Toutefois, la demande ayant été déposée tardivement, les prestations ne pouvaient être allouées qu’à partir du 1er mars 1997.

Le 3 juillet 2003, l’assuré a déposé une demande de rente d’invalidité auprès de la Z__________ (ci-après : la Caisse), laquelle a repris, dès le 1er janvier 1999, la CAISSE DE VIEILLESSE ET DE PREVOYANCE EN FAVEUR DU PERSONNEL Y__________SA ET Y__________ SA. Il a relevé qu’il avait été affilié à la Caisse jusqu’à son licenciement au 30 septembre 1994 et que la loi prolongeait l’assurance durant 30 jours après la dissolution des rapports de travail, soit jusqu’au 31 octobre 1994. L’incapacité totale de travail sur laquelle était basée la rente AI avait débuté le 8 octobre 1994, raison pour laquelle il pouvait également prétendre à une rente d’invalidité de son institution de prévoyance. La demande étant tardive, le droit à la rente devrait toutefois être fixé au 1er juillet 1998 en raison d’un délai de prescription de cinq ans.

Par courrier du 23 octobre 2003, la Caisse a informé l’intéressé qu’il avait été licencié au 30 septembre 1994 pour cause d’absentéisme marqué sans avoir été en incapacité de gain durant cette période. Par la suite, un accident lui avait causé une incapacité totale de travail dès le 8 octobre 1994. Durant cette incapacité, l’assuré avait débuté un autre traitement médical dès le mois de novembre 1994 pour une nouvelle cause liée à une affection maladive. L’assuré ne subissait donc pas d’incapacité de travail lorsqu’il a été licencié et il n’apparaissait pas que son état de santé lié à l’affection maladive à l’origine de l’invalidité se soit aggravé au cours des 30 jours ayant suivi son départ. En l’absence d’accident, qui n’avait pas entraîné d’invalidité, l’incapacité de travail aurait débuté le 3 janvier 1995. A cette période, l’intéressé n’était plus assuré, de sorte qu’il ne pouvait bénéficier de prestations de la Caisse.

Le 24 novembre 2003, l’assuré a déposé une demande en paiement par-devant le Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève, concluant à ce que la Caisse soit condamnée à lui verser une rente entière d’invalidité dès le 1er septembre 1998. Le refus de la Caisse semblait fondé sur une incapacité de gain qui était contraire à la loi et au règlement de la Caisse, lequel stipulait qu’une rente était payable à l’assuré qui pouvait prétendre à une rente d’invalidité. La question déterminante était de savoir si un assuré avait été incapable de travailler durant plus de 360 jours, peu importe que l’incapacité soit due à un accident ou à une maladie. L’intéressé ayant été incapable de travailler de manière ininterrompue depuis le 8 octobre 1994 à ce jour, il avait donc droit à une rente d’invalidité. L’accident du 8 octobre 1994 avait été à l’origine de l’invalidité, et la maladie invalidante existait probablement déjà avant le 3 janvier 1995, puisqu’elle avait provoqué le licenciement et l’abandon du cours de répétition militaire pour raison médicale en juin 1994.

Dans sa réponse du 5 décembre 2003, la Caisse a déclaré maintenir sa position, telle qu’elle découlait de son courrier du 23 octobre 2003.

Dans sa réplique du 29 décembre 2003, l’assuré a fait valoir que la période du 8 octobre 1994 au 3 janvier 1995 avait été reconnue comme période d’incapacité totale de travail par la CNA qui avait versé des indemnités journalières du 11 octobre 1994 au 18 avril 1995. L’invalidité devait être évaluée d’après les mêmes règles dans les différentes branches d’assurance sociale. Les deux conditions au droit à la rente d’invalidité étaient une incapacité de travail de 360 jours et la prolongation de cette incapacité. La décision de l’OCAI était donc bien fondée et l’assuré avait en conséquence également droit à des prestations d’invalidité de la part de son institution de prévoyance.

Par duplique du 22 janvier 2004, la Caisse a rappelé la teneur de son courrier adressé au demandeur le 23 octobre 2003 et persisté dans ses conclusions.

Les parties ont été convoquées en comparution personnelle par le Tribunal de céans le 20 juin 2004. Lors de cette audience, à laquelle l’intéressé n’a pas comparu en raison de son état de santé, le représentant de l’assuré a indiqué que ce dernier s’injectait de l’héroïne depuis 1993. Les causes de son absentéisme étaient dues à la toxicomanie, voire à une maladie psychique. Il avait déjà reçu des avertissements de son employeur en 1993 en raison de somnolence. L’assuré avait été jugé inapte au service depuis 1994 par le Tribunal militaire de Sion en raison de sa grave toxico-dépendance.

La Caisse a indiqué qu’elle s’était fondée sur le dossier AI duquel il résultait que l’incapacité de gain liée à la toxicomanie avait débuté en janvier 1995. Elle a également indiqué qu’elle était réassurée auprès de la WINTERTHUR ASSURANCES pour les cas d’invalidité et de décès, raison pour laquelle cette assurance s’était prononcée sur le dossier. La Caisse avait suivi l’avis de la WINTERTHUR, qui n’était toutefois pas partie à la procédure.

Le 1er juillet 2004, le Tribunal de céans a requis l’apport du dossier AI de l’assuré ; les parties ont été invitées à le consulter et à déposer leurs conclusions.

La caisse n’a pas déposé d’observations dans le délai imparti.

Par détermination du 25 août 2004, le demandeur a indiqué que l’OCAI avait constaté une invalidité pour maladie de longue durée depuis le 8 octobre 1994, contrairement à ce qu’avait allégué la défenderesse lors de son refus du 23 octobre 2003. La date du 3 janvier 1995 ne correspondait pas au dossier médical, puisque le Dr A__________ indiquait dans son rapport du 13 novembre 1998 que la capacité de travail était fortement réduite et très aléatoire depuis plus de cinq ans, soit bien avant le 8 octobre 1994. Quoi qu’il en soit, l’OCAI n’avait pas fait de distinction de période entre les causes de l’incapacité de travail, ainsi que l’imposaient la loi et la jurisprudence. Le début de l’incapacité de travail, le 8 octobre 1994, valait aussi pour la Caisse, date à laquelle le demandeur était encore assuré. Enfin, le versement du rétroactif devait être effectué en mains du père de l’assuré, qui le représentait, dans la mesure où un versement en mains de l’assuré aurait des effets négatifs, voire mortels. Celui-ci ne gérait plus ses affaires depuis 1994 et était toujours soumis à la dépendance de drogues dures.

Le 6 septembre 2004, cette pièce a été transmise à la défenderesse et la cause a été gardée à juger par le Tribunal de céans.

 

 

EN DROIT

 

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l’art. 56 V al. 1 let. b LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 73 al. 1 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 - LPP).

L’ouverture de l’action prévue à l’art. 73 al. 1 LPP n’est soumise, comme telle, à l’observation d’aucun délai (SPIRA, Le contentieux des assurances sociales fédérales et la procédure cantonale, Recueil de jurisprudence neuchâteloise, 1984, p. 19 ; SCHWARZENBACH-HANHART, Die Rechtspflege nach dem BVG, SZS 1983, p. 182). Les prétentions qu’un affilié fonde sur la LPP ou sur le règlement de l’institution de prévoyance ne peuvent s’éteindre, par suite de l’écoulement du temps, qu’en raison de la prescription (ATF 117 V 329 consid. 4).

Le for de l’action est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l’exploitation dans laquelle l’assuré a été engagé (art. 73 al. 3 LPP). En l’espèce, le siège de la défenderesse est à Genève, de même que l’entreprise qui avait engagé le requérant. La compétence ratione materiae et loci du Tribunal de céans est ainsi établie.

Selon l’art. 9 al. 1er de la loi genevoise sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA), les parties (…) peuvent se faire représenter par un conjoint, un ascendant ou un descendant majeur, respectivement par un avocat ou par un autre mandataire professionnellement qualifié pour la cause dont il s’agit.

Déposée devant la juridiction compétente par le père de l’assuré, la demande est ainsi recevable.

La question est de savoir si la défenderesse est tenue de verser une rente d’invalidité au demandeur, suite à l’incapacité de travail ayant débuté le 8 octobre 1994. Dans ce cadre, se pose en premier lieu la question de savoir si l’intéressé était assuré au moment de la survenance de l’incapacité de travail qui fonde l’invalidité.

Ont droit à des prestations d’invalidité les personnes qui sont invalides à raison de 50 % au moins au sens de l’assurance-invalidité (AI), et qui étaient assurées lorsqu’est survenue l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité (art. 23 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 - LPP). L’assuré a droit à une rente entière d’invalidité s’il est invalide à raison des deux tiers au moins, au sens de l’AI, et à une demi-rente s’il est invalide à raison de 50 % au moins (art. 24 al. 1 LPP).

Selon la jurisprudence, l'événement assuré au sens de l'art. 23 LPP est uniquement la survenance d'une incapacité de travail d'une certaine importance, indépendamment du point de savoir à partir de quel moment et dans quelle mesure un droit à une prestation d'invalidité est né. La qualité d'assuré doit exister au moment de la survenance de l'incapacité de travail, mais pas nécessairement lors de l'apparition ou de l'aggravation de l'invalidité. Cette interprétation littérale est conforme au sens et au but de la disposition légale en cause, laquelle vise à faire bénéficier de l'assurance le salarié qui, après une maladie d'une certaine durée, devient invalide alors qu'il n'est plus partie à un contrat de travail. Lorsqu'il existe un droit à une prestation d'invalidité fondée sur une incapacité de travail survenue durant la période d'assurance, l'institution de prévoyance concernée est tenue de prendre en charge le cas, même si le degré d'invalidité se modifie après la fin des rapports de prévoyance. Dans ce sens, la perte de la qualité d'assuré ne constitue pas un motif d'extinction du droit aux prestations au sens de l'art. 26 al. 3 LPP (ATF 123 V 263 consid. 1a, 118 V 45 consid. 5).

L'incapacité de travail est la perte ou la diminution de la capacité de rendement de l'assuré dans sa profession ou son champ d'activité habituelle. Pour être prise en considération, la diminution du rendement professionnel doit être sensible et indiscutable ; en outre, cet état de fait doit être durable (ATF 105 V 159 consid. 2a). Le point de savoir si un assuré est incapable de travailler s'apprécie sur la base de constatations médicales (EUGSTER, Zum Leistungsrecht der Taggeldversicherung nach KVG, Recueil LAMal - KVG, Lausanne 1997, p. 520 ; ATFA non publié du 24 janvier 2003 en la cause B 87/02).

Conformément à l'art. 26 al. 1 LPP, les dispositions de la loi fédérale du 19 juin 1959 sur l’assurance-invalidité (ci-après : LAI ; art. 29) s'appliquent par analogie à la naissance du droit aux prestations d'invalidité. Si une institution de prévoyance reprend - explicitement ou par renvoi - la définition de l'invalidité dans l'AI, elle est en principe liée, lors de la survenance du fait assuré, par l'estimation de l'invalidité des organes de l'assurance-invalidité, sauf lorsque cette estimation apparaît d'emblée insoutenable (ATF 126 V 311 consid. 1 in fine). Cette force contraignante vaut non seulement pour la fixation du degré d'invalidité (ATF 115 V 208), mais également pour la détermination du moment à partir duquel la capacité de travail de l'assuré s'est détériorée de manière sensible et durable (ATF 123 V 271 consid. 2a et les références citées).

Par ailleurs, dans un récent arrêt K. du 29 novembre 2002 (B 26/01) destiné à la publication aux ATF 128 V, le Tribunal fédéral des assurances a précisé que les caisses de compensation étaient tenues de communiquer d'office les décisions de rente aux institutions de prévoyance intéressées et qu'à défaut, la fixation du degré d'invalidité (principe, étendue matérielle et temporelle) par les organes de l'assurance-invalidité ne liait pas les institutions de prévoyance.

Selon une jurisprudence que l’on peut appliquer par analogie, l'art. 23 LPP a aussi pour but de délimiter les responsabilités entre institutions de prévoyance, lorsque le travailleur, déjà atteint dans sa santé dans une mesure propre à influer sur sa capacité de travail, entre au service d'un nouvel employeur (en changeant en même temps d'institution de prévoyance) et est mis au bénéfice, ultérieurement, d'une rente de l'assurance-invalidité : le droit aux prestations ne découle pas du nouveau rapport de prévoyance; les prestations d'invalidité sont dues par l'ancienne institution, auprès de laquelle l'intéressé était assuré lorsqu’est survenue l'incapacité de travail à l'origine de l'invalidité.

Cependant, pour que l'ancienne institution de prévoyance reste tenue à prestations, il faut non seulement que l'incapacité de travail ait débuté à une époque où l'assuré lui était affilié, mais encore qu'il existe entre cette incapacité de travail et l'invalidité une relation d'étroite connexité ; dans ce cas seulement, la nouvelle institution est libérée de toute obligation de verser une rente. La connexité doit être à la fois matérielle et temporelle. Il y a connexité matérielle si l'affection à l'origine de l'invalidité est la même que celle qui s'est déjà manifestée durant l'affiliation à la précédente institution de prévoyance (et qui a entraîné une incapacité de travail). La connexité temporelle implique qu'il ne se soit pas écoulé une longue interruption de l'incapacité de travail; elle est rompue si, pendant une certaine période, l'assuré est à nouveau apte à travailler. L'ancienne institution de prévoyance ne saurait, en effet, répondre de rechutes lointaines ou de nouvelles manifestations de la maladie plusieurs années après que l'assuré a recouvré sa capacité de travail. Mais une brève période de rémission ne suffit pas pour interrompre le rapport de connexité temporelle (ATF 123 V 264 consid. 1c, ATFA non publié du 14 janvier 2003 en la cause B 62/02).

D'après l'art. 10 al. 3 LPP, durant un mois après la fin des rapports avec l'institution de prévoyance, le salarié demeure assuré auprès de l'ancienne institution de prévoyance pour les risques de décès et d'invalidité.

En l’espèce, la défenderesse soutient que l’assuré ne subissait pas d’incapacité de travail lorsqu’il a été licencié avec effet au 30 septembre 1994 et qu’il n’apparaît pas que son état de santé lié à l’affection maladive à l’origine de l’invalidité se soit aggravé au cours des 30 jours ayant suivi son départ. Sans l’accident du 8 octobre 1994, qui n’a pas entraîné d’invalidité, l’incapacité de travail aurait débuté le 3 janvier 1995. A cette période, l’intéressé n’était plus assuré, de sorte qu’il ne pouvait bénéficier de prestations.

L’assuré relève que l’évaluation de la notion d’invalidité doit être la même dans toutes les branches d’assurance sociale et que la Caisse doit donc reconnaître l’invalidité au même titre que l’assurance-invalidité, peu importe que l’incapacité de travail soit due à un accident ou à une maladie.

L'art. 11 ch. 2 de l’ancien règlement de la défenderesse produit par le demandeur prévoit que la rente annuelle d'invalidité est payable à l'assuré qui peut prétendre à une rente de l'assurance-invalidité fédérale. La même disposition est contenue dans le règlement applicable jusqu’au 31 décembre 1998 et produit par la défenderesse (art 4.1.1 CGA). On doit déduire de cette disposition que l'invalidité selon le règlement est identique à la notion d'invalidité selon la LAI.

Toutefois, la décision de l’assurance-invalidité n’ayant pas été notifiée à la défenderesse, celle-ci n’était pas directement liée par cette décision.

Il y a donc lieu de déterminer si c’est à juste titre que la Caisse a retenu la date du 3 janvier 1995 comme date déterminante du début de l’incapacité de travail pour ce qui concerne les affections dont elle répondait.

Il n’est pas contesté que le demandeur a été totalement incapable de travailler depuis le 8 octobre 1994, dans un premier temps en raison d’un accident, puis par la suite en raison d’une maladie.

Il résulte des pièces du dossier AI que l’affection maladive à l’origine de l’invalidité du recourant est due à une toxicodépendance grave aux opiacés, datant de 1993. En raison de cette toxicodépendance, un traitement substitutif de pharmacodépendance aux opiacés a été initié au mois de novembre 1994, alors que le demandeur n’arrivait plus a assumer une activité professionnelle normale depuis plusieurs mois, ce qui découle directement des rapports des Dr A__________ et B__________. A cette dépendance s’ajoutent diverses affections psychiatriques importantes. Dans un rapport du 13 novembre 1998, dans lequel le Dr A__________ fixe le début de l’incapacité totale de travail au 8 octobre 1994 (date de l’accident), ce médecin précise que la capacité de travail est fortement réduite depuis plus de 5 ans, soit depuis la fin de l’année 1993. C’est précisément pour ce motif qu’a été résilié le contrat de travail du demandeur, celui-ci n’étant plus en mesure de se présenter à son poste de travail à l’heure et manquant régulièrement des journées entières. C’est également pour cette raison que le Tribunal militaire de Sion a retenu dans son jugement du 7 décembre 2000 que le demandeur était inapte au service depuis 1994.

S’agissant des rapports du Dr B__________, ils sont extrêmement précis en ce qui concerne les affections du demandeur, mais le sont moins sur le début de l’incapacité de travail, dans la mesure où ce médecin n’a suivi le demandeur que depuis le mois d’octobre 1999, soit plus de 6 ans après l’apparition du problème de dépendance.

Ainsi, il découle des renseignements médicaux figurant au dossier, et en particulier des rapports du Dr A__________ sur lesquels s’est basée l’AI pour prendre sa décision, que l’affection médicale qui a amené à l’invalidité était déjà présente à la fin de l’année 1993 et qu’elle avait dès cette période une influence importante sur la capacité de travail, ce qui est confirmé par le licenciement intervenu en mai 1994, date à partir de laquelle le demandeur a été libéré de son obligation de travailler tout en continuant à percevoir son salaire. Cet état de fait explique également pour quelle raison il n’existe pas de certificat d’incapacité de travail durant cette période, dans la mesure où le demandeur n’était plus tenu de se présenter à son travail, mais percevait son salaire, ce qui le dispensait de faire établir un certificat d’arrêt de travail pour percevoir des prestations financières. C’est donc logiquement dès la survenance de l’accident du 8 octobre 1994 qu’est advenue la nécessité de produire un certificat médical à l’attention de l’assurance-accidents.

Dès lors, il doit être reconnu que le demandeur a présenté une incapacité de travail d'une importance certaine au début de l’année 1994. Indépendamment du point de savoir à partir de quel moment et dans quelle mesure un droit à une prestation d'invalidité est né, la survenance de cette incapacité de travail, à un moment où le demandeur était assuré, oblige l'institution de prévoyance concernée à prendre en charge le cas. On rappellera que le but de la loi est précisément de faire bénéficier de l'assurance le salarié qui, après une maladie d'une certaine durée, devient invalide alors qu'il n'est plus partie à un contrat de travail.

Ensuite, il y a lieu de résoudre la question de la prescription.

Aux termes de l'art. 41 LPP, les actions en recouvrement de créances se prescrivent par cinq ans quand elles portent sur des cotisations ou des prestations périodiques, par dix ans dans les autres cas. Les art. 129 à 142 du code des obligations (CO) sont applicables. La solution consacrée par l'art. 41 LPP, qui s'inspire directement des art. 127 et 128 CO (lesquels sont applicables à la prévoyance plus étendue) a pour résultat, dans le cas d'une rente d'invalidité, que chacun des arrérages se prescrit par cinq ans dès l'exigibilité de la créance en application de l'art. 130 al. 1 CO, alors que le droit de percevoir les rentes comme tel, qui ne revêt pas de caractère périodique, se prescrit dans le délai ordinaire de dix ans dès le jour de l'exigibilité du premier terme demeuré impayé, conformément à l'art. 131 al. 1 CO (ATF 124 III 451 sv. consid. 3b; ATF 117 V 332 consid. 4 ; ATFA non publié du 4 août 2000 en la cause B 9/99).

A noter que la prescription décennale de l'art. 41 LPP court indépendamment de la connaissance qu'a l'assuré de l'existence de son droit à la rente, à l'instar de ce qui prévaut pour les prescriptions décennales des art. 60 et 127 CO (ATF 106 II 136 consid. 2a; ENGEL, Traité des obligations en droit suisse, p. 804; cf. aussi GADOLA, Verjährung und Verwirkung im öffentlichen Recht, PJA 1995, p. 52ss).

Dans le cas du demandeur, la qualité d'assuré existait au moment de la survenance de l'incapacité de travail, mais pas nécessairement lors de l'apparition ou de l'aggravation de l'invalidité. Lorsqu'il existe un droit à une prestation d'invalidité fondée sur une incapacité de travail survenue durant la période d'assurance, la Caisse doit donc prendre le cas en charge, cela même si le degré d'invalidité se modifie après la fin des rapports de prévoyance, ce qui a été le cas en l’espèce. A noter qu’il est plus que probable que l’assuré ait déjà été dans une situation d’incapacité totale de travail au moment de son licenciement en mai 1994, point qui n’a pas besoin d’être tranché en l’espèce, dans la mesure où l’existence d’une incapacité de travail d’une certaine importance attestée par un médecin est suffisante. Or, à compter du 8 octobre 1994, l’incapacité de travail ne faisait plus de doute et elle a perduré ; d’ailleurs c’est cette date que l’assurance-invalidité a retenu pour faire partir le délai de carence d’une année.

Ainsi, dès lors qu’il a été posé que la Caisse devait répondre de l’incapacité de travail due à la toxicodépendance survenue à un moment où le demandeur était encore assuré, peu importe par la suite de savoir si le droit à la rente est né le 8 octobre 1995 ou le 3 janvier 1996, compte tenu de la question de la prescription des créances. En effet, l’assuré a déposé sa demande en date du 3 juillet 2003, de sorte que le délai de prescription absolu de 10 ans a été respecté. En revanche, en raison du dépôt tardif de la demande, la rente devra être versée conformément à l’art. 41 al. 1 LPP pour les cinq ans précédant la demande, soit dès le 1er juillet 1998, date à laquelle le droit à la rente aurait pris naissance dans les deux hypothèses retenues ci-dessus compte tenu du délai de carence.

Enfin, le représentant de l’intéressé demande que les prestations ne soient pas versées directement à son fils, se fondant sur l’art. 20 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) qui prévoit que « l’assureur peut verser tout ou partie des prestations en espèces à un tiers qualifié ou à une autorité ayant une obligation légale ou morale d’entretien à l’égard du bénéficiaire ou qui l’assiste en permanence, lorsque le bénéficiaire n’utilise pas ces prestations pour son entretien ». Cette loi ne s’applique cependant pas, même par analogie, au domaine de la prévoyance professionnelle (cf. art. 2 LPGA et art. 1 ss LPP).

Vu ce qui précède, et compte tenu du fait que ni la LPP ni son ordonnance d’application ne contiennent de dispositions particulières à ce sujet, il appartiendra au représentant du recourant d’agir auprès des autorités tutélaires, afin que soient prises les mesures appropriées, cas échéant en urgence. Dans le cadre de la présente demande, le Tribunal de céans ne saurait donc inviter la défenderesse à verser les prestations en espèces en mains du père de l’assuré, de sorte que cette conclusion doit être rejetée.

A noter également que le demandeur, qui n’est pas représenté par un avocat, ne peut non plus se voir accorder des dépens. Son père, bien que possédant des qualifications en matière juridique, a agi dans le strict cadre familial en prodiguant l’assistance requise par la situation de son fils. D’autre part, en tant qu’il entretient vraisemblablement encore son fils et qu’il a demandé à se voir verser directement les prestations en espèces à sa place, on doit admettre qu’il a également un intérêt propre dans la procédure. De plus, la procédure est gratuite (art. 73 al. 2 LPP et 89H al. 1 LPA).

Compte tenu de ce qui précède, la demande doit être admise et le dossier renvoyé à la défenderesse pour calcul des prestations dues, ainsi que les intérêts moratoires.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

 

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare la demande recevable.

Au fond :

L’admet.

Dit que la Z__________ est tenue de verser à Monsieur B__________ une rente entière d’invalidité dès le 1er juillet 1998.

L’y condamne en tant que de besoin.

Renvoie la cause à la défenderesse pour calcul des prestations et nouvelle décision dans le sens des considérants.

Déboute les parties de toutes autres ou contraires conclusions.

Dit qu’il n’est perçu aucun émolument, ni alloué d’indemnité.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

 

Le greffier :

 

Walid BEN AMER

 

La Présidente :

 

Juliana BALDE

 

Le secrétaire-juriste :

 

Marius HAEMMIG

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le