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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2809/2016

ATAS/394/2017 (3) du 22.05.2017 ( PC ) , REJETE

*** ARRET DE PRINCIPE ***
Descripteurs : PC ; PRESTATION COMPLÉMENTAIRE ; DROIT CANTONAL ; RÉFUGIÉ ; DURÉE MINIMALE DE SÉJOUR ; CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES RÉFUGIÉS ; ÉGALITÉ DE TRAITEMENT
Normes : LPC.5.2; LPCC.2.3;
Résumé : L'exigence d'un domicile dans le canton de Genève durant les dix ans précédant la demande pour l'ouverture du droit du réfugié aux prestations complémentaires cantonales requis par l'art. 2 al. 3 LPCC ne viole pas le principe de l'égalité de traitement entre réfugiés résidant sur le territoire suisse et nationaux prévu à l'art. 24 ch. 1 let. b de la Convention relative au statut des réfugiés. En effet, la lettre b/ii de cette disposition exclut du principe d'égalité de traitement les prestations ou fractions de prestations payables exclusivement sur les fonds publics, c'est-à-dire les prestations qui ne sont pas financées par des cotisations mais par les ressources générales de l'Etat. C'est le cas des prestations complémentaires cantonales, lesquelles sont portées chaque année au budget de l'Etat en vertu de l'art. 41 LPCC. Bien qu'un Etat ne puisse pas invoquer l'art. 24 ch. 1 let. b/ii de la Convention pour refuser toute prestation au réfugié lorsque la branche de sécurité sociale est partiellement ou totalement financée par les fonds publics, rien ne l'empêche de réduire ou de différer le droit aux prestations. L'art. 2 al. 2 LPC permet aux cantons d'allouer des prestations allant au-delà de celles prévues par la loi et d'en fixer les conditions d'octroi. Dès lors, les cantons peuvent prévoir pour les réfugiés un délai de carence de plus longue durée que dans la LPC afin de permettre d'adapter leurs prestations à leur situation financière et de maîtriser leur budget social.
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2809/2016 ATAS/394/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 mai 2017

 

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Pierre BAYENET

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en Russie le ______ 1975, est arrivé à Genève le 1er août 2008, en provenance de Biélorussie. Il a reçu une aide financière de l’Hospice général dès le 12 novembre 2008. Faisant suite à sa demande d’asile du 26 septembre 2008, l’office fédéral des migrations (ODM), par décision du 16 avril 2014, lui a reconnu la qualité de réfugié, respectivement le droit de résider en Suisse. Le 21 juillet 2014, l’assuré a obtenu une autorisation d’établissement.

2.        A la suite de sa demande de rente d’invalidité du 2 juin 2015, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI), par décision du 27 janvier 2016, l’a rejetée, motif pris que selon son service médical, l’assuré présentait déjà une incapacité totale de travail lors de son entrée en Suisse. Dans la mesure où il n’existait pas de convention de sécurité sociale entre la Suisse et la Biélorussie et que l’assuré s’était constitué un domicile en Suisse au plus tôt à l’âge de 32 ans et 9 mois, il ne remplissait pas les conditions de durée de cotisations lui ouvrant le droit à une rente extraordinaire d’invalidité.

3.        Le 10 novembre 2015, l’assuré, par l’intermédiaire de son assistante sociale, a déposé une demande de prestations complémentaires auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé).

4.        Par décision du 27 avril 2016, le SPC a admis la demande de prestations complémentaires fédérales et a octroyé à l’assuré une prestation mensuelle de CHF 2'678.- dès le 1er novembre 2015, ainsi qu’un subside d’assurance-maladie de CHF 500.-. Le droit aux prestations complémentaires cantonales a été en revanche refusé, au motif que l’assuré, domicilié dans le canton de Genève depuis le 11 novembre 2008, ne remplissait pas la condition de domicile ou de résidence effective durant les dix années précédant la demande de prestations, applicable aux réfugiés et apatrides.

5.        Par décision du même jour, le SPC a refusé d’accorder des prestations d’aide sociale à l’assuré, ses dépenses reconnues étant entièrement couvertes par le revenu déterminant.

6.        Le 24 mai 2016, l’assuré, par l’intermédiaire de son avocat, a formé opposition à la décision de prestations complémentaires et de subside d’assurance-maladie. Il conteste le refus de prestations complémentaires cantonales et invoque une discrimination du droit cantonal à l’encontre des réfugiés, contraire aux articles 23 et 24 al. 3 de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après : la Convention). Il fait grief au droit cantonal de prévoir une obligation de domicile dans le canton de Genève durant les dix années précédant la demande de prestations pour les requérants étrangers et réfugiés alors que les ressortissants suisses et de l’Union européenne (UE), respectivement de l’Association européenne de libre-échange (AELE), peuvent bénéficier desdites prestations après une résidence effective de cinq ans à Genève. Il conclut à l’octroi de prestations complémentaires cantonales avec effet au 1er novembre 2015.

7.        Par décision du 30 juin 2016, le SPC a rejeté l’opposition. Il relève que l’art. 23 de la Convention a trait à l’aide sociale et non aux assurances sociales dont font partie les prestations complémentaires. Quant à l’art. 24 de la Convention, s’il prévoit que les États contractants accordent aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire le même traitement qu’aux nationaux en ce qui concerne la sécurité sociale, il réserve à son alinéa 1 let. b (ii) les dispositions particulières prescrites par la législation nationale pour les prestations ou fractions de prestations payables exclusivement sur les fonds publics, ainsi que les allocations versées aux personnes qui ne réunissent pas les conditions de cotisation exigées pour l’attribution d’une pension normale. Tel est le cas des prestations complémentaires.

8.        Par acte du 25 août 2016, l’assuré, représenté par son mandataire, a recouru contre ladite décision. Il conclut, sous suite de dépens, à l’octroi de prestations complémentaires cantonales à raison du 60% des montants prévus par la loi cantonale dès le 1er novembre 2015, avec augmentation de 10% chaque 1er novembre subséquent pour atteindre 100% le 1er novembre 2018. Il limite son recours à la compatibilité de l’art. 2 al. 3 de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires avec l’art. 24 al. 1 let. b (ii) de la Convention. Le recourant ne conteste pas le fait que les prestations complémentaires sont des prestations payables exclusivement sur les fonds publics ; en revanche, il conteste l’interprétation faite par l’intimé de l’art. 24 al. 1 let. b (ii) de la Convention. Selon la doctrine unanime, les dispositions particulières prescrites par la législation nationale du pays de résidence réservées par cette disposition légale ne permettent pas de refuser les prestations, mais seulement de les réduire. Par conséquent, seul un système accordant immédiatement au réfugié un droit partiel aux prestations complémentaires cantonales, droit qui doit augmenter proportionnellement à la durée du séjour à Genève, est compatible avec la Convention.

9.        Par décision du 14 septembre 2016, le vice-président du Tribunal civil a rejeté la requête du recourant tendant à l’obtention de l’assistance juridique dans le cadre de son recours. Il a considéré que les chances de succès du recours devant la chambre de céans paraissent faibles, voire nulles dès lors que selon la doctrine et la jurisprudence, en cas de réglementation cantonale prévoyant des prestations complémentaires allant au-delà de la règlementation fédérale, le droit aux prestations complémentaires cantonales est plus restreint que celui aux prestations fédérales. De plus, les cantons peuvent fixer de manière autonome leurs conditions d’octroi, notamment en disposant d’une grande latitude dans le cercle des bénéficiaires.

10.    Dans sa réponse du 21 septembre 2016, l’intimé a persisté dans sa position exprimée dans la décision litigieuse et conclu au rejet du recours.

11.    Par écriture du 23 septembre 2016, le recourant a informé la chambre de céans qu’il ne souhaitait émettre aucune observation à la suite de la réponse de l’intimé et que l’affaire pouvait être gardée à juger.

12.    Après communication de cette écriture à l’intimé, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité, du 25 octobre 1968 (LPCC; J 7 15).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

3.        La LPCC a connu des modifications concernant le montant des revenus déterminants, entrées en vigueur le 1er janvier 2011. En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 130 V 445 consid. 1.2.1; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 18/07 du 7 février 2008 consid. 1.2). Au vu des faits déterminants, le droit aux prestations complémentaires cantonales se détermine selon le droit en vigueur dès le 1er janvier 2011 (ATF 132 V 215 consid. 3.1.1; ATF 127 V 466 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_935/2010 du 18 février 2011 consid. 2).

4.        Le délai de recours est de 30 jours (art. 60 al. 1 LPGA; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10] et art. 43 LPCC).

En l’espèce, le recourant a formé recours le 25 août 2016, contre la décision sur opposition du 30 juin 2016 et reçue le lendemain. Toutefois, les délais en jours ou en mois fixés par la loi ou par l’autorité ne courent pas du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA-GE). Par conséquent, le délai de recours a commencé à courir le lendemain de cette réception, avant d’être suspendu du 15 juillet au 15 août. Il a recommencé à courir dès le 16 août 2016 et est arrivé à échéance le 31 août 2016, compte tenu des principes susmentionnés.

Interjeté dans les forme et délai prescrits par la loi, le présent recours est recevable (art. 56 et 60 LPGA; art. 89B LPA-GE).

5.        Le litige porte sur le droit du recourant aux prestations complémentaires cantonales dès le 1er novembre 2015, en particulier sur le point de savoir si les conditions prévues par la loi cantonale lui sont opposables au regard de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, entrée en vigueur pour la Suisse le 21  avril 1955 (ci-après : la Convention – RS 0.142.30).

6.        a) Au niveau fédéral, aux termes de l'art. 4 al. 1 let. d LPC, en sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2008, les personnes qui ont leur domicile ou leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à des prestations complémentaires, notamment dès lors qu'elles auraient droit à une rente de l'AI si elles justifiaient de la durée de cotisation minimale requise à l'art. 36 al. 1 de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - 831.20).

Selon l’art. 36 al. 1 LAI dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2008, l'octroi d'une rente ordinaire de l'assurance-invalidité est, quelle que soit la nationalité de la personne assurée, subordonné à une durée minimale de trois années de cotisations lors de la survenance de l'invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1042/2008 du 23 juillet 2009 consid. 3.1, in SVR 2009 IV n° 54 p. 168).

L'art. 5 LPC pose des conditions supplémentaires pour les étrangers. Les étrangers doivent avoir résidé en Suisse de manière ininterrompue pendant les dix années précédant immédiatement la date à laquelle ils demandent la prestation complémentaire (délai de carence; al. 1). Pour les réfugiés et les apatrides, le délai de carence est de cinq ans (al. 2). Les étrangers qui auraient droit à une rente extraordinaire de l'AVS ou de l'AI en vertu d'une convention de sécurité sociale peuvent prétendre au plus, tant qu'ils ne satisfont pas au délai de carence visé à l'al. 1 à une prestation complémentaire d'un montant équivalant au minimum de la rente ordinaire complète correspondante (al. 3). Les étrangers qui ne sont ni des réfugiés ni des apatrides et qui n'entrent pas dans le cadre des dispositions fixées à l'al. 3 ont droit aux prestations complémentaires s'ils satisfont au délai de carence visé à l'al. 1 et remplissent l'une des conditions fixées à l'art. 4 al. 1 let. a, b ch. 2 et c, ou les conditions prévues à l'art. 4 al. 2 (al. 4).

b) D’après l’art. 2 al. 1 LPCC (dans sa teneur en vigueur depuis le 30 novembre 2004), ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève (let. a) et qui sont au bénéfice d'une rente de l'assurance-vieillesse et survivants, d'une rente de l'assurance-invalidité, d'une allocation pour impotent de l'assurance-invalidité (let. b) ou reçoivent sans interruption pendant au moins 6 mois une indemnité journalière de l'assurance-invalidité ou qui ont droit à des prestations complémentaires fédérales sans être au bénéfice d’une rente de l’assurance-vieillesse et survivants ou de l’assurance-invalidité (let. c) et qui répondent aux autres conditions de la présente loi (let. d).

Le requérant suisse, le requérant ressortissant de l'un des Etats membres de l'Association européenne de libre-échange ou de l'Union européenne, auquel l'Accord sur la libre circulation des personnes, conclu entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, (ci-après : ALCP) s'applique, doit avoir été domicilié en Suisse ou sur le territoire d'un Etat membre de l'Association européenne de libre-échange ou de l'Union européenne auquel l'ALCP s'applique et y avoir résidé effectivement 5 ans durant les 7 années précédant la demande (art. 2 al. 2 LPCC).

Le requérant étranger, le réfugié ou l’apatride doit avoir été domicilié dans le canton de Genève et y avoir résidé effectivement, sans interruption, durant les 10 années précédant la demande (art. 2 al. 3 LPCC).

7.        En l’occurrence, le recourant réside à Genève depuis le 1er août 2008 et est au bénéfice du statut de réfugié depuis le 16 avril 2014. Reconnu invalide à 100%, l’OAI a considéré qu’il n’avait pas droit à une rente ordinaire d’invalidité au motif qu’il ne remplissait pas la condition de la durée de cotisations de trois années au moins de l’art. 36 al. 1 LAI lors de la survenance de l'invalidité. Il a également retenu qu’il n’a pas davantage droit à une rente extraordinaire d’invalidité faute d’avoir le même nombre d’années d’assurance que les personnes de sa classe d’âge, requis par l’art. 42 al. 1 LAVS.

Par conséquent, le recourant a droit aux prestations complémentaires cantonales, dès lors qu’il a son domicile et sa résidence habituelle dans le canton de Genève et qu’il a droit à des prestations complémentaires fédérales sans être au bénéfice d’une rente de l’assurance-invalidité (art. 2 al. 1 let. a et c LPCC), pour autant qu’il ait résidé effectivement dans le canton sans interruption pendant les dix années précédant la demande de prestations (art. 2 al. 3 LPCC).

Or, à la date de la décision litigieuse du 27 avril 2016, le recourant ne remplit pas encore la condition de la résidence effective de dix ans dans le canton. Partant, il n’a pas droit aux prestations complémentaires cantonales.

8.        Le recourant fait valoir que le délai de dix ans prévu par la LPCC pour ouvrir le droit des réfugiés aux prestations complémentaires cantonales est contraire à la Convention.

a) Selon l'art. 24 ch. 1 let. b de la Convention (RS 0.142.30), les Etats Contractants accorderont aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire le même traitement qu'aux nationaux en ce qui concerne la sécurité sociale (les dispositions légales relatives aux accidents du travail, aux maladies professionnelles, à la maternité, à la maladie, à l'invalidité, à la vieillesse et au décès, au chômage, aux charges de famille, ainsi qu'à tout autre risque qui, conformément à la législation nationale, est couvert par le système de sécurité sociale sous certaines réserves prévues aux lettres i et ii. L'art. 24 ch. 1 let. b/ii de la Convention concerne des dispositions particulières prescrites par la législation nationale du pays de résidence et vise deux cas particuliers : d'une part, les prestations ou fractions de prestations payables exclusivement sur les fonds publics et d'autre part, les allocations versées aux personnes qui ne réunissent pas les conditions de cotisation exigées pour l'attribution d'une pension normale.

Lors de la ratification de la Convention le 21 janvier 1955, la Suisse avait fait une réserve au sujet de l’art. 24, en disposant que les réfugiés résidant en Suisse ne sont pas assimilés aux ressortissants suisses en ce qui concerne leurs droits à l'égard de l'assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS) — ainsi que le prévoit la convention — mais sont soumis aux prescriptions régissant les étrangers avec le pays d'origine desquels la Suisse a conclu une convention en matière d’AVS (cf. Message du 19 janvier 1962 à l’appui de l'arrêté fédéral du 4 octobre 1962 concernant le statut des réfugiés et des apatrides dans l’AVS et l’assurance-invalidité, entré en vigueur le 1er janvier 1963 [ARéf - RS 831.131.11l], FF 1962 I 245). Puis, par une communication reçue le 18 février 1963, le Gouvernement suisse a donné avis au Secrétaire général du retrait, « pour autant qu'elle concerne l'assurance-vieillesse et survivants, de la réserve formulée, lors de la ratification, à l'égard de l'article 24 ch. 1 let (a) et (b), ch. 3, de ladite Convention » (https://treaties.un.org/PAGES/ViewDetailsII.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=V-2
&chapter=5&Temp=mtdsg2&clang=_fr#35).

Les dispositions de la Convention sont directement applicables en droit interne (self-executing) et les demandeurs de prestations peuvent s'en prévaloir à partir de la date à laquelle le statut de réfugié leur a été reconnu, sans effet rétroactif au jour de l'entrée en Suisse. Selon l’art. 59 de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.319), le réfugié a droit vis-à-vis de toutes les autorités cantonales et fédérales au même traitement juridique qu’une personne de nationalité suisse (ATF 135 V 94 consid. 3 et 4).

b) En application de la Convention et de l'art. 34quater aCst. (aujourd'hui : art. 112 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 [Cst.; RS 101]), le législateur a édicté l’ARéf.

Selon le Message, l’article premier pose au 1er alinéa le principe de l’égalité de traitement des réfugiés domiciliés en Suisse et des ressortissants suisses en ce qui concerne leurs droits aux rentes ordinaires de l’AVS et de l’AI et aux allocations pour impotents. Quant à l’obligation d’être assuré et de cotiser, l’égalité de traitement est assurée par la loi. Le 2e alinéa fixe la durée de résidence en Suisse pour avoir droit aux rentes extraordinaires (FF 1962 I 248).

9.        L’art. 24 ch. 1 let. b de la Convention prévoit une égalité de traitement entre les réfugiés résidant sur le territoire suisse et les nationaux en matière de sécurité sociale, soit tout risque qui est couvert par le système national de sécurité sociale.

Il convient en premier lieu d’examiner si le régime des prestations complémentaires fait partie du système suisse de sécurité sociale.

a) En vertu de l’art. 112a Cst., la Confédération et les cantons versent des prestations complémentaires si l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité ne couvre pas les besoins vitaux (al. 1). La loi fixe le montant des prestations complémentaires et définit les tâches et les compétences de la Confédération et des cantons (al. 2).

Aux termes de l’art. 2 LPC, la Confédération et les cantons accordent aux personnes qui remplissent les conditions fixées aux art. 4 à 6 des prestations complémentaires destinées à la couverture des besoins vitaux (al. 1). Les cantons peuvent allouer des prestations allant au-delà de celles qui sont prévues par la présente loi et fixer les conditions d'octroi de ces prestations. Le prélèvement de cotisations patronales est exclu (al. 2).

b) Selon le Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale, il faut entendre à l’art. 112 al. 4 Cst. sur l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité, par couverture des besoins vitaux non pas le pur minimum vital biologique, au-dessous duquel l'individu est menacé dans sa vie ou sa santé, mais un montant plus élevé, proportionné aux conditions actuelles et assurant aux personnes âgées un mode de vie simple, mais tout de même digne d'un être humain. (FF 1997 I 330).

Dans son Message du 21 septembre 1964 relatif à l’aLPC du 19 mars 1965 (en vigueur du 1er janvier 1966 au 31 décembre 2007), le Conseil fédéral précise que les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI ne sauraient avoir le caractère de prestations d’assistance et qu’elles constituent des prestations d’assurance même si elles ne sont pas subordonnées au paiement préalable de cotisations (FF 1964 II 712 et 713). Puis dans son Message du 7 septembre 2005 sur la législation d'exécution concernant la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT), le Conseil fédéral expose que l'art. 2 al. 1 LPC a pour finalité d'instaurer une responsabilité commune de la Confédération et des cantons en matière de prestations complémentaires. Contrairement à l'ancien régime, qui laissait les cantons libres d'allouer des prestations complémentaires (cantonales), ceux-ci y sont désormais astreints. Toutefois, la nature des prestations complémentaires reste inchangée, celles-ci servant à couvrir des besoins vitaux; ces prestations doivent donc permettre d'éviter dans la mesure du possible de recourir à l'aide sociale et constituer un système uniforme et cohérent que la Confédération et les cantons financent ensemble (FF 2005 5833).

D’après la doctrine, l’art. 2 al. 2 LPC dispose que le prélèvement de cotisations patronales est exclu. Selon les explications du Message relatif à la LPC, il s’agit d’une correspondance avec l’art. 83 aLAVS. Puisque les prestations complémentaires fédérales sont conçues comme des prestations d’assurances sociales sans cotisations, il convenait d’interdire aux cantons la perception de cotisations pour financer de façon générale leurs prestations complémentaires. Bien que le texte légal n’exclue que le prélèvement de cotisations patronales, néanmoins les cantons qui versent des prestations plus étendues doivent généralement renoncer à un prélèvement de cotisations et prévoir un financement par les ressources étatiques générales (Ralph JÖHL/Patricia USINGER-EGGER, Die Ergänzungs-leistung und ihre Berechnung, in: SBVR Soziale Sicherheit, 3ème édition, p. 1707).

c) Quant aux prestations complémentaires cantonales, selon l’art. 1 al. 1 LPCC, elles ont pour but de garantir un revenu minimum cantonal d'aide sociale.

Dès leur introduction lors de l'entrée en vigueur de la LPC, les prestations complémentaires à l'AVS/AI ont été perçues comme une garantie au versement d'un revenu minimum servant à couvrir des besoins vitaux. C'est dans cet esprit que la Confédération a accordé aux cantons la possibilité d'allouer des prestations complémentaires allant au-delà de celles prévues par la législation fédérale. Ainsi, ces prestations complémentaires cantonales servent aussi à assurer un revenu minimum à des bénéficiaires dans le cadre de la lutte contre les risques de pauvreté. Il découle de ce qui précède que l'adoption par le canton de Genève de la LPCC a pour but la couverture complémentaire des besoins vitaux. La teneur de la loi cantonale ne laisse aucun doute à cet égard. La loi s'intitule en effet, dans la continuité de l'art. 2 al. 2 LPC, « loi sur les prestations cantonales complémentaires à l'AVS/AI ». Elle est entrée en vigueur le 1er janvier 1969 à la suite de l’aLPC du 19 mars 1965. Elle renvoie du reste expressément à la LPC pour ce qui concerne le droit applicable en cas de silence de la loi cantonale (art. 1A). Bon nombre d'autres de ses dispositions se réfèrent à la LPC, tel l'art. 3 al. 3, qui prévoit l'indexation des prestations complémentaires cantonales par le Conseil d'Etat au taux décidé par le Conseil fédéral pour les prestations complémentaires fédérales, ou l'art. 19, qui calque la modification des prestations sur les règles fédérales en la matière (ATF 135 III 20 consid. 4.6).

La lecture des travaux parlementaires genevois confirme cette volonté. Dans le cadre de ses débats portant sur l'amélioration des prestations complémentaires cantonales, le Grand Conseil genevois a rappelé que la LPCC avait été conçue comme une loi de comblement, dans le but de compléter les ressources propres des ayants droit jusqu'à concurrence d'un certain montant, considéré comme un minimum vital (Mémorial des séances du Grand Conseil du canton de Genève [ci-après: MGC] 1970 p. 1181 et 2724; MGC 1992 p. 7703). Le système mis en place par la législation fédérale et cantonale étant fondé sur la notion de couverture des besoins vitaux des bénéficiaires AVS/AI, le régime des prestations complémentaires cantonales n'intervient que si les prestations de l'AVS/AI et les autres ressources de l'ayant droit ne suffisent pas à couvrir ses dépenses indispensables (MGC 1991 p. 3601 et 1992 p. 6580 [ATF 135 III 20 consid. 4.6]).

Il s’ensuit que tant les prestations complémentaires fédérales que cantonales poursuivent le même but que l’AVS et l’AI, à savoir la couverture des besoins vitaux en tant que régime d’assurance complémentaire à l’AVS et à l’AI, de sorte qu’elles font partie de la sécurité sociale suisse (cf. ATF 138 II 191 consid. 5.3). Le principe d’égalité de traitement de l’art. 24 ch. 1 let. b de la Convention leur est applicable, à moins qu’elles ne soient régies par les réserves de l’art. 24 ch. 1 let. b/ii de la Convention, ce qu’il convient d’examiner.

10.    a) Les réserves de l’art. 24 ch.1 let. b/ii de la Convention excluent du principe d’égalité de traitement deux catégories de prestations, à savoir d’une part les prestations appelées « prestations ou fractions de prestations payables exclusivement sur les fonds publics », d’autre part « les allocations versées aux personnes qui ne réunissent pas les conditions de cotisation exigées pour l'attribution d'une pension normale ». La première réserve concerne les prestations qui ne sont pas payées par des cotisations d’assurance, mais sont financées par les ressources générales de l’Etat, comme par exemple l’aide sociale ou les prestations d’assistance. S’agissant de la seconde réserve, elle touche en premier lieu dans le domaine de l’AVS et l’AI, les prestations qui sont allouées à la place d’une rente ordinaire comme les rentes extraordinaires AVS/AI et les mesures de réadaptation de l’AI (ATF 136 V 33 consid. 5.5).

Force est de constater que les prestations complémentaires cantonales ne font pas l’objet de la seconde réserve puisqu’elles ne sont pas allouées à la place d’une rente ordinaire. En revanche, il convient de déterminer si elles sont payables exclusivement sur les fonds publics, objet de la première réserve.

b) Au niveau fédéral, les prestations complémentaires annuelles sont supportées à hauteur de cinq huitièmes par la Confédération et de trois huitièmes par les cantons (art. 13 al. 1 LPC). Les subventions allouées par la Confédération sont prélevées sur les ressources générales, à moins qu'elles ne puissent l'être sur la réserve prévue à l'art. 111 LAVS (al. 3). Aux termes de l’art. 111 LAVS, les recettes provenant de l'imposition du tabac et des boissons distillées sont créditées au fur et à mesure à la réserve de la Confédération pour l'assurance vieillesse, survivants et invalidité.

D’après le Message du Conseil fédéral concernant la LPC, la nouvelle répartition des tâches, déterminante pour les responsabilités financières et les compétences en matière de réglementation donne beaucoup plus de poids à la répartition des tâches prévues par l’art. 3. La Confédération prendra désormais en charge les besoins vitaux, tandis que les cantons, outre une contribution à la couverture de ces besoins, prendront entièrement à leur charge les frais de maladie et d’invalidité (FF 2005 p. 5834). Au sujet de l’art. 13, le Conseil fédéral explique que comme la couverture des besoins vitaux est une tâche essentiellement fédérale, les prestations complémentaires annuelles sont financées par la Confédération à hauteur de 5/8 et par les cantons à hauteur de 3/8 (al. 1). L’al. 3 précise simplement le mode de financement des subventions fédérales et ne porte donc pas atteinte à la souveraineté cantonale. Il appartient aux cantons de décider comment ils veulent financer leurs subventions (FF 2005 p. 5837-5838).

Selon la doctrine, l’aLPC était conçue comme une loi de subvention. Dans le cadre de la RPT, le Conseil fédéral a soumis au Parlement le projet d’une révision totale de la LPC qui est dorénavant conçue comme une loi de prestations. Avec la LPC entrée en vigueur le 1er janvier 2008, le financement des prestations complémentaires a été nouvellement réglé. Les prestations complémentaires sont ainsi entièrement financées par des contributions des pouvoirs publics et non par des cotisations des assurés (Ueli KIESER, Schweizerisches Sozialversicherungsrecht, 2008, p. 126 § 26; Erwin CARIGIET/Uwe KOCH, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, 2ème édition 2009, p. 43).

c) Sur le plan cantonal, l’art. 41 LPCC prescrit que les ressources nécessaires au versement des prestations et subventions allouées en vertu de la loi et de la LPC, sont portées chaque année au budget de l’Etat.

d) Au vu de ce qui précède, il ressort tant des art. 13 LPC et 41 LPCC que des commentaires ci-dessus que les prestations complémentaires ne sont pas payées par des cotisations d’assurance mais par le budget général des collectivités publiques fédérales et cantonales. Les prestations complémentaires tombent ainsi dans la première réserve de l’art. 24 ch. 1 let. b/ii de la Convention. Par conséquent, le recourant ne saurait se prévaloir du principe de l’égalité de traitement.

11.    Le recourant soutient toutefois que d’après la doctrine unanime, notamment le commentaire de la Convention édité par l’office du haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (ci-après : HCR), si les prestations payables par les fonds publics pourraient être réduites par des dispositions particulières, en aucun cas elles ne pourraient être refusées et que seul un système accordant immédiatement un droit partiel aux prestations complémentaires cantonales est compatible avec la Convention.

a) Selon le commentaire de la Convention publié en 1997 par la division de la protection internationale du HCR, l’énumération de l’art. 24 ch. 1 est identique à celle de l’art. 6 de la Convention sur les travailleurs migrants (convention 97 de l’OIT). L’art. 24 ch.1 let. b/ii s'applique aux « prestations ou aux fractions de prestations exclusivement payables sur les fonds publics, y compris les allocations versées aux personnes qui ne remplissent pas les conditions prescrites pour l'octroi d'une pension normale », phrase qui se réfère aux allocations payées en plus de la pension partielle à laquelle une personne peut avoir droit en vertu des cotisations payées, de façon à ce que sa prestation totale soit égale à une pension normale (ou seulement légèrement inférieure). Au regard des prestations de la catégorie visée au ch. 1 let. b/ii, les réfugiés peuvent être sujet à des « arrangements spéciaux », ce qui signifie qu'ils peuvent recevoir moins qu'un national. Mais cette disposition ne donne pas à l'État un prétexte pour refuser complètement de telles prestations. Le réfugié ne peut, par contre, pas se plaindre que les prestations qu'il reçoit sont fixées en fonction de la durée de sa période de séjour dans le pays avant la demande des prestations de sécurité sociale en question (www.unhcr.org/publications/legal/3d4ab5fb9/commentary-refugee-convention-articles2111337bremwrittenprofessor.html&rct=j&frm=1&q=&esrc=s&sa=U&ved=0ahUKEwjUopbF293SAhWLvhQKHZxtCMEQFggWMAA&usg=AFQjCNEqR6ZOF7zUT7FA40xvoChVZUe0ow).

Dans son commentaire de mars 2016 au sujet du même art. 24 ch. 1 let. b/ii, Monica Elena BURIANA, docteure CRDEI à l’université de Bordeaux (disponible sous http://conventiondegeneve.refugies.u-bordeaux.fr/commentaires/article-24), précise qu’il vise à protéger l’État d’une obligation absolue de payer les prestations de sécurité sociale lorsque ces prestations sont payables exclusivement sur les fonds publics. En ce qui concerne le paiement des indemnités à la place d’une pension normale, la disposition permet également la conclusion d’accords spéciaux dans des situations où les réfugiés n’ont pas encore « obtenu » leur droit en vertu de la législation. Si la disposition impose une limitation dans la mesure où les réfugiés ne peuvent profiter du même traitement que les nationaux, elle ne dispense pas les États contractants de la responsabilité de veiller à ce que les dispositions spéciales soient prises pour couvrir ces réfugiés dont la situation est adéquatement couverte par les dispositions habituelles qui sont en place pour les ressortissants en général. L’expression « payables exclusivement sur les fonds publics » se réfère à des prestations payables mais à laquelle l’employé ne contribue pas. Le chiffre 1 let b/ii vise ainsi les prestations ou les fractions de prestations payables exclusivement sur les fonds publics, c’est à dire, à l’exclusion de toute contribution versée par l’assuré.

b) La convention 97 de l’OIT sur les travailleurs migrants accorde une telle égalité de traitement en matière de sécurité sociale. Elle prévoit cependant la même réserve en faveur des dispositions particulières prescrites par la législation nationale du pays d’immigration et visant les prestations ou fractions de prestations payables exclusivement sur les fonds publics, ainsi que les allocations versées aux personnes qui ne réunissent pas les conditions de cotisation exigées pour l’attribution d’une pension normale (art. 6 par. 1 let. b/ii). L’art. 6 par. 1 let b/ii permet ainsi des aménagements aux principes de l’égalité de traitement en ce qui concerne les prestations payables exclusivement sur les fonds publics. Les exceptions prévues par la convention ont pour principal but de prévenir d’éventuels abus et d’assurer l’équilibre financier des systèmes qui ne sont pas financés par des cotisations, et non de priver certaines catégories de travailleurs migrants des droits découlant de la convention (cf. http://www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=1000:13100:0::NO:13100:P13100_COMMENT_ID:3143709). Le BIT a considéré à l’époque qu’il ne lui semblait pas contraire à la convention que les travailleurs migrants temporaires soient exclus du bénéfice des prestations de sécurité sociale relevant de ces deux catégories (http://www.ilo.org/public/libdoc/ilo/P/09662/09662(1999-87_1B).pdf p. 191).

c) Il ressort du commentaire du HCR qu’un Etat ne peut pas invoquer l’art. 24 ch. 1 let. b/ii CR pour refuser toutes prestations au réfugié lorsque la branche de sécurité sociale est partiellement ou totalement financée par les fonds publics et qu’il peut notamment fixer ses prestations en fonction de la durée du séjour du réfugié sur son territoire avant la demande de prestations. En revanche, selon les précisions apportées au sujet de l’art. 6 par. 1 let. b/ii de la convention 97 de l’OIT, rien n’empêche un Etat d’exclure ou de différer le droit aux prestations dans une telle hypothèse.

En l’occurrence, la chambre de céans relève que le recourant n’est pas privé de toutes prestations complémentaires puisqu’il a droit aux prestations fédérales. Il n’est également pas privé de toutes prestations complémentaires cantonales puisqu’à partir du 1er août 2018, son droit auxdites prestations sera également ouvert. Par conséquent, même s’il reçoit globalement moins que les nationaux en raison du délai de carence, parce que son droit aux prestations n’est ouvert qu’après un délai de domicile ou de résidence de cinq ans, respectivement de dix ans, une telle différence de traitement est admise par l’art. 24 ch. 1 let b/ii de la Convention. De plus, ce dernier ne lui donne aucun droit à invoquer une inégalité de traitement par rapport aux citoyens suisses eu égard à l’exigence d’un délai de domicile avant la demande de prestations, respectivement de résidence, qui est exigé de sa part pour permettre l’ouverture du droit aux prestations complémentaires. En effet, le réfugié ne peut pas se plaindre d’un tel délai de résidence dans le pays, respectivement dans le canton.

En définitive, l’art. 24 ch. 1 let. b/ii de la Convention n’interdit pas à la Suisse, ni au canton de Genève de soumettre les réfugiés à des conditions supplémentaires de résidence, respectivement de domicile, pour ouvrir leur droit aux prestations complémentaires, ce que prévoient tant l’art. 5 al. 2 LPC que l’art. 2 al. 3 LPCC, soit une différence de traitement par rapport aux nationaux qui n’est pas proscrite par la Convention.

12.    Il reste à examiner si le législateur cantonal était en droit de prévoir un délai de domicile de dix ans pour les réfugiés alors que le législateur fédéral ne l’a fixé qu’à cinq ans.

a) Garanti à l'art. 49 al. 1 Cst., le principe de la primauté du droit fédéral fait obstacle à l'adoption ou à l'application de règles cantonales qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l'esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu'elles mettent en œuvre, ou qui empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de façon exhaustive (ATF 141 V 455 consid. 6.1; ATF 140 I 218 consid. 5.1).

En l’occurrence, l’art. 112a Cst prévoit que les prestations complémentaires sont versées par la Confédération et les cantons. De plus, l’art. 2 al. 2 LPC réserve expressément la compétence cantonale. Par conséquent, faute de réglementation exhaustive du législateur fédéral en matière de prestations complémentaires, il n’y a pas de primauté du droit fédéral.

b) D’après le Message du Conseil fédéral concernant l’aLPC, en ce qui concerne la nationalité et le domicile des bénéficiaires, les prestations sont prévues en premier lieu pour les ressortissants suisses domiciliés en Suisse. Mais le droit aux prestations doit - sauf à l'égard des personnes en provenance de cantons ne disposant pas d'un régime de prestations complémentaires - être indépendant d'une certaine durée de domicile ou de séjour sur le territoire cantonal. La commission de l'AVS/AI a également examiné la question de l'octroi des prestations complémentaires aux ressortissants étrangers et aux apatrides domiciliés en Suisse. Un bon nombre de cantons ont préavisé en faveur de l'admission des étrangers et des apatrides dans le cercle des bénéficiaires. Il a dès lors été prévu d'assimiler les étrangers et les apatrides (y compris les réfugiés) aux ressortissants suisses, à condition qu'ils aient habité en Suisse de façon ininterrompue depuis quinze années au moins et qu'ils bénéficient d'une rente de l'AVS ou de l'AI. Le Conseil fédéral a relevé, à titre de comparaison, que les cantons qui ont inclus les étrangers et les apatrides dans leur régime d'aide, prévoient pour ceux-ci une durée de séjour de cinq à vingt ans. S’agissant des prestations des cantons, il incombera à ceux-ci d'édicter les dispositions de droit matériel sur l'octroi des prestations complémentaires; ce faisant, ils devront veiller — s'ils veulent toucher des subventions fédérales — à respecter les normes minimales fixées par le présent projet de loi. Ils sont libres d'instaurer un régime plus large, mais ils ne recevront pas de subventions pour les prestations qui dépasseront les montants prévus par le projet de loi; en revanche, ils pourront en faire dépendre l'octroi de conditions particulières (par exemple, d'un délai d'attente [FF 1964 II 715 et 716]). Le commentaire par articles précise que la législation projetée ne doit pas empêcher les cantons de continuer à développer leurs prestations sociales. C'est pourquoi le second alinéa autorise expressément les cantons à étendre leurs prestations d'assurance ou d'aide au-delà de la mesure prévue par le droit fédéral, et à en fixer de manière autonome les conditions d'octroi. Seule la perception de cotisations d'employeurs est interdite. Cette disposition correspond à l'article 83 de la loi sur l'AVS (FF 1964 II 730).

c) Selon un jugement du Tribunal des assurances du canton de Saint-Gall du 3 juin 1999, le sens et le but du délai de carence résident bien dans le fait qu’un droit aux prestations complémentaires suisses ne doit exister que lorsque le ressortissant étranger, lors de la survenance du besoin, présente déjà une certaine affinité avec le pays. La mesure de la durée de la présence temporelle est le signe distinctif de l’intensité du lien avec le pays, qui doit déjà être satisfaite au moment de la demande. Il est présumé qu’un séjour durable crée un lien intense avec le pays (EL 1997/110). Il s’ensuit que l’exigence du délai de carence a pour seul rôle de permettre de prouver le lien exigible intense avec la Suisse, qui justifie une égalité avec le citoyen suisse, respectivement vérifier, aux yeux de l’administration, l’existence d’un lien suffisamment étroit avec la Suisse au moyen d’un critère facilement reconnaissable (Ralph JÖHL/Patricia USINGER-EGGER, op. cit., 2016, p. 1731).

d) D’après la doctrine, sans une disposition accordant expressément aux cantons la compétence de fixer des conditions particulières, telle que le prévoit l’art. 2 al. 2 LPC, les cantons n’auraient que la possibilité d’augmenter de façon générale le montant des prestations complémentaires accordées sur la base du droit fédéral pour leurs prestations allant au-delà de celles qui sont prévues par la LPC. Or, les cantons devaient avoir la possibilité de faire dépendre leur prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI de conditions particulières, par exemple de réduire le cercle des bénéficiaires par rapport à la réglementation fédérale. Ainsi, l’art. 5bis de la LPC du canton de Saint-Gall (SGS 351.5) fixe pour les étrangers un délai d’attente général de dix ans. Toutefois, ce délai ne s’applique pas aux étrangers qui sont soumis à l’ALCP (Ralph JÖHL/Patricia USINGER-EGGER, op. cit., p. 1707).

e) A Genève, la LPCC, en sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 1998, imposait une durée de séjour minimale dans le canton pour pouvoir obtenir des prestations cantonales complémentaires à l’AVS et à l’AI. Ces délais de séjour étaient différents selon la nationalité des bénéficiaires (nationalité genevoise, suisse ou étrangère). Ainsi, le droit aux prestations sociales était immédiat pour les Genevois, mais impliquait un délai de séjour de sept ans pour les Confédérés et de dix ans pour les étrangers. Si le traitement différent des Suisses et des étrangers a été admis par les autorités de recours, fédérales et cantonales, le traitement différent des Genevois et des Confédérés a été considéré comme une inégalité de traitement contraire à la Constitution fédérale. En effet, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la commission cantonale de recours AVS-AI, l'article 43 al. 4 aCst., relatif à la liberté d'établissement, permet à tout citoyen suisse de s'établir librement dans tout le pays. Il n'y avait aucune raison qui puisse motiver une différence de traitement entre Genevois et Confédérés : la législation sociale genevoise était donc contraire à la liberté d'établissement des Confédérés et à l'égalité de traitement des citoyens suisses et il fallait déterminer un délai de séjour identique pour tous les citoyens suisses, qu'ils soient Genevois ou Confédérés. Compte tenu de la situation financière de l'Etat de Genève, il s'agissait donc d'imposer aux Genevois le même délai de séjour qu'aux Confédérés (Mémorial du Grand-Conseil 1998/VI p. 5172 et 5173).

Selon le rapport de la Commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat, la législation sociale genevoise doit pour se conformer à la jurisprudence, définir un délai de séjour identique pour tous les citoyens suisses, qu’ils soient Genevois ou Confédérés. Dans le cadre de ses travaux, la Commission des affaires sociales a examiné différentes possibilités. S’agissant du délai pour le droit aux prestations cantonales complémentaires à l’AVS et à l’AI, le souci principal des commissaires a été d’éviter que des rentiers d’autres cantons ne viennent s’établir à Genève, attirés par les prestations genevoises. Seuls trois cantons (BS, ZH et GE) proposent des prestations complémentaires cantonales venant s’ajouter aux prestations complémentaires fédérales. Deux autres cantons concernés imposent également un délai de séjour à tous les requérants confédérés, sans distinction, ainsi qu’aux étrangers. De façon à ne pas favoriser le «  tourisme social », la commission a été d’avis de suivre la proposition du Conseil d’Etat en introduisant également un délai de séjour pour les Genevois. Aussi, la Commission des affaires sociales, considérant que le délai de séjour pour les étrangers a été ramené de quinze à dix ans au niveau de la législation fédérale, a trouvé logique de ramener au niveau de la législation genevoise, et par analogie, la durée de séjour pour les Confédérés de sept à cinq ans (Mémorial du Grand-Conseil 1998/VIII p. 7550 et 7551). Cette modification est entrée en vigueur le 1er janvier 1999.

13.    En l’espèce, il ressort des explications du Conseil fédéral, notamment concernant l’aLPC, que même si l’art. 24 ch.1 let. b/ii réserve les prestations payables exclusivement sur les fonds publics, le législateur a voulu mettre au bénéfice des prestations complémentaires fédérales les réfugiés qui sont établis de manière durable en Suisse et ont un lien étroit avec le pays en imposant à cet effet un délai de résidence ininterrompue de cinq ans. Sur le plan cantonal, en fixant pour les réfugiés un délai de domicile dans le canton de Genève de dix ans, le législateur poursuit le même but lui permettant de s’assurer que le bénéficiaire est domicilié de manière durable sur le territoire genevois et a un lien étroit avec le canton.

La différence de traitement des Suisses et des étrangers sur le plan des prestations complémentaires cantonales a déjà été admise par les autorités de recours, fédérales et cantonales (cf. Mémorial du Grand-Conseil 1998/VI p. 5173) et est justifiée par des raisons objectives, à savoir pour s’assurer que le bénéficiaire est établi de manière durable à Genève et qu’il présente des liens étroits avec ce canton. Par ailleurs, l'art. 2 al. 2 LPC prescrit que les cantons peuvent allouer des prestations allant au-delà de celles qui sont prévues par la loi et fixer les conditions d'octroi de ces prestations. Le canton de Genève a fait usage de cette faculté dans la LPCC (ATF 141 I 1 consid. 5). A ce sujet, la chambre administrative de la Cour de Justice a déjà constaté que les prestations complémentaires cantonales sont supérieures à celles octroyées par la LPC; art. 2 al. 2 LPC et 1ss LPCC) mais que le droit aux prestations cantonales est plus restreint (cf. notamment ATA/262/2015; ATA/027/2014; ATA/802/2013). Cette restriction du droit est notamment illustrée par le délai de carence ouvrant le droit du réfugié aux prestations complémentaires cantonales qui est plus long que dans la LPC. Une telle restriction a été expressément admise par le Conseil fédéral dans son Message relatif à l’aLPC qui cite précisément le délai d'attente comme exemple de conditions particulières mises à l'octroi de prestations complémentaires cantonales (FF 1964 II 715 et 716). Par ailleurs, le canton de St-Gall a également fixé un délai de carence de dix ans pour les étrangers non soumis à l’ALCP dans le cadre de sa législation sur les prestations complémentaires cantonales, soit un délai de carence supérieur à celui prévu par la LPC.

Il s’ensuit que dans la mesure où selon l’art. 2 al. 2 LPC les cantons fixent librement leurs prestations cantonales, rien n’empêche la LPCC d’établir un délai de carence pour les réfugiés de plus longue durée que dans la LPC afin de permettre au canton de Genève d’adapter ses prestations à sa situation financière, de maîtriser son budget social et d’assurer l’équilibre financier du système des prestations complémentaires cantonales.

14.    Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

 

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant
conformément à l'art. 133 al. 2 LOJ

 

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le