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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/55/2005

ATAS/364/2006 du 12.04.2006 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/55/2005 ATAS/364/2006

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 4

du 12 avril 2006

 

En la cause

Madame S__________, comparant avec élection de domicile en l'Etude de Maître POGGIA Mauro

 

 

recourante

contre

SUVA, CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, Fluhmattstrasse 1, 6002 LUCERNE

 

intimée

 


EN FAIT

Madame S__________, née en 1965, travaillait comme secrétaire à l’Office cantonal de l’emploi à Carouge. A ce titre, elle était assurée auprès le la Caisse nationale suisse d’assurances en cas d’accidents (ci-après la SUVA) contre les accidents professionnels et non professionnels.

Le 28 octobre 2002, l’assurée a été opérée aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après HUG) de la colonne cervicale en raison d’une hernie associée à une uncarthrose. Suite à cette intervention, elle a souffert de décharges électriques à l’endroit de la pose de la voie veineuse (Venflon) pour lesquelles elle a consulté l’Unité de chirurgie de la main des HUG en avril 2003. Les médecins ont diagnostiqué un névrome de la branche sensitive dorsale du nerf radial du poignet gauche.

Entre-temps, le 13 mars 2002, l’assurée a annoncé à la SUVA un accident ; elle a glissé sur du verglas et chuté sur son poignet gauche, déjà blessé. La SUVA, après éclaircissements, a pris en charge les suites de cet accident jusqu’au 30 juin 2003.

Le 1er juillet 2003, l’assurée a été opérée par le Docteur A__________ de l’Unité de chirurgie de la main des HUG. Ce médecin a pratiqué une neurolyse et décompression du nerf médian au tunnel carpien ainsi qu’une cure du névrome intra-neural de la branche sensitive du nerf radial gauche survenu après l’intervention du 28 octobre 2002 et consécutif à la mise en place d’un Venflon.

Le 24 septembre 2003, l’assurée a annoncé cette intervention à la SUVA comme nouvel accident.

Après s’être procuré le compte-rendu opératoire du 1er juillet 2003, la SUVA a interrogé le Docteur A__________ ; dans un rapport du 19 février 2004, ce dernier a expliqué que les suites opératoires du 1er juillet 2003 ont été simples jusqu’à la fin juillet, date à laquelle la patiente était partie, avec son accord, à la mer et a chuté sur le poignet gauche. Depuis lors, la patiente a présenté une exacerbation de ses douleurs et une récidive des hyperesthésies cicatricielles radiales. Ce facteur déclenchant peut tout à fait expliquer l’échec du traitement opératoire en délogeant ainsi la terminaison nerveuse enfouie en intra-osseux. Selon ce médecin, le névrome a probablement récidivé entraînant une hyperalgie du membre supérieur gauche.

Par décision du 26 mars 2004, la SUVA a refusé d’allouer des prestations à l’assurée, au motif que les troubles invoqués ne constituaient ni un accident, ni une lésion corporelle assimilée.

Représentée par Me Mauro POGGIA, l’assurée a formé opposition en date du 7 mai 2004. Elle conclut à l’annulation de la décision et à l’octroi des prestations d’assurance pour accident. Dans ses écritures complémentaires du 13 août 2004, l’assurée estime qu’elle a été victime d’une erreur médicale. Le 29 septembre 2004, son conseil a communiqué à la SUVA un rapport du Professeur B__________ du 10 août 2004, aux termes duquel l’origine des douleurs est très certainement la lésion de la branche sensitive du nerf radial gauche lors d’une pose de voie veineuse.

Par décision du 11 octobre 2004, la SUVA a rejeté l’opposition, motif pris que l’intervention du 1er juillet 2003 s’était déroulée sans incident quelconque et que les troubles allégués par l’assurée étaient consécutifs à une chute sur le poignet gauche survenue fin juillet 2003. La SUVA relève en outre que dans son rapport le Professeur B__________ ne fait état d’aucun acte médical s’écartant de la pratique courante lors de l’intervention du 1er juillet 2003 et aucune allusion à une voie veineuse éventuellement mal posée.

Le 10 janvier 2005, l’assurée, par l’intermédiaire de son conseil, a interjeté recours, alléguant que les douleurs chroniques du membre supérieur gauche sont dues à la pose d’une voie veineuse lors de l’intervention du 28 octobre 2002 et reproche à la SUVA de n’avoir procédé à aucune investigation complémentaire pour connaître les circonstances exactes de cette lésion.

Dans sa réponse du 8 mars 2005, la SUVA relève que sa décision sur opposition contient une inexactitude - due aux indications peu claires de l'assurée - dans la mesure où c'est lors de l'intervention du 28 octobre 2002 et non lors de celle du 1er juillet 2003 que la perfusion a été mal posée. Cette confusion au niveau de l'état de fait n'a toutefois aucune conséquence quant au fond, dès lors que la SUVA considère que la lésion subie ne résulte pas d'une maladresse, mais représente une complication qui peut survenir à la suite de la pose d'une voie veineuse et qu'elle n'a rien d'extraordinaire. Selon l'intimée, sa responsabilité n'est dès lors pas engagée pour le névrome, ni pour le syndrome du tunnel carpien déjà diagnostiqué en février 2002.

Par réplique du 8 avril 2005, la recourante persiste à affirmer que c'est à la suite d'une maladresse grossière et extraordinaire que la voie veineuse a été mal posée avec pour conséquence une lésion de la branche sensitive du nerf radial gauche. Elle demande à ce qu'un expert soit mandaté afin de répondre à cette question.

Par courrier du 20 octobre 2005, le Tribunal de céans a questionné le Docteur A__________, aux fins de savoir si la pose d'un Venflon selon les règles de l'art et la pratique courante est susceptible de causer une lésion et si, dans le cas d'espèce, il s'agissait d'une maladresse ou d'une erreur.

Les Docteurs C__________, médecin adjoint agréé, et A__________, médecin associé, de l'Unité de Chirurgie de la Main des HUG ont répondu par courrier du 4 novembre 2005 que la lésion au poignet gauche de la patiente a bien été causée par la pose d'une perfusion. Ils ont expliqué que la pose d'un Venflon selon les règles de l'art et la pratique courante est susceptible d'occasionner une telle lésion. A leur connaissance, il n'existe pas de rapport d'incident infirmier mentionnant l'incident du 28 octobre 2002 et on ne peut retenir, à l'encontre de l'infirmière, une erreur, mais plutôt une maladresse. Un tel incident n'est pas fréquent, car il est usuel de piquer au dos de la main, voire au niveau de l'avant-bras, plus rarement au bord radial du poignet. Il était prévisible de ne jamais voir disparaître la gêne locale ressentie par l'assurée. Les médecins ont toutefois relevé qu'à fin juillet 2003, la patiente était retombée sur son poignet et qu'à cette occasion, la violente traction exercée sur le nerf l'avait enfoui en profondeur. Par la suite, la patiente avait développé une algoneurodystrophie qui est une complication connue des traumatismes du membre supérieur. Le lourd handicap que la patiente éprouve découle plus de cette complication que de la lésion nerveuse initiale.

Ce rapport a été communiqué aux parties, qui ont été invitées à se déterminer.

Le 12 décembre 2005, la recourante considère qu'il s'impose d'ordonner une expertise, afin de déterminer si l'on se trouve en présence d'un accident, dès lors que les HUG sont manifestement partie prenante et que leur responsabilité civile risque d'être engagée.

Dans sa détermination du 28 février 2006, la SUVA expose avoir soumis le dossier à sa division médicale. Le Docteur D__________, spécialiste FMH en chirurgie, a rédigé une appréciation médicale en date du 16 janvier 2006; il relève en premier lieu que l'on ne sait pas clairement si un cathétérisme veineux responsable d'une blessure n'a été effectué qu'à l'occasion de l'intervention d'octobre 2002, car l'assurée avait déjà indiqué au Docteur A__________ en février 2002 qu'elle avait mal à cet endroit depuis la pose d'une perfusion à l'avant-bras gauche effectuée lors d'une hospitalisation ayant eu lieu trois mois auparavant. Le Docteur E__________, neurologue, avait également mentionné en mars 2002 que la patiente se plaignait de douleurs au niveau de la tabatière anatomique au poignet gauche après la pose d'un cathéter veineux. Le Docteur D__________ explique que les blessures du RSNT par ponction veineuse sont bien documentées dans la littérature et qu'une telle blessure est même citée comme première suite de ponction veineuse. La lésion n'est pas à imputer à une faute technique, ni à une maladresse, mais à une complication assez connue dans la littérature à laquelle on doit s'attendre lors d'une ponction veineuse effectuée à cet endroit de l'avant-bras distal. Le médecin note au surplus que la chute sur la main gauche de fin juillet 2003 annoncée par le Docteur A__________ n'est pas documentée et que ces données anamnestiques ne concordent pas avec celles des autres rapport médicaux, notamment celui du Docteur B__________, du 10 août 2004, et du Docteur F__________, neurochirurgien, du 1er décembre 2003, qui ne mentionnent pas cet accident. En toute hypothèse, la prétendue chute sur la main gauche à fin juillet 2003 n'aurait pas pu influencer de manière décisive l'évolution de la douleur déjà chronicisée.

Ces documents ont été communiqués à la recourante le 31 mars 2006 et la cause gardée à juger.

Pour le surplus, les allégués des parties, ainsi que les éléments pertinents du dossier, seront détaillés, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

 

 

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l'art. 56V al. 1 let. a ch. 5 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’article 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales di 6 octobre 2000 (LPGA) qui sont relatives à la loi fédérale sur l’assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2003 entraînant la modification de nombreuses dispositions dans le domaine des assurances sociales. Selon la jurisprudence, la législation applicable en cas de changement de règles de droit reste celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 166 consid. 4b), les faits sur lesquels le Tribunal de céans peut être amené à se prononcer dans le cadre d'une procédure de recours étant par ailleurs ceux qui se sont produits jusqu'au moment de la décision administrative litigieuse (ATF 121 V 366 consid. 1b). Dans la mesure où le fait à l'origine de la lésion subie par la recourante remonte à octobre 2002, le cas d'espèce reste régi par la législation en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002. En revanche, les règles de procédure sont applicables.

Selon l'art. 106 LAA, en dérogation à l'art. 60 LPGA, le délai de recours est de trois mois pour les décisions sur opposition portant sur les prestations d'assurance. Le recours, interjeté dans les formes et délai prescrits par la loi, est recevable.

Le litige porte sur la question de savoir si la lésion du poignet gauche subie par la recourante à la suite de la pose d'un cathéter veineux résulte d'un accident.

a) Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique ou mentale (cf. art. 2 al. 2 LAMal; art. 9 al. 1 OLAA; ATF 129 V 402, 404 consid.. 2.1, 122 V 232 consid. 1 et les références). Il résulte de la définition même de l'accident que le caractère extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors il importe que le facteur extérieur ait entraîné, le cas échéant, des conséquences graves ou inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu'il excède, dans le cas particulier, le cadre des événements et des situations que l'on peut, objectivement, qualifier de quotidiens ou d'habituels (ATF 129 V 404 consid. 2.1, 122 V 233 consid. 1, 121 V 38 consid. 1a ainsi que les références).

b) Le point de savoir si un acte médical est comme tel un facteur extérieur extraordinaire au sens de l'art. 9 1l. 1 OLAA doit être tranché sur la base de critères médicaux objectifs. Selon la jurisprudence, le caractère extraordinaire d'un tel acte médical est une exigence dont la réalisation ne saurait être admise que de manière sévère. Il faut que, compte tenu des circonstances du cas concret, l'acte médical s'écarte considérablement de la pratique courante en médecine et qu'il implique de ce fait objectivement de gros risques. Le traitement d'une maladie en soi ne donne pas droit au versement de prestations de l'assureur-accidents, mais une erreur de traitement peut, à titre exceptionnel, être constitutive d'un accident, dès lors qu'il s'agit de confusions ou de maladresses grossières et extraordinaires, voire d'un préjudice intentionnel, avec lesquels personne ne comptait ni ne devait compter (MAURER, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, p. 181 et note 369). Quant à l'indication d'une intervention chirurgicale, elle n'est pas un critère juridiquement pertinent pour juger si un acte médical répond à la définition légale de l'accident (ATF U 62/03 du 21 octobre 2003, consid. 3.2 ; ATF U 56/01 du 18 juillet 2003, consid. 2.3; ATF 121 V 35, 38 consid. 1b; ATF 118 V 59, 62 consid. 2b; ATF 118 V 283, 284 consid. 2b ; voir aussi ATF 119 II 368, 375 consid. 5b ; Thomas LOCHER, Grundriss des Sozialversicherungsrechts, 3ème éd, Berne 2003, p. 114, §15; André LARGIER, Schädigende medizinische Behandlung als Unfall, Zurich 2002, p. 138 et 172; Alfred BÜHLER, Der Unfallbegriff, in Alfred KOLLER (éd.), Haftpflicht- und Versicherungsrechtstagung 1995 - Tagungsbeiträge, St-Gall 1995, p. 199-274, en particulier p. 252-255 ; Roberto GARAVAGNO, La cause extraordinaire dans la définition de l’accident, Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, No 10-1993, p. 29-40, en particulier p. 36-37, §32ss).

La question de l'existence d'un accident, au sens du droit de l'assurance-accidents obligatoire, doit être tranchée indépendamment du point de savoir si l'infraction aux règles de l'art dont répond le médecin entraîne une responsabilité (civile ou de droit public). Il en va de même à l'égard d'un jugement pénal éventuel sanctionnant le comportement du médecin (ATF U 56/01 du 18 juillet 2003, consid. 2.3; ATF 121 V 38 consid. 1b ; ATF 118 V 283, 284 consid. 2b et les références ; BÜHLER, op. cit. p. 253 ; voir aussi ATF 118 V 286, 293 consid. 3b). En septembre 2000, le Tribunal fédéral des assurances a explicitement confirmé sa jurisprudence selon laquelle « l’exigence d’un acte médical s’écartant considérablement de la pratique médicale courante » représentait l’une des conditions nécessaires pour admettre l’existence d’un accident ; il a clairement rejeté un changement de jurisprudence, qui aurait conduit à considérer toute faute du médecin comme un événement extraordinaire (RAMA 2000 n° U 407 p. 404, 406 = ATF U 225/99 du 22 septembre 2000, consid. 9b).

c) Conformément à ces principes, la jurisprudence a admis l'existence d'un accident, imputable à une cause extérieure extraordinaire (cf. ATF U 62/03 du 21 octobre 2003, consid. 3.3) dans les cas suivants :

- lors d'une confusion en matière de groupes sanguins ou en matière d'agents anesthésiques (ATFA 1961 p. 201, 206 consid. 2a et les références). Le patient avait subi, le jour de son opération à l’estomac, une transfusion de sang d’un groupe sanguin différent ; en raison d’une dégradation générale de son état de santé, deux jours après l’opération, une nouvelle transfusion de sang, à nouveau avec du sang d’un groupe sanguin différent, fut réalisée .Le patient décéda quelques heures après cette deuxième transfusion.

- lors d'une accumulation d'erreurs au cours d'une anesthésie (RAMA 1993 n° U 176 p. 204) : dans cette affaire, il résultait déjà du jugement cantonal que l’anesthésie n’avait pas été effectuée « selon les règles de l’art », ce que le Tribunal fédéral des assurances (TFA) n’a pas remis en question. Il y a eu une faute médicale dans le choix de la technique d’anesthésie, la dose du mélange choisi étant excessive ; par ailleurs, les agents anesthésiques ont été administrés sans attendre que les effets secondaires apparaissent, de sorte que le TFA a conclu que « ce sont là, du point de vue médical, autant de maladresses grossières et extraordinaires avec lesquelles l’intimée ne pouvait ni ne devait compter ». Il a cependant encore précisé que les actes médicaux précités « s’écartaient considérablement de la pratique courante en médecine et […] impliquaient objectivement de gros risques ».

- lors de l'oubli d'un cathéter dans la vessie d'un patient (ATF U 56/01 du 18 juillet 2003, consid. 3.2). Dans ce cas, le médecin n’avait pas vérifié si le cathéter avait été entièrement ôté, de sorte que le TFA a admis une violation grave des règles de l’art, à laquelle on ne pouvait pas s’attendre (ATF U 56/01 du 18 juillet 2003, consid. 3.2).

- dans le cas de l'injection d'une dose excessive d'un faux moyen de contraste faite lors d'une myélographie et ayant eu des conséquences mortelles (ATF 85 II 344, 347 consid. 1a).

- lors d'une accumulation d'erreurs à l'occasion d'une angiographie (ATF U 38/92 du 22 octobre 1999, partiellement publié au RO de l'arrêt ATF 118 V 283). Dans cet arrêt, l’angiographie de l’artère carotide a été effectuée par un médecin assistant, qui avait déjà pratiqué précédemment ce genre d’interventions, seul ou sous la surveillance d’un professeur. Le cathéter nécessaire pour l’angiographie a certes été inséré correctement dans l’artère carotide interne ; en revanche, l’emplacement de la pointe du cathéter n’a pas été identifié correctement. Le médecin n’a pas davantage remarqué que le cathéter ondulait ; il aurait dû contrôler ces deux éléments, en retirant le cathéter de quelques millimètres, ce qu’il n’a pas fait. Lors de l’injection du liquide, le cathéter, précédemment ondulé, s’est alors tendu de sorte que sa pointe a touché l’arrêt de l’atlas (1ère vertèbre : « Atlasbogen »), particulièrement sensible, et a provoqué un éclatement de la carotide (« die Dissektion des Halsschlagader »). Selon le TFA, on ne pouvait pas s’attendre à une telle accumulation d’erreurs, de sorte que la notion d’accident a été admise.

Le Tribunal de céans, dans un arrêt en la cause L. du 25 octobre 2005 (ATAS 901/2005) a admis l'existence d'un accident dans le cas où, après une première tentative infructueuse de cathétérisme de la veine jugulaire droite lors de laquelle une artère a été ponctionnée, le médecin assistant a tenté une mise en place du côté gauche et introduit le cathéter par erreur dans l'artère vertébrale. L'état de santé de la patiente s'est alors brusquement dégradé, elle a développé un état neurologique préoccupant, avant de sombrer dans un coma profond. Ces événements avaient entraîné une tétraplégie. Le Tribunal a retenu une maladresse extraordinaire et une accumulation d'erreurs avec laquelle personne ne devait compter.

La jurisprudence a en revanche nié la notion d'accident dans les cas suivants :

- à propos d'une perforation par erreur de la sclérotique, à l'occasion d'une injection subcorticale parabulbaire au celeston (Extr. CNA 1990 n° 1) ;

- lors du choix, hautement discutable, d'une technique opératoire (RAMA 1988 n° U 36 p. 42) : le TFA a certes admis que la technique opératoire choisie était discutable, mais a écarté la réalisation de la deuxième condition relative aux risques importants (RAMA 1988 n° U 36 p. 42, 49 consid. 4a) ;

- dans le cas d'une lésion de nerfs de la main survenue au cours d'une opération spécialement difficile et délicate, sur un terrain cicatriciel dont l'anatomie était modifiée par de multiples opérations antérieures (ATF 121 V 35, 39 consid. 1c) : le TFA a considéré que la dernière intervention – celle à l’origine de la procédure – ne s’écartait pas considérablement de la pratique courante : la lésion de deux nerfs qui s’était produite n’était pas exceptionnelle. Il a conclu ainsi : « la section des deux nerfs constitue, en l'occurrence, une complication d'une opération spécialement difficile et délicate, sur un terrain cicatriciel dont l'anatomie était modifiée par de multiples opérations antérieures. Une complication de ce genre, dans des circonstances aussi particulières, ne représente pas un événement répondant à la notion juridique de l'accident ».

- lors d'une lésion du nerf alvéolaire provoquée par l'extraction d'une dent de sagesse, sans qu'un diagnostic préopératoire n'ait été posé (RDAT 2002 II n° 90 p. 336) ;

- dans le cas de gestes médicaux inappropriés, associés à de multiples complications ayant entraîné le décès d'une femme sur le point d'accoucher (RAMA 2000 n° U 407 p. 404 = ATF U 225/99 du 22 septembre 2000). Le TFA a notamment jugé que « L'attitude expectative des obstétriciens de l'hôpital cantonal dès l'arrivée de l'assurée dans leur service, consistant à ne pas procéder d'emblée à une césarienne et à ne pas provoquer d'emblée un accouchement des jumeaux par voie basse, mais à prolonger le plus longtemps possible leur séjour dans l'utérus par une thérapie pharmacologique (tocolyse), ne s'écartait nullement de la pratique courante en médecine. Ce comportement n'était donc pas constitutif d'un événement accidentel. » (consid. 4) ; le TFA a ensuite expliqué que la succession des médicaments utilisés au cours de la provocation de l’accouchement constituait la pratique courante (consid. 6). En revanche, le comportement de l’anesthésiste qui a omis une thérapie anti-hypertensive spécifique durant l’anesthésie n’était pas entièrement conforme aux règles de l’art ; il ne s’écartait toutefois pas considérablement de la pratique médicale courante pour pouvoir être traité comme un accident. Selon l’expertise citée par le TFA enfin, il n'y a pas de lien de causalité entre l'absence initiale ou subséquente de contrôle radiographique de la position du cathéter sous-clavier et le décès de l'assurée (consid. 8) ; le délai de près d’une demi-heure entre l’arrêt cardio-respiratoire et l’arrivée des anesthésistes appelés à la réanimation n’était pas davantage la cause du décès. En conclusion, au vu de cette succession d’événements, le TFA a estimé qu’il n’y avait pas eu d’accident.

- à l'occasion de la section de la veine épigastrique au cours de l'opération d'une hernie inguinale (SJ 1998 p. 430, no 72) : il s’agissait d’une erreur de traitement qui pouvait ou devait être envisagée et qui ne saurait être considérée comme la conséquence d’une confusion ou d’une méprise grossière et extraordinaire.

- lors de la perforation de l'oesophage survenue au cours de l'extraction d'un morceau de viande (RAMA 2000 n° U 368 p. 99). Les faits détaillés ne sont pas exposés par le TFA : il est seulement établi qu’un morceau de viande était resté coincé dans l’œsophage du patient et que lors de l’extraction de ce morceau, une lésion a été commise à l’œsophage. Le TFA a jugé que le comportement des médecins ne remplissait pas les conditions de l’accident (consid. 3).

- lors d’une opération du nez, où le cerveau est touché avec de graves conséquences sur la santé (RAMA 1999 n° U 333 p. 195, 201 consid. 4c ; sur cet arrêt, voir aussi le commentaire de Guido BRUSA, Wie wird der ärztliche Eingriff zum Accident médical ?, RSAS 2000 p. 181-184).

D’autres cas où la cause extérieure extraordinaire a été niée sont cités par le TFA dans son arrêt du 22 octobre 1998 (RAMA 1999 n° U 333 p. 195, 201 consid. 4c). Enfin, la jurisprudence précise que toute infection par une plaie opératoire n'était pas extraordinaire. L'infection n'a de caractère extraordinaire que si elle sort des risques inhérents normalement aux mesures médicales, respectivement chirurgicales, et cela de manière telle que personne, par avance, ne devait s'y attendre sérieusement (ATF 118 V 59, 62 consid. 2b).

En l'occurrence, c'est à juste titre que le médecin de la SUVA relève que l'on ignore en réalité si c'est bien lors de l'intervention du 28 octobre 2002, prise en charge par la caisse-maladie, que la lésion est survenue. En effet, le Docteur A__________, dans un rapport du 22 février 2002, mentionne que la patiente se plaignait déjà de paresthésies irradiant sur le versant dorsal du 2ème rayon de l'avant-bras gauche. La patiente avait indiqué qu'elle avait été hospitalisée trois mois auparavant pour des contusions multiples suite à une agression et que c'est suite à la mie en place d'une voie veineuse périphérique au niveau du dos de l'avant-bras gauche qu'elle avait ressenti des douleurs. En outre, le Docteur E__________ a relevé dans son rapport du 6 mars 2002 que la patiente présentait des douleurs au poignet gauche, centrées sur la région de la tabatière anatomique, apparues à la suite de la pose d'un cathéter veineux. Il a conclu que l'examen neurographique montrait une atteinte myélénique sensitivo-motrice modérée du nerf médian gauche au canal carpien.

Quoi qu'il en soit, la question peut rester ouverte, dès lors que l'événement ne saurait être qualifié d'accident, pour les motifs exposés ci-après.

Dans leur rapport du 4 novembre 2005 à l'attention du Tribunal de céans, les Docteurs C__________ et A__________, du Département Chirurgie de la Main des HUG, ont indiqué que le névrome intra-neural de la branche sensitive dorsale du nerf radial a été effectivement causée par la pose d'une perfusion. Ils ont cependant relevé que la pose d'un Venflon, selon les règles de l'art et la pratique courante, est susceptible d'occasionner une telle lésion. Si la veine contiguë au nerf radial du poignet est choisie pour la mise en place d'une perfusion, le nerf adjacent est à même d'être lésé si la veine n'est pas cathétérisée du premier coup. Selon leurs déclarations, ce genre d'accident n'est pas fréquent, car il est usuel de piquer au dos de la main, voire au niveau de l'avant-bras, et plus rarement au bord radial du poignet. L'acte médical effectué par une infirmière, qui ne peut connaître en détail l'anatomie des nerfs du poignet, devait tout au plus être qualifié de maladresse.

Le Docteur D__________, auquel l'intimée a demandé un avis médical, a exposé que les blessures du RSNR par ponction veineuse sont bien documentées dans la littérature, cette blessure étant même citée comme première suite de ponction veineuse (MUMENTHALER/STÖHR/MULLERE-WAHL, Läsionen peripherer Nerven und radikuläre Syndrome, 8. überarbeitete Auflage, Thieme Verlag, 2003; STÖHR, Iatrogene Nervenläsionen. Injektion, Operation, Lagerung, Strahlentherapie. Thieme Verlag, Stuggtart, 1996). D'autre part, en raison de la relation topographique étroite de la veine avec le RSNR, le fait de léser cette branche nerveuse lors d'un cathétérisme veineux n'est toutefois pas nécessairement une maladresse, pas plus que le fait d'effectuer plusieurs piqûres en cas d'échec de la première tentative: en effet, le nerf peut être atteint dès la première ponction réussie. Le Docteur D__________ explique par ailleurs que l'on ne saurait affirmer qu'une infirmière risque davantage qu'un médecin de léser le nerf en piquant une veine, dès lors que l'expérience montre que beaucoup d'infirmières sont plus entraînées à piquer les veines que nombre de médecins, parce qu'elles le font bien plus souvent. En conséquence, la blessure du nerf occasionnée par la ponction veineuse n'est à imputer ni à une faute technique, ni à une maladresse, mais à une complication assez connue dans la littérature à laquelle on doit s'attendre lors d'une ponction veineuse effectuée à cet endroit.

Le médecin-conseil de l'intimée explique encore que l'expérience clinique confirme que les douleurs neuropathiques consécutives à la lésion d'un nerf se manifestant sous la forme d'une causalgie ou d'un "complexe régional pain syndrome" de stade II peuvent souvent avoir une évolution chronique résistant à tous les traitements. Or, en l'occurrence, ces douleurs existaient déjà plus d'un an avant l'intervention du 1er juillet 2003.

S'agissant enfin de la chute sur le poignet gauche après l'intervention du 1er juillet 2003 qui aurait pu expliquer l'échec de l'opération, le Docteur D__________ souligne que cette chute, rapportée au Docteur A__________, n'est pas documentée et que ces données anamnestiques ne concordent pas avec celles des autres rapports (cf. rapport du Docteur B__________ du 10 août 2004, rapport détaillé des Docteurs PICTET et ALBEANU du 27 janvier 2005 à l'attention de l'assurance-invalidité). Dans l'hypothèse où une telle chute se serait produite, la supposition qu'elle aurait provoqué une rupture du névrome reste hypothétique, tant que cette rupture ne peut pas être clairement prouvée par une constatation peropératoire. Or, selon le rapport du Docteur A__________ du 13 février 2004 à l'assurance-invalidité, l'échographie pratiquée par le Docteur B__________ n'a pas montré de récidive du névrome.

Le Tribunal de céans constate que l'avis du Docteur D__________, rendu sur la base du dossier de la recourante, est bien étayé, que ses conclusions sont claires et convaincantes de sorte qu'il convient de lui attribuer pleine valeur probante. Une expertise judiciaire est dès lors superflue.

Au vu de ce qui précède, il convient d'admettre que la pose de la voie veineuse ne saurait être qualifiée d'accident au sens de la jurisprudence, en l'absence d'une maladresse extraordinaire ou d'accumulation d'erreurs avec laquelle personne ne devait compter.

Mal fondé, le recours doit être rejeté.

 

 

 

 

 

 

 

****

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

Le greffier

 

 

Pierre RIES

 

La Présidente :

 

 

Juliana BALDE

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le