Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1282/2004

ATAS/362/2005 du 03.05.2005 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1282/2004 ATAS/362/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL CANTONAL DES
ASSURANCES SOCIALES

1ère Chambre

du 3 mai 2005

En la cause

Madame A__________ recourante

contre

OFFICE CANTONAL DE L’ASSURANCE INVALIDITE, intimé

sis rue de Lyon 97 à Genève


EN FAIT

1. Madame A__________, née en septembre 1964, a déposé le 25 janvier 2002 une demande auprès de l’Office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après l’OCAI) visant à la prise en charge d’un reclassement dans une nouvelle profession et à l’octroi d’une rente, au motif qu’elle souffre d’une atteinte neuro-psychiatrique depuis 1995.

2. L’assurée a occupé divers emplois dans la vente, ainsi que comme employée de bureau, opératrice de saisie, réceptionniste, caissière, serveuse, manutentionnaire ; elle a vécu plusieurs périodes de chômage dès 1997.

3. Son médecin traitant, la Doctoresse L__________ du département de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève, Consultation Jonction, a posé le diagnostic suivant : personnalité émotionnellement labile, type borderline F60.31, état de stress post-traumatique F43.1. Elle a estimé à 100% l’incapacité de travail à compter du 25 août 2000, date correspondant au début du suivi à la Consultation. Le pronostic envisagé demeure réservé (cf. rapport du 12 mars 2002). Un questionnaire complémentaire pour les troubles psychiques a été rempli par la Doctoresse L__________ le même jour.

Le 29 janvier 2003, le Docteur M__________, également du département de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève, Consultation Jonction, fait état d’une aggravation de l’état de santé depuis octobre 2002, indiquant que la patiente présente des moments de persécution avec anxiété importante, qu’elle reste alitée toute la journée, qu’elle tient un discours incohérent. Le médecin relève également qu’elle manque souvent ses rendez-vous et prend irrégulièrement son traitement médicamenteux.

Le Docteur N__________, généraliste, indique qu’il s’agit d’une patiente borderline avec délire hypomaniaque et schizophrénie, depuis 1997. Il fixe son taux d’incapacité de travail à 100% depuis 1999, étant précisé qu’elle ne peut pas assumer l’activité qu’elle exerçait jusqu’à présent, ni une autre (cf. rapport du 4 avril 2003).

4. Invité à se déterminer, le Docteur O__________ du Service médical régional AI (SMR Léman) propose que l’assurée soit soumise à une expertise psychiatrique (cf. note du 18 novembre 2003).

5. Le Docteur P__________, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie mandaté par l’OCAI, a établi un rapport d’expertise le 23 mars 2004. Il y décrit les critères diagnostiques des différents troubles dont il est fait état dans les rapports des Docteurs L__________, M__________ et N__________. Il en conclut que l’assurée n’est pas schizophrène, ne présente ni délire de persécution, ni délire « hypomaniaque », qu’il n’existe pas non plus actuellement un état de stress post-traumatique et enfin que la personnalité émotionnellement labile type borderline n’a pu être confirmée avec assurance en raison de l’insuffisance de critères diagnostiques présents. L’expert en revanche confirme l’existence d’un retard mental léger, « qui ne signifie pas qu’il existe une altération partielle ou totale de la capacité de travail ». Selon lui, l’assurée peut exercer à 100% tous les métiers (vendeuse, secrétaire, employée de bureau, …) et « même faire encore mieux », étant précisé qu’un traitement chez le Docteur Q__________ qui l’a déjà soutenue il y a quelques années, réglera vite ses « troubles du sommeil mineurs ».

Le Docteur P__________ a adressé l’expertisée à Madame S__________ pour bilan neuropsychologique. L’examen auquel celle-ci a procédé a mis en évidence une efficience intellectuelle limitée et un rendement restreint aux tâches d’attention soutenue. Les performances réalisées parlent en faveur d’un équipement intellectuel de base proche de la déficience. Le quotient intellectuel estimé à 76 montre que la patiente a pu faire fructifier au mieux ses compétences d’origine (cf. rapport du 26 février 2004).

6. Se fondant sur l’expertise réalisée par le Docteur P__________, le Docteur O__________ du SMR Léman a conclu à l’absence d’atteinte à la santé invalidante au sens de la LAI (cf. note du 31 mars 2004).

7. Par décision du 20 avril 2004, l’OCAI a informé l’assurée que sa demande était rejetée.

8. L’assurée ayant manifesté son intention de former opposition, elle a été entendue dans les bureaux de l’OCAI.

9. Par décision sur opposition du 7 juin 2004, l’OCAI a confirmé sa décision.

10. L’assurée a interjeté recours le 15 juin 2004 contre ladite décision sur opposition.

Elle explique que « j’ai consulté pour la première fois un psychiatre, le Docteur Q__________ après mon divorce en 1992. La garde de ma fille a alors été confiée à son père qui après trois ans est parti en Espagne avec elle. Mon état de santé psychique s’est fortement aggravé après avoir été de 1997 à 2001 poursuivie, harcelée, frappée à la tête par un homme que j’avais rencontré. J’ai même été victime d’un traumatisme crânien dont je ne suis toujours pas remise. Depuis mai 2001 je n’ai plus pu travailler. (….). Malgré cela, j’ai fait des tentatives de travail à différents endroits. Lors d’un emploi temporaire au chômage, je n’ai pas pu le terminer vu mon état de santé et j’ai été renvoyée. Mon dernier emploi date de mai 2001 à la Halle des Habits. J’ai éprouvé de plus en plus de grandes difficultés qui tiennent à la très grande intolérance de l’entourage à mon endroit en raison de mon comportement imputable à mon état de santé ».

Elle joint à son recours copie d’une décision du groupe réclamations de l’assurance-chômage datée du 13 janvier 1998, qui fait état d’un certificat établi le 30 juin 1997 par le Docteur Q__________, selon lequel « de toute évidence son comportement et ses actes le témoignent, absences non excusées aux rendez-vous médicaux, omissions et oublis, cette patiente présente incontestablement un état confusionnel en rapport avec sa pathologie psychique. Je suis donc d’avis que les absences aux rendez-vous signalés par l’Office cantonal de l’emploi sont imputables à son état de santé psychique et nullement volontaires ».

Un courrier du Docteur N__________ adressé au centre d’action sociale et de santé de Plainpalais le 15 juin 2004, était également annexé au recours. Ce médecin se dit « furieux de constater que le refus de l’AI est basé exclusivement sur le rapport loufoque du Docteur P__________ qui pêche, soit par incompétence soit par mauvaise foi. L’assurée souffre réellement de délire hypomaniaque et de graves troubles de la personnalité. Comment un psychiatre peut-il faire preuve d’autant de légèreté ? Il élude sans commentaire le lourd passé psychiatrique de la patiente et la déclare parfaitement saine d’esprit avec une capacité de travail optimale. Soyons sérieux, elle est psychiquement malade et aucun employeur ne sera disposé à l’engager tant son comportement est pathologique même pour les personnes non averties. Il est indispensable de demander une contre-expertise psychiatrique en choisissant un psychiatre compétent ».

11. Dans son préavis du 15 juillet 2004, l’OCAI conclut au rejet du recours et au maintien de sa décision sur opposition du 7 juin 2004.

12. L’assurée a été entendue en comparution personnelle le 5 octobre 2004.

Lors de l’audience d’enquêtes du 5 octobre 2004, le Docteur M__________ a déclaré qu’il avait suivi l’assurée du 24 octobre 2002 au 29 janvier 2003, étant toutefois précisé qu’il ne l’avait en réalité vue que trois fois, soit les 24 octobre 2002, 29 janvier 2003 et brièvement le 26 novembre 2002. Il a confirmé les diagnostics posés dans son rapport du 29 janvier 2003. Il a à cet égard souligné qu’« au moment où j’ai vu pour la dernière fois l’assurée, soit en janvier 2003, je peux affirmer qu’elle n’était pas « guérie » du trouble de stress post-traumatique ». S’agissant des diagnostics établis par le Docteur N__________, le témoin a précisé qu’il ne s’associait pas à celui de délire hypomaniaque « parce que dans le cas de l’assurée les logorrhées sont plutôt liées à l’anxiété et parce qu’il n’y a pas d’accélération idéatoire », ni à celui de schizophrénie « parce que les critères ne sont pas réunis (hallucinations auditives ou visuelles, retrait social massif ou isolement) ». Selon ce médecin, l’événement rattaché au trouble de stress post-traumatique est la relation sentimentale vécue par l’assurée en 1997. Il considère la patiente comme incapable d’exercer une quelconque activité lucrative « en raison de ses difficultés d’organisation notamment ».

13. Le Docteur T__________ a suivi l’assurée du 25 août 2000 au 19 septembre 2001, dans le cadre du programme dépression du département de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève, de la consultation Jonction, et la revoit depuis le 24 juin 2004. Entendu le 26 octobre 2004 par le Tribunal de céans, il a déclaré que sa patiente souffrait d’un état de stress post-traumatique, d’un trouble de la personnalité borderline et d’une anxiété généralisée. Il a également mentionné l’existence d’un retard mental léger avec un quotient intellectuel de 78. Il ne retient en revanche pas les diagnostics de délire hypomaniaque et de schizophrénie. Il estime à 100% l’incapacité de travail, précisant que l’assurée avait subi des traumatismes répétés « qui ont impliqué une humeur dépressive, de l’anxiété, des cauchemars, l’impression de revivre des événements très dangereux pour elle-même, et qui ont durablement modifié sa personnalité ». Selon ce médecin, « l’événement traumatisant ayant provoqué cet état de stress est cette relation avec un homme qu’elle qualifie de « psychopathe » et plusieurs viols ».

La Doctoresse L__________ a été entendue le même jour. Elle confirme les diagnostics d’état de stress post-traumatique et de personnalité borderline, ajoutant que « l’expert qui ne voit l’assurée qu’à l’occasion d’un ou deux entretiens peut ne pas avoir les mêmes conclusions qu’un médecin qui suit l’assurée pendant plusieurs mois ». Elle a encore précisé que « l’assurée avait tenté de travailler, en vain, toutes ses tentatives ayant échoué en raison d’un comportement désorganisé, d’une difficulté de concentration et de dispersion ».

14. Invitée à se déterminer, l’OCAI persiste à se fonder sur le rapport d’expertise du Docteur P__________ et propose que celui-ci soit auditionné (cf. écriture du 24 novembre 2004).

15. Entendu le 25 janvier 2005, le Docteur P__________ dit contester qu’il y ait jamais eu état de stress post-traumatique. Il n’exclut en revanche pas que l’assurée puisse avoir une personnalité de type borderline, mais seulement d’intensité légère, ce qui n’impliquerait en aucun cas une incapacité de travail. A la question de savoir si avec un tel quotient intellectuel, il est plus difficile ou non de gérer un stress tel que celui qu’elle aurait connu dans le cadre de sa relation sentimentale malheureuse, le Docteur P__________ se borne à répondre que cette relation est terminée il y a déjà quelque temps, et rappelle qu’un état de stress post-traumatique se guérit plus ou moins rapidement, en principe dans les six mois.

L’arrêt rendu par la Cour de justice le 6 septembre 1994 prononçant le divorce de l’assurée a été, sur demande du Tribunal, produit.

16. La cause a été gardée à juger.


EN DROIT

1. La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

2. La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales. Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s'applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 136 consid. 4b et les références). En revanche, en ce qui concerne la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b, 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b). C'est pourquoi les procédures pendantes au 1er janvier 2003 ou introduites après cette date devant un tribunal cantonal compétent en matière d'assurances sociales sont régies par les nouvelles règles de procédure contenues dans la LPGA et par les dispositions de procédure contenues dans les différentes lois spéciales modifiées par la LPGA.

Le recours, interjeté en temps utile, est recevable (articles 56 et 60 LPGA).

3. Aux termes de l'art. 8 al. 1 et 3 LPGA, ainsi que l’art. 4 de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité (LAI), est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. Les assurés majeurs qui n’exerçaient pas d’activité lucrative avant d’être atteints dans leur santé physique ou mentale et dont il ne peut être exigé qu’ils en exercent une sont réputés invalides si l’atteinte les empêche d’accomplir leurs travaux habituels. L’invalidité peut résulter d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident. L’invalidité est réputée survenue dès qu’elle est par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération.

L'assuré a droit à une rente entière s'il est invalide à 66 2/3% au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40% au moins (art. 28, al. 1 LAI dans sa teneur valable jusqu’au 31 décembre 2003). Dans les cas pénibles, une invalidité de 40% au moins ouvre le droit à une demi-rente. (art. 28 al. 1bis LAI).

Est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l’aptitude de l’assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut être raisonnablement exigé de lui, si cette perte résulte de sa santé physique ou mentale. En cas d’incapacité de travail de longue durée, l’activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d’une autre profession ou d’un autre domaine d’activité (art. 6 LPGA).

L’incapacité de gain est toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d’une atteinte à sa santé physique ou mentale et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (art. 7 LPGA).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances (ci-après le TFA), l’objet de l’assurance n’est pas l’atteinte à la santé en soi ; ce sont plutôt les conséquences économiques qui en découlent, soit l’incapacité de réaliser un gain par un travail exigible (ou d’accomplir les travaux habituels pour les non actifs). La notion d’invalidité est ainsi une notion juridique, basée sur des éléments essentiellement économiques, qui ne se confond pas forcément avec le taux de l’incapacité fonctionnelle, tel que le détermine le médecin ; ce sont les conséquences économiques de l’incapacité fonctionnelle qu’il importe d’évaluer (ATF 105 V 207 et ss. ; 106 V 88 ; 110 V 275 ; RCC 1981 p. 124 consid. 1a).

Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 261 consid. 4; 115 V 134 consid. 2; 114 V 314 consid. 3c ; 105 V 158 consid. 1).

Parmi les atteintes à la santé psychique, qui peuvent, comme les atteintes physiques, provoquer une invalidité au sens de l’art. 4 al. 1 LAI (art. 8 LPGA), on doit mentionner - à part les maladies mentales proprement dites -, les anomalies psychiques qui équivalent à des maladies. On ne considère pas comme des conséquences d’un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l’assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l’assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible. Il faut donc établir si et dans quelle mesure un assuré peut, malgré son infirmité mentale, exercer une activité que le marché du travail lui offre, compte tenu de ses aptitudes. Le point déterminant est ici de savoir quelle activité peut raisonnablement être exigée. Pour admettre l’existence d’une incapacité de gain causée par une atteinte à la santé mentale, il n’est donc pas décisif que l’assuré exerce une activité lucrative insuffisante ; il faut bien plutôt se demander s’il y a lieu d’admettre que la mise à profit de sa capacité de travail ne peut, pratiquement, plus être raisonnablement exigée de lui, ou qu’elle serait même insupportable pour la société (ATF 102 V 165 ; VSI 1996 p. 318 consid. 2a, p. 321 consid. 1a, p. 424 consid. 1a ; RCC 1992 p. 182 consid. 2a et les références).

Le refus de la rente doit être maintenu aussi longtemps qu’il est possible d’attendre de l’intéressé névropathique qu’il fasse l’effort d’utiliser sa capacité de travail. Il ne suffit donc pas qu’un névrotique s’abstienne pendant un certain temps de faire l’effort que l’on est en droit d’attendre de lui pour obtenir finalement la rente qu’il convoite et dont le versement constitue le but qu’il s’est fixé consciemment ou non. En effet, cela aurait pour conséquence de rendre illusoire l’effet thérapeutique que l’on peut en général escompter du refus de cette rente (ATF 106 V 89 ss, RCC 1981, p. 125). D’après ces principes, une rente doit continuer d’être refusée lorsque l’ancien pronostic ne s’est, il est vrai, pas réalisé (l’assuré n’a pas repris le travail, après plusieurs années), mais que l’on peut quand même attendre encore de l’assuré qu’il exerce une activité en faisant appel à toutes ses forces.

En principe, le juge ne s’écarte pas sans motif impératif des conclusions d’une expertise médicale, la tâche de l’expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l’éclairer sur les aspects médicaux d’un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s’écarter d’une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu’une sur-expertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d’autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l’expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d’une nouvelle expertise médicale (ATF 118 V 290 consid. 1b ; 112 V 32 et ss. et les références).

En ce qui concerne, par ailleurs, la valeur probante d’un rapport médical, ce qui est déterminant, c’est que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description du contexte médical soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 122 V 160 consid. 1c et les références). L’élément déterminant pour la valeur probante n’est en principe ni l’origine du moyen de preuve, ni sa désignation, sous la forme d’un rapport ou d’une expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 122 V 160 consid. 1c ; OMLIN, die Invaliditätsbemessung in der obligatorischen Unfallversicherung p. 297 et ss.; MORGER, Unfallmedizinische Begutachtung in der SUVA, in RSAS 32/1988 p. 332 et ss.).

A cet égard, MEINE souligne que l’expertise doit être fondée sur une documentation complète et des diagnostics précis, être concluante grâce à une discussion convaincante de la causalité, et apporter des réponses exhaustives et sans équivoque aux questions posées (MEINE, l’expertise médicale en Suisse : satisfait-elle aux exigences de qualités actuelles ? in RSAS 1999, p. 37 et ss.). Dans le même sens, BUEHLER expose qu’une expertise doit être complète quant aux faits retenus, à ses conclusions et aux réponses aux questions posées. Elle doit être compréhensible, concluante et ne pas trancher des points de droit (BUEHLER, Erwartungen des Richters an der Sachverständigen, in PJA 1999 p. 567 et ss.).

4. Il résulte des rapports médicaux dans leur ensemble ainsi que des audiences d’enquêtes que les diagnostics de schizophrénie et de délire hypomaniaque retenus par le Docteur N__________ doivent être écartés. Restent ceux d’état de stress post-traumatique et de personnalité émotionnelement labile de type borderline posés par les médecins traitants.

La recourante a été soumise à une expertise psychiatrique effectuée par le Docteur P__________. Selon celui-ci, l’assurée ne présente qu’un retard mental léger ou limite, lequel n’entraine aucune incapacité de travail.

Force est de constater que le rapport d’expertise possède une pleine valeur probante. Les conclusions sont claires et bien motivées. Le Docteur P__________ a au surplus expliqué de façon convaincante lors de son audition le 25 janvier 2005 qu’il ne pouvait être question dans le cas de l’assurée d’état de stress post-traumatique, et que même si l’on devait admettre qu’elle ait souffert d’un tel état, celui-ci ne saurait avoir duré plus de six mois.

S’agissant de la personnalité borderline, l’expert a admis que ce diagnostic pouvait être posé, avec une intensité légère seulement, ce qui n’impliquait aucune limitation dans la capacité dans le travail.

Il y a lieu à ce stade de rappeler, au sujet des rapports établis par les médecins traitants, que le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATFA du 14 avril 2003, en la cause I 39/03, consid. 3.2, ATF 124 I 175 consid. 4 et les références citées ; Plaidoyer 6/94 p. 67). Il n’a pas, d’emblée, de raison de mettre en doute la capacité alléguée par son patient, surtout dans une situation d’évaluation difficile. En principe, il fait donc confiance à son patient, ce qui est souhaitable, et ne fait donc pas toujours preuve de l’objectivité nécessaire, guidé qu’il est par le souci, louable en soi, d’être le plus utile possible à son patient. Les constatations du médecin de famille quant à l’appréciation de l’incapacité de travail de l’assuré ont ainsi une valeur probante inférieure à celles des spécialistes (RCC 1988 p. 504). La règle est d’ailleurs qu’il se récuse pour l’expertise de ses propres patients (VSI 2001, 109 consid. 3b/cc ; RCC 1988 p. 504 consid. 2). L’expert est dans une position différente puisqu’il n’a pas un mandat de soins, mais un mandat d’expertise en réponse à des questions posées par des tiers. Il tient compte des affirmations du patient. Il doit parfois s’écarter de l’appréciation plus subjective du médecin traitant.

Au surplus, tant le Docteur M__________ que la Doctoresse L__________ n’avaient pas encore, à l’époque où l’assurée les consultait, obtenu le FMH de psychiatrie.

Certes l’assurée a-t-elle eu un parcours professionnel quelque peu chaotique, ne restant, la plupart du temps, que quelques mois à chaque place de travail, elle a cependant toujours travaillé à l’exception de la période durant laquelle elle était mariée.

Le Tribunal de céans est ainsi d’avis, au vu de l’expertise du Docteur P__________ et de ses déclarations complémentaires, qu’il est en l’espèce possible d’exiger de la recourante, encore jeune, qu’elle mette à profit sa capacité de travail dans l’un des emplois qu’elle a occupés jusqu’en 2001.

Le recours mal fondé doit être rejeté.


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

conformément à la disposition transitoire de l’article 162 LOJ

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

2. Le rejette

3. Dit que la procédure est gratuite.

4. Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu'il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l'enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

La greffière :

Marie-Louise QUELOZ

La Présidente :

Doris WANGELER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe