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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3733/2005

ATAS/360/2006 du 05.04.2006 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3733/2005 ATAS/360/2006

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 4

du 5 avril 2006

 

En la cause

Monsieur V__________, comparant avec élection de domicile en l'Etude de Maître PETROZ Pascal

 

 

Recourant

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHOMAGE, rue de Montbrillant 40, case postale 2293, 1211 GENEVE 2

 

Intimée

 


EN FAIT

Monsieur V__________ a travaillé du 1er janvier 1995 au 31 mars 1999 en qualité de directeur de la société X__________Ltd, dont le siège était à Londres.

Suite à la résiliation de son contrat, l'intéressé s'est inscrit à l'Office cantonal de l'emploi (ci-après OCE) et a perçu des indemnités de chômage de la Caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après la caisse) du 1er avril 1999 au 5 janvier 2001.

Le 18 octobre 2001, l'intéressé a été entendu par la section des enquêtes de l'OCE au sujet de son statut et de son activité au sein de la société X__________Ltd. Un rapport a été établi en date du 14 mars 2002.

Le 19 avril 2002, la caisse a soumis le dossier de l'intéressé à la section assurance-chômage de l'OCE (ci-après la SACH), afin que celle-ci se détermine sur l'aptitude au placement, le domicile ainsi que le droit à l'indemnité.

Par décision du 15 novembre 2002, la SACH a nié rétroactivement le droit à l'indemnité de l'intéressé pour la période du 1er avril 1999 au 5 janvier 2001. Le 16 avril 2003, le Groupe réclamations de l'OCE a rejeté la réclamation de l'intéressé. Cette décision a été confirmée par la Commission cantonale de recours en matière d'assurance-chômage (ci-après CRAC), alors compétente, puis par le Tribunal fédéral des assurances le 29 juin 2005.

Entre-temps, par décision du 27 août 2004, la caisse, se fondant sur la décision de la SACH du 15 novembre 2002, a demandé à l'intéressé le remboursement de la somme de 99'401 fr. 80, représentant les indemnités perçues à tort du 1er août 1999 au 5 janvier 2001.

L'intéressé, représenté par Me Pascal PETROZ, a formé réclamation, au motif que la demande de remboursement était prescrite. Il a conclu à l'annulation de la décision.

Par décision incidente du 20 octobre 2004, la caisse a suspendu l'instruction de la réclamation jusqu'à droit jugé sur la question du droit à l'indemnité.

Le 16 septembre 2005, la caisse a rejeté l'opposition de l'intéressé, considérant que la décision d'inaptitude au placement, permettant de déterminer la nature et l'étendue de l'obligation de restituer, n'est devenue définitive et exécutoire que le 29 juin 2005. Pour le surplus, elle a jugé que le délai de péremption de cinq ans a été respecté, dès lors que le remboursement porte uniquement sur la période d'août 1999 à janvier 2001.

Par l'intermédiaire de son conseil, l'intéressé interjette recours le 19 octobre 2005, alléguant que le délai de péremption d'une année dès la connaissance du fait a commencé à courir dès qu'il a commencé à percevoir des indemnités de chômage du fait de la publicité attachée à son inscription au registre du commerce en qualité de directeur de la société, mais au plus tard le 15 novembre 2002, de sorte que la demande de restitution est prescrite. Il conclut à l'annulation de la décision, sous suite de dépens.

Dans sa réponse du 15 novembre 2005, la caisse conteste que sa décision soit prescrite et conclut au rejet du recours.

Le 15 décembre 2005, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Le courrier du recourant a été communiqué à la caisse en date du 19 décembre 2005.

Pour le surplus, les divers allégués des parties seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

 

 

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l'art. 56V al. 1 let. a ch. 8 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’article 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) du 6 octobre 2000 qui sont relatives à la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales. Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s'applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 230 consid. 1.1; 335 consid. 1.2; ATF 129 V 4 consid. 1.2; ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 136 consid. 4b et les références). Les règles de procédure quant à elles s'appliquent sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b, 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b). La LPGA s’applique donc au cas d’espèce.

Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est à cet égard recevable (art. 56 et 60 LPGA).

L'objet du litige consiste à déterminer si, en rendant sa décision de restitution le 27 août 2004, l'intimée a respecté les délais de prescription ou non.

Conformément à l'art. 95 al. 1 LACI, la demande de restitution est régie par l'art. 25 LPGA à l'exception des cas relevant de l'art. 55.

Selon l'art. 25 al. 2, 1ère phrase LPGA, dont la teneur est identique à celle de l'art. 95 al. 4 LACI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Si la créance naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoir un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant (art. 25 al.2, 2ème phrase LPGA). Il s'agit-là de délais de péremption (ATF 124 V 382 consid. 1).

Selon la jurisprudence relative à l'ancien art. 95 al. 4 LACI, le délai de péremption d'une année commence à courir dès le moment où la caisse de chômage aurait dû connaître les faits fondant l'obligation de restituer, en faisant preuve de l'attention que l'on pouvait raisonnablement exiger d'elle (ATF 122 V 275 consid. 5a). Cette jurisprudence, qui s'inspire des principes développés à propos de la réglementation analogue figurant à l'ancien art. 47 al. 2 LAVS (en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002), est applicable par analogie à la restitution d'indemnités indûment touchées dans l'assurance-chômage (ATF 127 V 488 consid. 3b/aa et l'arrêt cité). Elle vise un double but, à savoir obliger l'administration à faire preuve de diligence, d'une part, et protéger l'assuré au cas où celle-ci manquerait à ce devoir de diligence, d'autre part et est au demeurant en harmonie avec les principes développés par le Tribunal fédéral des assurances (TFA) à propos de l'art. 82 al. 1 aRAVS, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, qui fixe le début du délai d'une année dans lequel la caisse de compensation doit demander la réparation d'un dommage selon l'art. 52 aLAVS dans des termes semblables à ceux figurant à l'art. 47 al. 2 LAVS (ATF 124 V 382 consid. 1; DTA 2001 n° 10 p. 93 consid. 2a et n° 36 p. 245 consid. 1a).

Lorsque la restitution est imputable à une faute de l'administration (par exemple une erreur de calcul d'une prestation), on ne saurait considérer comme point de départ du délai le moment où la faute a été commise, mais bien celui auquel l'administration aurait dû, dans un deuxième temps, (par exemple à l'occasion d'un contrôle comptable), se rendre compte de son erreur en faisant preuve de l'attention requise. En effet, si l'on plaçait le moment de la connaissance du dommage à la date du versement indu, cela rendrait souvent illusoire la possibilité pour une administration de réclamer le remboursement de prestations versées à tort en cas de faute de sa part (ATF 110 V 304).

Ces principes correspondent à ceux qui s'appliquent en droit civil. Selon la jurisprudence rendue à propos de l'art. 60 al. 1 CO, le créancier connaît suffisamment le dommage lorsqu'il apprend, touchant son existence, sa nature et ses éléments, les circonstances propres à fonder et à motiver une demande en justice; le créancier n'est pas admis à différer sa demande jusqu'au moment où il connaît le montant absolument exact de son préjudice, car le dommage peut devoir être estimé selon l'art. 42 al. 2 CO. Au demeurant, le dommage est suffisamment défini lorsque le créancier détient assez d'éléments pour qu'il soit en mesure de l'apprécier (cf. arrêt du TFA du 3 avril 2003 C 27/2002; ATF 113 V 183 consid. 3b; DTA 2001 n° 36 p. 245 consid. 1b).

Le recourant soutient que la décision rendue par l'intimée est tardive, dès lors que le seul fait qu'il ait été inscrit au registre du commerce comme directeur avec signature individuelle de la société qui l'employait aurait dû suffire à éveiller les soupçons de la caisse, de sorte que le délai de péremption d'une année a commencé d'emblée. Quoi qu'il en soit, il soutient que le délai a commencé à courir au plus tard à partir du 15 novembre 2002, date à laquelle son aptitude au placement a été niée rétroactivement par l'autorité cantonale, la SACH.

Il est établi en l'occurrence que lorsqu'il a déposé sa demande d'indemnités de chômage, le recourant était inscrit au registre du commerce en qualité de directeur avec signature individuelle de la succursale en Suisse de la société MEDIA PHONE LTD. Selon la jurisprudence, un travailleur qui jouit d'une situation professionnelle comparable à celle d'un employeur n'a pas droit à l'indemnité lorsque, bien que licencié formellement par une entreprise, il continue à prendre les décisions ou à influencer celles-ci de manière déterminante. Dans le cas contraire, en effet, on détournerait par le biais d'une disposition sur l'indemnité de chômage la réglementation en matière d'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail (ATF 123 V 234). A cet égard, il existe un étroit parallélisme entre le droit à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail et le droit à l'indemnité de chômage. En règle générale, il est admis que les personnes qui ont un droit de signature individuelle ou dont la participation dans l'entreprise s'élève à 20 % ou plus sont réputées personnes exerçant une influence sur les décisions de l'employeur (Circulaire SECO RHT 01-92, page 4 n° 16). La situation est différente lorsque le salarié se trouvant dans une position assimilable à celle d'un employeur quitte définitivement l'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci ou quand l'entreprise continue d'exister, mais que le salarié rompt définitivement tout lien avec la société.

Or, en l'espèce, après son licenciement, le recourant a conservé sa position dans la société, notamment la signature individuelle, et a continué à se présenter comme directeur de l'entreprise. Ce seul fait, compte tenu de l'effet de publicité attaché à l'inscription au registre du commerce, aurait dû éveiller les soupçons de l'intimée ; en effet, selon la jurisprudence, dans ces cas, le délai de péremption d'une année commence à courir d'emblée, soit dès que l'assuré a commencé à toucher des indemnités de chômage (cf. ATFA du 3 juillet 2002 C 68/2001; ATFA du 30 août 2001 C 71/2001).

Le Tribunal de céans constate au surplus que si l'intimée avait des doutes quant aux pouvoirs réels du recourant, il n'en subsistait plus à la lecture du rapport d'enquête de l'Office de la main-d'œuvre étrangère du 14 mars 2002 ainsi qu'à la date de la décision de la SACH, le 15 novembre 2002.

Au vu de ce qui précède, force est de constater que l'intimée a eu connaissance des faits, si ce n'est d'emblée, du moins le 15 novembre 2002 au plus tard. Peu importe à cet égard que le recourant ait contesté la décision de la SACH jusqu'au Tribunal fédéral des assurances. L'intimée n'était pas habilitée à différer sa décision et en ne statuant pas dans le délai d'une année dès le 15 novembre 2002 au plus tard, il y a lieu d'admettre qu'elle n'a pas respecté le délai de préemption.

Le recourant, qui obtient gain de cause, a droit à une indemnité à titre de dépens, fixée à 800 fr.

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

L'admet.

Annule la décision sur opposition du 16 septembre 2005 ainsi que celle du 27 août 2004.

Condamne l'intimée à payer au recourant la somme de 800 fr. à titre de participation à ses frais et dépens.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par plis recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

Le greffier

 

 

 

Walid BEN AMER

 

La Présidente :

 

 

 

Juliana BALDE

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties et au Secrétariat d’Etat à l’économie par le greffe le