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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1940/2003

ATAS/357/2005 du 28.04.2005 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1940/2003 ATAS/357/2005

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

3ème chambre

du 28 avril 2005

 

En la cause

Monsieur B__________

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L’ASSURANCE INVALIDITE, rue de Lyon 97, case postale 425, 1211 GENEVE 13

intimé

 


EN FAIT

Le 30 janvier 2001, Monsieur B__________, né en septembre 1946, a déposé une demande de prestations auprès de l’office cantonal de l’assurance invalidité (OCAI). Economiste de formation, il est au chômage depuis le mois d’avril 1993. Il invoque une dépression et une hypertension, lesquelles sont à l’origine d’une incapacité de travail complète depuis le 3 janvier 2000.

Dans un rapport médical établi en date du 8 juin 2001 à l’intention de l’OCAI, son médecin traitant, le Dr L__________, a posé les diagnostics suivants : état dépressif sévère avec épuisement physique (début 1995), hypertension artérielle avec cardiopathie hypertensive débutante (1987) et troubles du sommeil. Il a également relevé la présence, sans conséquence sur la capacité de travail, d’une colopathie fonctionnelle, d’une hypercholestérolémie et d’une perte d’audition à l’oreille gauche, d’origine probablement ischémique. Il a confirmé que la capacité de travail était nulle depuis le 3 janvier 2000. Selon lui, l’état du patient allait en s’aggravant ; la force professionnelle de l’assuré reposait sur ses aptitudes de chercheur et, avec le développement de son état dépressif et de son épuisement, il était illusoire de penser qu’il puisse retrouver une capacité de travail dans son domaine. Le médecin a également indiqué que l’activité exercée jusqu’alors n’était plus exigible, pas plus qu’une autre, « une reconversion dans des tâches de back office ne pourrait que générer un sentiment de dévalorisation qui aggraverait sa condition ».

Dans un courrier du 2 décembre 2001, le médecin a encore précisé que le patient présentait des valeurs tensionnelles acceptables en moyenne, avec des mesures qui augmentent parfois surtout en fonction de sa condition émotionnelle, mieux contrôlées en augmentant passagèrement les médicaments. Il a estimé que l’état d’épuisement et les troubles mnésiques étaient la conséquence de l’état dépressif du patient. Il a ajouté que le trouble physique principal qui limiterait une activité professionnelle est la fatigabilité accrue du patient, qu’il interprète comme d’origine plurifactorielle : état dépressif, médicaments, conséquence d’un sommeil souvent dégradé. Depuis quelques mois, l’assuré développe en outre des douleurs lombaires.

Le professeur M__________, psychiatre, s’est vu confier par l’OCAI le soin de procéder à une expertise. De son rapport, daté du 14 juin 2002, il ressort que l’assuré est atteint d’un état dépressivo-anxieux modéré et réactionnel à une altération de son état somatique et à des difficultés familiales et professionnelles. S’agissant du pronostic sur la possibilité de reprendre un emploi, le médecin a estimé qu’il dépendait plus de l’état somatique que de l’état physique, qui en est la conséquence. Il a confirmé qu’au moment de l’expertise, l’état somatique ne permettait pas l’exercice d’une activité lucrative. Il a cependant précisé que la capacité de travail pourrait être améliorée par un traitement psychiatrique qui devrait comporter une approche non seulement psychopharmacologique mais également psychothérapeutique de type cognitif. Selon lui, d’autres activités pourraient devenir exigibles après ces mesures thérapeutiques.

Par décision du 11 décembre 2002, l’OCAI a octroyé à l’assuré une rente entière à compter du 1er janvier 2001. Il a considéré que l’assuré était atteint d’une invalidité de longue durée et que le droit à la rente était donc né à l’échéance d’un délai d’une année en présence d’une incapacité de travail de 40% au moins sans interruption notable. Par décision du 11 décembre 2002, l’office a par ailleurs fixé le montant des rentes versé à titre rétroactif du 1er janvier 2001 au 30 novembre 2002.

Par courrier du 21 décembre 2002, l’assuré a interjeté recours en demandant que le droit à une rente lui soit ouvert immédiatement après le début de son incapacité de travail. A l’appui de sa demande, il a produit un courrier de son médecin traitant, le Dr L__________, daté du 21 décembre 2002. Le médecin y plaide pour une invalidité permanente en lieu et place d’une invalidité de longue durée. Il allègue que son patient présente une dégradation de sa condition qui ne peut que se stabiliser au cours du temps mais qui ne lui permettra sans doute jamais de reprendre une activité dans son domaine ou dans des domaines où ses compétences pourraient être adaptées car l’élément majeur de son invalidité est l’atteinte de ses facultés cognitives « pour lesquelles les standards actuels sont très élevés ». Le médecin a encore précisé que les moyens d’amélioration potentielle évoqués dans l’expertise du professeur M__________ ont été mis en place et souligne que le professeur a admis que la réaction du patient était compréhensible et n’allait certainement pas changer dans les années à venir.

Par courrier du 13 janvier 2003, la Commission cantonale de recours en matière d’assurance-invalidité – alors compétente - a attiré l’attention de l’assuré sur la teneur de l’art. 29 al. 1 de la loi sur l’assurance invalidité et lui a imparti un délai au 10 février 2003 pour indiquer s’il maintenait ou non son recours.

Par courrier du 3 février 2003, l’assuré a maintenu sa position en indiquant qu’il lui semblait exister une contradiction entre l’appréciation de son état par son médecin traitant et l’application de l’article 29 al. 1 let. b LAI, qui parle d’une incapacité de longue durée. Il a demandé à être mis au bénéfice de la lettre a de l’al. 1 de cette disposition.

Invité à se prononcer, l’OCAI, dans son préavis du 4 avril 2003, a conclu au rejet du recours. Il s’est référé à la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances (TFA) qui précise que l’incapacité de gain ne peut être considérée comme permanente qu’en cas d’atteinte à la santé qui, selon des expériences médicales confirmées, ne présente aucune tendance à l’amélioration et a déjà provoqué une incapacité de gain de 40% au moins, laquelle ne pourra être diminuée par aucune mesure de réadaptation. En l’espèce, l’OCAI a considéré que l’état dépressivo-anxieux et réactionnel dont souffrait l’assuré ne revêtait pas le caractère de stabilité requis par la jurisprudence et par les dispositions légales. Il a relevé que par ailleurs, selon des expériences médicales confirmées, les états anxio-dépressifs devaient être considérés comme des affections labiles, susceptibles d’amélioration. Enfin, il a souligné que l’expert consulté, le professeur M__________, avait indiqué que la capacité de travail pourrait être améliorée par un traitement psychiatrique et que dès lors, l’incapacité de gain de l’assuré ne pouvait être considérée comme permanente mais durable.

Le 1er août 2003, la cause a été transmise d’office au Tribunal cantonal des assurances sociales.

 

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Le Tribunal cantonal des assurances sociales statue en instance unique, notamment sur les contestations relatives à la loi fédérale du 19 juin 1959 sur l’assurance-invalidité (ci-après LAI ; cf. art. 1, let. r et 56V al. 1, let. a ch. 2 LOJ). Conformément à l’art. 3 al. 3 des dispositions transitoires, les causes introduites avant l’entrée en vigueur de la loi précitée et pendantes devant la Commission cantonale de recours en matière d’assurance-invalidité ont donc été transmises d’office au Tribunal cantonal des assurances sociales. La compétence du Tribunal de céans est dès lors établie pour connaître du présent litige.

La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant de nombreuses modifications dans le domaine de l’assurance-invalidité. Le cas d’espèce demeure toutefois régi par les dispositions en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002, eu égard au principe selon lequel le juge des assurances sociales n’a pas à prendre en considération les modifications du droit ou de l’état de fait postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 127 V 467, consid. 1, 121 V 386, consid. 1b ; cf. également dispositions transitoires, art. 82 al. 1 LPGA). Le présent litige sera en conséquence examiné à la lumière des dispositions de la loi sur l’assurance-invalidité (LAI ; 831.20) et de son règlement en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002 (RAI ; 831.201). Les dispositions légales seront dès lors citées dans leur ancienne teneur.

Le recours, interjeté en temps utile devant la juridiction compétente est recevable, conformément aux art. 69 LAI et 84 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS), dans leur teneur valable jusqu’au 31 décembre 2002.

En l’occurrence, la seule question qui demeure litigieuse est celle du moment de l’ouverture du droit à une rente d’invalidité.

Selon l’art. 29 al. 1 LAI, le droit à la rente au sens de l’art. 28 LAI prend naissance au plus tôt à la date à partir de laquelle l’assuré présente une incapacité de gain durable de 40% au moins (let. a) ou à partir de laquelle il a présenté, en moyenne, une incapacité de travail de 40% au moins pendant une année sans interruption notable (let. b).

L’existence d’une incapacité de gain durable au sens de la lettre a de cette disposition doit être admise lorsque l’atteinte à la santé est largement stabilisée et essentiellement irréversible et qu’elle affectera, selon toute vraisemblance, durablement la capacité de gain de l’assuré dans une mesure suffisamment grave pour justifier l’octroi d’une rente (art. 29 RAI). Une atteinte originellement labile peut être considérée comme relativement stabilisée seulement lorsque son caractère a clairement évolué de manière que l’on puisse prévoir que pratiquement aucun changement notable n’interviendra dans un avenir prévisible (ATF 119 V 102 consid. 4a et les références ; VSI 1999 p. 81 consid. 1a).

Le Tribunal fédéral des assurances a jugé qu’il n’existait pas de motif de revenir sur cette jurisprudence, constante depuis l’entrée en vigueur de la LAI en 1960. Par ailleurs, il a rappelé que le critère déterminant pour délimiter la portée des deux variantes prévues à l’art. 29 al. 1 LAI est la stabilité non pas des effets économiques mais de l’atteinte à la santé. C’est pourquoi il n’est pas justifié de faire une exception en ce qui concerne certaines suites d’une maladie ou d’un accident comme la tétraplégie ou la paraplégie en admettant, dès le début, l’existence d’une atteinte irréversible à la santé. Cependant, il en va différemment de la question de savoir si, dans un cas d’espèce, le caractère labile de l’atteinte à la santé peut disparaître au cours du délai d’attente justifiant dès lors l’application de la première variante de l’art. 29 al. 1 LAI en lieu et place de la seconde (VSI 1999 p. 81s. consid. 2a et les références).

En l’espèce, l’expert, s’il a confirmé que l’état somatique de l’assuré ne permettait pas l’exercice d’une activité lucrative, a cependant précisé que la capacité de travail pourrait peut-être être améliorée par un traitement psychiatrique comportant à la fois une approche psychopharmacologique et psychothérapeutique de type cognitif. Selon lui, certaines activités pourraient devenir exigibles après ces mesures thérapeutiques. Dès lors, il apparaît que l’état de santé du patient, même s’il peut être qualifié de sévère, ne peut être considéré générateur d’une « incapacité de gain durable » au sens des dispositions légales.

Eu égard aux considérations qui précèdent, le recours est rejeté.


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Constate que le recours est recevable ;

Au fond :

Le rejette ;

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

 

 

La greffière:

 

 

Janine BOFFI

 

 

 

 

La Présidente :

 

 

Karine STECK.

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe