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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1483/2002

ATAS/34/2003 du 15.09.2003 ( AI )

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

a/1511/2002 ATAS/31/2003

ARRÊT

DU TRIBUNAL CANTONAL DES
ASSURANCES SOCIALES

du 4 septembre 2003

4ème Chambre

En la cause

Monsieur G__________

Représenté par Maître Daniel VOUILLOZ

Rue de la Terrassière 9

1207 – GENEVE RECOURANT

contre

OFFICE CANTONAL DE

L'ASSURANCE-INVALIDITE

Case postale 425

1211 - G E N E V E 13 INTIME


E N F A I T

Monsieur G__________, né en juin 1939, a exploité une brasserie en association avec Monsieur M__________ jusqu’au 31 décembre 1999. Il retirait un gain mensuel net de Fr. 4'000.- auquel s’ajoutait l’éventuel bénéfice dégagé en fin d’année, soit un montant de Fr. 26'995,35 en 1999. La société en nom collectif X__________, G__________ et M__________ a été radiée le 18 janvier 2000.

Dès 1998, l’assuré s’est plaint de violents maux de tête et de fatigue, l’empêchant de faire face au stress inhérent à sa profession de cafetier restaurateur. Ces troubles ont entraîné, dès fin 1998, une incapacité de travail et l’intervention de son assurance perte de gain privée, l’ELVIA. Cette dernière a sollicité l’avis du médecin traitant de l’assuré, la Dresse A__________, qui a informé l’assurance privée dans un courrier du 18 octobre 1998 que chaque fois qu’elle avait essayé de remettre Monsieur G__________ au travail à 100%, ce dernier avait présenté un état d’asthénie intense avec de forts maux de tête. L’ELVIA a alors considéré que l’incapacité de travail de Monsieur G__________ n’était pas justifiée par des facteurs physiques et a confié une expertise au docteur B__________, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie à Genève. Dans son rapport du 28 décembre 1998, ce dernier a considéré que l’intéressé ne présentait ni un état dépressif, ni un état anxieux généralisé. Il a posé les diagnostics suivants : neurasthénie, alcoolisme chronique, fibrose hépatique, et a conclu qu’une reprise de travail à 25 % dans un délai d’un mois était possible, tout en précisant que cette capacité pourrait éventuellement être augmentée à 50% après quelques mois, selon l’évolution clinique.

En date du 21 juin 1999, l’intéressé a présenté une demande de prestations AI en vue de l’octroi d’une rente.

Dans son rapport médical du 26 juillet 1999 adressé à l’OCAI, la Dresse Daisy A__________ a posé le diagnostic de mononucléose infectieuse chronique évolutive, et a évalué l’incapacité de travail de son patient à 100% dans son ancienne profession jusqu’à novembre 1999.

Le docteur C__________, spécialiste FMH en médecine interne, a établi, à l’intention du médecin conseil de l’ELVIA, le docteur D__________, un rapport daté du 17 août 1999, lequel relevait qu’il n’existait pas d’éléments médicaux objectifs justifiant une prolongation de l’arrêt de travail de l’assuré. Le médecin a posé les diagnostics suivants : hypertension artérielle anamnestique traitée, état dépressif léger, et a précisé qu’une reprise de travail, à 50% tout d’abord, puis à 100% d’ici un mois à six semaines, était nécessaire.

Le docteur D__________ a sollicité des renseignements auprès de la Dresse A__________ par lettre du 21 octobre 1999. Il lui a demandé de préciser si l’incapacité de travail de l’assuré était uniquement due à une mononucléose datant de juin 1999, ou si des troubles psychiques intervenaient également dans cette incapacité. Dans sa réponse du 23 décembre 1999, le médecin traitant a relevé que les tests concernant la mononucléose effectués sur son patient se révelaient positifs, mais pas pour une affection récente. Elle a précisé que la mononucléose datait de février 1999, et non de juin 1999 comme l’indiquait le docteur D__________, et qu’elle avait été décelée au moment de l’hospitalisation du patient à la clinique médicale II où le diagnostic en question avait été posé. D’autre part, selon elle, aucun problème moral, personnel ou familial ne semblait interférer dans l’atteinte somatique de son patient.

Dans une note du 21 septembre 2001, le docteur E__________, médecin conseil de l’Office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après l’OCAI), a indiqué qu’au vu des éléments médicaux, on pouvait considérer qu’une reprise à 50 % était possible dès début 1999, puis à 100% après quelques semaines. Il a conclu qu’il ne pouvait que constater l’existence d’un trouble transitoire, qui ne justifiait pas une incapacité de travail durable.

En date des 4 avril et 2 octobre 2001, la Dresse A__________ a estimé dans ses rapports adressés à l’OCAI que son patient était toujours dans l’incapacité de reprendre son ancienne profession et que son état de santé était resté stationnaire.

Le recourant a pour sa part informé l’OCAI par lettre du 2 avril 2001 qu’il était sans revenu depuis le 20 mai 2000, date à laquelle son assurance maladie avait cessé de lui verser des prestations.

Le 8 février 2002, l’OCAI a notifié à l’assuré, par pli recommandé, une décision de refus de prestations AI au motif que son atteinte à la santé ne constituait pas une invalidité au sens des dispositions légales en vigueur et qu’il serait en mesure, en exerçant n’importe quelle activité lucrative même à 50%, de réaliser un gain supérieur à celui déclaré en tant que cafetier restaurateur de sorte qu’il ne pouvait invoquer une diminution de sa capacité de gain.

Par acte du 12 mars, posté le 13 mars 2002, Monsieur G__________, représenté par Maître Daniel VOUILLOZ, a recouru contre ladite décision, précisant tout d’abord que cette dernière ne lui avait été notifiée qu’en date du 18 février 2002. Quant à ses conclusions sur le fond, l’assuré a souligné le caractère contradictoire des avis développés par les docteurs E__________ et C__________, d’une part, et par les docteurs B__________ et A__________, d’autre part. Le recourant a en outre indiqué que c’était à tort que l’administration s’était basée sur le seul bénéfice d’exploitation pour déterminer son revenu et qu’il ne pouvait en aucune manière réaliser un gain supérieur à celui qu’il réalisait en tant que cafetier restaurateur en exerçant n’importe quelle activité lucrative à 50%.

Dans son préavis du 8 mai 2002, l’OCAI a affirmé qu’il avait tenu compte de l’ensemble du dossier médical, lequel ne lui avait pas permis de faire une appréciation différente du cas. S’agissant du revenu de l’assuré, l’autorité administrative a considéré que ce point n’était pas déterminant, les conditions posées par la loi relatives au caractère durable de l’incapacité de gain n’étant, selon elle, pas remplies.

Dans sa réponse du 29 juillet 2002, le conseil du recourant a persisté dans ses motivations et conclusions, tout en estimant qu’un nouvel examen médical s’imposait.

En date du 2 septembre 2002, l’OCAI a maintenu sa position telle qu’exprimée dans ses précédentes écritures.

Par courrier du 19 février 2003, le recourant a produit une attestation postale indiquant que la décision de l’OCAI du 8 février 2002, notifiée par pli recommandé, avait été retirée à la poste le 12 février 2002.

Les autres faits seront repris, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.


E N D R O I T

Préalablement :

La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA), entrée en vigueur le 1er janvier 2003 et qui a entraîné des modifications de la LAI et de son règlement, n’est pas applicable en l’espèce, dès lors que le juge des assurances sociales n’a pas à prendre en considération les modifications du droit ou de l’état de fait postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 127 V 467, consid. 1, 121 V 386, consid. 1b ; cf. également dispositions transitoires, art. 82 al. 1 LPGA). Le présent litige sera en conséquence examiné à la lumière des dispositions de la LAI et de son règlement en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002 .

A la forme :

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (E 2 05) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales. Conformément à l’article 3 alinéa 3 des dispositions transitoires, les causes introduites avant l’entrée en vigueur de la présente loi et pendantes devant la Commission cantonale de recours en matière d’assurance-invalidité sont transmises d’office au Tribunal cantonal des assurances sociales, statuant en instance unique, sur les contestations en matière d’assurance invalidité notamment (cf. article 56V LOJ). La compétence du Tribunal de céans est ainsi établie pour juger du cas d’espèce.

Aux termes de l’article 84 al. 1 de la loi sur l’assurance vieillesse et survivants (LAVS) auquel renvoie l’article 69 LAI, le délai de recours contre les décisions de l’administration est de trente jours dès la notification. Dans le cas où la décision a été envoyée sous pli recommandé, que le destinataire n’a pas pu être atteint et qu’une invitation à retirer l’envoi a été déposée dans la boîte aux lettres, le pli est réputé notifié au moment où il est retiré à l’office de la poste (ATFA du 4 mai 1977 = RCC 1977 p. 402). Dans le cas d’espèce, il ressort de l’attestation postale versée au dossier que le recourant a retiré le pli recommandé le 12 février 2002, date à laquelle la décision litigieuse est réputée avoir été notifiée. Dès lors, le recours interjeté le 12 mars 2002, posté le 13 mars 2002, l’a été en temps utile, de sorte qu’il est recevable à la forme.

Au fond :

Selon l’article 4 al. 1 LAI, l’invalidité est la diminution de la capacité de gain, présumée permanente ou de longue durée, qui résulte d’une atteinte à la santé physique ou mentale provenant d’une infirmité congénitale, d’une maladie, ou d’un accident.

Aux termes de l’article 28 al. 1 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 66 2/3% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins. Dans les cas pénibles, l’assuré peut, d’après l’article 28 al. 1bis LAI, prétendre à une demi-rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 261 consid. 4, 115 V 134 consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158 consid. 1).

En principe, le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 352 consid. 3b/aa et les références).

En ce qui concerne, par ailleurs, la valeur probante d'un rapport médical, ce qui est déterminant c'est que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment motivées. Au demeurant, l'élément déterminant pour la valeur probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 125 V 352 consid. 3a, 122 V 160 consid. 1c et les références).

En l’occurrence, l’OCAI s’est principalement fondé pour rendre sa décision sur les conclusions du docteur E__________, ainsi que sur celles du rapport déposé par le docteur C__________, pour le compte de l’ELVIA, laquelle a tenu compte de l’expertise du docteur B__________. L’administration a enfin considéré qu’il n’y avait pas lieu de s’écarter de l’expertise du docteur C__________, laquelle répondait en tous points aux exigences posées par la jurisprudence en matière de valeur probante.

Il n’en demeure pas moins que l’OCAI a fait abstraction de l’opinion du docteur B__________, lequel concluait à une incapacité de travail de 75% pendant plusieurs mois, qui pourrait éventuellement être ramenée à 50% selon l’évolution clinique.

Or, l’administration ne saurait se contenter d’observer que l’expertise du docteur C__________ a tenu compte de celle du docteur B__________ et s’écarter ainsi des conclusions de l’expert psychiatre, au demeurant claires, rigoureuses et bien motivées, sans expliquer les raisons de sa démarche. Le Tribunal constate en effet que le docteur B__________ a établi une expertise qui répond en tous points aux exigences jurisprudentielles précitées ; le rapport adressé à l’ELVIA par le docteur C__________ n’est, à lui seul, pas de nature à permettre une évaluation précise de l’incapacité de travail de l’assuré. En effet, les conclusions de ces deux médecins sont à cet égard contradictoires.

Il sied de relever ici que l’intimé n’a pas retenu non plus l’avis de la Dresse A__________, médecin-traitant, selon lequel la mononucléose chronique avait entraîné une incapacité de travail totale dans l’ancienne profession de son patient, son état de santé étant par ailleurs demeuré inchangé. Or, même si les constatations du médecin-traitant ne sauraient avoir la même valeur probante que celles des experts quant à l’appréciation de la capacité de travail d’un assuré (RCC 1988 page 504), lorsque l’état du dossier médical ne donne pas un tableau suffisamment clair de l’atteinte à la santé et de ses effets sur la capacité de travail pour décider de manière fiable du droit aux prestations, l’OCAI doit ordonner un examen médical supplémentaire (Circulaire concernant l’invalidité et l’impotence - CIIAI N° 1055).

Le Tribunal fédéral des assurances a également rappelé que  conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, l’administration est tenue d’ordonner une instruction complémentaire lorsque les allégations des parties et les éléments ressortant du dossier requièrent une telle mesure. En particulier, elle doit mettre en œuvre une expertise lorsqu’il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 283 consid. 4a ; RAMA 1985 n° K 646 p. 240 consid. 4) .

En l’espèce, il ressort du dossier que les éléments médicaux concernant le recourant n’ont pas été suffisamment étudiés pour décider d’une manière fiable de son droit aux prestations.

Il conviendrait dès lors d’examiner avec plus de précision les raisons pour lesquelles l’assuré n’est plus en mesure de supporter le stress lié à sa profession de cafetier restaurateur, et plus particulièrement, quelle est l’incidence d’éventuels troubles psychologiques sur sa capacité de travail.

Le Tribunal de céans considère ainsi qu’il se justifie de renvoyer le dossier à l’autorité intimée afin que cette dernière ordonne une expertise médicale pluridisciplinaire, puis rende une nouvelle décision.

* * *


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

Reçoit le recours ;

Au fond :

L’admet sans préjudice pour l’une ou l’autre des parties ;

Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision ;

Alloue au recourant la somme de Fr.1'500.- à titre de participation à ses frais et dépens, ainsi qu’à ceux de son mandataire ;

Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent jugement dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Ce mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs le recourant estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter la signature du recourant ou de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu'il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints au mémoire s'il s'agit de pièces en possession du recourant. Seront également jointes au mémoire la décision attaquée et l'enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

Le greffier :

Walid BEN AMER

La présidente :

Juliana BALDE

Secrétaire-juriste :

Le présent arrêt est communiqué pour notification aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe