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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/122/2005

ATAS/337/2006 du 29.03.2006 ( LAA ) , ADMIS

Recours TF déposé le 02.06.2006, rendu le 04.05.2007, ADMIS, U 252/06
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/122/2005 ATAS/337/2006

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 4

du 29 mars 2006

 

En la cause

Monsieur R__________

 

 

recourant

contre

LA NATIONALE SUISSE, sise Quai Gustave-Ador 54, case postale 6342, 1211 GENEVE 6

 

 

intimée

 

EN FAIT

Monsieur R__________, né le 6 août 1950, domicilié en France, travaille depuis 1999 en qualité d'employé de maison - jardinier au service de Madame B__________, à Genève. A ce titre, il était assuré contre les accidents professionnels et non professionnels auprès de la Compagnie d'Assurances Nationale Suisse (ci-après la Nationale).

Le 14 juillet 2004, la société de courtage et de gestion d'assurances X__________ SA adressa à la Nationale une déclaration d'accident LAA: le 10 mai 2004, l'assuré, alors qu'il était occupé à démonter deux faux-planchers, a ressenti une violente douleur au dos après avoir arraché de la moquette et soulevé des radiateurs en fonte.

Le Docteur A__________, spécialiste en maladies rhumatismales, des os, des articulations et en médecine du sport, médecin traitant de l'assuré, a établi en date des 2, 7 et 11 juin 2004 des certificats d'arrêt de travail jusqu'au 4 juillet 2004.

Selon un bulletin de situation établi par la Polyclinique de Savoie, d'Annemasse, l'assuré a été hospitalisé du 21 juin au 23 juin 2004, pour maladie.

Par certificat du 15 juillet 2004, le médecin a attesté que son patient avait été opéré le 5 juillet 2004 d'une hernie discale secondaire à des efforts effectués sur son lieu de travail.

L'assuré a été hospitalisé du 4 au 8 juillet 2004 à la Clinique du Lac et d'Argonay de Pringy (France) où il a été opéré par le Docteur C__________, neurochirurgien. Le compte-rendu opératoire du 5 juillet 2004 fait état d'une hernie discale L5-S1 gauche para-médiane chez un patient âgé de 53 ans présentant une lombo-sciatique S1 gauche rebelle aux différents traitements médicaux. Les examens neuroradiologiques et notamment le myélo-scanner mettent en évidence une petite hernie discale L5-S1 gauche para-médiane. Le Docteur C__________ a prolongé l'arrêt de travail jusqu'au 7 septembre 2004 inclus.

Par courriel du 27 juillet 2004, la Nationale a informé X__________ SA que selon les documents en sa possession, la notion d'accident n'était pas réalisée dans le cas présent et qu'une hernie discale n'était pas considérée comme une lésion assimilée à un accident. A la demande de la Nationale, X__________ SA a répondu qu'aucune assurance maladie perte de gain n'avait été conclue.

Par décision du 28 juillet 2004, la Nationale a informé l'assuré que l'événement du 10 mai 2004 ne pouvait être considéré comme un accident, dès lors qu'aucun événement particulier, tel que choc, chute, n'était survenu au cours de ses activités. Les efforts excessifs effectués dans de telles circonstances ne peuvent être qualifiés d'inhabituels et considérés comme la conséquence d'un accident, faute de cause extérieure extraordinaire. L'événement ne relevait pas de l'assurance-accidents, de sorte que la Nationale a décliné sa compétence en faveur de l'assureur maladie.

L'assuré a formé opposition le 23 août 2004, alléguant qu'il avait ressenti la douleur au moment où il avait soulevé un radiateur pesant entre 80 et 100 kilos. Se référant à son courrier du 26 juillet 2004, il a expliqué que la douleur l'avait ensuite fait chuter, l'empêchant de poursuivre son travail normalement. Selon l'assuré, il y avait bien une cause extérieure extraordinaire.

La Nationale a procédé à une instruction complémentaire, notamment auprès de l'employeur de l'assuré. Selon Madame B__________, l'assuré n'avait jamais manqué le travail, que ce soit pour cause de maladie, de problèmes de dos ou autres. Un collaborateur de la Nationale s'est rendu au domicile de l'assuré le 11 octobre 2004. Dans son rapport du 15 octobre 2004, l'inspecteur relève que l'assuré a déclaré qu'il avait continué à travailler pendant trois semaines après l'événement, sans que sa patronne le sache, malgré ses douleurs. Il n'est pas du genre à s'écouter et pensait qu'avec le temps, les douleurs iraient en s'atténuant. Il avait tenu le coup tant bien que mal, jusqu'au jour où sa patronne lui a demandé d'emmener son chien chez le vétérinaire. N'en pouvant plus et se sentant tout à fait incapable de soulever cet animal d'une quarantaine de kilos pour le mettre dans la voiture, l'assuré a alors raconté à son employeur ce qui s'était passé et s'est ensuite rendu chez son médecin traitant le 2 juin. L'inspecteur décrit l'assuré comme étant "un solide gaillard", musculeux et avec forte ossature. Il n'a aucun antécédent. Quant au radiateur, il est très ancien, mesure 60 cm de long, 110 cm de haut, 25 à 30 cm de large et pèse 80 kilos. Après avoir repris le travail à 100 % le 13 septembre 2004, l'assuré a dû se modérer à 50 % le reste de la semaine et travaille à nouveau à 100 % depuis le 20 septembre 2004.

L'assuré a produit copie d'un courrier qu'il avait adressé le 15 juillet 2004 à X__________ SA où il explique qu'après avoir soulevé le radiateur en fonte, il a aussitôt entendu dans le bas de son dos un craquement suivi d'une très forte douleur. La douleur, très forte, a perduré pendant trois semaines et fin mai, à la demande de Madame B__________, il a cessé son travail. Il est allé ensuite consulter le Docteur A__________ le 2 juin 2004, lequel a prescrit divers traitement (kinésithérapie, port d'un corset, d'une ceinture lombaire, etc), sans succès. Il a dû finalement se faire opérer d'une hernie discale. Le myélo-scanner pratiqué par le Docteur D__________ le 22 juin 2004 a révélé une hernie discale paramédiane gauche à l'étage L5-S1, concordante avec la symptomatologie.

La Nationale a soumis le dossier à son médecin-conseil, le Docteur E__________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique. Dans son rapport du 4 février 2005, le médecin-conseil ne s'est pas prononcé sur la notion de l'accident, s'agissant d'une notion juridique. Si l'événement devait être admis comme un accident, le médecin-conseil est d'avis que cet événement a décompensé un état dégénératif préexistant et que le statu quo ante n'a pu être obtenu qu'après l'intervention chirurgicale.

Par décision du 19 octobre 2004, la Nationale a rejeté l'opposition de l'assuré, considérant que l'événement du 10 mai 2004 n'est pas un accident au sens de la loi sur l'assurance-accidents et que la lésion présentée par le recourant ne peut être assimilée à un accident.

L'assuré a interjeté recours le 14 janvier 2005 auprès du Tribunal cantonal des assurances sociales. Il fait valoir qu'il a travaillé à Genève de 1979 à 1998 en qualité de professeur diplômé d'éducation physique dans un club de fitness et qu'au cours de cette activité professionnelle, il n'a subi aucun dommage lié à la santé, si ce n'est un ménisque pour lequel il a été opéré. Or, le fait d'avoir soulevé un radiateur pesant de 80 à 100 kilos a directement et immédiatement provoqué chez lui une douleur, qui a non seulement persisté, mais l'a empêché de poursuivre son travail. Il considère qu'il y a bien causalité naturelle et adéquate et rappelle qu'en vingt ans de carrière consacrée à l'éducation physique, il n'a jamais eu de problème en relation avec une hernie discale. Il conclut à la prise en charge des suites de l'événement accidentel.

Dans sa réponse du 21 février 2005, la Nationale conclut au rejet du recours. Elle expose avoir posé des questions complémentaires à son médecin-conseil, notamment quant à l'effet déclenchant d'une hernie. Elle considère que le fait, pour le recourant, d'avoir soulevé le radiateur ne constitue pas, compte tenu de sa profession, un effort manifestement excessif par rapport à sa solide condition physique. Pour la Nationale, en l'absence d'un facteur extraordinaire, le caractère accidentel de l'événement doit être nié. Enfin, le recourant ne présente pas une lésion assimilée à un accident.

Par réplique du 31 mars 2005, le recourant considère précisément qu'il est tout à fait extraordinaire et inhabituel qu'en sa qualité de professionnel de l'effort, il subisse une atteinte dommageable en soulevant un radiateur de 80 kilos.

La Nationale, dans sa duplique du 27 avril 2005, expose avoir à nouveau fait appel à son médecin-conseil afin de s'assurer du bien-fondé de son point de vue également sous l'angle médical. Or, selon ce dernier, l'événement du 10 mai 2004 a très vraisemblablement déclenché la symptomatologie douloureuse due à la décompensation d'un état dégénératif préexistant; en revanche, l'hypothèse selon laquelle cet événement a pu déclencher la hernie elle-même est réduite à la simple possibilité. Pour le surplus, elle persiste dans ses conclusions.

Le Tribunal de céans a convoqué les parties en audience de comparution personnelle le 17 août 2005. Le recourant a déclaré que son activité nécessite régulièrement l'accomplissement de travaux physiques. Il a confirmé posséder un diplôme de professeur d'éducation physique, profession qu'il a exercée pendant plus de vingt ans. Il n'a jamais souffert du dos auparavant. En soulevant le radiateur en fonte, il a immédiatement ressenti un écrasement, avec un bruit de branche qui casse, et a eu une douleur très violente. Malgré tout, il a continué à travailler en prenant des antalgiques, jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus et soit mis sous morphine, car avant l'opération, il ne pouvait plus marcher. Il a précisé qu'il a dû être réopéré en avril 2005, car l'hernie discale était ressortie au même endroit, après qu'il ait soulevé un pot de fleurs trop lourd en octobre 2004. Il a été convenu que le recourant communiquerait au Tribunal les certificats médicaux y relatifs. La Nationale, quant à elle, s'est référée à ses conclusions.

Le recourant a fait parvenir au Tribunal, le 6 septembre 2005, copies des rapports médicaux relatifs à la deuxième intervention.

Invitée à se déterminer, la Nationale s'est déclarée convaincue que le recourant souffre avant tout de l'état dégénératif préexistant de sa colonne vertébrale, ce que le recourant a contesté, dans ses conclusions du 26 octobre 2005.

Pour le surplus, les divers allégués des parties, ainsi que les éléments pertinents résultant du dossier seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

 

 

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l'art. 56V al. 1 let. a ch. 5 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’article 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 5 octobre 2000 (LPGA) qui sont relatives à la loi fédérale sur l’assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales. Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s'applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 230 consid. 1.1; 335 consid. 1.2; ATF 129 V 4 consid. 1.2; ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 136 consid. 4b et les références).

En l'espèce, le recours concerne le droit à des prestations découlant de l'événement du 10 mai 2004, à savoir à une date postérieure à l'entrée en vigueur de la LPGA. En conséquence, sur le plan matériel, cette dernière s'applique au présente litige, étant précisé que les règles de procédure, quant à elles, s'appliquent sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b, 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b).

Selon l'art. 60 al. 1 LPGA, le délai de recours est de trente jours. Toutefois, en dérogation à la LPGA, l'art. 106 LAA prévoit un délai de recours de trois mois. En conséquence, le recours du 14 janvier 2005, posté le 15, contre la décision sur opposition notifiée le 19 octobre 2004 est recevable.

L'objet du présent litige consiste à déterminer si l'événement du 10 mai 2004 constitue un accident au sens de la loi et, le cas échéant, si l'hernie discale a été provoquée ou déclenchée par l'accident.

a. Selon l'art. 4 LPGA, est réputé accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort. Cette définition de l'accident étant semblable à celle qui figurait avant l'entrée en vigueur de la LPGA à l'art. 9 al. 1 de l'Ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA), la jurisprudence rendue sous l'ancien droit demeure pertinente.

La notion d'accident se décompose en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement être réalisés (ATF 122 V 232 consid. 1; RAMA 1986 n° K 685 p. 299 s. consid. 2). Il suffit que l'un d'entre eux fasse défaut pour que l'événement ne puisse pas être qualifié d'accident et que, cas échéant, l'atteinte dommageable doive alors être qualifiée de maladie.

Suivant la définition même de l'accident, le caractère extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné, ou non, des conséquences graves ou inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu'il excède le cadre des événements et des situations que l'on peut objectivement qualifier de quotidiens ou d'habituels, autrement dit des incidents et péripéties de la vie courante (ATF 129 V 404 consid. 2.1, 122 V 233 consid. 1, 121 V 38 consid. 1a ainsi que les références). Pour les lésions dues à l'effort (soulèvement, déplacement de charges notamment), il faut examiner de cas en cas si l'effort doit être considéré comme extraordinaire, en tenant compte de la constitution physique et des habitudes professionnelles ou autres de l'intéressé (ATFA du 15 octobre 2004, cause U 9/04 ; MAURER, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht,1985, p. 178). Il n’y a pas d’accident lorsque l’effort en question ne peut entraîner une lésion qu’en raison de facteurs préexistants, car c’est alors une cause interne qui agit, tandis que la cause extérieure – souvent anodine – ne fait que déclencher la manifestation du facteur pathologique (ATF 116 V 139 consid. 3b, ainsi que les références citées ; MAURER, op. cit. 1985, p. 178 ; GHELEW/RAMELET/RITTER, Commentaire de la loi sur l’assurance-accidents, 1992, p. 48ss).

b. En outre, aux termes de l'art. 6 al. 2 LAA, le Conseil fédéral peut inclure dans l'assurance des lésions corporelles qui sont semblables aux conséquences d'un accident. En vertu de cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a édicté l'art. 9 al. 2 OLAA, qui prévoit que les lésions suivantes sont assimilées à un accident, même si elles ne sont pas causées par un facteur extérieur de caractère extraordinaire :

a. les fractures, dans la mesure où elles ne sont pas manifestement causées par une maladie;

b. les déboîtements d'articulations;

c. les déchirures du ménisque;

d. les déchirures de muscles

e. les élongations de muscles;

f. les déchirures de tendons;

g. les lésions de ligaments;

h. les lésions du tympan.

Cette liste des lésions assimilées à un accident est exhaustive (ATF 116 V 140 consid. 4a, 147 consid. 2b, et les références; MAURER, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, 2ème édition, 1989, 202). La notion de lésion assimilée à un accident a pour but d'éviter, au profit de l'assuré, la distinction souvent difficile entre maladie et accident. Aussi les assureurs-accidents LAA doivent-ils assumer un risque qui, en raison de la distinction précitée, devrait en principe être couvert par l'assurance-maladie (ATF 123 V 44 sv. consid. 2b, 116 V 147 sv. consid. 6c, 114 V 301 consid. 3c; RAMA 2001 no U 435 p. 332, 1988 no U 57 p. 373 consid. 4b; BÜHLER, Die unfallähnliche Körperschädigung, in SZS 1996 p. 84).

En l'espèce, force est de constater que le recourant ne présente pas une lésion assimilée à un accident au sens de l'art. 9 al. 1 OLAA. Aussi convient-il d'examiner si l'événement du 10 mai 2004 revêt un caractère accidentel.

Selon la déclaration d'accident du 14 juillet 2004, "après avoir arraché de la moquette, après avoir soulevé des radiateurs en fonte pour pouvoir démonter deux faux planchers, M. R__________ a ressenti une violente douleur au dos". Le Docteur A__________ a indiqué dans son certificat médical du 15 juillet 2004 que le patient a été opéré d'une hernie discale secondaire à des efforts effectués sur son lieu de travail. Dans un courrier adressé le 15 juillet 2004 à X__________ SA, le recourant a expliqué qu'il était occupé à arracher une moquette et à supprimer un faux-plancher; pour ce faire, il a dû soulever un radiateur en fonte d'un poids d'environ 80-100 kilos et, aussitôt, il a entendu dans le bas de son dos un craquement suivi d'une très violente douleur. Auparavant, il n'avait jamais souffert du dos. Cette description de l'événement a été confirmée dans son opposition, à l'inspecteur envoyé à son domicile par l'intimée, puis dans son recours. Entendu par le Tribunal de céans, le recourant a déclaré qu'en réalité il n'aurait pas dû soulever le radiateur seul, mais qu'il n'y avait personne qui pouvait l'aider et que même en prenant toutes les précautions, il était pratiquement impossible de soulever ledit radiateur dans de bonnes conditions. Concernant son activité habituelle, le recourant a indiqué qu'il travaillait depuis 1999 (1998 ?) au service des époux B__________ en qualité d'employé de maison-jardinier et entraîneur sportif, fonction qui implique régulièrement l'accomplissement de travaux physiques et nécessite une bonne condition physique. Il a déclaré encore qu'il possédait un diplôme de professeur d'éducation physique, profession qu'il avait exercée pendant plus de vingt ans, notamment dans un fitness à Genève, et que lorsqu'il avait perdu son emploi, il a continué à pratiquer le vélo et la natation pendant ses loisirs. Suite à l'événement, le recourant a précisé qu'il n'effectuait plus de travaux impliquant le port de charges lourdes et que les travaux de réfection de la maison ont été réalisés par une entreprise ; enfin, sa patronne a engagé une personne pour tailler les haies.

Le Tribunal fédéral des assurances (ci-après TFA) avait admis le caractère accidentel de l’événement dans le cas d’une infirmière qui avait empêché un patient de forte corpulence de faire une chute inattendue lors de son transfert du lit au fauteuil roulant (RAMA 1994 n° U 185, p. 79 consid. 2b). Il a jugé de même pour le cas d’une aide-soignante qui avait dû fournir un effort violent et improvisé lors du déplacement d’une patiente d’un lit à une chaise : en effet, le déplacement devait impérativement s’effectuer à deux en raison des contraintes induites par l’invalidité de la patiente, mais la collègue de l’aide-soignante avait lâché prise, de sorte que l’aide-soignante s’était retrouvée seule à supporter toute la charge, pour éviter que la patiente ne chute. Le TFA avait considéré que le transfert de charge s’était produit de manière relativement subite de sorte que l’aide-soignante n’avait pas à s’y attendre ; ces circonstances excédaient le cadre habituel de l’activité de la recourante et justifiaient d’admettre la survenance d’un facteur extérieur extraordinaire (cf. ATFA du 15 octobre 2004 U 9/2004).

En revanche, le facteur extérieur extraordinaire a été nié dans le cas du transfert (en tirant sur les alèses) d’un patient pesant entre 100 et 120 kilos d’une table d’opération à un lit par un aide-infirmier ; le TFA a considéré que cette action faisait partie de son travail quotidien et que l’on ne saurait parler d’un effort manifestement excessif pour un homme d’âge moyen au bénéfice d’une bonne constitution physique (cf. ATF 116 V 136). Il a jugé de même s’agissant d’un infirmier de 40 ans, exerçant son métier depuis plus de 20 ans et faisant de la gymnastique tous les jours pour fortifier ses muscles dorsaux, qui a dû retenir une patiente d’un poids entre 50 et 60 kg (ATFA du 14 février 2000 U 238/99), ou dans le cas d’un professeur d’éducation physique ayant subi une lésion dorsale lors d’une démonstration de culbute sans qu’un fait particulier ou spécial ne survienne (ATFA du 14 avril 2005 U 164/04). Dans un arrêt du 12 septembre 2001 (U 499/00), le TFA a aussi jugé que pour un homme de constitution athlétique ayant travaillé dans la construction et le chauffage-sanitaire, habitué à porter et à soulever des charges assez lourdes, le fait de renverser un fût de 200 kilos, sans le soulever, avec l’aide d’un collègue de travail n’apparaît pas comme un événement extraordinaire ; rien dans le déroulement de l’événement n’a fait apparaître l’existence ou la nécessité d’un mouvement brusque, non coordonné, voire non prévu. L’effort nécessaire au renversement du fût ne sort pas du cadre habituel de travail pour un ouvrier du bâtiment et n’a pas nécessité une force que l’on pourrait qualifier d’extraordinaire.

Dans le cas d'espèce, le recourant possède, certes, une bonne condition physique acquise de par sa formation de professeur d'éducation physique - profession qu'il a exercée pendant plus de vingt ans - et entretenue par la pratique régulière du sport. Quant à son activité d'employé de maison - jardinier et entraîneur sportif chez des particuliers depuis 1999, si elle nécessite régulièrement l'accomplissement de travaux physiques, on ne saurait en conclure qu'elle implique régulièrement et habituellement le port de lourdes charges à l'instar d'une activité dans le bâtiment. Le recourant a d'ailleurs précisé qu'il n'aurait jamais dû soulever seul le radiateur en fonte, mais qu'il était seul dans la maison et qu'il n'y avait personne pour l'aider. Même en prenant toutes les précautions, il était pratiquement impossible de le soulever dans de bonnes conditions.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal de céans considère qu'en soulevant seul le radiateur en fonte d'un poids de 80 à 100 kilos, le recourant a accompli un effort manifestement excessif qui sortait du cadre de ses activités habituelles. Partant, le facteur extérieur extraordinaire et, par conséquent, le caractère accidentel de l'événement doivent être admis.

En application de l'art. 6 LAA, dont la teneur n'a pas été modifiée par l'entrée en vigueur de la LPGA, l'assureur-accidents ne répond des atteintes à la santé que lorsqu'elles sont en relation de causalité non seulement naturelle, mais encore adéquate avec l'événement assuré (ATF 119 V 335 consid. 1).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances (TFA), le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire, en revanche, que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé; il faut et il suffit que l'événement dommageable, associé éventuellement à d'autres facteurs, ait provoqué l'atteinte à la santé physique ou psychique de l'assuré, c'est-à-dire qu'il se présente comme la condition sine qua non de celle-ci. Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 181 consid. 3.1; 406 consid. 4.3.1; 119 V 337 consid. 1 ; 118 V 289 consid. 1b et les références).

Le lien de causalité adéquate est en revanche une question de droit qu'il appartient à l'administration et, en cas de recours, au juge de trancher. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 181 consid. 3.2; 405 consid. 2.2; 125 V 461 consid. 5a et les références ; 115 V 405 consid. 4a).

b. En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements des frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. La jurisprudence a souligné à cet égard que lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (cf. RAMA 1992 no U 142 p. 75 consid. 4b; MAURER, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, p. 469 nos 3 et 4; DEBRUNNER/RAMSEIER, Die Begutachtung von Rückenschäden, Berne 1990, p. 52; MEYER-BLASER, Die Zusammenarbeit von Richter und Arzt in der Sozialversicherung, Bulletin des médecins suisses 71/1990, p. 1093). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il a été causé ou aggravé par l'accident.

Selon l'expérience médicale, pratiquement toutes les hernies discales s'insèrent dans un contexte d'altération des disques intervertébraux d'origine dégénérative, un événement accidentel n'apparaissant qu'exceptionnellement, et pour autant que certaines conditions particulières soient réalisées, comme la cause proprement dite d'une telle atteinte (arrêts publiés S. du 29 février 2000, U 146/99, N. du 8 février 2000, U 138/99, N. du 7 février 2000, U 149/99, B. du 7 janvier 2000, U 131/99, S. du 5 janvier 2000, U 103/99; arrêts non publiés F. du 27 décembre 1999, U 2/99, S. du 4 juin 1999, U 193/98, R. du 30 avril 1999, U 228/98, S. du 22 janvier 1999, U 69/98, S. du 26 août 1996, U 159/95, M. du 21 juin 1996, U 206/94, S. du 7 avril 1995, U 238/94 et J. du 10 octobre 1994, U 67/94).

Une hernie discale peut être considérée comme étant due principalement à un accident, lorsque celui-ci revêt une importance particulière, qu'il est de nature à entraîner une lésion du disque intervertébral et que les symptômes de la hernie discale (syndrome vertébral ou radiculaire) apparaissent immédiatement, entraînant aussitôt une incapacité de travail. Dans de telles circonstances, l'assureur-accidents doit, selon la jurisprudence, allouer ses prestations également en cas de rechutes et pour des opérations éventuelles. Si la hernie discale est seulement déclenchée, mais pas provoquée par l'accident, l'assurance-accidents prend en charge le syndrome douloureux lié à l'événement accidentel. En revanche, les conséquences de rechutes éventuelles doivent être prises en charge seulement s'il existe des symptômes évidents attestant d'une relation de continuité entre l'événement accidentel et les rechutes (arrêt S. du 26 août 1996, U 159/95; DEBRUNNER/RAMSEIER, op. cit., p. 54 ss, en particulier p. 56).

Il y a lieu d'ajouter que l'aggravation significative et donc durable d'une affection dégénérative préexistante de la colonne vertébrale par suite d'un accident est prouvée seulement lorsque la radioscopie met en évidence un tassement subit des vertèbres, ainsi que l'apparition ou l'agrandissement de lésions après un traumatisme (ATFA non publié U 149/04, du 6 septembre 2004, consid. 2.3; ATFA non publié U 52/98 du 5 février 1999; ATA N. du 2 mars 1999). Ainsi, un traumatisme dorso-lombaire sans lésion osseuse cesse en principe de produire ses effets après plusieurs mois (ATFA non publiés U 194/94 du 3 avril 1995 et U 99/93 du 22 novembre 1993).

Dans le cas d'espèce, il ressort du dossier que le myéloscanner du 22 juin 2004 a révélé des discopathies en L2-L3 et L3-L4, ainsi qu'une discopathie avec protrusion discale en L4-L5. Une hernie discale L5-S1 gauche entrant en conflit avec la racine S1 a été objectivée.

Selon le Docteur E__________, médecin-conseil de l'intimé, l'éventualité que l'événement ait provoqué la hernie discale n'est que possible; en effet, une hernie causée par la rupture accidentelle d'un anneau fibreux discal sain est d'une extrême rareté et seulement si l'événement accidentel a été particulièrement violent avec apparition immédiate et dramatique des troubles (arrêt immédiat du travail et consultation médicale d'urgence). En revanche, il est très vraisemblable que le fait de soulever le radiateur ait déclenché la symptomatologie douloureuse due à la décompensation d'un état dégénératif préexistant, que la hernie ait déjà été présente ou pas. Dans son rapport du 4 février 2005, lequel remplit toutes les exigences auxquelles la jurisprudence soumet la valeur probante d'un tel document (ATF 125 V 352 consid. 3a, 122 V 160 consid. 1c et les références), le Docteur E__________ conclut que dans ce cas, l'on se trouve dans le cadre d'une aggravation passagère d'un état antérieur à l'accident et le statu quo ante n'a pu être obtenu qu'après l'intervention chirurgicale.

Au vu de ce qui précède, il y a lieu d'admettre que les conséquences du syndrome douloureux liées à l'événement accidentel, ainsi que l'intervention chirurgicale doivent être prises en charge par l'assurance-accidents, jusqu'à la reprise de travail.

Bien-fondé, le recours sera admis.

 

 

 

 

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PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

L'admet.

Annule la décision sur opposition du 19 octobre 2004 ainsi que la décision du 28 juillet 2004.

Condamne l'intimée à prendre en charge les suites de l'événement accidentel du 10 mai 2004, dans le sens des considérants.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

Le greffier

 

 

Walid BEN AMER

 

La Présidente :

 

 

Juliana BALDE

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le