Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1416/2003

ATAS/327/2005 du 21.04.2005 ( AI )

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1416/2003 ATAS/327/2005

ORDONNANCE D’EXPERTISE

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

1ère chambre

du 22 avril 2005

 

 

 

En la cause

 

 

 

Monsieur M__________, mais comparant par Maître Manuel MOURO,

en l’étude duquel il élit domicile

recourant

 

 

 

contre

 

 

 

OFFICE CANTONAL DE L’ASSURANCE-INVALIDITE,

sis 97, rue de Lyon à Genève

intimé

 


EN FAIT

Monsieur M__________, ressortissant suisse né en août 1972, a accompli un apprentissage de carrossier. Il a travaillé environ une année en tant que carrossier, puis a effectué diverses activités. En 1996, il a ouvert avec deux associés un café-boulangerie à Genève. Ses partenaires l’ayant quitté, il a déposé le bilan de son établissement après trois ans d’activité. Depuis avril 1999, il présente une incapacité totale de travail pour des raisons psychiques.

Dans le cadre d’une assurance privée, la Winterthur assurance, l’assuré a fait l’objet d’une évaluation psychiatrique conduite par le psychiatre A__________, le 9 mai 1999. Ce dernier a formulé les remarques suivantes : « Il s’agit bien d’un état dépressif grave, avec danger de passage à l’acte suicidaire. Collabore à l’entretien, parle avec difficulté, a parfois des blocages, des bouffées d’angoisse. Donne l’impression de quelqu’un qui se trouve dans un profond désarroi, s’accrochant dans la mesure du possible à quelques repères (mère et demi-sœur ainsi que ses deux thérapeutes) ». L’expert a posé les diagnostics suivants : évolution dépressive mixte, névrotique et réactionnelle, avec troubles de la personnalité. Le patient était suivi par la Dresse B__________, ainsi que par Monsieur F__________, psychologue. Il prendrait des antidépresseurs et du Stilnox pour les troubles du sommeil. Le cas demeurait sérieux et le pronostic réservé. La prise en charge paraissait adéquate. Au vu des renseignements anamnestiques et de l’évolution, l’incapacité de travail était totale pour une durée indéterminée. L’expert a encore relevé que l’assuré avait fait une tentative de suicide par pendaison au début des années 1990, suivie d’une hospitalisation forcée à la clinique psychiatrique de Belle-Idée, qui avait duré trois mois (cf. évaluation du Dr A__________ du 10 mai 1999).

En date du 5 mai 2000, l’assuré a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité, visant à l’octroi d’une rente, en raison d’une dépression aiguë, d’une décompensation, d’angoisses, de pulsions suicidaires chroniques depuis 1990, aiguës depuis avril 1999.

Dans un rapport du 25 mai 2000, la Dresse B__________, médecin traitant interniste, a diagnostiqué une dépression chronique dans le cadre d’une névrose d’angoisse avec accès paranoïaque. Son patient présentait une démotivation générale et un isolement progressif suite aux échecs répétés de ses nombreuses tentatives d’insertion professionnelle depuis environ dix ans. L’assuré se trouvait en incapacité totale de travail depuis le 1er avril 1999 pour une durée indéterminée. Dans le questionnaire complémentaire pour les troubles psychiques, ce médecin a précisé que le patient, ayant une personnalité à structure caractérielle, présentait une démotivation générale, une aboulie, une désafférentation socioprofessionnelle depuis dix ans, un isolement progressif ainsi qu’une incapacité d’établir une liaison.

Afin de pouvoir se prononcer sur la demande de prestations de l’assuré, l’OCAI a commis un expert psychiatre à Vevey (cf. courrier de l’Office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après l’OCAI) à l’assuré du 15 juillet 2002).

Par courrier du 29 juillet 2002, une assistante sociale du Centre d’action sociale et de santé de Carouge a informé l’OCAI que l’assuré était incapable d’effectuer le trajet à Vevey. En effet, depuis quelques mois, il vivait dans un isolement complet. Sa situation était très préoccupante aussi bien sur le plan physique que psychique. Une infirmière se rendait à son domicile une fois par mois pour évaluer son état. Le Centre d’action sociale et de santé avait alerté la police car « l’état [de l’assuré] était très délicat et pouvait provoquer des problèmes dans son immeuble ».

Suite à ce courrier, l’OCAI a commis un expert psychiatre à Genève, le Dr D__________. Des entretiens avec l’assuré ont eu lieu les 23 et 24 septembre, 25 et 29 octobre et 5 novembre 2002. L’expert a relevé qu’à 17 ans, l’assuré avait fait une tentative de suicide par strangulation et avait été hospitalisé contre son gré à la clinique de Belle-Idée. Il avait été traité par divers psychiatres. Depuis avril 1999, il était suivi par la Dresse E__________, généraliste, et parallèlement par Monsieur F__________, psychologue. A diverses reprises, il lui avait été prescrit des médicaments psychotropes, entre autre l’Anafranil, le Seropram, le Xanax et des somnifères. Actuellement, il ne prenait que du Tranxilium et des somnifères. L’expert a posé les diagnostics suivants : troubles mentaux et troubles du comportement liés à l’utilisation du cannabis ; personnalité émotionnellement labile. L’appréciation du cas était rendue difficile par une consommation régulière d’intoxicants. Par le passé, l’assuré avait démontré son aptitude à fournir un rendement élevé dans ses activités professionnelles, malgré ses symptômes. Les troubles en question n’étaient actuellement pas assez sévères pour avoir valeur d’invalidité. L’activité exercée jusqu’ici était exigible, probablement à raison de 8 heures par jour, à condition que l’assuré ne s’intoxiquât pas. Tant que l’expertisé continuerait à consommer régulièrement des substances toxiques, on ne pouvait préjuger de l’efficacité de mesures destinées à faciliter son adaptation à un poste de travail. L’abstinence était souhaitable.

L’expertisé et l’expert avaient relu ensemble l’expertise. L’assuré avait signalé son désaccord avec le diagnostic et les conclusions, en faisant valoir qu’il n’avait pas consommé de cannabis depuis juin 2002 environ. Il n’avait pas mentionné ce fait plus tôt car l’expert ne lui avait pas posé de question à ce sujet. Il cultivait lui-même le chanvre indien mais n’en faisait la récolte qu’une fois par année. Son abstinence de quelques mois s’expliquait par l’épuisement de son stock en juin 2002, dû à sa forte consommation. Pour le surplus, l’assuré estimait inutile de proposer des modifications du texte, dont au moins la moitié ne reflétait pas la réalité. En effet, il n’avait plus aucune envie de vivre depuis l’âge de 17 ans ; il était psychiquement épuisé et démotivé depuis la faillite de son entreprise. Il souffrait d’un sentiment d’aliénation (cf. expertise du 5 novembre 2002 du Dr D__________).

Par courrier du 10 décembre 2002, la Dresse B__________ et le psychologue F__________ se sont adressés à l’OCAI, contestant l’expertise du Dr D__________. Ils ont formulé les remarques suivantes : « Nous tenons à vous faire part de notre très vive préoccupation concernant Monsieur M__________ qui est entré en grave dépression depuis les entretiens qu’il a eus avec le psychiatre, Dr A. D__________. En effet, ce dernier lui a fait savoir que sa situation n’était pas assez importante pour mériter une rente de l’assurance-invalidité. Nous sollicitons de votre part un préavis sur la manière dont vous envisagez la prise en charge de Monsieur M__________ qui se trouve dans l’incapacité absolue de se réinsérer professionnellement. Cette information revêt une importance capitale puisque nous pressentons un geste désespéré, ce patient a sombré dans un retrait existentiel total et ne trouve plus aucune raison de vivre ayant le sentiment grave que rien ne peut réussir dans son existence. Il est atteint d’une perte de confiance extrême et est hanté par des sentiments paranoïaques. Nous sommes très étonnés que le Dr D__________ n’ait pas observé la régression de Monsieur M__________ et s’en soit tenu à des critères psychiatriques objectifs pour en juger la situation ».

Par courrier du 17 décembre 2002, le Dr F__________, médecin-conseil de l’assurance-invalidité, a interrogé la Dresse B__________ quant à l’état de santé de l’assuré.

Par courrier du 30 décembre 2002, la Dresse B__________ a répondu au Dr F__________ : « La situation de Monsieur M__________ est grave et j’ai de la peine à comprendre que le Dr D__________ n’ait pas retenu les témoignages de l’infirmière qui lui apporte des soins hebdomadaires, ni l’expertise demandée par l’assurance Winterthur à un confrère psychiatre, le Dr A__________ de Pully, qui constate, en date du 9 juin 1999, un état dépressif grave avec danger de passage à l’acte suicidaire. Il est évident que la rencontre de Monsieur M__________ avec le Dr D__________ s’est fort mal passée. Vous demandez s’il existait un trouble psychique l’empêchant de travailler avant ces entretiens [entretiens entre le Dr D__________ et l’assuré]. L’expertise du Dr A__________ l’atteste. Je m’occupe bien entendu de la prise en charge de l’affection actuelle de Monsieur M__________. Je le suis depuis plusieurs mois avec un traitement antidépresseur important. En effet, ce patient refuse la prise en charge par tout autre confrère d’autant plus qu’il est suivi en mon cabinet par un psychologue qui m’affirme que le versement d’une rente de l’assurance-invalidité serait une solution pour maintenir Monsieur M__________ dans un état stationnaire à partir duquel il serait possible d’envisager un traitement de réintégration. Je vous prie de croire, cher collègue, que la situation de Monsieur M__________ me préoccupe. Ce patient est « borderline » et ne supporterait en aucun cas une hospitalisation ».

Par décision du 27 janvier 2003, l’OCAI a refusé l’octroi de toute prestation à l’assuré au motif qu’une dépendance à des substances toxiques ne constituait une invalidité que si elle entraînait une atteinte à la santé physique ou mentale nuisant à la capacité de gain ou si la dépendance résultait d’une atteinte à la santé ayant valeur de maladie invalidante, ce qui n’était pas le cas en l’occurrence.

Par courrier du 17 février 2003, l’assuré a formé opposition à cette décision, contestant le fait que son état de santé soit dû à une dépendance à des substances toxiques. Il a joint à son opposition une attestation de Monsieur F__________, ainsi que le témoignage d’un de ses amis. Monsieur F__________ a expliqué qu’il suivait l’assuré au cabinet de la Dresse B__________. L’assuré souffrait d’une dépression grave qui le contraignait à demander de l’aide à l’Hospice général. Les causes de cette dépression remontaient à une dizaine d’années. Il avait été victime d’une série de blessures et d’humiliations qui lui avaient fait perdre toute velléité de s’insérer professionnellement et socialement, ainsi que toute motivation sur un plan personnel, affectif et émotionnel. Il se trouvait dans l’incapacité de structurer son présent et d’investir son énergie vitale dans une action cohérente. Il avait développé parallèlement une négativité et des comportements de type paranoïaque graves. Une pulsion suicidaire était indéniable. La psychothérapie n’avait pas amené d’amélioration notoire. Ce patient se trouvait dans un état de survie depuis plusieurs années et la prise de médicaments antidépresseurs n’avait pas amélioré la situation. Monsieur F__________ avait de la peine à comprendre les conclusions du Dr D__________ qui n’avait examiné, comme élément invalidant, que la consommation de cannabis. Ce dernier avait complètement omis d’examiner les autres paramètres de la situation de l’assuré. Le thérapeute sollicitait une contre-expertise auprès d’un expert indépendant (cf. courrier de Monsieur F__________ du 17 février 2003). Par ailleurs, Monsieur T__________, ami de l’assuré résidant à Lyon, attestait également qu’il voyait régulièrement l’assuré lors de ses passages à Genève. Il constatait un état de dégradation croissant aggravé par la décision de l’assurance-invalidité. En effet, l’assuré n’était plus en état de se prendre en mains, ni d’assurer la moindre activité économique. Les probabilités que ce dernier tente de mettre fin à ses jours étaient très sérieuses. Le diagnostic portant sur une incapacité de travail pour des raisons de psycho-dépendance ne correspondait pas à la réalité. La dégradation psychologique de l’état de santé de son ami ne pouvait pas s’expliquer par le seul fait de la consommation de cannabis, consommation dont il n’avait pas été usager de façon constante (cf. courrier de Monsieur T__________, éducateur, du 17 février 2003).

Par courrier du 20 février 2003, Monsieur F__________ a transmis à l’OCAI un courrier du 18 février 2003 de Madame B__________, assistante sociale à l’Hospice général. Cette dernière expliquait suivre l’assuré socialement et financièrement chaque semaine. L’état de santé de ce dernier était préoccupant, car son état dépressif s’était fortement péjoré depuis la décision de refus de l’OCAI. Elle mentionnait les faits suivants : Le 18 avril 2002, le responsable du service social de la ville de Carouge avait pris contact avec la police afin de signaler l’état de détresse de l’assuré, qui avait émis des menaces contre sa vie et celle de ses voisins. Le 1er mai 2002, la Fondation d’aide à domicile avait chargé une infirmière clinique de se présenter au domicile de l’assuré afin de l’aider à dépasser son état dépressif. Ce service avait demandé à une entreprise de nettoyage de mettre en ordre son appartement car il y avait une année que le ménage n’avait pas été fait. Le 1er juin 2002, afin d’encourager l’assuré à sortir de son appartement, elle avait demandé au service social de la ville de Carouge de lui octroyer une carte pour la piscine. A cette époque, celui-ci ne sortait plus de son appartement, ni pour faire ses courses, ni pour faire ses paiements. L’Hospice général avait dû prendre en charge la gestion de ses paiements de base (loyers et frais médicaux). Le 29 juillet 2002, Madame B__________ avait informé l’OCAI que l’assuré était incapable de se rendre à Vevey pour une expertise psychiatrique. Le 5 novembre 2002, cette dernière avait pris contact avec la Dresse B__________ pour l’informer que l’assuré avait eu un entretien très difficile avec l’expert psychiatre, élément qui avait provoqué une rechute. En raison de cette rechute, elle avait pris contact avec les îlotiers de Carouge afin de prévenir une situation qui aurait pu tourner au drame. A ce jour, l’assuré ne sortait de chez lui que pour voir son assistante sociale et ses médecins. Il s’opposait à ce que quiconque s’approche de son domicile et vivait dans l’isolement le plus complet.

Par décision sur opposition du 16 juin 2003, l’OCAI a rejeté l’opposition formée par l’assuré et confirmé sa décision initiale. En effet, il ressortait des pièces du dossier que l’assuré souffrait épisodiquement depuis de nombreuses années de troubles psychiques et de troubles de la personnalité. Ces affections ne l’avaient toutefois pas empêché d’accomplir une formation professionnelle, ni d’exercer une activité lucrative. De plus, selon le Dr D__________, dont l’expertise avait pleine valeur probante, la reprise d’une activité lucrative était exigible et aurait même un effet salutaire sur la santé mentale de l’assuré. Par ailleurs, le Tribunal fédéral des assurances (ci-après le TFA) avait rendu une jurisprudence claire quant au caractère invalidant de la toxicomanie. Celle-ci ne constituait pas, en soi, une invalidité au sens de la loi. En revanche, elle jouait un rôle dans l’assurance-invalidité lorsqu’elle avait provoqué une maladie ou un accident qui entraînait une atteinte à la santé physique ou mentale, nuisant à la capacité de gain ou si elle résultait elle-même d’une atteinte à la santé physique ou mentale ayant valeur de maladie. Or, tel n’était pas le cas en l’occurrence.

Par courrier du 5 août 2003, l’assuré a recouru contre cette décision sur opposition, se référant aux rapports médicaux de la Dresse B__________ et du psychothérapeute F__________ des 17 février et 28 juillet 2003, selon lesquels il était dans l’impossibilité de se réinsérer professionnellement. Sa pathologie maniaco-dépressive s’était accentuée et il présentait de très profondes dépressions avec des composantes paranoïaques graves et des scénarios suicidaires.

Dans une réponse du 26 août 2003, l’OCAI, concluant au rejet du recours, a rappelé que les troubles psychiques diagnostiqués chez le recourant dès 1990 ne l’avaient pas empêché d’acquérir des connaissances professionnelles et d’exercer une activité lucrative jusqu’en 1999. En outre, selon le Dr D__________, l’assuré avait démontré son aptitude à s’adapter à un environnement professionnel, à condition de ne pas s’intoxiquer. Pour le surplus, l’OCAI s’est référé à sa décision sur opposition du 16 juin 2003.

Par fax du 1er septembre 2003, Madame MONOD, employée au service juridique de l’OCAI, a transmis au Tribunal de céans une note de Madame B__________ du Centre d’action sociale et de santé du 27 août 2003, qui mentionnait que si l’OCAI refusait l’octroi de prestations au recourant, ce dernier attenterait à ses jours, en faisant auparavant « exploser » cet office ou le cabinet de l’expert psychiatre l’ayant examiné.

Dans une réplique du 17 novembre 2003, l’avocat du recourant a exposé que ce dernier se trouvait, en raison de ses troubles psychiques, dans l’incapacité de se soumettre à de nouvelles investigations médicales ; il vivait en effet reclus à son domicile et ne souhaitait rencontrer personne. Le Dr D__________ ne paraissait pas avoir pris l’assuré au sérieux, en réduisant de manière simplificatrice ses problèmes de santé à la seule consommation de drogue. Selon cet expert, les troubles de l’expertisé existaient depuis 1990, sans pour autant qu’ils l’aient empêché de mener à bien une formation et d’avoir exploité un café à Genève. Cependant, le recourant consommait du cannabis depuis l’âge de 25 ans, soit depuis 1996. Or, c’était précisément à ce moment-là qu’il avait déployé l’activité professionnelle la plus intense. Ainsi, lorsqu’il avait présenté une incapacité de travail en 1999, il consommait du cannabis depuis trois ans, ce qui prouvait que la cause de son incapacité devait être recherchée ailleurs que dans la consommation de drogues douces. Par ailleurs, sans expliquer pourquoi, l’expert reconnaissait qu’une aggravation, qui pouvait avoir valeur d’invalidité, s’était peut-être produite pendant une période indéterminée entre 1999 et septembre 2002. L’expert n’indiquait toutefois pas comment la situation de l’assuré se serait améliorée de manière spontanée. Expliquer au recourant « fumez un peu moins de cannabis et tout ira mieux » n’était tout simplement pas sérieux. Une telle réponse allait à l’encontre des appels au secours de l’assuré et des mises en garde de son médecin traitant et des services sociaux, qui, tous, avaient pu observer les profonds dérangements dont ce dernier était victime. En outre, la Dresse B__________ avait relevé que l’état de son patient ne s’était pas amélioré contrairement à ce qu’indiquait l’expert. Elle se déclarait préoccupée et craignait que ses tendances suicidaires ne se concrétisassent par un passage à l’acte. Quant à l’expertise du Dr A__________, effectuée en juin 1999, elle concluait clairement que l’incapacité de travail de l’assuré était totale, en raison d’une évolution dépressive mixte, névrotique et réactionnelle avec troubles de la personnalité. Cet expert confirmait également avoir constaté un état dépressif grave avec danger de passage à l’acte suicidaire. Enfin, la Dresse B__________ confirmait que son patient refusait toute intervention d’un autre médecin. Ainsi, il convenait de procéder à des investigations complémentaires par le biais d’enquêtes. Le recourant sollicitait en conséquence que soient entendues son assistante sociale, Madame Emma B__________, ainsi que Madame V__________, infirmière à la Fondation de l’aide à domicile (FSASD).

Dans une duplique du 20 janvier 2004, l’OCAI a persisté dans ses conclusions et s’est référé à l’avis de son médecin-conseil, le Dr F__________, selon lequel, une aggravation serait possible suite à la réponse négative de l’OCAI, ce qui pourrait justifier une révision, bien que l’assuré ne tentât pas de diminuer le dommage en cessant ou en contrôlant mieux sa consommation de produits toxiques.

Par fax du 1er septembre 2003, l’OCAI a transmis au Tribunal de céans le courrier de Madame B__________, selon lequel l’assuré pourrait être dangereux pour les collaborateurs de l’OCAI et l’expert psychiatre l’ayant examiné.

Par courrier du 11 août 2004, l’OCAI, se fondant sur le courrier de Madame B__________ du 27 août 2003, a demandé que le recourant ne soit pas présent aux audiences d’instruction, en raison de sa dangerosité. Cet office a en outre transmis la plainte pénale déposée contre l’assuré auprès du Procureur général, le 10 septembre 2003.

Divers échanges de courriers ont eu lieu entre les parties, le Tribunal de céans et le Parquet du Procureur général, concernant notamment les menaces proférées par le recourant à l’encontre de l’OCAI et de l’expert psychiatre.

Suite à ces courriers, le Tribunal de céans a décidé d’entendre le recourant en audience de comparution personnelle et de le faire assister aux audiences d’enquêtes qui ont été agendées au 23 novembre 2004.

Par courrier du 5 novembre 2004, l’OCAI a informé le Tribunal de céans qu’il ne participerait pas aux audiences de comparution personnelle et d’enquêtes, en raison de la présence du recourant à ces dernières.

En date du 23 novembre 2004, le recourant a été entendu par le Tribunal de céans. Il a rappelé son angoisse de sortir de son domicile ; il était cependant conscient qu’une contre-expertise serait utile.

A l’audience d’enquêtes tenue le même jour, ont été entendus le Dr G__________, interniste, Madame V__________, infirmière FSASD, la Dresse B__________, interniste, le Dr A__________, expert psychiatre et le Dr D__________, expert psychiatre. Leurs déclarations seront reprises en tant que de besoin dans la partie en droit.

Par courrier du 24 novembre 2004, le Dr D__________, suite à une demande du Tribunal, a transmis des copies des pages de la CIM-10, énumérant les critères qui l’avaient amené à diagnostiquer des troubles mentaux, troubles du comportement et troubles spécifiques de la personnalité (personnalité émotionnellement labile) chez le recourant. Il a relevé qu’à son avis, l’humeur de l’expertisé était instable, que ce dernier était enclin aux éclats de colère et disposé à un comportement querelleur ; de manière répétée, il menaçait d’accomplir des actes auto-agressifs, notamment, et il décrivait un état d’âme assimilable à un sentiment permanent de vide. L’expert s’est étonné que les cliniciens traitant le recourant estimaient qu’il constituait un danger imminent pour lui-même, sans pour autant prendre les mesures qui s’imposaient pour le mettre à l’abri de l’autodestruction.

Par courrier du 1er décembre 2004, l’OCAI a formulé des observations suite aux audiences du 25 novembre 2004. Il a relevé que les témoignages des Drs G__________ et B__________ et de Madame V__________ ne pouvaient ébranler les conclusions de l’expert psychiatre, puisque ceux-ci n’étaient pas des spécialistes en psychiatrie. Quant au Dr A__________ psychiatre, il n’avait rencontré le recourant qu’à une seule reprise et son rapport d’évaluation n’était pas aussi complet qu’une expertise. Enfin, le Dr D__________ avait confirmé les diagnostics qu’il avait retenus dans son rapport d’expertise et avait expliqué les raisons l’ayant conduit à écarter le diagnostic d’état dépressif.

Par courrier du 25 novembre 2004, le Tribunal de céans a informé l’OCAI de sa décision de soumettre le recourant à une contre-expertise psychiatrique.

Par courrier du 8 décembre 2004, le recourant a relevé qu’il présentait plutôt une personnalité paranoïaque et non une personnalité émotionnellement labile, contrairement au diagnostic retenu par l’expert D__________. Il a enfin approuvé l’ordonnance d’une nouvelle expertise psychiatrique.

Par courrier du 10 décembre 2004, l’OCAI s’est référé à ses précédentes écritures.

Par courriers du 28 février 2005, le Tribunal de céans a soumis aux parties le nom de l’experte psychiatre retenue, ainsi que la liste des questions qu’il entendait lui poser.

Par courrier du 10 mars 2005, l’OCAI a proposé des questions complémentaires.

EN DROIT

 

1. La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs (art. 162 LOJ).

2. Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. a ch. 2 de la loi genevoise sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ), le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) qui sont relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI).

3. La LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2003 et a entraîné la modification de nombreuses dispositions dans le domaine de l’assurance-invalidité. La législation en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002 demeure toutefois déterminante en l’espèce. En effet, d’après la jurisprudence, la législation applicable en cas de changement de règles de droit reste celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATF 125 V 467 consid. 1 ; 126 V 166 consid. 4b), les faits sur lesquels l’autorité de recours peut être amenée à se prononcer dans le cadre d’une procédure de recours de droit administratif étant par ailleurs ceux qui se sont produits jusqu’au moment de la décision administrative litigieuse (ATF 121 V 366 consid. 1b). Les dispositions de la LAI et de son règlement d’application seront donc citées dans leur teneur en vigueur avant le 31 décembre 2002.

4. Le Tribunal de céans constate en outre que le recours, interjeté en temps utile et dans les formes requises, est recevable à la forme, conformément à l’art. 60 LPGA.

5. Aux termes de l'art. 4 LAI, l'invalidité est la diminution de la capacité de gain, présumée permanente ou de longue durée, qui résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale, provenant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident.

Selon la jurisprudence du TFA, l’objet de l’assurance n’est pas l’atteinte à la santé en soi ; ce sont plutôt les conséquences économiques qui en découlent, soit l’incapacité de réaliser un gain par un travail exigible (ou d’accomplir les travaux habituels pour les non actifs). La notion d’invalidité est ainsi une notion juridique, basée sur des éléments essentiellement économiques, qui ne se confond pas forcément avec le taux de l’incapacité fonctionnelle, tel que le détermine le médecin ; ce sont les conséquences économiques de l’incapacité fonctionnelle qu’il importe d’évaluer (ATF 105 V 207 et ss. ; 106 V 88 ; 110 V 275 ; RCC 1981 p. 124 consid. 1a).

Parmi les atteintes à la santé psychique, qui peuvent, comme les atteintes physiques, provoquer une invalidité au sens de l’art. 4 al. 1 LAI, on doit mentionner - à part les maladies mentales proprement dites -, les anomalies psychiques qui équivalent à des maladies. On ne considère pas comme des conséquences d’un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l’assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l’assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible. Il faut donc établir si et dans quelle mesure un assuré peut, malgré son infirmité mentale, exercer une activité que le marché du travail lui offre, compte tenu de ses aptitudes. Le point déterminant est ici de savoir quelle activité peut raisonnablement être exigée. Pour admettre l’existence d’une incapacité de gain causée par une atteinte à la santé mentale, il n’est donc pas décisif que l’assuré exerce une activité lucrative insuffisante ; il faut bien plutôt se demander s’il y a lieu d’admettre que la mise à profit de sa capacité de travail ne peut, pratiquement, plus être raisonnablement exigée de lui ou qu’elle serait même insupportable pour la société (ATF 102 V 165 ; VSI 1996 p. 318 consid. 2a; p. 321 consid. 1a; p. 424 consid. 1a ; RCC 1992 p. 182 consid. 2a et les références).

6. Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé de l’assuré et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités ce dernier est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 261 consid. 4; 115 V 134 consid. 2; 114 V 314 consid. 3c ; 105 V 158 consid. 1).

En principe, le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale, a fortiori judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice ou de l’administration afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise (judiciaire) le fait que celle-ci contienne des contradictions ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 352 consid. 3b/aa et les références). En effet, conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, l'administration est tenue d'ordonner une instruction complémentaire lorsque les allégations des parties et les éléments ressortant du dossier requièrent une telle mesure. En particulier, elle doit mettre en oeuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 283 consid. 4a; RAMA 1985 K 646 p. 240 consid. 4).

Selon la jurisprudence et la doctrine, l’autorité administrative ou le juge ne doit considérer un fait comme prouvé que lorsqu’ils sont convaincus de sa réalité (Kummer, Grundriss des Zivilprozessrechts, 4ème édition Berne 1984, p. 136 ; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2ème édition, p. 278 ch. 5). Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5 let. b 125 V 195 consid. ch. 2 et les références).

En ce qui concerne, par ailleurs, la valeur probante d’un rapport médical, ce qui est déterminant, c’est que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description du contexte médical soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 122 V 160 consid. 1c et les références). L’élément déterminant pour la valeur probante n’est en principe ni l’origine du moyen de preuve, ni sa désignation, sous la forme d’un rapport ou d’une expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 122 V 160 consid. 1c ; OMLIN, die Invaliditätsbemessung in der obligatorischen Unfallversicherung p. 297 et ss.; MORGER, Unfallmedizinische Begutachtung in der SUVA, in RSAS 32/1988 p. 332 et ss.). A cet égard, MEINE souligne que l’expertise doit être fondée sur une documentation complète et des diagnostics précis, être concluante grâce à une discussion convaincante de la causalité et apporter des réponses exhaustives et sans équivoque aux questions posées (MEINE, l’expertise médicale en Suisse : satisfait-elle aux exigences de qualités actuelles ? in RSAS 1999, p. 37 et ss.). Dans le même sens, BUEHLER expose qu’une expertise doit être complète quant aux faits retenus, à ses conclusions et aux réponses aux questions posées. Elle doit être compréhensible, concluante et ne pas trancher des points de droit (BUEHLER, Erwartungen des Richters an der Sachverständigen, in PJA 1999 p. 567 et ss.).

En l’occurrence, se trouvent notamment au dossier une expertise psychiatrique conduite par le Dr D__________, ainsi qu’une évaluation psychiatrique établie par le Dr A__________, dans le cadre d’une assurance privée. Ces deux experts arrivent à des conclusions diamétralement différentes.

Selon l’expert A__________, le recourant présente, en 1999, un état dépressif grave avec danger de passage à l’acte suicidaire, ainsi que des troubles de la personnalité ; à cette époque son incapacité de travail est totale. Le Dr D__________ retient quant à lui les diagnostics suivants : troubles mentaux et troubles du comportement liés à l’utilisation du cannabis, personnalité émotionnellement labile. L’expertisé est selon lui capable d’exercer son ancienne activité à plein temps, à condition de ne pas s’intoxiquer. Il relève en outre que les troubles dont souffre l’assuré depuis sa 18ème année ne l’ont pas empêché de terminer sa formation professionnelle ni d’exercer diverses activités lucratives jusqu’en 1999. Une aggravation équivalente à une invalidité a pu se produire pendant une période indéterminée entre 1999 et septembre 2002. Cependant, actuellement lesdits troubles ne sont pas assez sévères pour constituer une invalidité.

Le Tribunal de céans relève certaines contradictions dans les conclusions du Dr D__________. En effet, selon lui, les troubles présentés par le recourant (troubles mentaux et troubles du comportement liés à l’utilisation du cannabis, personnalité émotionnellement labile) sont manifestes depuis l’âge de 18 ans (cf. page 7 de l’expertise du Dr D__________); or à cette époque, l’expertisé ne consommait pas de cannabis. En effet, l’expert fait remonter le début de la consommation de l’assuré à l’âge de 24 ou 25 ans (cf. page 6 de l’expertise du Dr D__________). En outre, lors de l’expertise de novembre 2002, le recourant a affirmé ne plus avoir consommé de cannabis depuis juin 2002, ce dont l’expert n’a aucunement tenu compte pour poser son diagnostic. Enfin, le psychiatre D__________ ne se prononce pas sur les facteurs éventuels d’une amélioration entre 1999 (date de l’expertise du Dr A__________) et 2002.

Il y a également lieu de relever qu’en 1996 ou 1997 (début de la consommation de cannabis), le recourant présentait une pleine capacité de travail, ce qui laisse supposer que depuis 1999, il présente d’autres troubles que ceux liés à l’utilisation du cannabis, ayant une influence sur sa capacité de travail.

Par ailleurs, le Tribunal de céans a entendu des témoins dont l’avis tranche singulièrement avec celui du Dr D__________.

Tout d’abord, le Dr A__________ a confirmé les diagnostics qu’il avait posés en 1999. Il a relevé que le recourant ne lui avait pas donné l’impression de quelqu’un qui consomme du cannabis, bien qu’il ait l’habitude des toxicomanes. Ce qui l’avait surtout frappé chez l’expertisé était l’état dépressif. Il s’est étonné, lors de l’audience d’enquêtes, que le Dr D__________ n’ait pas fait mention de troubles dépressifs. Il a enfin précisé que lorsque le cannabis entraînait des troubles, il s’agissait plutôt de troubles de la mémoire ou de la concentration. Il pouvait également survenir des psychoses de cannabis, ce qui ne semblait pas être le cas en l’espèce. Dans de telles psychoses, l’on constatait en effet « une descente », alors qu’en l’occurrence, on avait plutôt affaire à des troubles continus. Cet expert ne pouvait pas affirmer que le cannabis n’était pour rien dans les troubles présentés par le recourant, mais il ne pensait pas que ce fut le cas. La prise de cannabis, même importante, ne pouvait entraîner un état dépressif tel que celui dont souffrait l’assuré. S’il devait poser un diagnostic en voyant l’expertisé lors de l’audience, il confirmerait tout au moins l’état dépressif. Enfin, il était évident que lors de son rapport de mai 1999, l’expertisé présentait une incapacité totale de travail.

Le Tribunal de céans a également entendu Madame V__________, infirmière FSASD. Elle a expliqué être allée cinq fois au domicile de l’assuré, du 5 juin au 11 septembre 2002, mandatée par la Dresse B__________ qui était inquiète parce que son patient ne venait plus à ses consultations. Son rôle consistait à entrer en contact avec le recourant, puis à élaborer avec lui des tâches de la vie quotidienne. Il avait fallu mettre en place une structure pour l’encourager à aller faire des courses, puis à se faire à manger. En effet, lorsqu’elle était intervenue, l’assuré ne se préparait plus de repas et mangeait très peu. Il ne pouvait pas sortir de peur de rencontrer du monde. Il ne quittait son appartement que si la sortie était bien définie, par exemple pour aller à ses rendez-vous de médecins. Il ne sortait en revanche pas pour des loisirs. En outre, l’appartement du patient était encombré. Il avait fallu négocier avec lui pour le ranger et faire appel à un service de nettoyage qui avait aidé à tout mettre en ordre. Le patient n’avait jamais été agressif avec elle et elle avait pu constater un état de grande détresse ; il était très en colère contre tout le monde et très déprimé. Lorsqu’elle l’avait vu, il était dans un état de détresse tel qu’elle ne pouvait imaginer qu’il ait été capable de travailler, même à temps partiel. Elle n’avait jamais remarqué de consommation de cannabis. Enfin, elle avait eu connaissance d’une intervention de la police dans son appartement.

La Dresse B__________ a exposé, lors de l’audience d’enquêtes, qu’elle suivait le recourant depuis avril 1999. Elle confirmait le diagnostic posé dans son rapport du 25 mai 2000 (grave état dépressif avec risque suicidaire) et estimait l’incapacité de travail de son patient totale au vu de son état de santé. L’expertisé lui avait confié qu’il consommait très rarement du cannabis. A son avis, ce n’était pas la consommation de cannabis qui avait pu entraîner son état de santé actuel. Enfin, elle a précisé que son patient prenait des antidépresseurs, des anxiolytiques et des somnifères.

Ces témoignages, ainsi que l’avis de l’expert A__________, sont de nature à mettre en doute les diagnostics posés par l’expert D__________, qui semble n’avoir pas pris en considération l’état dans lequel se trouve le recourant, qui vit reclus chez lui et qui par périodes ne peut même plus faire ses courses ni s’alimenter normalement. Les nombreux courriers de la Dresse B__________ et du psychologue F__________, qui traitent régulièrement le recourant, sont également de nature à soulever des doutes quant aux conclusions du Dr D__________. En effet, selon eux, l’expertisé présente un grave état dépressif avec risque suicidaire et il ne consomme pas ou peu de cannabis.

Au vu de ce qui précède, il paraît très surprenant que l’expert D__________ n’ait retenu que les diagnostics de troubles mentaux et troubles du comportement liés à l’utilisation du cannabis et de personnalité émotionnellement labile et ait estimé la capacité de travail du recourant complète, alors que son expertise manque singulièrement de précisions quant à la consommation de cannabis de l’expertisé, notamment quant à la période d’abstinence évoquée par ce dernier, depuis juin 2002.

Le Tribunal de céans estime par conséquent nécessaire de soumettre le recourant à une contre-expertise psychiatrique, qui sera conduite par la Dresse J__________, médecin spécialiste FMH en psychiatrie, afin de pouvoir déterminer avec certitude les troubles présentés par le recourant et la présence ou non d’une incapacité de travail.

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

 

Statuant

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Préparatoirement :

2. Ordonne une expertise psychiatrique.

3. La confie à la Dresse J__________, psychiatre.

4. Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

a) Prendre connaissance du dossier de la cause.

b) Si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ou psychothérapeutes non médecins ayant suivi ou examiné le recourant.

c) Examiner le recourant.

d) Etablir un rapport écrit (établir l’anamnèse, le status clinique) et répondre notamment au questions suivantes :

1) Quelle est l’anamnèse détaillée du cas ?

2) Quelles sont les plaintes du patient ?

3) Quelle-s est-sont l’-les atteinte-s à la santé dont souffre le recourant (diagnostic-s précis et degré de l’atteinte : faible, moyen, grave) ?

4) Quel-s est-sont le-s diagnostic-s avec répercussion sur la capacité de travail et celui-ceux sans répercussion sur la capacité de travail ?

5) Quelle est la capacité de travail du recourant ? Si cette capacité est diminuée, en raison de quelle-s atteinte-s, depuis quand et à quel degré (par exemple depuis le 1er juillet diminuée de 25%, depuis le 1er août diminuée de 100%) ?

6) Si une toxicomanie (dépendance au cannabis) est diagnostiquée chez l’expertisé, a-t-elle une répercussion sur sa capacité de travail ?

7) Si oui, depuis quelle date cette toxicomanie a-t-elle engendré une incapacité de travail et à quel taux ? Cette éventuelle incapacité de travail a-t-elle subi des fluctuations jusqu’à la date du 27 janvier 2003 (date de la décision de l’OCAI) ?

8) Si une toxicomanie (dépendance au cannabis) est diagnostiquée, son influence est-elle prépondérante dans la justification d’une éventuelle incapacité de travail ou y-a-t-il une-des autre-s atteinte-s à la santé ayant une répercussion prépondérante sur l’incapacité de travail ?

9) En cas de réponse positive à la question n° 8, quelle-s autre-s atteinte-s engendre-ent-elle-s une incapacité de travail et à quel taux ? Cette éventuelle incapacité de travail a-t-elle subi des fluctuations jusqu’à la date du 27 janvier 2003 (date de la décision de l’OCAI) ?

9) Si une toxicomanie (dépendance au cannabis) est diagnostiquée, est-elle la conséquence ou le symptôme d’une atteinte à la santé psychique engendrant une incapacité de travail ?

10) Si une toxicomanie (dépendance au cannabis) est diagnostiquée, est-elle la cause d’une atteinte à la santé psychique engendrant une incapacité de travail ?

11) Quel est le pronostic ?

12) Quels sont les traitements possibles ? Ceux-ci ont-ils été tentés ?

13) Des mesures thérapeutiques peuvent-elles encore améliorer l’état de santé de l’assuré ?

14) Une activité par rapport aux troubles psychiques est-elle raisonnablement exigible de l’assuré ? Le cas échéant, quelle activité ?

15) Si plus aucune activité n’est raisonnablement exigible, pour quelle-s raison-s ?

16) L’état de santé du recourant est-il stabilisé ? Sinon, doit-on s’attendre à une amélioration ou à une péjoration ?

17) Faire toutes autres observations et suggestions utiles.

5. Réserve le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre la présente ordonnance dans un délai de 10 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

La greffière:

 

 

Marie-Louise QUELOZ

 

La Présidente :

 

 

Doris WANGELER

 

 

La secrétaire-juriste : Frédérique GLAUSER

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le