Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1282/1999

ATAS/32/2005 du 20.01.2005 ( AVS ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1282/1999 ATAS/32/2005

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

3ème chambre

du 20 janvier 2005

En la cause

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, route de Chêne 54, 1211 Genève 29

demanderesse

contre

Monsieur B__________

Monsieur C__________

Tous deux comparant par Me François MEMBREZ en l’étude duquel ils élisent domicile

défendeurs

Anciens organes de la société X__________ SA (faillie)


EN FAIT

La société anonyme X__________ (ci-après la société) a été inscrite au registre du commerce de Genève dès le 3 janvier 1994. Son but consistait en prestations et conseils en informatique, bureautique et télématique ainsi qu’en activité commerciale liée à l’informatique, gestion des entreprises et formation de personnel. Elle était affiliée à la Caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après la caisse) (pièce 1 caisse).

Messieurs B__________ et C__________ ont occupé la fonction d’administrateur au sein de la société du 27 février 1995 au 13 août 1996, le premier bénéficiant de la signature individuelle, le second de la signature collective à deux avec Monsieur L__________, administrateur-président (pièce 1 caisse).

Par décision du 7 mars 1996, la caisse a réclamé à la société un montant de 55'800 fr. 65 correspondant aux arriérés de cotisations AVS/AI/APG/AC (ci-après les cotisations sociales) pour l’année 1995, frais et intérêts y compris (pièce 12 caisse).

Le 16 avril 1996, elle a sommé la société de s’acquitter des cotisations sociales en souffrance au mois de mars 1996. Le 20 juin 1996, elle a prononcé une amende et a taxé d’office la société, cette dernière devant s’acquitter de 20'310 fr. (pièce 17 caisse).

De juillet 1996 à mars 1997, la caisse a mensuellement sommé la société de s’acquitter des cotisations sociales en souffrance pour les mois de juin 1996 à février 1997 (hormis pour janvier 1997) et l’a chaque fois taxée d’office.

Par trois commandements de payer séparés des 30 septembre, 11 octobre et 27 novembre 1996, la caisse a requis auprès de l’Office des poursuites et faillites Rhône-Arve (ci-après l’OP) le paiement de 55'248 fr. 15, intérêts et frais de poursuites en sus, à titre de cotisations sociales arriérées pour 1995, de 20'110 fr., intérêts et frais de poursuite en sus, à titre de cotisations sociales arriérées du mois de mars 1996 et de 21'344 fr., intérêts et frais en sus, à titre de cotisations sociales arriérées pour juin 1996 (pièces 14, 18 et 22 caisse).

Par deux commandements de payer séparés du 15 janvier 1997, la caisse a encore requis paiement de 40'020 fr. (2 x 20'010 fr.), intérêts et frais de poursuite en sus, à titre de cotisations sociales arriérés pour les mois de juillet et août 1996 (pièces 27 et 32 caisse).

Par jugement du 4 mars 1997, le Tribunal de première instance de la République et canton de Genève (ci-après le TPI) a prononcé la faillite de la société.

Suite aux réquisitions de continuer les poursuites déposées par la caisse le 10 avril 1997, l’OP lui a répondu, en date des 18 et 30 avril 1997, qu’elle ne pouvait y donner suite, la société ayant été déclarée en faillite (pièces 16, 20, 24, 29, 34 et 38 caisse).

Le 23 juillet 1997, après la liquidation sommaire du 11 juillet 1997, l’OP a imparti à la caisse un délai au 22 août 1997 pour produire sa créance, ce qu’elle a fait le 28 juillet 1997, provisoirement, pour 300'000 fr. (pièces 4 à 8 caisse).

Au cours du mois d’octobre 1997, la caisse a effectué un contrôle final d’employeur sur la période du 1er janvier 1994 au 4 mars 1997 dans les locaux de l’OP. Elle a pu avoir accès aux grands livres des années 1994, 1995 et du 30 septembre 1996 et a pu constater qu’aucune comptabilité n’avait été tenue pour la période allant au-delà de cette date. Elle a procédé à une reprise sur salaires d’un montant de 4'593 fr. 40 (pièces 46 à 50 caisse).

Par deux décisions séparées du 2 décembre 1997, elle a réclamé à la société faillie un montant de 102'053 fr. 30 à titre de cotisations arriérées pour la période de janvier à décembre 1996 ainsi qu’un montant de 7'559 fr. à titre de cotisations pour janvier 1997 (pièces 42 et 44 caisse).

Le même jour, elle a produit dans la faillite une créance définitive de 157'739 fr. 65. Le 5 décembre, elle a modifié sa production et a fixé sa créance à 168'533 fr. 10 (pièces 7 et 8 caisse).

Le 28 janvier 1998, l’OP a publié l’état de collocation, lequel a révélé qu’aucun dividende ne serait versé. Après le dépôt du tableau de distribution, le 25 août 1998, dans lequel la créance de la caisse a été admise à hauteur de sa dernière production, soit 168'533 fr. 10, montant contesté par la faillie, la caisse s’est vu délivrer par l’OP un acte de défaut de biens après faillite le 14 septembre 1998 (pièces 10 et 11 caisse).

Le 13 janvier 1999, elle a notifiée deux décisions en réparation du dommage à Messieurs C__________ et B__________, réclamant à chacun le montant de 110'400 fr. correspondant aux cotisations sociales demeurées impayées pour les années 1995 à janvier 1997, intérêts moratoires et frais inclus.

Par écritures séparées du 2 février 1999, Messieurs C__________ et B__________ ont formé opposition par l’entremise de leur conseil commun en alléguant que la gestion de la société avait été déléguée à Monsieur L__________, par ailleurs directeur, qui s’était occupé seul des salaires et des retenues à opérer. Ils ont produit un document rédigé de la main de ce dernier en date du 16 janvier 1998 dans lequel il expliquait que les autres administrateurs n’avaient aucune responsabilité dans la gestion de la société dans la mesure où cette tâche lui avait été déléguée selon le règlement interne d’organisation de la société. Ils ont également produit un exemplaire des statuts de la société dont il ressortait que le conseil d’administration avait le pouvoir de confier tout ou partie de la gestion à un membre ou à un tiers. Les opposants ont soutenu avoir correctement effectué leur tâche de surveillance jusqu’à leur démission, intervenue le 27 juin 1996.

Par requête du 4 mars 1999 auprès de la Commission cantonale de recours en matière d’assurance-vieillesse, survivants et invalidité – alors compétente -, la caisse a demandé la mainlevée des oppositions et la confirmation des décisions de réparation du 13 janvier 1999. Elle a expliqué que les défendeurs ne pouvaient se libérer de leur responsabilité au seul motif qu’ils n’étaient pas chargés de la gestion de la société dans la mesure où, en tant qu’administrateurs, ils auraient dû s’informer régulièrement de la bonne marche des affaires, demander des rapports et exercer un contrôle rigoureux.

Par écriture commune du 26 mars 1999, les défendeurs ont conclu au déboutement de la caisse en faisant valoir que, malgré leur décharge, ils avaient toujours exercé un contrôle strict sur la société tout en se tenant régulièrement au courant de la bonne marche des affaires. Ils ont produit les comptes de la société (comptes de pertes et profits et bilans) pour 1994 et 1995. Ceux-ci, audités le 28 mars 1996 par la société fiduciaire GERFID SA, avaient présenté pour 1995 un bénéfice de 62'838 fr. 71 et une situation financière équilibrée. Les défendeurs ont relevé qu’ils avaient démissionné le 27 juin 1996 parce que la surveillance de la gestion devenait plus difficile à exercer, notamment en raison de l’augmentation du chiffre d’affaires de la société. Ils ont encore contesté le montant réclamé par la caisse en alléguant que, selon le décompte produit, celle-ci n’avait pas uniquement comptabilisé les cotisations sociales, mais également les cotisations chômage et qu’en outre, le retard dans le paiement des cotisations n’avait commencé à s’accumuler qu’à partir de mars 1996, la société ayant toujours été à jour jusque là. Les défendeurs ont encore produit un courrier de la caisse du 1er février 1999 expliquant que le montant qui leur était réclamé (110'400 fr. 90) correspondait à des cotisations échues au 30 juin 1996, mais payables au 10 juillet 1996. Ils ont souligné que la somme échue au 27 juin 1996 était de 94'674 fr. 55.

Dans sa réplique du 5 avril 2000, la caisse a relevé que le document attestant de la délégation de la gestion à Monsieur L__________ ne permettait pas de l’établir formellement, dès lors qu’il ne s’agissait que d’une simple attestation unilatérale signée le 16 janvier 1998, soit presque une année après la faillite de la société. Elle a demandé la production du procès-verbal de la séance du conseil d’administration au cours de laquelle la délégation de compétence avait été décidée. Elle a encore souligné que, nonobstant délégation, les autres administrateurs étaient tenus de surveiller les personnes chargées de la gestion et de se renseigner régulièrement sur la marche des affaires, ce que les défendeurs n’avaient pas prouvé avoir fait. En ce qui concernait le bilan 1995, la caisse a précisé que les chiffres des salaires et ses paiements AVS/chômage étaient erronés et ne correspondaient pas à ceux déclarés par l’employeur. Par ailleurs, un bénéfice avait été dégagé alors que des cotisations sociales d’un montant de 57'689 fr. 65 pour 1995 étaient demeurés impayées. Elle a fait remarquer que les défendeurs n’avaient apporté aucune précision sur la manière dont les contrôles et la surveillance auraient été effectués et n’avaient pas expliqué pourquoi ils n’avaient pas constaté que les obligations en matière d’AVS n’avaient pas été respectées. Quant au montant du dommage réclamé, la caisse a admis qu’il correspondait aux cotisations échues et payables à la date de la démission effective des défendeurs, soit le 27 juin 1996, et a réduit ses prétentions aux cotisations impayées au 30 mai 1996. Elle a encore précisé que la loi fédérale sur le chômage permettait de réclamer les cotisations de l’assurance-chômage impayées par le biais de l’action en réparation du dommage.

Le 1er août 2003, la cause a été transmise d’office au Tribunal cantonal des assurances sociales.

Par courriers adressés aux parties le 9 novembre 2004, le Tribunal de céans les a convoquées en comparution personnelle et pour enquêtes le 18 novembre 2004.

Par courrier du 15 novembre 2004, les défendeurs ont répondu qu’à leur avis, la prescription de cinq ans était acquise, le dernier acte d’instruction ayant été leur mémoire, daté du 26 mars 1999. Par conséquent, ils se sont opposés à toute mesure d’instruction dans cette affaire.

Par courrier du 16 novembre 2004, le Tribunal de céans a transmis aux défendeurs copie d’un courrier de la demanderesse d’avril 2000 en relevant que ceux-ci n’avaient pas usé de leur droit de consulter le dossier ainsi qu’ils en avaient l’occasion. Il leur a précisé que l’audience aurait lieu comme prévu tout en attirant leur attention sur la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances en matière de prescription dans le cadre des actions en responsabilité intentées par les caisses contre les administrateurs responsables.

Par courrier du 17 novembre 2004, les défendeurs ont persisté dans leur point de vue et se sont opposés à tout acte d’instruction.

Lors de l’audience de comparution personnelle des parties et d’enquêtes du 18 novembre 2004, la demanderesse s’est engagée à faire parvenir le décompte précis du dommage réclamé aux défendeurs dans un délai de deux semaines.

Par ailleurs, Monsieur A__________ a comparu en tant que témoin en précisant qu’il s’était effectivement occupé de la société personnellement dans la mesure où il travaillait pour la société FIDUCIAIRE GERFID SA, ancien organe de révision de la société de décembre 1994 jusqu’à sa faillite. Il a reconnu qu’il existait une différence entre les montants des salaires indiqués dans les comptes de la société et ceux figurant sur l’attestation des salaires 1995. Il a relevé qu’il procéderait à des recherches, mais qu’il existait parfois effectivement quelques différences entre la comptabilité et les attestations. Il a précisé au Tribunal que la totalité des contacts qu’il avait eus avec la société s’était faite par le biais de Monsieur L__________ qui en était le dirigeant effectif et qui lui donnait toutes les informations nécessaires. Il a expliqué que, durant la dernière année, il avait effectivement constaté que la société traversait des difficultés financières et qu’il avait alors conseillé à Monsieur L__________ de déposer le bilan, ce que ce dernier avait fait tout de suite après. Il a relevé ne pas pouvoir préciser à partir de quand la société s’était retrouvée en état de surendettement. Il a pris note du fait que le Tribunal de céans souhaitait obtenir la copie des comptes de la société, la date à partir de laquelle cette dernière s’était retrouvée en état de surendettement, les procès-verbaux des séances du conseil d’administration qui seraient en sa possession ainsi que le règlement d’organisation de la société.

Par courrier du 29 novembre 2004, la demanderesse a précisé au Tribunal de céans que le montant total dû par les défendeurs s’élevait à 94'619 fr. 25, ce qui correspondait à la totalité des cotisations dues pour le solde de l’année 1995 et jusqu’en mai 1996. Elle a relevé que les cotisations dues sur la base des salaires de janvier à mai 1996 s’élevaient à 75'279 fr., auxquels il fallait soustraire un montant de 38'349 fr. 40, suite à trois versements effectués jusqu’en juin 1996, et que les cotisations dues pour le solde de 1995 étaient de 57'619 fr. 25.

Par courrier du 30 novembre 2004, Monsieur A__________ a produit les comptes de la société pour 1994 et 1995, une copie de son rapport de révision du 28 mars 1996 ainsi que celle d’un rapport de Monsieur L__________ relatif à l’exercice 1994. Il a précisé qu’il avait établi les fiches de salaires des employés de la société pour toute l’année 1996 et qu’au début 1997, Monsieur L__________ l’avait informé de la mauvaise situation de la société, raison pour laquelle il lui avait conseillé de déposer le bilan au plus vite, compte tenu des chiffres catastrophiques transmis. Les comptes de l’exercice 1997 n’avaient donc été ni bouclés ni révisés.

Par courrier du 7 décembre 2004, le Tribunal de céans a fait parvenir aux défendeurs une copie du procès-verbal de comparution personnelle du 18 novembre 2004 ainsi que les deux courriers respectifs de la demanderesse et du témoin des 29 et 30 novembre 2004 et la cause a été gardée à juger.

Pour le surplus, les faits et allégués pertinents des parties seront repris, en tant que besoin, dans la partie « en droit » ci-après.


EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l’art. 3 al. 3 des dispositions transitoires de la loi modifiant la loi sur l’organisation judiciaire du 14 novembre 2002, les causes introduites avant l’entrée en vigueur de la présentes loi et pendantes devant la Commission cantonale de recours en matières d’assurance vieillesse et survivants sont transmises d’office au Tribunal cantonal des assurances sociales. Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant de nombreuses modifications dans le domaine de l’assurance-vieillesse, notamment en ce qui concerne l’ancien art. 52 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS). Désormais, la responsabilité de l’employeur est réglée de manière plus détaillée qu’auparavant à l’art. 52 LAVS et les art. 81 et 82 du règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS) ont été abrogés. Le cas d’espèce demeure toutefois régi par les dispositions en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002, eu égard au principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467 consid. 1). Les dispositions légales seront dès lors citées dans leur ancienne teneur.

a) Aux termes de l’art. 82 al.1 RAVS, le droit de demander la réparation d’un dommage se prescrit lorsque la caisse de compensation ne le fait pas valoir par une décision de réparation dans un délai d’une année à compter du moment où elle a eu connaissance du dommage et, en tout cas, à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter du fait dommageable. Contrairement à la teneur de cette disposition, il s’agit en l’occurrence d’un délai de péremption à considérer d’office (ATF 112 V 8, consid. 4c ; RCC 1986 page 493). Lorsque ce droit dérive d’un acte punissable soumis par le code pénal à un délai de prescription de plus longue durée, ce délai est applicable (art. 82 al. 2 RAVS).

Le Tribunal fédéral des assurances (ci-après TFA) a posé le principe qu’une caisse de compensation a « connaissance du dommage » au sens de la disposition précitée, à partir du moment où elle doit reconnaître, en y prêtant l’attention qu’on est en droit d’attendre d’elle et en tenant compte de la pratique, que les circonstances ne lui permettent plus de recouvrer les cotisations, mais pourraient justifier une obligation de réparer le dommage (ATF 116 V 75,consid. 3b ; 113 V 181, consid. 2 ; 112 V 8, consid. 4d, 158 ; 108 V 52, consid. 5 ; RCC 1983, page 108). Le fait déterminant est donc de constater qu’il n’y a « rien dont on puisse tirer profit, rien à distribuer » (cf. FRITSCHE : « Schuldbetreibung und Konkurs II, 2ème éd., page 112) d’où résulte la perte de la créance de la Caisse.

En cas de faillite ou de concordat par abandon d’actifs, la caisse n’a pas nécessairement connaissance du dommage au moment seulement où elle peut consulter le tableau de distribution et le compte final établis par l’Office des faillites ou le liquidateur, ou à la date à laquelle elle reçoit un acte de défaut de biens. En effet, celui qui subit une perte dans une faillite ou dans une procédure concordataire et veut intenter une action en dommages-intérêts a, en général, selon la pratique des tribunaux, déjà suffisamment connaissance du dommage, au moment où la collocation des créances lui est notifiée, ou à celui où l’état de collocation et l’inventaire ont été déposés et peuvent être consultés. A ce moment-là, le créancier est, ou devrait être en général, en mesure de connaître l’état des actifs, la collocation de sa créance et le dividende probable (ATF 126 V 444 consid. 3a, 121 V 236 consid. 4a, 119 V 92 consid. 3 et les références citées).

b) Dans le cas d’espèce, la caisse a eu connaissance du dommage le 28 janvier 1998, date à laquelle l’OP a publié l’état de collocation. En notifiant ses décisions en réparation du dommage à Messieurs C__________ et B__________ le 13 janvier 1999, elle a donc agi dans le délai d’une année prescrit par l’art. 82 al. 1 RAVS.

Quant aux destinataires des décisions, ils ont également formé opposition en temps utile, le 2 février 1999, soit dans le délai imparti par l’art. 81 al. 2 RAVS.

Enfin, la caisse a respecté le délai de trente jours prévu par l’art. 81 al. 3 RAVS en déposant son action en mainlevée auprès de la Commission cantonale de recours en matière d’AVS – alors compétente - le 4 mars 1999.

Ainsi, quoi qu’en dise les défendeurs, le droit de la caisse de demander la réparation du dommage n’est pas prescrit. En effet, le Tribunal fédéral des assurances a jugé que, pour ce qui a trait au délai de péremption de l’exécution, il est uniquement exigé que la caisse de compensation rende une décision en dommages-intérêts dans les cinq ans qui suivent la réalisation du dommage et qu'en cas d'opposition, elle agisse à temps. En faisant valoir à temps la demande de réparation, le droit reste garanti une fois pour toutes pendant que la plainte est en instance. Ce n'est qu'après la conclusion passée en force de la procédure qu'intervient la prescription de l'exécution, l'art. 16 al. 2 LAVS étant applicable par analogie (Revue à l’intention des caisses de compensations 1991 consid. 2c p. 136). Ainsi, l’action de la caisse ne saurait se prescrire du moment qu’elle a été interjetée à temps et dans les formes requises légalement.

5. a) Le litige porte sur la responsabilité des défendeurs dans le préjudice subi par la demanderesse, aux conditions de l’art. 52 LAVS, lequel prévoit que l’employeur doit couvrir le dommage qu’il a causé en violant les prescriptions intentionnellement ou par négligence grave. Si l’employeur est une personne morale, la responsabilité peut s’étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom (ATF 123 V 15, consid. 5b., 122 V 66 consid. 4a, 119 V 405 consid. 2 et les références).

L’art. 14 al. 1 LAVS, en corrélation avec les art. 34ss RAVS, prescrit que l’employeur doit déduire, lors de chaque paie, la cotisation du salarié et verser celle-ci à la caisse de compensation en même temps que sa propre cotisation. Les employeurs doivent remettre périodiquement aux caisses les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs employés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l’objet de décisions. L’obligation de l’employeur de percevoir les cotisations et de régler les comptes est une tâche de droit public prescrite par la loi. A cet égard, le Tribunal fédéral des assurances a déclaré, à réitérées reprises, que celui qui néglige de l’accomplir enfreint les prescriptions au sens de l’art. 52 LAVS et doit, par conséquent, réparer la totalité du dommage ainsi occasionné (ATF 118 V 195 consid. 2a et les références, ATF non publié H 320/01 et H 333/01 du 8 octobre 2003 consid. 4).

Selon la jurisprudence, se rend coupable d’une négligence grave l’employeur qui manque de l’attention qu’un homme raisonnable aurait observée dans la même situation et dans les mêmes circonstances. La mesure de la diligence requise s’apprécie d’après le devoir de diligence que l’on peut et doit en général attendre, en matière de gestion, d’un employeur de la même catégorie que celle de l’intéressé. En présence d’une société anonyme, il y a en principe lieu de poser des exigences sévères en ce qui concerne l’attention qu’elle doit accorder au respect des prescriptions. Une différenciation semblable s’impose également lorsqu’il s’agit d’apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l’employeur (ATF 108 V 202 consid. 3a ; RCC 1985 p. 51 consid. 21 et p. 648 consid. 3b).

b) Dans le cas d’une société anonyme, la notion d’organe responsable selon l’art. 52  LAVS est en principe identique à celle qui ressort de l’art. 754 al. 1 CO. La responsabilité incombe aux membres du conseil d’administration, ainsi qu’à toutes les personnes qui s’occupent de la gestion ou de la liquidation, c’est-à-dire à celles qui prennent en fait les décisions normalement réservées aux organes ou qui pourvoient à la gestion, concourant ainsi à la formation de la volonté sociale d’une manière déterminante (ATF 128 III 30 consid. 3a, 117 II 442 consid. 2b, 571 consid. 3, 107 II 353 consid. 5a). Il faut cependant, dans cette dernière éventualité, que la personne en question ait eu la possibilité de causer un dommage ou de l’empêcher, c’est-à-dire d’exercer effectivement une influence sur la marche des affaires de la société (ATF 128 III 30 consid. 3a, 117 II 442 consid. 2b, 111 II 84 consid. 2).

Un administrateur ne peut se libérer de sa responsabilité de veiller personnellement à ce que les cotisations paritaires afférentes aux salaires versés soient payées à la caisse en soutenant qu’il faisait confiance à ses collègues chargés de l’administration du personnel de l’entreprise et du versement desdites cotisations à la caisse de compensation. Il a au contraire le devoir d’exercer la haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion pour s’assurer notamment qu’elles observent la loi, les statuts, les règlements et les instructions données (art. 716 a al. 1 ch. 5 CO). Si les membres du conseil d’administration qui ne sont pas chargés de la gestion ne sont certes pas tenus de surveiller chaque affaire des personnes chargées de la gestion et de la représentation mais peuvent se limiter au contrôle de la direction et de la marche des affaires, ils doivent cependant, entre autres obligations, se mettre régulièrement au courant de la marche des affaires, exiger des rapports et les étudier minutieusement et, au besoin, demander des renseignements complémentaires et essayer de tirer au clair d’éventuelles erreurs (ATF 114 V 223 consid. 4a ; ATF non publié H 265/02 du 3 juillet 2003). La responsabilité de l’administrateur ne dure en principe que jusqu’au moment de sa sortie effective du conseil d’administration, que ce soit par suite de démission ou de révocation, mais non jusqu’au moment de la radiation de ses pouvoirs au Registre du commerce ; cela vaut en tout cas lorsque l’intéressé n’a plus aucune influence sur la marche des affaires et qu’il n’a plus reçu de rémunération (ATF 112 V 5 consid. 3c, 111 II 484, 109 V 94-95 consid. 13 ; NUSSBAUMER, Die Haftung des Verwaltungsrates nach Art. 52 AHVG, PJA 1996, ch. 8d p. 1081 ; FORSTMOSER, Die Aktienrechtliche Verantwortlichkeit, 2e éd., p. 236 n° 758ss).

c) La responsabilité de l’employeur au sens de l’art. 52 LAVS suppose un rapport de causalité adéquate entre la violation intentionnelle ou par négligence grave des prescriptions et la survenance du dommage (MAURER, Schweizerisches Sozialversicherungsrecht, vol. II, p. 70 ad. let. f ; KNUS, Die Schadenersatzpflicht des Arbeitgebers in der AHV, thèse Zurich 1989, p. 58/59 ; FRESARD, la responsabilité de l’employeur pour le non-paiement de cotisations d’assurances sociales selon l’art. 52 LAVS, in Revue suisse d’assurances, 1987 p. 11).

En matières de cotisations, un dommage (voir ATF 112 V 157 consid. 2) se produit lorsque l’employeur ne déclare pas à l’AVS tout ou partie des salaires qu’il verse à ses employés et que les cotisations correspondantes de trouvent ultérieurement frappées de péremption selon l’art. 16 al. 1 LAVS ou lorsque des cotisations demeurent impayées en raison de l’insolvabilité de l’employeur. Dans la première éventualité, le dommage est réputé survenu au moment de l’avènement de la péremption ; dans la seconde, au moment où les cotisations ne peuvent plus être perçues selon la procédure ordinaire, eu égard à l’insolvabilité du débiteur (ATF 123 V 12, 113 V 256, 111 V 173 consid. 3a ; RCC 1990 p. 304 consid. 3b/aa ; FRESARD, op. cit., p. 8 ; MAURER, op. cit., p. 69). Selon la jurisprudence, la causalité est adéquate si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 118 V 290 consid. 1c et les références ; ATF 119 V 401 consid. 4a).

d) En l’espèce, il s’agit de déterminer la responsabilité des défendeurs en ce qui concerne le non-paiement des cotisations paritaires arriérées de la société.

Ces derniers estiment qu’ils ne peuvent être tenus pour responsables du dommage dès lors que la gestion de la société avait été entièrement déléguée à Monsieur L__________ et que, ce nonobstant, ils avaient toujours exercé un contrôle sur cet administrateur en se tenant régulièrement au courant de la marche des affaires. Les défendeurs ont relevé que les comptes pour l’année 1995, audités le 28 mars 1996, faisaient état d’un bénéfice de 62'838 fr. 71 et d’une situation financière équilibrée. Ils soulignent que s’ils ont démissionné, c’était précisément parce que la surveillance de la gestion était devenue de plus en plus difficile à exercer, notamment en raison de l’augmentation du chiffre d’affaires de la société.

Il apparaît à la lecture des pièces du dossier que l’arriéré de cotisations pour l’année 1995 n’a été réclamé à la société que par décision du 7 mars 1996 et que le montant s’élevait alors à 55'800 fr. 65. Le 28 mars 1996, les comptes de la société, audités par le réviseur, faisaient effectivement apparaître un bénéfice de quelques 62'838 fr. 71. Les défendeurs pouvaient dès lors légitimement penser que la société serait en mesure de s’acquitter des charges sociales 1995 en souffrance, d’autant plus que les cotisations des mois de janvier et février 1996 avaient été payées. Par ailleurs, la pièce produite par l’ancien réviseur de la société le 30 novembre 2004 et le témoignage de Monsieur A__________ ont confirmé que c’était effectivement Monsieur L__________ qui s’occupait de la gestion de la société. Cette circonstance ne saurait évidemment en elle-même libérer les défendeurs de toute responsabilité, mais explique cependant pourquoi les défendeurs n’ont pas décelé le problème plus tôt. Ils ont malgré tout suivi régulièrement la marche des affaires, exigé des rapports (ainsi qu’en témoigne le rapport du réviseur du 28 mars 1996) et les ont étudiés minutieusement (ATF non publié H 265/02 du 3 juillet 2003). Enfin, dès qu’ils n’ont plus été en mesure de contrôler la société, ils ont démissionné, le 27 juin 1996.

Dès lors, le Tribunal de céans est d’avis qu’au vu des circonstances, aucune négligence ne peut leur être reprochée. Les défendeurs ont certes attendu quelques semaines avant de démissionner, mais on ne peut leur faire grief d’avoir attendu d’être certains de ne plus pouvoir user de leur influence avant de « jeter l’éponge ». Ce délai reste court et il serait déraisonnable de reprocher aux défendeurs de n’avoir pas démissionné immédiatement, soit dès l’apparition des premiers problèmes financiers, en avril 1996.

Eu égard aux considérations qui précèdent, la demande en mainlevée de la caisse est rejetée. Le Tribunal de céans relève néanmoins que les défendeurs ont agi à la limite de la témérité en refusant de participer à la procédure ainsi qu’ils en avaient le droit et le devoir, dès lors que s’applique en l’espèce la maxime inquisitoire. Pour cette raison, et vu la participation minimale des défendeurs à la procédure, les dépens seront fixés à 500 fr.


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ

A la forme :

Déclare recevable la demande en mainlevée déposée le 4 mars 1999 par la caisse cantonale genevoise de compensation dirigée contre Messieurs B__________ et C__________ ;

Au fond :

La rejette ;

Déboute les parties de toutes autres ou contraires conclusions ;

Condamne la caisse cantonale genevoise de compensation à verser aux défendeurs à titre de dépens la somme de 500 fr.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

La greffière :

Janine BOFFI

La Présidente :

Karine STECK

La secrétaire-juriste :

Flore PRIMAULT

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe