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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2889/2005

ATAS/311/2006 du 22.03.2006 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2889/2005 ATAS/311/2006

ARRET

DU TRIXUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 4

du 22 mars 2006

 

En la cause

Monsieur S__________

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHOMAGE, rue de Montbrillant 40, case postale 2293, 1211 GENEVE 2

 

intimée

 


EN FAIT

Monsieur S__________, ressortissant suisse né en 1953, a été engagé le 16 avril 2003 par la X___________ SA (ci-après X__________) dès le 1er septembre 2003 en tant qu'artisan-brasseur pour un salaire de base mensuel de 3'700 fr. plus commission sur les ventes. Le contrat prévoyait un horaire de travail de quarante heures par semaine, cinq semaines de vacances et une période d'essai de trois mois.

Dans le questionnaire daté du 20 août 2003 et signé par Monsieur M__________ relatif à une demande de cautionnement de la X___________ dans le cadre de la loi d'aide aux petites et moyennes industries (ci-après : LAPMI), le requérant a indiqué sous la rubrique "description de la nature des relations contractuelles liant les membres de la direction à l'entreprise" (chiffre 3.6) : contrat de travail de Monsieur S__________, artisan-brasseur, sa signature ne concerne que les engagements courants à l'exclusion des engagements financiers. Il n'a pas de signature bancaire. Sous chiffre 4.2 et 4.3, Monsieur M__________ a été mentionné comme président du conseil d'administration et actionnaire majoritaire de l'entreprise à raison de 98% des parts.

Selon la Feuille officielle suisse de commerce (ci-après : FOSC) du 10 avril 2003, l'assuré avait une fonction de directeur avec signature individuelle dès le 4 avril 2003.

Ses pouvoirs ont été radiés le 7 mai 2004 et cette radiation a été publiée dans la FOSC du 13 mai 2004.

Le 4 octobre 2004, l'assuré a déposé une demande d'indemnité de chômage dès le 24 septembre 2004 auprès de la caisse de chômage UNIA.

Selon publication dans la FOSC du 24 décembre 2004, la X__________ a été dissoute à la suite de la faillite prononcée par le Tribunal de première instance le 19 octobre 2004.

Le 25 octobre 2004, l'assuré a déposé auprès du Tribunal des Prud'hommes une demande en justice contre la X__________ en paiement de salaire à raison, d'une part, de 44'400 fr. pour la période du 1er septembre 2003 jusqu'à la fin effective de son activité pour cette entreprise, d'autre part, de 48'000 fr. pour les commissions dues.

Par décision du 13 décembre 2004, la caisse de chômage UNIA a refusé de verser une indemnité de chômage pour le motif que l'assuré n'avait exercé aucune activité soumise à cotisation depuis la fin du mois de juin 2003.

A la suite de l'opposition formée par l'assuré contre cette décision, la caisse de chômage UNIA a confirmé sa position par décision sur opposition du 23 décembre 2004.

Par publication dans la FOSC du 5 janvier 2005, le délai de production des créanciers dans la faillite a été fixé au 4 février 2005.

Le 10 février 2005, l'assuré a recouru auprès du Tribunal cantonal des assurances sociales contre la décision sur opposition de la caisse de chômage UNIA.

Par jugement du 25 février 2005, le Tribunal des Prud'hommes a déclaré la demande de paiement irrecevable en raison du prononcé de la faillite de la X__________.

Le 3 mars 2005, l'assuré a déposé une demande d'indemnité en cas d'insolvabilité auprès de la CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHOMAGE (ci-après : la Caisse). Il a indiqué que les rapports de travail avaient duré du 1er septembre 2003 au 24 septembre 2004 et qu'il n'avait reçu que des acomptes sur les salaires. Il a joint à sa demande une attestation signée de sa main certifiant que la X___________ ne lui avait jamais établi de fiches de salaire, malgré de nombreuses demandes, et que, lors de la réception des acomptes versés par Monsieur M__________, l'administrateur, il lui avait signé une quittance sans double.

Selon le procès-verbal d'interrogatoire de Monsieur M__________ établi le 7 mars 2005 par l'OFFICE DES FAILLITES, celui-là a déclaré qu'il avait démissionné en juin 2004 pour mauvaise gestion de la part du directeur. L'intéressé a estimé que les actifs de la X__________ avaient été détournés par l'assuré à des fins privées, raison pour laquelle il avait déposé plainte pénale le 29 juin 2004 auprès du Procureur général.

Par décision du 14 mars 2005, la Caisse a refusé d'accorder à l'assuré une indemnité en cas d'insolvabilité. Elle a estimé que, du 4 avril 2003 au 7 mai 2004, l'assuré avait une fonction dirigeante dans l'entreprise de sorte qu'une indemnité pour insolvabilité n'était envisageable que dès le 8 mai 2004. De plus, elle a considéré que, lors de l'instruction effectuée par l'OFFICE DES FAILLITES, l'administrateur n'avait pas reconnu devoir des arriérés à l'assuré et que celui-ci, avant le 25 octobre 2004, n'avait entrepris aucune démarche sérieuse pour obtenir le règlement des salaires échus de sorte qu'il avait violé son obligation de diminuer le dommage.

Par courrier du 21 mars 2005, l'assuré a formé opposition contre ladite décision considérant que l'exposé des faits était lacunaire et que la décision était injuste. Il a joint à son opposition un résumé des faits desquels il ressort qu'il avait travaillé pour la X__________ dès le début mai 2003 et que la bière n'était pas produite à Genève mais à l'étranger, ce qui avait entraîné des frais de production, de transport et de douanes qui avaient lourdement grevé la trésorerie de l'entreprise par une perte mensuelle de 20'000 à 30'000 fr. Puis, le 25 février 2004, le Département de l'économie avait refusé de cautionner un crédit sollicité auprès d'une banque pour l'installation d'une micro-brasserie. L'assuré avait alors été chargé par l'administrateur de négocier un échelonnement des dettes avec les principaux créanciers de la société. Au printemps 2004, il avait attiré l'attention de l'administrateur sur l'absence de couverture d'assurances du personnel. Celui-là avait accepté qu'il entreprît des démarches pour régulariser cette situation. Au mois de mai 2004, l'assuré avait interpellé l'administrateur pour qu'il réglât les salaires qu'il lui devait. Au début juin 2004, l'administrateur s'était rendu à l'usine de production en l'absence de l'assuré et avait prélevé de nombreux documents personnels appartenant à ce dernier (lettre d'engagement, certificat de travail, etc.). Le 28 juin 2004, Monsieur M__________ avait informé les actionnaires et les principaux créanciers qu'il n'était plus administrateur dès le 1er juillet 2004 et qu'il nourrissait de sérieux doutes sur la probité de l'assuré qui avait plongé la X__________ dans une situation funeste. Xien que les salaires n'avaient pas été payés, l'assuré et les employés avaient décidé de continuer l'activité du 30 juin au 6 septembre 2004 en raison des perspectives de travail pendant l'été. Grâce aux rentrées d'argent, l'assuré avait pu régler les salaires courants et arriérés, sauf pour lui-même, ainsi que les loyers des locaux et les fournisseurs.

Le 18 mai 2005, l'Office des faillites a informé l'assuré que sa créance salariale de 92'400 fr. avait été écartée de l'état de collocation de la X__________ pour le motif qu'elle n'était pas justifiée.

Lors de la comparution personnelle du 15 juin 2005 devant le Tribunal de céans, relative à l'instruction du recours concernant le refus d'une indemnité de chômage (cause A/379/05), l'assuré a expliqué que l'enquête judiciaire diligentée par le Parquet avait démontré qu'il n'avait aucun pouvoir de gestion dans la X__________ et qu'il n'avait été qu'artisan-brasseur. Il a déclaré qu'il avait demandé des acomptes cash à Monsieur G__________ car il était dans une situation financière difficile, mais qu'il n'avait jamais perçu l'intégralité de ses salaires. Il a ajouté que Monsieur G__________ lui avait envoyé une lettre en octobre 2003 précisant les modalités de sa rémunération à savoir, notamment, une commission de 30 fr. par hectolitre de bière vendue et 15% du chiffre d'affaires lors des manifestations publiques. Il a précisé que, tout comme pour les autres salariés, les acomptes de salaire que Monsieur M__________ lui avaient versés n'avaient pas fait l'objet d'un décompte mentionnant les déductions AVS. Il a relevé qu'il avait pensé récupérer ses salaires dans le cadre d'une recapitalisation de la X__________ prévue au printemps 2004, mais que Monsieur G__________ qui devait établir les comptes pour des investisseurs n'avait rien fait. Il a indiqué qu'il n'avait jamais été propriétaire de la X__________ contrairement à ce que pouvaient laisser sous-entendre les courriers de Monsieur G__________. Il a encore mentionné qu'il avait produit une créance salariale de 92'400 fr. auprès de l'Office des faillites qui avait été admise à l'état de collocation et que, depuis son inscription au chômage le 25 septembre 2004, il avait continué à travailler dans les locaux de la X__________ jusqu'à fin novembre 2004, lorsque le représentant de l'Office des faillites était venu l'informer de la faillite de la X__________. Pour sa part, le représentant de la Caisse de chômage UNIA a précisé que l'assuré avait bénéficié d'indemnités de chômage normales jusqu'à fin juin 2003, puis que, du 1er juillet jusqu'au 8 septembre 2003, il avait perçu des indemnités dites spécifiques pour l'élaboration d'un projet indépendant.

Par décision sur opposition du 19 juillet 2005, la Caisse a rejeté la réclamation estimant que l'assuré n'avait pas entrepris toutes les démarches utiles en vue de récupérer ses arriérés de salaires et que les conditions jurisprudentielles concernant le versement de l'indemnité en cas d'insolvabilité n'étaient pas réunies.

Par écriture du 16 août 2005, l'assuré a recouru contre cette décision auprès du Tribunal cantonal des assurances sociales sans prendre de conclusions formelles. Il a précisé que son absence de responsabilité en tant que directeur de la X__________ avait fait l'objet d'un délibéré du Parquet le 26 avril 2005.

Dans sa réponse du 20 septembre 2005, l'intimée a précisé que la demande d'insolvabilité du recourant n'avait pas été refusée en raison de son statut de directeur de la X__________, mais bien parce qu'il n'avait pas entrepris les démarches utiles pour récupérer sa créance.

Le 22 septembre 2005, le Tribunal de céans a communiqué cette écriture au recourant et a gardé l'affaire à juger.

Par jugement du 30 novembre 2005, relatif au recours formé contre le refus de la caisse de chômage UNIA d'allouer des indemnités de chômage dès le 20 octobre 2004 (cause A/379/05), le Tribunal de céans a rejeté le recours après avoir considéré qu'en l'absence de rémunération versée au recourant, il n'y avait pas eu d'activité soumise à cotisation. De plus, il a précisé que l'activité soumise à cotisation ne pouvait pas débuter avant le 9 septembre 2003, date à laquelle l'assuré ne percevait plus de prestations de l'assurance-chômage. Enfin, il a jugé que le dossier ne contenait aucune preuve que le recourant avait été licencié le 30 juin 2004 et qu'il existait des quittances signées de sa main en août 2004 démontrant qu'il avait en tout cas travaillé jusqu'à la fin août 2004. Cet arrêt n'a pas fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral des assurances et, par conséquence, est entré en force.

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs
(art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. a ch. 8 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’article 56 de loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) qui sont relatives à la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2003 entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales. Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s'applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 230 consid. 1.1, 335 consid. 1.2, 129 V 4 consid. 1.2, 127 V 467 consid. 1, 126 V 136 consid. 4b et les références). En l’espèce, le recours concerne le droit à des prestations postérieures à l’entrée en vigueur de la LPGA. En conséquence, sur le plan matériel, cette dernière s’applique au présent litige. Quant aux règles de procédure, elles sont applicables, sauf dispositions transitoires contraires, à tous les cas en cours dès l'entrée en vigueur de la LPGA (ATF 131 V 314 consid. 3.3, 117 V 93 consid. 6b, 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b).

Pour les mêmes motifs, les dispositions de la novelle du 22 mars 2002 modifiant la LACI (3ème révision), entrée en vigueur le 1er juillet 2003 (RO 2003 1728), ainsi que les dispositions de l'OACI modifiées le 28 mai 2003, entrées en vigueur le 1er juillet 2003 également (RO 2003 1828), ayant entraîné un certain nombre de modifications en matière d'indemnisation en cas d'insolvabilité (voir art. 52 al. 1, 55 al. 2 et 58 LACI) sont applicables.

Le recours a été formé en temps utile, le 16 août 2005, dans le délai de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA) courant du 16 août 2005 au 14 septembre 2005 (art. 38
al. 4 LPGA). Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA).

Le litige porte sur le droit du recourant à une indemnité en cas d'insolvabilité, plus particulièrement sur le respect de son obligation de diminuer le dommage.

a) Selon l'art. 51 al. 1 LACI, les travailleurs assujettis au paiement des cotisations, qui sont au service d'un employeur insolvable sujet à une procédure d'exécution forcée en Suisse ou employant des travailleurs en Suisse, ont droit à une indemnité pour insolvabilité (ci-après: indemnité) notamment lorsqu'une procédure de faillite est engagée contre leur employeur et qu'ils ont, à ce moment-là, des créances de salaire envers lui (let. a). Lorsque l'employeur a été déclaré en faillite, le délai dont dispose le travailleur pour présenter sa demande d'indemnisation est de 60 jours à compter de la date de la publication de la faillite dans la Feuille officielle suisse du commerce (art. 53 al. 1 LACI). En cas de saisie de l'employeur, ce délai court à compter de la date de l'exécution de la saisie (al. 2). Le délai de 60 jours a un caractère péremptoire, mais est accessible à la restitution (al. 3; ATF 123 V 107 consid. 2a). D'après l'art. 52 al. 1 LACI, l'indemnité couvre les créances de salaire portant sur les quatre derniers mois du rapport de travail, jusqu'à concurrence, pour chaque mois, du montant maximum visé à l'art. 3 al. 2.

b) N'ont pas droit à l'indemnité les personnes qui fixent les décisions que prend l'employeur - ou peuvent les influencer considérablement - en qualité d'associé, de membre d'un organe dirigeant de l'entreprise ou encore de détenteur d'une participation financière à l'entreprise; il en va de même des conjoints de ces personnes, lorsqu'ils sont occupés dans la même entreprise (art. 51 al. 2 LACI).

c) Selon la jurisprudence relative à l'art. 31 al. 3 let. c LACI - lequel, dans une teneur équivalente, exclut du droit à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail le même cercle de personnes que celui visé par l'art. 51 al. 2 LACI et auquel on peut se référer par analogie (DTA 1996/1997 n° 41 p. 227 consid. 1b) - , il n'est pas admissible de refuser, de façon générale, le droit aux prestations aux employés au seul motif qu'ils peuvent engager l'entreprise par leur signature et qu'ils sont inscrits au registre du commerce. Il y a lieu de ne pas se fonder de façon stricte sur la position formelle de l'organe à considérer; il faut bien plutôt établir l'étendue du pouvoir de décision en fonction des circonstances concrètes. C'est donc la notion matérielle de l'organe dirigeant qui est déterminante, car c'est la seule façon de garantir que l'art. 31 al. 3 let. c LACI, qui vise à combattre les abus, remplisse son objectif (SVR 1997 ALV n° 101 p. 311 consid. 5d). En particulier, lorsqu'il s'agit de déterminer quelle est la possibilité effective d'un dirigeant d'influencer le processus de décision de l'entreprise, il convient de prendre en compte les rapports internes existant dans l'entreprise. On établira l'étendue du pouvoir de décision en fonction des circonstances concrètes (DTA 1996/1997 n° 41 p. 227 ss. consid. 1b et 2; SVR 1997 ALV n° 101 p. 311 consid. 5c). La seule exception à ce principe que reconnaît le Tribunal fédéral des assurances concerne les membres des conseils d'administration car ils disposent ex lege (art. 716 à 716b CO), d'un pouvoir déterminant au sens de l'art. 31 al. 3 let. c LACI (DTA 1996/1997 n° 41 p. 226 consid. 1b et les références). Pour les membres du conseil d'administration, le droit aux prestations peut être exclu sans qu'il soit nécessaire de déterminer plus concrètement les responsabilités qu'ils exercent au sein de la société (ATF 122 V 273 consid. 3).

d) En édictant l'alinéa 2 de l'art. 51 LACI, le législateur a voulu exclure d'une protection particulière les personnes qui exercent aussi bien une influence sur la conduite des affaires et sur la politique de l'entreprise qu'un droit de regard sur les pièces comptables et ne sont, de ce fait, pas surprises par la faillite subite de l'employeur (FF 1994 I p. 362). Si le fait de disposer d'un droit de regard sur la comptabilité est un indice de l'influence que peut exercer un travailleur sur le processus de décision de l'entreprise, il ne saurait constituer un motif indépendant d'exclusion. Le comptable responsable serait sinon exclu d'office du droit à l'indemnité en raison de sa fonction au sein de l'entreprise. Une telle sanction serait incompatible avec le texte clair et la ratio legis de l'art. 51 al. 2 LACI, qui suppose, en priorité, que la personne exclue du droit puisse exercer une influence déterminante sur la conduite des affaires de l'employeur (ATFA non publié du 24 janvier 2006, C 160/05, consid. 5.3; Urs XURGHERR, Die Insolvenzentschädi-gung, Zahlungsunfähigkeit des Arbeitgebers als versichertes Risiko, thèse Zurich 2004, p.409.

Selon l'art. 55 al. 1 LACI, dans la procédure de faillite ou de saisie, le travailleur est tenu de prendre toutes les mesures propres à sauvegarder son droit envers l'employeur, jusqu'à ce que la caisse l'informe de la subrogation dans ladite procédure. Lorsque la faillite est prononcée postérieurement à la dissolution des rapports de travail, le travailleur qui n'a pas reçu son salaire, en raison de difficultés économiques rencontrées par l'employeur, a l'obligation d'entreprendre à l'encontre de ce dernier les démarches utiles en vue de récupérer sa créance, sous peine de perdre son droit à l'indemnité en cas d'insolvabilité. Cette condition à laquelle est subordonné le droit à l'indemnité ressort de l'arrêt ATF 114 V 56 (voir plus spécialement p. 59 consid. 3d, ainsi que GERHARDS, Kommentar zum Arbeitslosenversicherungsgesetz, vol. III, p. 1290 note 8). Elle exprimait l'obligation générale des assurés de diminuer le dommage (ATF 123 V 96 consid. 4c et les références citées, 113 V 28 consid. 4a, DTA 1999 n° 24 pp. 142-143 consid. 1c; à propos de ce principe général du droit des assurances sociales, voir également ATF 123 V 233 consid. 3c, 117 V 278 consid. 2b, 400 et les arrêts cités, RIEMER-KAFKA, Die Pflicht zur Selbstverantwortung, Fribourg 1999, p. 57, 551 et 572, ainsi que LANDOLT, Das Zumutbarkeitsprinzip im schweizerischen Sozialversicherungsrecht, thèse Zurich 1995, p. 61).

Cela ne veut cependant pas dire qu'il faille exiger du salarié qu'il introduise sans délai une poursuite contre son ancien employeur (impliquant la notification d'un commandement de payer aux frais de l'assuré). L'assurance d'une indemnité en cas d'insolvabilité a précisément pour but d'épargner aux assurés l'obligation de recourir aux procédures parfois longues et coûteuses de l'exécution forcée régie par la LP (GERHARDS, Grundriss des neuen Arbeitslosenversicherungsrechts [1996], § 220 p. 149). Il s'agit seulement d'éviter que l'assuré reste inactif et n'entreprenne rien pour récupérer son salaire impayé, en attendant le prononcé de la faillite de son ex-employeur. L'autorité fédérale de surveillance avait d'ailleurs jadis relevé à juste titre que toutes les possibilités qui permettent à l'assuré de sauvegarder son droit devaient être prises en considération dans ce contexte et que l'on ne saurait donc exclure d'emblée les solutions de compromis entre l'employeur et les travailleurs (DTA 1999 n° 24 p. 143 consid. 1c).

Remplir son obligation de diminuer le dommage signifie pour l’assuré qu’il doit donner en temps utile des signes clairs qui permettront à la Caisse de reconnaître objectivement sa ferme intention de réclamer les salaires impayés (rappel écrit, commandement de payer, etc.). Le droit à l’indemnité tombe lorsque le travailleur n’exerce pas son droit à l’indemnité à temps, que ce soit avant ou après la résiliation du rapport de travail, ou renonce à entreprendre toute démarche en vue de réaliser les créances de salaires dont l’encaissement est devenu incertain. L’assuré a en principe l’obligation de diminuer le dommage avant la résiliation de son rapport de travail déjà si l’employeur ne lui verse plus ou plus entièrement son salaire et qu’il doit par conséquent s’attendre à subir une perte de salaire. Les exigences auxquelles doit répondre l’obligation de diminuer le dommage sont cependant moins élevées avant la résiliation du rapport de travail qu’après l’avènement de celle-ci. La caisse appréciera au cas par cas, à la lumière de l’ensemble des circonstances, dans quelle mesure on peut attendre de l’assuré qu’il entame les démarches pour réaliser son salaire dès avant la résiliation de son rapport de travail et en particulier dans quel délai il doit produire ses créances de salaire pour remplir son obligation de diminuer le dommage. Après la résiliation du rapport de travail, la caisse jugera plus sévèrement si l’assuré remplit son obligation de diminuer le dommage – surtout quant à la rapidité d’action. Un jugement plus sévère se justifie d’autant plus que, n’étant plus sous contrat de travail, l’assuré n’a plus aucune raison de ne pas réclamer le salaire impayé et qu’à ce stade, il est sans aucun doute incertain que les créances de salaire soient payées (bulletin MT/AC 2004/1 – fiche 17/1 à 17/3).

En l'espèce, il ressort du Registre du commerce que le recourant a exercé la fonction de directeur de la X__________ du 4 avril 2003 au 7 mai 2004 avec signature individuelle. Le questionnaire LAPMI du 20 août 2003 indique que le recourant, artisan-brasseur, avait la signature uniquement quant aux engagements courants de la société, à l'exclusion des engagements financiers, et ne détenait pas la signature bancaire. De plus, il mentionne que Monsieur M__________ est président du conseil d'administration et actionnaire majoritaire de l'entreprise à raison de 98% des parts. Par ailleurs, lors de la comparution personnelle du 15 juin 2005, l'assuré a déclaré que l'enquête judiciaire diligentée par le Parquet avait démontré qu'il n'avait été qu'artisan-brasseur et qu'il n'avait aucun pouvoir de gestion dans la X__________. De plus, il a précisé que Monsieur M__________ avait versé les salaires au personnel sans établir de décompte AVS. Par courrier du 28 juin 2004, Monsieur M__________, l'actionnaire majoritaire, a informé les actionnaires et principaux créanciers qu'il n'était plus administrateur dès le 1er juillet 2004, étant précisé que, selon le Registre du commerce, ses pouvoirs ont été radiés à partir du 18 août 2004. Enfin, certaines pièces établissent que le recourant a signé des quittances de salaires jusqu'à fin août 2004. A ce sujet, le recourant a expliqué qu'en raison des perspectives favorables de travail pendant l'été, il avait décidé avec les employés de poursuivre leurs activités à la X__________ du 30 juin au 6 septembre 2004 et que, grâce aux rentrées d'argent, il avait pu régler les salaires courants et arriérés ainsi que les loyers des locaux et les fournisseurs.

La question essentielle à résoudre est de savoir si l'assuré, en tant que directeur de la X__________, disposait d'une possibilité effective d'influencer de manière déterminante la formation de la volonté de l'entreprise. Si on ne peut nier que le recourant s'est occupé des affaires courantes de l'entreprise (acquisition de la clientèle, augmentation du chiffre d'affaires, gestion du personnel, etc.), cette circonstance n'est pas encore décisive pour déterminer si l'assuré entrait dans le cercle des personnes exclues de l'indemnité en cas d'insolvabilité. Encore faut-il que celui-ci ait pu prendre une part prépondérante à la formation de la volonté de la société, dans des domaines qui touchent à l'orientation, à l'étendue ou à la cessation de l'activité (ATFA non publié du 24 janvier 2006, C 160/05, consid. 6).

Pour la période du 9 septembre 2003 au 28 juin 2004, il ressort du dossier que le recourant a été engagé en tant qu'artisan-brasseur afin de mettre en place la structure de la X__________, brasser la bière et rechercher de nouveaux clients. Selon le questionnaire LAPMI, le recourant était principalement en charge de la gestion technique de la société, en particulier de la commande des ingrédients, du brassage et de l'acquisition de la clientèle, tandis que Monsieur M__________, comptable de formation, actionnaire majoritaire à raison de 98% et président du conseil d'administration, assumait la haute direction de la X__________ en définissant toutes les options stratégiques et en prenant toutes les décisions relatives aux investissements. A cet égard, l'échec de la recapitalisation de la société est révélateur et confirme que le recourant n'avait aucune incidence sur la conduite des affaires et la politique de l'entreprise. En effet, alors que Monsieur M__________ avait mené les négociations avec des investisseurs et s'était engagé à présenter les comptes à la fin du premier trimestre 2004, le non-respect de cet engagement a provoqué l'échec de la recapitalisation sans que l'assuré n'ait eu une quelconque influence dans ces négociations. En revanche, le recourant était au courant de la mauvaise situation financière de la X__________. Toutefois, ne gérant pas financièrement la société, il a crû les paroles rassurantes de l'administrateur et a pensé que la recapitalisation projetée de l'entreprise lui permettrait de trouver un équilibre financier, raison pour laquelle, il n'a pas actionné la X__________ en paiement de son salaire et de ses commissions non payés. En définitive, bien que directeur de la X__________ avec droit de signature individuelle inscrit au Registre du commerce, le recourant n'avait pas la signature bancaire et n'avait aucune influence sur la conduite financière des affaires qui dépendait exclusivement de l'administrateur.

Pour la période du 29 juin au 24 septembre 2004, la situation n'est guère différente, même si, durant cette période, le recourant a géré de fait la société pour essayer de sauver ce qui pouvait l'être dès lors que l'administrateur et actionnaire majoritaire avait fui ses responsabilités. Il s'agissait également de la gestion courante de l'entreprise, mais aussi du paiement des salaires, des loyers et fournisseurs. Cette gestion de fait ne lui a toutefois conféré aucune influence sur la conduite et la politique de l'entreprise, mais lui a seulement permis de faire fonctionner l'entreprise pendant trois mois supplémentaires afin de trouver les liquidités nécessaires pour payer les salaires des employés et les arriérés. En définitive, au regard du rôle prépondérant de Monsieur M__________ dans les affaires de la X__________, on ne saurait considérer comme établi au degré de la vraisemblance prépondérante, exigée en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2), que le recourant disposait des moyens nécessaires pour influencer le processus de décision de l'entreprise et qu'il faisait par conséquent partie du cercle des personnes exclues du droit à l'indemnité au sens de l'art. 51 al. 2 LACI.

Il reste à examiner si le recourant a violé son obligation de diminuer le dommage comme le soutient l'intimée.

En l'espèce, si le Tribunal de céans peut admettre que le recourant a placé tous ses espoirs d'être payé dans une recapitalisation de la X__________, en revanche, en apprenant que Monsieur M__________, l'administrateur et actionnaire majoritaire, n'avait entrepris aucune démarche pour établir les comptes de la société à la fin du premier trimestre 2004 et qu'il avait envoyé un courrier, le 28 juin 2004, aux principaux créanciers et aux actionnaires pour les informer qu'il n'était plus administrateur de la X__________ dès le 1er juillet 2004, le recourant savait au plus tard dès cette date que les espoirs de sauver la société avaient disparu. En conséquence, dès le début juillet 2004, il aurait alors dû immédiatement faire valoir ses créances contre la société par la voie civile. En ne saisissant le Tribunal des Prud'hommes que le 25 octobre 2004, soit près de quatre mois après la connaissance de la situation obérée définitive de la X__________, le recourant a reporté les conséquences de l'insolvabilité éventuelle de son ancien employeur sur l'assurance-chômage. Il a donc fait passer les intérêts d'un tiers avant ceux de l'assurance sociale, contrevenant ainsi manifestement à son obligation de réduire le dommage (cf. ATFA non publié du 4 septembre 2001, C 91/01, consid. 2b).

Dans l'annexe jointe à l'opposition du 21 mars 2005, le recourant a prétendu qu'il avait réclamé son dû à l'administrateur au mois de mai 2004 par l'entremise de son avocat. Toutefois, il ne produit aucune pièce attestant ses dires. De plus, eu égard, d'une part, à l'évolution des rapports entre l'assuré et l'administrateur, devenus conflictuels dès la fin juin 2004 en raison de l'attitude de ce dernier, d'autre part, au peu d'espoir d'un arrangement à l'amiable, il appartenait au recourant de tout entreprendre pour faire valoir immédiatement ses droits en justice ce qu'il n'a manifestement pas fait avant fin octobre 2004.

Le recourant soutient encore que, parmi les nombreux intervenants depuis sa réinscription au chômage, personne ne l'a informé d'une prestation en cas d'insolvabilité de l'employeur.

L'ignorance par le recourant des obligations qui lui incombaient pour faire valoir ses droits en matière d'indemnité en cas d'insolvabilité est sans importance. En effet, en vertu d'un principe général valable également dans le droit des assurances sociales, nul ne peut tirer avantage de sa propre méconnaissance du droit (ATF 126 V 313 consid. 2b et les références). Toutefois, à la suite de l'entrée en vigueur le 1er janvier 2003 de l'art. 27 al. 1 LPGA, les assureurs et les organes d'exécution des diverses assurances sociales sont tenus de renseigner les personnes intéressées sur leurs droits et obligations. La question de savoir si la caisse de chômage UNIA a violé cette obligation peut toutefois rester indécise. En effet, le recourant s'est réinscrit au chômage le 24 septembre 2004, soit près de trois mois après la fin de l'activité de l'administrateur de la X__________. Or, si à ce moment la Caisse l'avait informé de l'existence de cette prestation, il n'y aurait pas davantage eu droit puisque, selon la jurisprudence déjà mentionnée, une inactivité de trois mois ne permet pas d'admettre que le recourant a rempli son obligation de diminuer le dommage.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

 

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIXUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

Déclare le recours recevable.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par plis recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

Le greffier

 

 

 

 

Walid XEN AMER

 

La Présidente :

 

 

 

 

Juliana XALDE

 

Le secrétaire-juriste :

 

Philippe LE GRAND ROY

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties et au Secrétariat d’Etat à l’économie par le greffe le