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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/728/2004

ATAS/308/2005 du 12.04.2005 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/728/2004 ATAS/308/2005

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

1ère chambre

du 12 avril 2005

 

 

 

 

En la cause

 

 

 

Madame P__________, domiciliée c/o Monsieur P__________,

recourante

 

 

 

 

contre

 

 

 

 

OFFICE CANTONAL DES PERSONNES AGEES,

sis route de Chêne 54 à Genève

intimé

 


EN FAIT

Madame P__________, née le 22 mars 1920, originaire de la République fédérale de Yougoslavie, est en Suisse depuis le 1er avril 1992 et à Genève depuis le 1er mai 1993. Elle a été mise au bénéfice de prestations d’assistance depuis le 1er mars 1996 et de prestations complémentaires fédérales depuis le 1er février 2002.

Par décision du 19 novembre 2003, l’Office cantonal des personnes âgées (ci-après OCPA) l’a informée qu’il lui supprimait le versement de toutes ses prestations au 31 octobre 2003, au motif qu’elle avait quitté définitivement le canton.

Son fils, Monsieur P__________, a formé pour elle opposition le 28 novembre. Il allègue que « ma mère est partie se reposer dans son pays natal et devait normalement revenir après quelques semaines de repos chez elle. Malheureusement elle est retombée malade et ne peut se déplacer actuellement. Elle devrait normalement revenir vivre à Genève dès que son état le lui permettra. Il est vrai qu’actuellement cela fait plus de trois mois mais en aucun cas elle ne désire rester dans son pays et elle attend d’être autorisée par le médecin à revenir vivre chez moi ».

Il joint à son courrier un certificat, non traduit, établi par un médecin sur place le 19 novembre 2003.

4. Par décision sur opposition du 8 mars 2004, l’OCPA a confirmé sa décision supprimant les prestations, le séjour à l’étranger ayant duré plus de trois mois.

5. Monsieur P__________ a interjeté recours le 7 avril 2004 contre ladite décision. Il précise encore que sa mère était tombée gravement malade alors qu’elle était encore en Suisse, et avait dû être hospitalisée à Lucerne et à Genève dans le courant de l’année 2003. Elle n’avait eu l’intention de séjourner dans son village natal que quelques semaines dans le but de s’y reposer. C’est alors que son état de santé s’était péjoré et qu’elle n’avait plus pu revenir à Genève. Il produit des attestations de l’hôpital lucernois du 23 janvier 2003, des Hôpitaux Universitaires de Genève du 16 mars 2003, ainsi qu’un certificat du Docteur A__________, spécialiste FMH en médecine interne et cardiologie, du 17 avril 2003.

6. Le rapport médical déjà joint à l’opposition a été dûment traduit le 10 juin 2004. Il en ressort que la bénéficiaire souffre de douleurs à la poitrine prédominant le jour qui durent quelques minutes, d’étouffements, d’une tension artérielle variable, ainsi que de fourmillements et de douleurs au bras et à la jambe gauche. Les examens effectués ont révélé l’existence d’un souffle systolique de régurgitation à l’ictus 2/6, d’un souffle de respiration accentué, à l’inspiration des râles crépitant prématurés et d’une hémiplégie suite à une attaque cérébrale. Le médecin a ainsi posé les diagnostics d’une angine de poitrine post infection du myocarde, d’une hypertension artérielle et status après attaque cérébrale et hémiplégie. Il est précisé qu’un éventuel transport de la patiente n’est pas recommandé.

7. Dans son préavis du 19 juillet, l’OCPA rappelle que selon le chiffre 2009 des Directives concernant les prestations complémentaires, la prestation complémentaire peut encore être servie durant une année au plus pour autant que l’assuré conserve en plus de son domicile le centre de tous ses intérêts en Suisse. Il souligne encore que l’application de ces directives se justifie dans le cas d’un bénéficiaire de prestations qui, pour des raisons impératives ne peut pas revenir en Suisse, mais continue de supporter en Suisse des frais fixes importants tels que le loyer, le téléphone, etc, ce qui n’est pas le cas de la recourante puisqu’elle vivait chez son fils. L’OCPA relève encore que le médecin du Monténégro ne mentionne pas la période durant laquelle la patiente ne peut pas se déplacer. Il conclut ainsi au rejet du recours ou, si mieux n’aime le Tribunal, dire que les éventuelles prestations complémentaires ne seront versées à la recourante qu’après son retour en Suisse.

8. Appelé à se déterminer, le fils de la recourante déclare que dès le début de la guerre en ex-Yougoslavie, il avait demandé à sa mère de venir vivre définitivement en Suisse pour plus de sécurité. Le permis de séjour lui avait ainsi été délivré en 1996. Il admet que sa mère, âgée de 82 ans, ne travaillait pas à Genève et qu’elle ne payait pas de loyer, mais affirme qu’elle a conservé tous ses centres d’intérêts en Suisse et que son désir le plus fort est d’y revenir (cf. réplique du 1er septembre 2004).

9. Dans sa duplique de 27 septembre 2004, l’OCPA persiste dans ses conclusions.

10. Invité par le Tribunal de céans à commenter la traduction du rapport du médecin du Monténégro, le Docteur A__________, constatant que la patiente souffre d’une cardiopathie ischémique, a confirmé que « dans ces conditions, un transport international de l’intéressée n’est, effectivement, pas recommandé. On pourrait éventuellement envisager un transport sanitaire » (cf. courrier du 5 novembre 2004).

11. L’OCPA a pris connaissance de ce courrier et rappelle que le Docteur A__________, dans un certificat du 17 avril 2003, déclarait que l’état de santé de sa patiente nécessitait impérativement la présence d’une personne en permanence auprès d’elle pour l’aider à accomplir les actes de la vie quotidienne, et sollicitait de ce fait l’autorisation pour sa fille de prolonger son séjour en Suisse. Il s’étonne ainsi de ce que quelques mois plus tard à peine, la même patiente se rende au Monténégro en compagnie de sa fille, puis prétende ne plus pouvoir revenir : son transport n’étant pas recommandé (cf. courrier du 22 novembre 2004).

12. Le fils de la recourante insiste encore sur le fait que celle-ci est partie dans son pays dans le but de le revoir une dernière fois. En aucun cas elle ne désirait y séjourner plus de trois mois. Il ajoute que l’aide apportée par les prestations complémentaires est vitale car elle seule permettra sur place de meilleurs soins médicaux « dans le but de pouvoir effectuer dès que son état de santé le lui permettra (avec l’accord du médecin) un retour par transport sanitaire pour Genève » (cf. courrier du 13 décembre 2004).

Il a versé au dossier un nouveau rapport médical daté du 13 décembre 2004 et dûment traduit, aux termes duquel « se basant sur l’anamnèse, examen clinique objectif, les analyses de laboratoire, ECG, le rapport de l’interniste et le neuropsychiatre, la patiente nécessite de l’aide et soins d’autrui en continuité 24 heures. Actuellement la patiente est incapable de transportation soit de voyager avec n’importe quel moyen de transport (automobile, train ou avion) ».

13. L’OCPA a persisté dans ses conclusions (cf. courrier du 14 février 2005), et la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. a ch. 3 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’article 56 LPGA qui sont relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 19 mars 1965 (LPCF).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

3. Le recours, interjeté en temps utile, est recevable (articles 56 et 60 LPGA).

4. Le droit à une prestation complémentaire est subordonné à la condition que l’intéressé ait son domicile civil en Suisse et qu’il y réside habituellement. La notion de domicile au sens de l’art. 1 al. 3 LPC est définie aux art. 23 ss. CC. Le domicile de toute personne est au lieu dont elle a fait le centre de ses relations personnelles et vitales et où elle réside avec l’intention de s’y établir. Toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu’elle ne s’en est pas créé un nouveau. Le Tribunal de céans considère qu’en l’état, et vu les allégations de son fils, la recourante a conservé son domicile à Genève.

5. Selon le chiffre 2009 des Directives concernant les prestations complémentaires, des séjours à l’étranger allant jusqu’à trois mois par année à des fins de visites, de vacances, d’affaires ou de cures n’interrompent pas les prestations complémentaires en cours. Si un tel séjour dure plus longtemps pour des raisons impératives (par exemple impossibilité de transporter l’assuré ensuite d’une maladie ou d’un accident), la prestation peut encore être servie durant une année au plus, pour autant que l’assuré conserve en plus de son domicile le centre de tous ses intérêts en Suisse. Si l’on n’est pas en présence de raisons impératives, il faut supprimer le versement de la prestation pendant le séjour à l’étranger qui dépasse les trois mois.

Il résulte des directives précitées que la prestation peut être versée durant une année au plus, lorsqu’un séjour à l’étranger dure plus longtemps que trois mois, si le retour en Suisse est impossible ensuite d’une maladie ou d’un accident et si l’intéressé a conservé en plus de son domicile le centre de tous ses intérêts en Suisse.

6. En l’espèce, au moment où la décision de suppression lui a été notifiée, soit en novembre 2003, l’intéressée avait, depuis plus de trois mois, quitté Genève pour son village natal. Son fils, agissant en son nom, conteste la suppression des prestations complémentaires au motif que l’intention de l’intéressée était de revenir à Genève, mais qu’elle s’était trouvée dans l’impossibilité d’agir comme elle le souhaitait en raison de son état de santé.

Le fils de l’intéressée a produit notamment deux certificats de médecins du Monténégro, le premier daté du 19 novembre 2003 selon lequel un éventuel transport de la patiente n’était pas recommandé, et le second du 13 décembre 2004 selon lequel actuellement, la patiente est incapable de voyager quel que soit le moyen de transport.

Il n’est pas contesté que l’intéressée ait souffert d’un infarctus cardiaque, d’une attaque cérébrale et d’hémiplégie du côté gauche. Force est toutefois de constater qu’aucun des médecins n’a conclu à une aggravation de son état de santé. La comparaison entre les rapports des hospitalisations lucernoise et genevoise, et du Docteur A__________ d’une part, avec celle des médecins du Monténégro d’autre part, ne conduit pas non plus à dire qu’il y a eu aggravation. Le Tribunal de céans s’étonne dès lors qu’elle ait pu se rendre dans son village natal et qu’elle ne puisse en revenir si son état de santé n’a pas subi de modification significative. Il y a de plus lieu de relever que, le premier médecin se borne à dire que le transfert n’est pas recommandé ; il ne l’exclut pas catégoriquement. Le Docteur A__________ envisage quant à lui un transport sanitaire.

Il y a ainsi lieu de constater que le fils de la recourante n’a pas prouvé ni même rendu vraisemblable que celle-ci ne pouvait rentrer en Suisse pour cause de maladie.

Or, selon la jurisprudence et la doctrine, l’autorité administrative ou le juge ne doivent considérer un fait comme prouvé que lorsqu’ils sont convaincus de sa réalité (KUMMER, Grundriss des Zivilprozessrechts, 4ème édition Berne 1984, p. 136 ; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2ème édition, p. 278 ch. 5). Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5 let. b ; 125 V 195 consid. ch. 2 et les références). Aussi, n’existe-t-il pas en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5 let. a).

Aussi le recours, mal fondé, doit-il être rejeté.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES 

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Dit que pour ce qui a trait aux prestations complémentaires fédérales, les parties peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Ce mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs le recourant estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter la signature du recourant ou de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints au mémoire s’il s’agit de pièces en possession du recourant. Seront également jointes au mémoire la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132 106 et 108OJ).

 

La greffière:

 

 

Marie-Louise QUELOZ

 

La Présidente :

 

 

Doris WANGELER

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le