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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2899/2005

ATAS/287/2006 (2) du 28.03.2006 ( LAA ) , ADMIS

Recours TF déposé le 15.05.2006, rendu le 02.02.2007, ADMIS
Descripteurs : ; AA ; ACCIDENT DE GRAVITÉ MOYENNE ; ACCIDENT ; AFFECTION PSYCHIQUE ; CAUSALITÉ ; CAUSALITÉ ADÉQUATE ; CAUSALITÉ NATURELLE
Normes : LAA6
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2899/2005 ATAS/287/2006

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 2

du 28 mars 2006

 

En la cause

Monsieur D__________, , représenté par la CAP SA en les bureaux de laquelle il élit domicile

 

 

recourant

 

contre

SUVA, CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, Fluhmattstrasse 1, 6002 LUCERNE

intimée

 


EN FAIT

Monsieur D__________ (ci-après le recourant), né en 1965, est maçon de profession. Pour son activité auprès de l'entreprise X__________ S.A., il était assuré pour les accidents professionnels et non professionnels auprès de la SUVA, Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après SUVA).

En date du 8 décembre 2002, le recourant a été victime d'un accident. En voulant vérifier la batterie de sa voiture, et en raison de la semi obscurité, le recourant a allumé son briquet à proximité de la batterie, qui a explosé. Le cas a été annoncé à la SUVA le 13 décembre 2002 et pris en charge par elle.

Selon le rapport d'observation de la clinique et polyclinique d'ophtalmologie des Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après HUG), du 16 décembre 2002, l'œil gauche a subi une contusion. Au status d'entrée, l'acuité visuelle de l'œil droit est de 0,8 sans correction, tandis que l'acuité visuelle de l'œil gauche est uniquement une perception lumineuse. L'œil gauche est mis sous traitement. Une rupture de la membrane de Brooks est mise en évidence à l'œil gauche.

Selon le rapport de cette même clinique d'ophtalmologie du 26 février 2003, le recourant est en totale incapacité de travail depuis le jour de l'accident et probablement jusqu'au 1er mars 2003.

Selon une note d'entretien téléphonique entre la SUVA et l'employeur, du 21 mai 2003, qui figure au dossier, le recourant a quasiment perdu la vision de l'œil gauche et est très affecté par son état, de sorte qu'il a été mis au bénéfice d'un support psychologique de la part du réseau santé interne de l'entreprise. La reprise d'une activité de maçon reste hypothétique.

Par ailleurs, le Dr A__________, psychiatre, qui suit le recourant depuis le début de l'année 2003, a établi un rapport médical à l'attention de la SUVA le 29 juillet 2003. Le diagnostic est "état dépressif post-traumatique", le traitement est en cours, et le pronostic moyen à mauvais.

En date du 1er septembre 2003, le Dr B__________, spécialiste FMH en ophtalmologie et ophtalmo-chirurgie auprès de la SUVA, a déterminé à 20% le droit à l'indemnité pour perte à l'intégrité (ci-après IPAI).

Par courrier du 9 septembre 2003, la SUVA a informé le recourant qu'au vu de l'analyse faite par son médecin conseil, le Dr B__________, elle mettait fin à la prise en charge des frais médicaux car il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement une amélioration notable. L'indemnité journalière sera versée jusqu'au 31 janvier 2004, pour permettre au recourant d'entreprendre les démarches pour trouver un poste de travail adapté. Elle rendrait alors une décision relative au droit à la rente d'invalidité.

Par décision du 21 octobre 2004, la SUVA a mis le recourant au bénéfice d'une rente d'invalidité basée sur une incapacité de gain de 20%, depuis le 1er février 2004. Elle a retenu que les troubles psychogènes n'étaient pas en relation de causalité adéquate avec l'accident. Seuls les troubles somatiques étaient par conséquent pris en considération. Par ailleurs, l'IPAI, fixée à 20%, se monte à 21'360 fr., au vu de la gravité de l'atteinte et de l'annexe 3 de l'ordonnance sur l'assurance accidents (ci-après OLAA).

Suite à l'opposition du recourant du 19 novembre 2004, la SUVA a maintenu sa position par décision sur opposition du 22 avril 2005. S'agissant des troubles psychogènes, la SUVA a considéré que la question de la causalité naturelle pouvait être laissée ouverte dans la mesure où la causalité adéquate ne pouvait de toute façon pas être retenue, au vu de la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances (ci-après TFA). Par conséquent, le droit à la rente a été fixé à juste titre à 20%, qui correspond à la baisse de rendement dans sa profession de maçon. Le Dr B__________ a en effet retenu une contre-indication à la manipulation d'objets dangereux ainsi qu'à l'accomplissement de tâches en terrains inégaux non sécurisés en raison de l'atteinte de la stéréoscopie. Quant à l'IPAI, elle avait été fixée sur la base des tabelles établies par les médecins de la SUVA, complémentaires à l'annexe 3 OLAA et jugées compatibles avec celle-ci par le TFA, en l'occurrence, la table 11, "atteinte à l'intégrité après lésion oculaire", vision résiduelle corrigée de 0,2.

Dans son recours du 17 août 2005, le recourant conclut préalablement à l'ouverture d'enquêtes avec l'audition de Messieurs C__________ et P__________, travaillant pour l'employeur, selon lesquels les séquelles ophtalmologiques rendent l'exercice de la profession de maçon totalement impossible. S'agissant de l'IPAI, elle doit être fixée sur la base de l'examen médical pratiqué par le service d'ophtalmologie des HUG le 24 janvier 2005 selon laquelle l'acuité visuelle de l'œil droit, avec correction, s'élève à 0,8 et celle de l'œil gauche, non améliorable, à 0,1. Quant aux problèmes psychiques, ils sont clairement en relation de causalité naturelle avec l'accident, ce que l'expert Roy D__________, psychiatre, a constaté dans le cadre de l'expertise AI qu'il a été amené à effectuer. La causalité adéquate est par ailleurs également remplie, car la plupart des critères retenus par la jurisprudence sont présents en l'espèce, s'agissant d'un accident de gravité moyenne. Les circonstances concomitantes de l'accident ne sont pas particulièrement dramatiques, mais l'accident présente un caractère impressionnant. La gravité des lésions subies ne fait aucun doute et sont de nature à entraîner des lésions psychiques. Le recourant présente toujours des douleurs, ainsi que des céphalées, des nausées et des problèmes de concentration. De plus, il n'a pu reprendre son activité de maçon après plus de 3 ans. Enfin, le traitement médical relatif au problème psychique devra être pris en charge par la SUVA au-delà du 15 octobre 2004. Il conclut au fond à l'annulation de la décision de la SUVA, à ce que le versement d'indemnités journalières soit repris à compter du 1er février 2004 ainsi qu'à la prise en charge du traitement psychiatrique au-delà du 16 octobre 2004, à ce qu'une IPAI de 25% lui soit reconnue et versée. Subsidiairement au versement des indemnités journalières, il conclut à ce qu'une rente entière d'invalidité lui soit allouée.

Dans sa réponse du 12 septembre 2005, la SUVA reprend en substance l'argumentation de sa décision sur opposition et conclut au rejet du recours.

Par ordonnance du 23 septembre 2005, le Tribunal de céans a ordonné la réplique et la duplique, et fixé des délais aux parties pour ce faire.

Dans sa réplique du 20 octobre 2005, le recourant rappelle avoir subi des lésions aux deux yeux et non seulement à l'œil gauche. Il rappelle que la totale incapacité de travail persistante n'est pas due exclusivement à la symptomatologie psychique, mais également aux lésions ophtalmologiques. Il demande que les conclusions du Dr A__________ et de l'expert, le Dr D__________, soient suivies et que par conséquent l'avis du médecin conseil de la SUVA soit écarté, s'agissant d'un avis purement théorique, concernant une erreur s'agissant de l'IPAI.

Dans sa duplique du 11 novembre 2005, la SUVA rappelle que l'objet du litige est la rente d'invalidité, fixés à 20%, ainsi que l'IPAI, fixée à 20% également. Ces prestations ont été fixées sur la base des appréciations du Dr B__________, dont l'avis revêt pleine valeur probante, nonobstant le fait qu'il n'ait pas examiné le recourant, comme l'a admis la jurisprudence.

Par pli du 24 novembre 2005, le recourant a indiqué au Tribunal que l'Office cantonal de l'assurance-invalidité (ci-après OCAI), l'avait informé qu'une rente entière d'invalidité lui serait servie à partir du 8 décembre 2003, en raison de la totale incapacité de travail dont il est affecté depuis le 8 décembre 2002.

Par courrier du 25 novembre 2005, le Tribunal a ordonné l'apport du dossier AI du recourant.

Les parties ont été entendues lors de l'audience de comparution personnelle du 5 décembre 2005. A cette occasion, le recourant a expliqué que lorsque l'accident s'est produit, que la batterie a explosé, cela a été comme une bombe. Il voyait tout noir, il s'est mis à pleurer et saignait et sa femme l'a amené à l'hôpital. Le médecin lui a lavé le visage, il avait reçu de l'acide. Il a recommencé à voir un peu d'un œil mais l'autre était toujours "tout noir". Le traitement des yeux a duré environ un an. Le représentant de la SUVA a pour sa part admis que le rapport des HUG du 24 janvier 2005 n'avait vraisemblablement pas été soumis au Dr B__________. S'agissant des troubles psychiques, la SUVA a déclaré maintenir sa position malgré l'expertise AI, considérant que les critères jurisprudentiels n'étaient pas remplis, la gravité de l'accident étant en l'espèce moyenne. Le recourant pour sa part a demandé à ce que l'expertise AI soit suivie, l'accident devant être qualifié de grave, voire de moyen à grave.

A l'issue de l'audience, le dossier AI a été mis à disposition des parties pour consultation. Il a été convenu que le Tribunal vérifierait la question de l'IPAI auprès du Dr B__________. Un délai serait ensuite accordé aux parties pour détermination puis la cause serait gardée à juger.

Par courrier du 19 décembre 2005, le Tribunal a interpellé le Dr B__________ en lui transmettant copie du rapport de la consultation ophtalmologique du 24 janvier 2005, faisant état d'une acuité visuelle œil droit de 0,8 avec verres, et œil gauche de 0,1 sans correction en vision excentrée, non améliorable, ce qui selon la table applicable correspond à une intégrité de 25%. Le Dr B__________ a fait savoir au Tribunal qu'en effet, au vu de l'appréciation des HUG, faisant état d'une situation différente de celle qu'il avait examiné deux ans plus tôt, l'IPAI devait être fixée à 25%. Par conséquent, la SUVA a partiellement acquiescé à la demande du recourant en ce sens qu'elle est d'accord d'allouer une IPAI de 25%, ceci par pli du 25 janvier 2006. Elle a pour le surplus maintenu ses conclusions.

Après communication de cette écriture au recourant par pli du 27 janvier 2006, et sans observation de sa part dans le délai fixé au 20 février 2006, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Par ailleurs, conformément à l'art. 56 V al. 1 let. a ch. 5 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’article 56 LPGA qui sont relatives à la loi fédérale sur l’assurance-accident du 20 mars 1981 (ci-après LAA).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales. Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s'applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 136 consid. 4b et les références). En revanche, en ce qui concerne la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b). C'est pourquoi les procédures pendantes au 1er janvier 2003 ou introduites après cette date devant un tribunal cantonal compétent en matière d'assurances sociales sont régies par les nouvelles règles de procédure contenues dans la LPGA et par les dispositions de procédure contenues dans les différentes lois spéciales modifiées par la LPGA. 

Interjeté dans les forme et délai légaux, le présent recours est recevable (art. 106 LAA, 56 et 60 LPGA). 

Il y a lieu d'examiner succinctement la question de l'IPAI, et d'autre part celle du taux d'invalidité donnant droit à la rente. Cette seconde question est directement liée à l'appréciation de la causalité naturelle et adéquate des troubles psychiques du recourant, sur lesquelles les parties sont en désaccord.

Il faut tout d'abord rappeler qu'en vertu de l'article 6 alinéa 1 LAA, l'assureur accident ne répond des atteintes à la santé que lorsqu'elles sont en relation de causalité non seulement naturelle, mais encore adéquate avec l'événement assuré (ATF 119 V 335 consid. 1 p. 337). Dans l'éventualité où le lien de causalité naturelle n'a pas été prouvé, il est alors superflu d'examiner s'il existe un rapport de causalité adéquate (même arrêt consid. 4c p. 346).

Le droit à des prestations découlant d'un accident suppose donc d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire, en revanche, que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé; il faut et il suffit que l'événement dommageable, associé éventuellement à d'autres facteurs, ait provoqué l'atteinte à la santé physique ou psychique de l'assuré, c'est-à-dire qu'il se présente comme la condition sine qua non de celle-ci. Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 118 V 286 et les références; ATFA D. du 28 juin 1995).

S'agissant de l'appréciation des faits, il faut rappeler que si le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles il doit procéder d’office, est convaincu que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; Kieser, Das Verwaltungsverfahren in der Sozialversicherung, p. 212, n° 450 ; Kölz/Häner, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2e éd., p. 39, n° 111 et p. 117, n° 320 ; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., p. 274 ; cf. aussi ATF 122 II 469 consid. 4a, 119 V 344 consid. 3c et la référence). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 Cst. (SVR 2001 IV n° 10 p. 28 consid. 4b).

Le droit à l'IPAI résulte des articles 24 et suivants LAA, 36 OLAA ainsi que de l'annexe 3 "barèmes des indemnités pour atteinte à l'intégrité" et des tables établies à cet effet par la SUVA. Selon celles-ci, une vision résiduelle de 0,1 donne droit à une IPAI de 25%. Cette question n'est d'ailleurs plus litigieuse, puisque le Dr E__________ l'a admis au vu du rapport ophtalmologique, et que la SUVA acquiesce par conséquent à cette demande. Il lui sera donné acte de son accord au versement d'une IPAI sur la base d'un taux de 25%.

6. a) Le droit à la rente d'invalidité découle des art. 18 et suivants LAA. Une rente est due si l'invalidité est d'au moins 10% par suite d'un accident. Le droit à la rente prend naissance quand il n'y a plus lieu d'attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l'état de santé et que les éventuelles mesures de réadaptation de l'assurance-invalidité ont été menées à terme (art. 19 al. 1 LAA). Sinon ce sont les indemnités journalières qui sont dues (art. 16 al. 2 LAA).

La rente d'invalidité s'élève à 80% du gain assuré en cas d'invalidité totale ; si l'invalidité n'est que partielle, la rente est diminuée en conséquence (art. 20 al. 1 LAA). Par ailleurs, si l'assuré a droit à une rente de l'assurance-invalidité ou à une rente de l'assurance-vieillesse et survivants, une rente complémentaire lui est allouée, qui correspond à la différence entre 90% du gain assuré et la rente de l'assurance-invalidité ou de l'assurance-vieillesse et survivants mais au plus au montant prévu pour l'invalidité totale ou partielle (art. 20 al. 2 LAA).

b) En l'espèce, la SUVA a fixé à 20% le taux d'invalidité, en fonction uniquement des lésions ophtalmologiques. Elle refuse en effet de prendre en considération la diminution de la capacité de travail due au problème psychique du recourant, au motif qu'il n'y aurait pas de causalité avec l'accident.

A ce sujet, il faut rappeler que le juge ne s'écarte en principe pas sans motif impératif des conclusions d'une expertise médicale, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Peut constituer une raison de s'écarter de l'expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une sur expertise ordonnée par le Tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires, aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale "cf. ATF 125 partie 5 351).

Par ailleurs, ainsi que le Tribunal fédéral des assurances l'a déclaré à maintes reprises, la notion d'invalidité est, en principe, identique en matière d'assurance-accidents, d'assurance militaire et d'assurance-invalidité. Dans ces trois domaines, elle représente la diminution permanente ou de longue durée, résultant d'une atteinte à la santé assurée, des possibilités de gain sur le marché du travail équilibré qui entre en ligne de compte pour l'assuré. La définition de l'invalidité est désormais inscrite dans la loi. Selon l'art. 8 al. 1 LPGA, est réputée invalidité l'incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. En raison de l'uniformité de la notion d'invalidité, il convient d'éviter que pour une même atteinte à la santé, assurance-accidents, assurance militaire et assurance-invalidité n'aboutissent à des appréciations divergentes quant au taux d'invalidité. Cela n'a cependant pas pour conséquence de les libérer de l'obligation de procéder dans chaque cas et de manière indépendante à l'évaluation de l'invalidité. En aucune manière un assureur ne peut se contenter de reprendre simplement et sans plus ample examen le taux d'invalidité fixé par l'autre assureur car un effet obligatoire aussi étendu ne se justifierait pas.
D'un autre côté l'évaluation de l'invalidité par l'un de ces assureurs ne peut être effectuée en faisant totalement abstraction de la décision rendue par l'autre. A tout le moins, une évaluation entérinée par une décision entrée en force ne peut pas rester simplement ignorée. Elle doit au contraire être considérée comme un indice d'une appréciation fiable et, par voie de conséquence, prise en compte ultérieurement dans le processus de décision par le deuxième assureur. L'assureur doit ainsi se laisser opposer la présomption de l'exactitude de l'évaluation de l'invalidité effectuée. Une appréciation divergente de celle-ci ne peut intervenir qu'à titre exceptionnel et seulement s'il existe des motifs suffisants. A cet égard, il ne suffit donc pas qu'une appréciation divergente soit soutenable, voire même équivalente. Peuvent en revanche constituer des motifs suffisants le fait qu'une telle évaluation repose sur une erreur de droit ou sur une appréciation insoutenable ou encore qu'elle résulte d'une simple transaction conclue avec l'assuré. A ces motifs de divergence, déjà reconnus antérieurement par la jurisprudence, il faut ajouter des mesures d'instruction extrêmement limitées et superficielles, ainsi qu'une évaluation pas du tout convaincante ou entachée d'inobjectivité. Par exemple, le Tribunal fédéral des assurances a considéré comme insoutenable une appréciation des organes de l'assurance-invalidité, au motif qu'elle s'écartait largement de l'évaluation de l'assureur-accidents, laquelle reposait sur des conclusions médicales convaincantes concernant la capacité de travail et l'activité exigible, ainsi que sur une comparaison des revenus correctement effectuée (ATF 126 V 288 consid. 2d; ATF  119 V 474 consid. 4a; voir aussi RAMA 2000 n° U 406 p. 402 s. consid. 3, 2001 n° U 410 p. 73 s. consid. 3).

c) En l'occurrence, figure au dossier l'expertise du Dr D__________, psychiatre et psychothérapeute FMH, du 14 juin 2005. Après une anamnèse familiale, personnelle et professionnelle, l'examen du dossier médical dans son ensemble, l'analyse de la médication psychotrope et une anamnèse récente, l'expert a relaté les plaintes et données subjectives, fait part de ses constatations objectives puis procédé à l'examen clinique. Dans ce cadre, il a soumis le recourant à différents tests, dont il a discuté les résultats. Les diagnostics retenus sont "troubles dépressifs majeurs, épisode isolé, en rémission partielle d'intensité actuelle moyenne F 32.4 ; trouble de conversion avec déficit sensitif F 44.6 ; état de stress post-traumatique, chronique F 43.1 ; trouble panique avec agoraphobie F 40.01 ; trouble de la personnalité non spécifié F 60.9 ; trait de personnalité abandonnique - limite ; trait de personnalité narcissique ; contusion oculaire gauche ; handicap et fugue du fils relation distante avec le père désafférentation socio-professionnelle, précarité financière, dépression de l'épouse, placement du fils". Dans sa discussion, l'expert dit constater la présence d'un état dépressif majeur d'intensité actuelle moyenne selon l'échelle de Hamilton, ceci en accord avec l'avis du Dr A__________. Les souvenirs et les cauchemars récurrents concernant l'accident, l'évitement des briquets et des moteurs de voitures, les troubles du sommeil et de la concentration permettent de retenir le diagnostic d'état de stress post-traumatique chronique. Les limitations fonctionnelles découlent d'une part du trouble visuel conversif et d'autre part du tableau anxio-dépressif avec dévalorisation, idéation suicidaire, culpabilité, crainte de l'échec, irritabilité, nervosité, anxiété neurovégétative, tableau de stress post-traumatique, fatigue, trouble du sommeil, aboulie et anédonie relative, céphalées et comportement obsessionnel. Une incapacité de travail totale existe depuis l'accident du 8 décembre 2002, et d'un point de vue strictement psychiatrique, depuis mars 2003. Le pronostic est certes réservé mais l'expert préconise toutefois des mesures professionnelles.

Cette expertise est complète, claire et convaincante. La SUVA n'apporte d'ailleurs pas d'éléments justifiant de s'en écarter. Or, l'expert a retenu, notamment, un état de stress post-traumatique, c'est-à-dire directement lié à l'accident du 8 décembre 2002. L'état de stress post-traumatique est en effet une réponse différée ou prolongée à une situation ou à un événement stressant, telle qu'une catastrophe naturelle, une guerre, un accident grave etc. qui provoque des symptômes de détresse, des facteurs prédisposant peuvent favoriser la survenue de ce syndrome mais ne sont pas nécessaires ni suffisants pour expliquer la survenue de ces troubles. Les sujets atteints revivent de façon répétée et envahissante l'événement traumatique dont il souffre également d'insomnie avec anxiété, de dépression avec des idées suicidaires. Ce trouble débute dans les semaines à mois après le traumatisme, rarement au-delà de 6 mois, et peut durer longtemps voir présenter une évolution chronique et conduire à une modification durable de la personnalité (voire ATA 30/1998 du 21 janvier 1998 p. 4-5).

Par conséquent, la causalité naturelle doit être admise.

d) S'agissant de la causalité adéquate et de troubles psychiques, celle-ci dépend de la gravité de l'accident. Ainsi, en présence d'un accident de gravité moyenne, il faut prendre en considération un certain nombre de critères, dont les plus importants sont les suivants (cf. ATFA U 127/03 du 28 décembre 2004): les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l'accident; la gravité ou la nature particulière des lésions physiques; la durée anormalement longue du traitement médical; les douleurs persistantes; les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l'accident; les difficultés apparues au cours de la guérison et les complications importantes; le degré et la durée de l'incapacité de travail.

Tous ces critères ne doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate soit admise. Un seul d'entre eux peut être suffisant, notamment si l'on se trouve à la limite de la catégorie des accidents graves. Inversement, en présence d'un accident se situant à la limite des accidents de peu de gravité, les circonstances à prendre en considération doivent se cumuler ou revêtir une intensité particulière pour que le caractère adéquat du lien de causalité puisse être admis (cf. ATF 115 V 140 consid. 6c/aa et 409 consid. 5c/aa).

e) En l'occurrence, il y a lieu de qualifier l'accident de moyennement grave comme l'admettent d'ailleurs les parties, vu la jurisprudence du TFA en la matière, résumé in ATA 610/01 du 30 octobre 2001.

S'agissant des critères susmentionnés, s'il n'y a pas eu de difficultés particulières apparues au cours de la guérison ni de complications importantes, pas plus que d'erreurs dans le traitement médical, il y a lieu de retenir que le recourant est totalement incapable de travailler depuis maintenant 6 ans, que le traitement médical est long puisque que la thérapie n'est pas encore terminée, que les lésions physiques sont importantes puisque le recourant a pratiquement perdu l'usage de l'œil gauche et que, si les circonstances concomitantes de l'accident ne sont particulièrement dramatiques, on peut retenir un caractère impressionnant à l'accident vu l'explosion de la batterie et le noir complet qu'il a généré pour le recourant jusqu'aux premiers soins donnés par l'hôpital.

Par conséquent, la causalité adéquate doit également être retenue. Le taux d'invalidité fixé par la SUVA à 20% en raison des troubles physiques uniquement doit donc être annulée. Le dossier doit être retourné à la SUVA pour examen des prestations dues, soit les indemnités journalières ou une rente d'invalidité au taux d'invalidité revu, vu ce qui précède.

Le recourant, qui obtient gain de cause, a droit à des dépens fixés en l'espèce vu le nombre d'écritures, leur complexité moyenne et une audience à 2'250 fr.

******


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

L'admet.

Donne acte à la SUVA de son accord à fixer l'IPAI à 25%.

Annule pour le surplus les décisions et renvoie le dossier à la SUVA pour nouvelle décision au sens des considérants.

Condamne la SUVA au paiement d'une indemnité de 2'250 fr.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

Le greffier

 

 

 

 

Pierre RIES

 

La Présidente :

 

 

 

 

Isabelle DUBOIS

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe