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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/522/2005

ATAS/244/2006 du 14.03.2006 ( LCA ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ; AM ; ASSURANCE COMPLÉMENTAIRE ; INDEMNITÉ JOURNALIÈRE ; INTÉRÊT MORATOIRE ; TORT MORAL
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/522/2005 ATAS/244/2006

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 2

du 14 mars 2006

 

En la cause

Monsieur P__________, mais comparant par Me Corinne NERFIN, avocate, en l'étude de laquelle il élit domicile

recourant

 

contre

HELSANA ASSURANCES COMPLEMENTAIRES SA, Florastrasse 14, 8600 DUBENDORF, mais comparant par Me Didier ELSIG, avocat, en l'étude duquel elle élit domicile.

intimées

 


EN FAIT

Monsieur P__________ (ci-après le demandeur), né en 1966, est informaticien de profession. Il souffre de discopathies depuis 1994 qui génèrent des périodes de blocage complet du dos, ainsi que des hospitalisations à intervalles plus ou moins réguliers. Ses problèmes de santé ayant conduit à son licenciement à plusieurs reprises, le demandeur est devenu consultant informatique indépendant à partir du mois de juillet 2000.

En date du 31 août 2000, il a conclu une "assurance d'allocations journalières" avec la SUISSE SOCIETE D'ASSURANCES CONTRE LES ACCIDENTS (ci-après l'assureur), du 31 août 2000 au 31 décembre 2031. Cette assurance prévoit un salaire assuré de 20'000 fr., le versement d'une indemnité journalière de 55 fr. versée pendant 720 jours au cours des 900 derniers jours, en cas d'incapacité de travail d'au moins 50% et moyennant un délai d'attente de 30 jours et une prime annuelle de 452 fr.

Durant l'automne 2003, l'état de santé du demandeur s'est aggravé. Selon rapport médical du Dr B__________, neurochirurgien FMH, du 10 novembre 2003, le demandeur est en totale incapacité de travail depuis le 13 octobre 2003, de façon probablement définitive. Les diagnostics sont "discopathies lombaires étagées prédominant en L4-L5, hernie discale opérée, discopathie dorsale moyenne". Il est précisé que l'état de santé s'aggrave. En outre le demandeur a été hospitalisé en urgence le 11 novembre 2003, pour une durée de 3 semaines en raison d'un lumbago hyper aigu totalement invalidant.

Au mois de janvier 2004, l'assureur a versé les indemnités journalières dues jusqu'au 31 décembre 2003.

5. Au début de l'année 2004, l'assureur a sollicité l'avis de son médecin-conseil, le Dr C__________, qui a lui-même sollicité l'avis, après consultation médicale du demandeur, du Dr D__________, spécialiste FMH en neurologie. Selon le rapport médical de ce dernier, du 17 février 2004, les lombosciatalgies persistent malgré de nombreux traitements comportant le port d'un corset, AINS, antalgiques majeurs, myorelaxants, physiothérapie et balnéothérapie. L'examen neurologique est caractérisé par certaines atypies et discordances ne faisant pas la preuve d'un déficit neurologique certain. Il est souhaitable de compléter l'examen neurologique par un EMG. Ce praticien conclut que sur la base de l'ensemble des éléments à sa disposition, "il ne voit pas comment justifier une incapacité de travail supérieure à 25%".

Par courrier du 20 février 2004, l'assureur a informé le demandeur que, suite à l'examen médical effectué par le Dr D__________, les prestations lui seraient allouées jusqu'au 29 février 2004 au plus tard.

Le demandeur a saisi le Tribunal de première instance d'une requête en paiement, le 8 septembre 2004, écartée toutefois par jugement du 3 février 2005, le Tribunal s'étant déclaré incompétent à raison de la matière.

Par décision du 12 novembre 2004, l'OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE INVALIDITE (ci-après OCAI) a mis le demandeur au bénéfice d'une rente entière d'invalidité dès le 13 octobre 2004. Unr révision est prévue en novembre 2006.

Par acte du 7 mars 2005, le demandeur a saisi le Tribunal de céans d'une requête en paiement. Il conclut à ce que l'assureur soit condamné à lui verser les indemnités journalières dues en raison de son invalidité, soit la somme de 20'075 fr. pour la période du 1er mars 2004 au 28 février 2005, avec intérêts à 5% dès le 31 août 2004, date moyenne, ainsi qu'au paiement d'une somme de 150'000 fr. à titre de réparation morale, avec suite de dépens. En substance, il conteste le rapport médical du Dr D__________, qui est en totale contradiction avec l'avis, circonstancié, de son médecin traitant, le Dr B__________ qui le suit depuis de nombreuses années. Il a sollicité en vain une expertise médicale neutre de l'assureur. La position de l'assureur l'a mis dans une situation financière extrêmement précaire. Cette position est parfaitement injustifiée au vu de la conclusion à laquelle l'OCAI est arrivée, après instruction du dossier.

Dans sa réponse du 18 mai 2005, l'assureur conclut au rejet de la demande avec suite de dépens. Il indique que sa position est fondée d'une part sur une expertise médicale effectuée par le ZENTRUM FÜR ARBEITS-MEDICIN, ERGONOMIE UND HYGIENE GMBH (AEH), soit pour ce centre, les Drs E__________ et F__________, en date du 5 juin 2000, qui concluent à une capacité de travail d'au moins 70%; d'autre part, sur l'avis médical du Dr D__________ précité.

L'expertise AEH de ZURICH, produite au dossier, conclut précisément à une capacité de travail, en tant qu'informaticien avec support technique occasionnel sans port de charges de plus de 10 kilos, de 50% actuellement; une amélioration avec l'aide des mesures physiothérapeutiques et médicales recommandées doit permettre d'atteindre une capacité de travail d'au moins 70% après 3 mois (cf. pièces 109 assureur).

Par ordonnance du 7 juin 2005, le Tribunal a ordonné la production du dossier AI du demandeur, ainsi qu'une comparution personnelle des parties.

Le dossier AI, produit le 27 juin 2005, a été mis à disposition des parties pour consultation. Y figure une expertise du Dr G__________, spécialiste FMH chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil moteur, du 11 mai 2004. L'expert retient comme diagnostics avec répercussion sur la capacité de travail "un status après cure de hernie discale L4-L5 gauche en juin 1994, des discopathies étagées L3-L4 et sévères L4-L5 et L5-S1 avec fibrose cicatricielle sur la racine L5 gauche et signe clinique d'instabilité". Il relève que la situation "semble s'être dégradée depuis l'expertise de ZURICH de 2000, tant subjectivement qu'objectivement". L'atteinte invalidante actuellement présentée s'explique bien par le syndrome vertébral majeur que l'on retrouve à l'examen clinique, avec une atteinte irritative importante concernant la racine de L5 à gauche. Le pronostic doit être réservé. Actuellement, il y a de toute évidence échec du traitement conservateur et l'évolution future du patient sera dépendante du traitement médical à venir, a priori chirurgical. L'activité exercée jusqu'alors n'est actuellement pas exigible. La diminution de rendement est de 100%, l'incapacité totale de travail depuis octobre 2003, l'évolution du degré d'incapacité de travail est qualifiée de stable. La situation n'est pas définitive.

Lors de la comparution des mandataires du 28 juin 2005, le représentant de l'assureur a indiqué qu'il transmettrait à son médecin-conseil les documents du dossier AI et ferait part de sa position quant à la reprise du versement de l'indemnité journalière.

Par courrier du 29 juillet 2005, l'assureur a toutefois indiqué maintenir sa position, indiquant ne pouvoir se satisfaire des conclusions du Dr G__________.

15. Par ailleurs, par pli du 5 août 2005, le demandeur a considéré que cette expertise devrait être suivie. Il a par ailleurs amplifié ses conclusions par la demande d'une somme de 10'120 fr. correspondant à la période du 1er mars 2005 au 31 août 2005, avec intérêts à 5% dès le 31 mai 2005, date moyenne, et a persisté pour le surplus dans ses conclusions.

Une nouvelle comparution des mandataires s'est tenue le 30 août 2005. A cette occasion, l'assureur a indiqué que HELSANA ACCIDENTS S.A. et HELSANA COMPLEMENTAIRE S.A. avaient repris le portefeuille de la SUISSE et qu'il y avait donc lieu de procéder à une substitution de la partie défenderesse. Deux expertises s'opposent en l'espèce, celles du Dr D__________ et du Dr G__________, de sorte qu'à son avis, seule une contre-expertise universitaire pourrait trancher la question. Le demandeur s'y est opposé, indiquant que la seule expertise neutre était celle du Dr G__________. Les parties ont en outre entamé des négociations, qui toutefois n'ont pas aboutis.

Le Tribunal a ordonné l'ouverture des enquêtes et a procédé à l'audition du Dr B__________ en date du 25 octobre 2005. Celui-ci a déclaré ce qui suit : "Je suis Monsieur P__________ depuis juin 1994. Sur question, j'indique confirmer mon rapport du 2 mars 2004 à l'attention du Dr C__________, médecin-conseil de la SUISSE. Vous me demandez la différence entre un neurochirurgien et un neurologue : le neurologue s'occupe principalement de pathologies de type maladie d'Alzeimer, de Parkinson ou de sclérose en plaque, etc. Il est rare qu'il s'occupe de douleurs lombaires. Le neurochirurgien s'occupe de pathologies opérables, par exemple d'arthrose, d'hernies, de tumeurs et malformations du système nerveux. J'ai eu connaissance de l'expertise du Dr D__________ mais non de celle du Dr G__________. Je considère que tant l'historique que la lecture des radiographies conduisent à la confirmation d'une totale incapacité de travail, et je ne comprends pas qu'on puisse estimer celle-ci à 25% comme le Dr D__________. La pathologie se voit sur les radios, elle est objectivée, et elle explique parfaitement les douleurs ressenties par Monsieur P__________. Il souffre d'une instabilité lombaire que l'on peut qualifier de majeure et qui provoque régulièrement des blocages. Entre les blocages, Monsieur P__________ a également des douleurs qui sont parfaitement cohérentes avec la pathologie. Je précise qu'il porte à l'heure actuelle un corset très régulièrement. Je dirais qu'à ce jour, la situation médicale est sensiblement identique à celle qui prévalait lors de la rédaction de mon rapport. Reste à envisager une éventuelle chirurgie de stabilisation mais qui n'est pas un geste anodin. Par conséquent, la totale incapacité de travail perdure. Les deux opérations envisageables sont plus risquées que celle de l'hernie, elles incluent des gestes chirurgicaux plus complexes. Je lui ai toujours indiqué que ces opérations étaient réalisables, en dernier recours. On me lit le diagnostic du Dr G__________ tel que figurant dans son expertise du 11 mai 2004. Ce diagnostic est parfaitement exact. J'indique que le port du corset, instauré fin 2003, soulage particulièrement Monsieur P__________ de ses douleurs. Je pense qu'en raison de la progressive détérioration des disques, les douleurs et le nombre de blocages vont aller en augmentant".

Le Tribunal a par ailleurs entendu en qualité de témoin également le Dr D__________ en date du 5 décembre 2005, celui-ci a déclaré ce qui suit : "Je suis neurologue médecin traitant, je suis installé en qualité d’indépendant auprès de la clinique Cécile à Lausanne, j’ai un 2ème cabinet à la clinique de Genolier où je me rends un jour pas semaine. Je pratique les examens classiques en neurologie que sont les électroencéphalographies, les électromyographies et les examens neurosonographiques. Je pratique régulièrement des expertises pour des compagnies d’assurances, des avocats, moins fréquemment pour des tribunaux, mais en aucun cas pour une compagnie d’assurances en particulier.

S’agissant de la différence entre un neurologue et un neurochirurgien je n’adhère pas à la définition qu’en a donnée au Tribunal le Dr B__________. Je dirais que les deux s’occupent des mêmes pathologies, mais lorsque l’une de celle-ci doit faire l’objet d’une opération, le patient est dirigé vers un neurochirurgien. Pour ma part, je m’occupe très fréquemment de pathologies du dos, qu’il s’agisse de douleurs cervicales ou lombaires, on peut même dire que ces pathologies constituent en quelques sortes mon “fond de commerce”.

Par conséquent la pathologie de M. P__________ m’est familière. Je précise que je n’ai pas été chargé d’expertiser M. P__________ mais d’effectuer un concilium, c’est-à-dire de donner un avis médical en l’occurrence au Dr C__________, médecin conseil de l’assurance. Je n’avais donc pas à répondre à des questions précises. Je n’ai pas eu connaissance de l’expertise du Dr G__________ du mois de mai 2004. Je rappelle que mon examen a eu lieu le 13 février 2004. Au moment de mon examen j’avais connaissance de traitements réguliers depuis 1994 à 2003, y compris de phases aigues avec blocages mais pas des hospitalisations.

Je maintiens mon appréciation, notamment en terme de capacité de travail. Sur la base des éléments dont je disposais à ce moment-là, je ne pouvais comprendre que l’on arrive à une totale incapacité de travail, j’ai été frappé par les discordances entre les plaintes et mes constatations objectives. Cette discordance le jour de l’examen était importante compte tenu des conditions dans lesquelles l’examen s’est déroulé.

L’évaluation de la capacité de travail était bien sûr fonction du cas particulier, c’est-à-dire un consultant en informatique né en 1966. S’agissant de son travail, je n’ai pas posé de questions précises sur le déroulement de sa journée comme je l’aurais fait en cas d’expertise. Mon appréciation aurait été différente s’il s’était agi d’un maçon de plus de 50 ans. Sur question, j’indique que dans le cas d’une expertise, j’aurais demandé à consulter l’ensemble de la documentation relative à M. P__________, permettant d’établir une anamnèse complète, j’aurais également procédé aux radiographies habituelles. Cependant, je pense qu’en cas d’expertise, je ne serais pas arrivé à des conclusions totalement différentes.

Sur question, j’indique que dès le départ, l’examen a été rendu difficile puisque le recourant est arrivé fâché et que cela a pu générer des difficultés de contacts de part et d’autre. S’agissant d’un trouble de la sensibilité globale du membre inférieur gauche je confirme qu’il ne s’agissait pas et qu’il ne pouvait pas s’agir d’un trouble radiculaire, ce qui a pour conséquence de créer un doute sur la réalité et l’importance des troubles allégués. J’ai constaté ce jour que M. P__________ pouvait rester une demi-heure en station debout ce qui me conforte dans l’idée qu’il peut travailler à plus de 25%. J’apprends qu’il porte un corset, mesure que j’avais d’ailleurs préconisée, il est clair que ce corset peut améliorer la situation et permettre une station debout moins douloureuse, peut-être plus prolongée. Je constate à la relecture de mon dossier que M. P__________ portait déjà un tel corset lors de ma consultation.

Dans le cas des troubles allégués par le recourant, on ressent principalement des douleurs lombaires, qui rendent rapidement la station debout ou la position assise intolérable. Dans le cas du recourant, il me semble que tous les traitements n’ont pas été instaurés pour une raison que j’ignore. J’ajoute que dans ce genre de cas la plupart des experts fixent pour un travail intellectuel, une capacité résiduelle de travail de l’ordre de 50%.

Sur suggestion du Tribunal, je serais d’accord de faire part de mon appréciation sur l’expertise du Dr G__________.

Lorsque j’indique avoir constaté la présence d’éléments non organiques, cela signifie qu’il s’agit d’éléments non objectivés, dont je ne m’expliquais pas la présence et qui paraissent suspects".

19. A la suite de cette audition, les parties se sont également exprimées. Le demandeur a précisé avoir porté un corset baleiné sans se souvenir s'il s'agissait de 1998 ou 2000, l'assureur indiquant souhaiter que l'on retrouve la date du port de ce corset. Le demandeur a par ailleurs expliqué que son activité d'informaticien indépendant consiste, d'une part, en conseils à la clientèle, d'autre part, de la mise en place des outils informatiques. La partie "conseils" implique parfois des heures de discussion dans une position assise prolongée qu'il ne peut plus supporter, et la partie "mise en place" suppose le port de charges qu'il ne peut plus assumer. Ce travail suppose aussi beaucoup de disponibilité à la clientèle, qui tolère mal les rendez-vous reportés. Il a précisé être traité à la morphine à raison de deux fois par jour en raison des douleurs qui persistent malgré tout. Lorsqu'il a une activité le matin, il se repose l'après-midi.

Il a été convenu de transmettre l'expertise du Dr G__________ au Dr D__________ pour détermination.

Dans son courrier du 21 décembre 2005, le Dr D__________ indique n'avoir pas d'observation particulière à formuler sur le fond et la forme de l'expertise, qui est bien faite et détaillée. La divergence essentielle porte sur l'appréciation de la capacité de travail actuelle du demandeur. Le Dr D__________ relève que le Dr G__________ admet lui-même qu'une capacité de travail de 50% à 100% devait être possible à l'avenir après mise en place des mesures médicales exigibles, selon lui une intervention chirurgicale. Il admet donc implicitement que dans une telle situation, le demandeur pourrait être amené à exercer une activité lucrative d'au moins 50%. Il considère que le demandeur ne fait pas un usage complet de ses capacités résiduelles effectives de travail et s'étonne des souffrances du demandeur et du fait qu'il n'ait pas été soumis plus précocement à l'ensemble des mesures thérapeutiques susceptibles de le soulager. Il considère qu'il existe des facteur sociaux professionnels indépendants des problèmes de santé qui jouent un rôle non négligeable dans l'incapacité de travail alléguée.

20. Par plis du 6 janvier 2006, le Tribunal de céans a transmis cette écriture aux parties et leur a fixé un délai au 3 février 2006 pour écritures après enquêtes.

Dans ses écritures du 3 février 2006, le demandeur reprend pour l'essentiel son argumentation, considérant, d'une part, que le rapport du Dr D__________ ne correspond pas à une expertise comme il l'a lui-même admis, de sorte que la seule expertise neutre figurant au dossier et qui doit être suivie doit être celle du Dr G__________. Par conséquent il doit être constaté que le demandeur est en totale incapacité de travail depuis le 13 octobre 2003 et l'assureur condamné au paiement des indemnités journalières dues pendant 589 jours, soit 32'395 fr. avec intérêts à 5% depuis le 31 décembre 2004, ainsi qu'au montant de 150'000 fr. dû à titre de réparation morale, avec suite dépens. S'agissant du tort moral, il relève qu'en raison de la violation de ses obligations par l'assureur, le demandeur a subi un tort financier et moral très important puisque, ayant trois enfants à charge et aucun revenu, il n'a pu faire face à ses obligations alimentaires et a été poursuivi civilement et pénalement par le service cantonal d'avance & recouvrement des pensions alimentaires (SCARPA). S'y ajoutent des souffrances morales du fait de la non reconnaissance de sa maladie pour l'assureur, au point qu'il a traversé une période de dépression au printemps 2004.

Dans ses écritures du 3 février 2006 également, l'assureur conclut au rejet du recours sous suite de dépens. L'incapacité de travail du demandeur apparaît en grande partie liée à des problèmes économiques et conjoncturels, éléments qui n'entrent pas en considération dans le taux d'incapacité de travail indemnisé par l'assureur perte de gain maladie. Elle se réfère à nouveau à l'expertise de Zürich de 2000 dans la mesure où à cette époque le demandeur déclarait déjà être totalement incapable de travailler, ce qui n'avait pas été retenu par les experts. Il doit pouvoir par ailleurs reprendre en tout cas partiellement son activité d'informaticien indépendant, vu ce qu'il a expliqué de son métier à l'audience. Cas échéant, il doit diminuer son dommage par un changement de profession.

Après transmission de ces écritures aux partie de 6 février 2006, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. c LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 18 mars 1994, et à l’assurance-accident obligatoire prévue par la loi fédérale sur l’assurance-accident du 20 mars 1981.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie, et la demande recevable.

La question litigieuse est uniquement de déterminer quelle est la capacité de travail du demandeur au-delà du mois de février 2004 et de déterminer par conséquent si le versement des indemnités journalière doit être repris ou non. Subsidiairement se posera la question du tort moral.

4. Selon la jurisprudence et la doctrine, l’autorité administrative ou le juge ne doivent considérer un fait comme prouvé que lorsqu’ils sont convaincus de sa réalité (Kummer, Grundriss des Zivilprozessrechts, 4ème édition Berne 1984, p. 136 ; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2ème édition, p. 278 ch. 5). Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5 let. b 125 V 195 consid. ch. 2 et les références). Aussi, n’existe-t-il pas en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5 let. a).

Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; Kieser, Das Verwaltungsverfahren in der Sozialversicherung, p. 212, n° 450 ; Kölz/Häner, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2e éd., p. 39, n° 111 et p. 117, n° 320 ; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., p. 274 ; cf. aussi ATF 122 II 469 consid. 4a, 122 II 223 consid. 3c, 120 Ib 229 consid. 2b, 119 V 344 consid. 3c et la référence).

Dans un arrêt du 14 juin 1999 (ATF 125 V 351), le Tribunal fédéral des assurances (ci-après TFA) a précisé sa jurisprudence relative à l’appréciation des preuves notamment dans le domaine médical. Il convient de rappeler ici que selon le principe de la libre appréciation des preuves, qui s’applique aussi bien en procédure administrative qu’en procédure de recours de droit administratif (art. 40 PCF en corrélation avec l’art. 19 PA ; art. 95 al. 2 OJ en liaison avec les art. 113 et 132 OJ), l’administration ou le juge apprécie librement les preuves, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Dès lors, le juge doit examiner de manière objective tous le moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. Si les rapports médicaux sont contradictoires, il ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre.

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, la jurisprudence a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, le juge ne s’écarte en principe pas sans motifs impératifs des conclusions d’une expertise médicale, la tâche de l’expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à disposition pour clarifier les aspects médicaux d’un état de fait donné. Peut constituer une raison de s’écarter de l’expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu’une sur-expertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d’autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l’expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d’une nouvelle expertise médicale.

En l'espèce, les documents médicaux à examiner sont l'expertise zurichoise de 2000, les rapports médicaux du Dr B__________, médecin-traitant du demandeur, le rapport médical du Dr D__________, complété par son audition et son écriture au Tribunal, ainsi que l'expertise du Dr G__________ du mois de mai 2004, ordonnée par l'OCAI dans le cadre de la demande de prestations d'assurance-invalidité.

a) Contrairement à ce qu'allègue l'assureur, l'expertise zurichoise n'est pas pertinente en l'espèce car elle détermine la capacité de travail du demandeur à une époque qui n'est pas en cause dans le cadre de la présente procédure et, d'autre part, parce qu'il a été confirmé par l'expert G__________ que la situation s'était aggravée depuis.

b) Les rapports et audition du Dr B__________ seront pris en considération avec la retenue qui s'impose au vu de la jurisprudence susmentionnée, le Dr B__________ étant le médecin-traitant du demandeur.

c) Le rapport du Dr D__________ quant à lui ne peut être qualifié d'expertise au sens de la jurisprudence du TFA, ce qu'il a lui-même admis. En outre il n'est pas en désaccord avec l'expert G__________ sur les diagnostics mais uniquement sur l'appréciation de la situation en termes de capacité de travail résiduelle.

d) C'est donc sur l'expertise du Dr G__________ qu'il y a lieu de se fonder. Sa valeur probante est complète, et ses conclusions sont très claires. Ainsi, la capacité de travail du demandeur doit être considérée comme nulle depuis le 13 octobre 2003, et elle était encore nulle au moment de l'expertise le 11 mai 2004, et devait rester ainsi de l'avis même de l'expert jusqu'à que la situation médicale évolue, cas échéant par le biais d'une intervention chirurgicale, étant précisé que l'incapacité de travail n'est quoi qu'il en soit pas définitive de l'avis de l'expert, et que l'OCAI a prévu une révision en novembre 2006.

C'est le lieu de rappeler, d'une part, qu'il ne saurait être fait reproche au demandeur de se trouver dans l'actuelle totale incapacité de travail qui est la sienne. On ne peut suivre notamment le Dr D__________ lorsqu'il s'étonne que les mesures médicales n'aient pas été mises en place plus tôt, car le demandeur n'est pas responsable cas échéant de cet état de fait, et d'autre part, il ressort de l'expertise du Dr G__________ qu'au contraire de multiples mesures thérapeutiques avaient été prises en vain. Le Dr D__________ a d'ailleurs lui-même cité ces nombreuses mesures (cf. partie 5 EN FAIT).

Par conséquent la demande en paiement des indemnités journalières de 720 jours sous déduction des indemnités déjà versées et du délai d'attente de 30 jours, soit 32'395 fr. sera admise, le montant n'étant d'ailleurs pas contesté. Les intérêts moratoires à raison de 5% l'an seront également dus dès la date moyenne du 31 décembre 2004 (art. 26 al. 2 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA), et 7 de l'ordonnance (OPGA) et 73 du code des obligations).

En revanche, la demande de paiement de 150'000 fr. à titre de réparation morale doit être rejetée. Les conditions d'une telle réparation, prévue par les art. 41 et 47 du code des obligations ne sont en effet pas remplies. En particulier la faute, qui est requise, n'est pas établie. Si l'on peut en effet reprocher à l'assureur de ne pas avoir suivi l'expertise du Dr G__________, il faut relever que celle-ci n'a été portée à sa connaissance que dans le cadre de la présente procédure et que l'assureur avait fait procéder à des mesures d'instruction dont elle était légitimée à suivre les conclusions. Un élément constitutif de la réparation n'étant pas rempli, il n'est ainsi pas nécessaire d'examiner si la douleur morale éprouvée est particulièrement grande comme le réclame la jurisprudence du TFA (ATF 108 II 422 JT 1983 1 104). De même, peut rester ouverte la question de la compétence du Tribunal de céans en la matière, s'agissant d'une conclusion qui ne relève pas de l'assurance sociale et que pour cette raison, le TFA avait déclarée devant lui irrecevable (ATF 117 V 353).

Le demandeur qui obtient partiellement gain de cause a droit à des dépens. Ceux-ci sont fixés par le juridiction de céans en fonction du nombre et de la complexité des écritures, du nombre d'audiences et du nombre d'actes d'instruction complémentaires. Il seront fixée en l'espèce à 2'250 fr.

*****


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

Préalablement :

 

Ordonne la substitution de la partie défenderesse en ce sens que LA SUISSE SOCIETE D'ASSURANCES CONTRE LES ACCIDENTS SA devient HELSANA ASSURANCES COMPLEMENTAIRES SA.

 

Principalement :

A la forme :

Déclare la demande recevable.

Au fond :

L'admet partiellement.

Condamne l'HELSANA ASSURANCES COMPLEMENTAIRES SA à verser à Monsieur P__________ la somme de 32'395 fr. avec intérêts moratoires de 5% dès le 31 décembre 2004.

Condamne l'HELSANA ASSURANCES COMPLEMENTAIRES SA au versement, à titre de dépens au demandeur, d'une indemnité de 2'250 fr.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Informe les parties que, s'agissant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance du 2 avril 1908 et dans les limites des articles 43 ss et 68 ss de la loi fédérale sur l'organisation judiciaire du 16 décembre 1943, le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral dans les trente jours dès sa notification. Le mémoire de recours sera adressé en trois exemplaires au Tribunal cantonal des assurances, 18, rue du Mont-Blanc, 1201 Genève. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

Le greffier

 

 

Pierre RIES

 

La Présidente :

 

 

Isabelle DUBOIS

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances privées par le greffe