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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1850/2002

ATAS/24/2005 du 13.01.2005 ( AI ) , REJETE

Recours TF déposé le 17.02.2005, rendu le 09.06.2006, REJETE
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1850/2002 ATAS/24/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL CANTONAL DES
ASSURANCES SOCIALES

du 13 janvier 2005

3ème Chambre

 

En la cause

 

 

Madame T___________

recourante

 

contre

 

OFFICE CANTONAL DE L’ASSURANCE-INVALIDITE, rue de Lyon 97, 1211 Genève 13

intimé

 

 

 


EN FAIT

Madame T___________, née en 1945, a notamment exercé une activité de saisie sur ordinateur. Elle effectué sa dernière mission pour le compte de X___________ SA du 5 mai au 5 août 1994 en qualité de télexiste.

Le 20 mai 1999, elle a déposé une demande de prestations auprès de l’Office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après OCAI).

Le 23 novembre 1999, son médecin traitant, le Dr A___________, a établi un rapport à l’intention de l’OCAI. Il y diagnostique un état dépressif chronique et une anxiété sévère, une hypertension artérielle, une colopathie fonctionnelle, une obésité ainsi qu’une hystérectomie totale en 1996. Selon lui, l’assurée est dans l’incapacité totale de travailler depuis le 1er juillet 1996.

Le Dr B___________, psychiatre traitant, a, dans son rapport du 17 juillet 2000 à l’OCAI, posé les diagnostics suivants : HTA, status post-hystérectomie totale 1996, lombalgies, greffe d’os de la mâchoire inférieure (1989). La patiente présente selon le médecin une incapacité totale de travail depuis 1992, à l’exception de quatre mois d’activité en 1994. Le médecin a notamment relevé : « dans le contexte d’une cardiopathie ischémique sévère chez son mari, qui a nécessité une opération en 1997, la patiente a présenté des accès de tachycardie avec crises d’angoisse (état de panique). Depuis septembre 1999, elle a présenté une thymie triste, une perte de l’élan vital avec asthénie, abattement et troubles du sommeil, ainsi qu’un comportement oro-alimentaire ».

L’assurée a été soumise à une expertise pluridisciplinaire, effectuée au Aerztliches Begutachtungsinstitut de Bâle (MEDAS). Elle y a fait l’objet de consultations spécialisées de psychiatrie et de rhumatologie. Le collège des experts a retenu au nombre des diagnostics ayant une influence sur la capacité de travail : épisode dépressif léger à moyen, syndrome douloureux lombaire chronique, instabilité symptomatique OSG gauche. La capacité de travail a été évaluée à 100% du point de vue physique dans des activités légères et adaptées sans port de charges, avec possibilité de changer de temps en temps de position, telle que la bureautique. D’un point de vue psychique, la capacité de travail a été évaluée à 90%. Les experts ont pris les conclusions suivantes : l’expertisée présentait depuis 1994 une capacité de travail diminuée de 10% pour les activités de bureau. D’un point de vue général, des activités physiquement légères et adaptées pouvaient être exigées à un taux de travail de 90% ; ceci était également valable pour les activités ménagères.

Par décision du 13 novembre 2001, l’OCAI a refusé l’octroi de prestations au motif qu’une activité à 90% en tant qu’employée de bureau était raisonnablement exigible.

Par courrier du 11 décembre 2001, l’assurée a interjeté recours contre cette décision auprès de la Commission cantonale de recours en matière d’assurance-invalidité, alors compétente. Elle a allégué souffrir de douleurs au dos permanentes et de dépression.

Invité à se prononcer, l’OCAI a conclu au rejet du recours.

Par courrier du 16 mars 2002, la recourante a réaffirmé que ses douleurs l’empêchaient d’effectuer une quelconque activité professionnelle.

Par ailleurs, par courriers des 4 et 5 février 2003, l’assurée a requis la traduction de l’expertise, rédigée en allemand.

Par jugement du 12 février 2003, la Commission cantonale de recours en matière d’assurance-invalidité a admis le recours sans préjudice pour l’une ou l’autre des parties et ordonné à l’autorité intimée de faire procéder dans les meilleurs délais et à ses frais à la traduction de l’expertise médicale en français puis de reprendre l’instruction de la cause et de rendre une nouvelle décision après avoir donné à l’assurée la possibilité de faire valoir ses arguments.

Par courrier du 3 mars 2003, le Dr A___________ a encore indiqué à la Commission de recours que sa patiente continuait à souffrir des mêmes affections sur le plan psychiatrique et rhumatologique. Il a précisé que, suite au bilan médical établi à Bâle, elle avait continué à bénéficier de plusieurs traitements de physiothérapie pour le problème rhumatologique et d’une psychothérapie associée à un traitement médicamenteux. Selon lui, il serait illusoire de croire qu’elle puisse intégrer une activité professionnelle après une si longue absence du milieu professionnel et, dans le contexte économique actuel, elle n’aurait aucune chance de trouver un travail correspondant à ses capacités et son handicap. Le médecin a néanmoins précisé que la patiente suivrait un stage d’évaluation de sa capacité de travail à la clinique de Beau- Séjour et que, si, en août 2001, l’incapacité de travail s’élevait à 10%, elle était désormais de 30%.

Suite à un recours de droit administratif de l’OCAI, le Tribunal fédéral des assurances (TFA) a rendu un arrêt en date du 31 mars 2004. Le TFA a fait remarquer que l’assurée avait donné suite sans réserve à la convocation régulière de l’expert de Bâle. Par ailleurs, invitée à se déterminer sur le projet de décision du 25 octobre 2001 aux termes duquel l’OCAI envisageait de rejeter la demande de prestations, l’assurée n’avait pas exprimé le désir d’obtenir la traduction en français du rapport d’expertise. Le TFA a dès lors estimé que rien ne s’opposait à ce que l’expertise fût effectuée dans un milieu où on s’exprimait en allemand, même si l’intéressée ne maîtrisait pas cette langue officielle, et qu’au surplus, l’assurée avait, au stade de la procédure administrative, implicitement renoncé à son droit d’être entendue sur ce point. L’OCAI n’a donc pas violé le droit d’être entendu en s’abstenant de procéder d’office à la traduction en cause. Cependant, au regard du principe de la territorialité, le TFA a estimé qu’il était parfaitement admissible d’exiger une traduction dans la langue officielle du canton de l’expertise ordonnée par l’office AI. Dès lors, la cause a été renvoyée à la juridiction cantonale afin de statuer sur le recours après avoir imparti à l’OCAI un délai pour produire une traduction en langue française du rapport d’expertise.

La copie de la traduction française du rapport d’expertise du MEDAS a été transmise au Tribunal de céans par courrier du 27 mai 2004.

Elle a été transmise à la recourante qui, par courrier 28 juillet 2004, a relevé que l’expertise démontrait qu’elle était dans l’incapacité totale d’exercer des activités physiques moyennes à lourdes et sollicitant le dos. Elle a par ailleurs nié que ses plaintes soient sans fondement et allégué souffrir de douleurs insupportables lui interdisant toute possibilité d’emploi. Qui plus est, elle a indiqué avoir été victime, depuis le moment de la décision litigieuse, d’un accident qui lui a occasionné une hospitalisation de deux semaines et qui compromettrait l’usage de sa main gauche.

Par courrier du 24 août 2004, l’OCAI a maintenu sa position.

La cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l’art. 3 al. 3 des dispositions transitoires, les causes introduites avant l’entrée en vigueur de la loi et pendantes devant la Commission cantonale de recours en matière d’assurance-invalidité ont été transmises d’office au Tribunal cantonal des assurances sociales, statuant en instance unique sur les contestations en matière d’assurance-invalidité (cf. art. 56 V LOJ).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003 et a entraîné la modification de nombreuses dispositions dans le domaine de l’assurance-invalidité. La législation en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002 demeure toutefois déterminante en l’espèce. En effet, d’après la jurisprudence, la législation applicable en cas de changement de règles de droit reste celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATF 125 V 467 consid. 1 ; 126 V 166 consid. 4b), les faits sur lesquels l’autorité de recours peut être amenée à se prononcer dans le cadre d’une procédure de recours de droit administratif étant par ailleurs ceux qui se sont produits jusqu’au moment de la décision administrative litigieuse (ATF 121 V 366 consid. 1b). Les dispositions de la LAI seront donc citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002.

Le litige porte sur le droit de l’assurée à une rente de l'assurance-invalidité, respectivement sur le taux d'invalidité à la base de cette prestation et l'incidence de l’état de santé de l’assurée sur sa capacité de travail.

L'invalidité est définie par la loi comme la diminution de la capacité de gain, présumée permanente ou de longue durée, qui résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale provenant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident. L'incapacité de gain consiste en la diminution moyenne prévisible des possibilités de gain de la personne concernée sur l'ensemble du marché du travail équilibré pouvant entrer en considération pour elle (art. 4 LAI).

L'assuré a droit à une rente s'il est invalide à 40% au moins. En ce cas, il recevra un quart de rente. S'il est invalide à 50%, il se verra octroyer une demi-rente et, si son invalidité atteint 66 2/3 %, une rente entière (art. 28 al. 1 LAI). Dans les cas pénibles, une invalidité de 40% au moins ouvre droit à une demi-rente (art. 28 al. 1bis LAI).

Aux termes de l'art. 28 al. 2 LAI, pour l'évaluation de l'invalidité, le revenu du travail que l'invalide pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de réadaptation et compte tenu d'une situation équilibrée du marché du travail, est comparé au revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide.

Dans le cadre de l’évaluation de l’invalidité, la tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé de l’assuré, à indiquer quelles activités ce dernier est incapable d’exercer et dans quelle mesure. Les données médicales constituent en outre un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 261 consid. 4, 115 V 134 consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158 consid. 1).

L’élément décisif pour la valeur probante d’un certificat médical n’est ni son origine ni le fait qu’il soit désigné comme un rapport ou une expertise médicale, mais bel et bien son contenu. Ce qui est déterminant, c’est que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description du contexte médical soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 122 V 160 consid. 1c et réf.). L’expertise doit être fondée sur une documentation complète et des diagnostics précis, être concluante grâce à une discussion convaincante de la causalité et apporter des réponses exhaustives et sans équivoque aux questions posées (J. MEINE, L’expertise médicale en Suisse : satisfait-elle aux exigences de qualité actuelles ?, in Schweizerische Versicherungszeitschrift, 67/1999, p. 37ss). Dans le même sens, BUEHLER expose qu’une expertise doit être complète quant aux faits retenus, à ses conclusions et aux réponses aux questions posées. Elle doit être compréhensible, concluante et ne pas trancher des points de droit (BÜHLER, Erwartungen des Richters an der Sachverständigen, in PJA 1999 p. 567ss).

Lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l’expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé.

S’agissant des rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier.

En l’espèce, force est de constater que l’expertise du MEDAS remplit tous les réquisits jurisprudentiels et a donc pleine valeur probante. Les douleurs dont se plaint la recourante ont été énumérées mais il a été relevé qu’elles correspondaient à des maux de dos non spécifiques et que, sur le plan radio-morphologique, il n’y avait rien à signaler. A l’examen clinique, la démarche et la mobilité lombaire ont été qualifiées de normales pour l’âge de l’assurée, une légère attitude scoliotique en position debout se normalisant en position ventrale. En corrélation avec les douleurs décrites par la patiente dans la zone du pied, les médecin ont constaté une certaine instabilité de l’articulation astragalocalcanéenne sans traumatisme causal avec distorsion du pied.

Les médecins n’ont pas trouvé d’explication appropriée du point de vue de l’appareil moteur à l’incapacité de travail alléguée par la recourante. Ils ont admis que la capacité de travail était effectivement nulle pour les activités physiques moyennes à lourdes et sollicitant le dos. En revanche, ils ont estimé que, dans une activité légère à moyenne - voire plus - ne mettant pas le dos à contribution, évitant l’élévation des bras au-dessus de la tête ou le fait de se pencher régulièrement, et permettant d’alterner occasionnellement les positions, une capacité de travail « largement illimitée » était exigible.

Du point de vue psychiatrique, la capacité de travail a été estimée à 90%, du fait que la courbe de rendement de la patiente était apparemment quelque peu inconstante. Les experts ont toutefois considéré que l’état dépressif de la patiente n’affectait pas massivement sa capacité de travail.

Ainsi, on ne saurait s’écarter de la conclusion selon laquelle la recourante est en incapacité de travail à raison de 10% pour les activités de bureau depuis 1994.

L’évaluation de la capacité de travail ne saurait être sérieusement remise en question par le certificat médical du Dr A___________, qui ne motive l’appréciation qu’il porte au sujet du caractère invalidant des affections de sa patiente que par des arguments ne relevant pas de l’assurance-invalidité, à savoir la longue période d’inactivité et le contexte économique. Qui plus est, il admet que la capacité de travail pouvait s’élever à 90% en août 2001.

Quant au Dr B___________, dont le diagnostic correspond d’ailleurs à celui posé par le MEDAS, il pose en revanche une évaluation divergente de la capacité de travail de la patiente. Cette appréciation n’est toutefois aucunement motivée et semble avoir été basée sur l’activité effective de la recourante, a posteriori. Dans ces conditions, l’opinion, au demeurant succinctement motivée, du médecin traitant n’est pas propre à mettre en doute le bien-fondé des conclusions des spécialistes, convaincantes à tous égards.

Eu égard aux considérations qui précèdent, le recours est rejeté.


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant,

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

Au fond :

Rejette le recours ;

Dit que la procédure est gratuite ;

Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement qu'elle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu'il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l'enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

La greffière :

Janine BOFFI

 

La présidente :

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe