Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3047/2005

ATAS/191/2006 du 22.02.2006 ( AVS ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3047/2005 ATAS/191/2006

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 4

du 22 février 2005

 

En la cause

Monsieur V__________

 

recourant

contre

LA CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise route de Chêne 54, case postale, 1211 GENEVE 6

 

intimée

 


EN FAIT

La société X__________ SA (ci-après la société) a été créée ä Genève le 22 décembre 1984. Elle a pour but social la gestion de biens mobiliers et immobiliers.

La société a été affiliée pour son personnel salarié auprès de la Caisse interprofessionnelle d'AVS de la fédération des entreprises romandes (FER-CIAM) jusqu'au 31 décembre 1997. A partir du 1er janvier 1998, elle est affiliée auprès de la Caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après la caisse).

Monsieur V__________ est inscrit au Registre du commerce en qualité de directeur de la société, au bénéfice d’une signature individuelle, depuis 1988. Monsieur A__________ est administrateur, avec signature individuelle, depuis le 10 décembre 2001.

Depuis 1993, la société ne paye pas régulièrement, voire pas du tout, les cotisations sociales. Dès son affiliation auprès de l’intimée à compter du 1er janvier 1998, la société ne s'est pas acquittée des cotisations paritaires, contraignant la caisse à agir à son encontre par voie de poursuites. Les 27 octobre 2003 et 2 décembre 2003, l’Office des poursuites a délivré à la caisse quatre procès-verbaux de saisie, valant actes de défaut de biens, relatifs aux cotisations paritaires impayées pour l’année 2001. Le 23 avril 2004, la caisse a reçu de nouveaux procès-verbaux de saisie valant acte de défaut de biens, pour des cotisations impayées durant les années 1998 et 2000.

Par décision du 18 février 2004, la caisse a réclamé à Messieurs V__________ et A__________, pris conjointement et solidairement, le paiement de la somme de 35'588 fr. 70 à titre de réparation du dommage subi, représentant un solde de cotisations impayées pour les années 1998 à 2000, ainsi que les cotisations de janvier à décembre 2001.

Les prénommés ont interjeté recours auprès du Tribunal de céans (cause A/1636/2004) contre la décision de la caisse rejetant leur opposition.

En date des 2 juillet 2003, 30 septembre 2003, 23 avril 2004, 22 décembre 2004 et 15 mars 2005, l’Office des poursuites a délivré à la caisse des procès-verbaux de saisie valant actes de défaut de biens pour des cotisations impayées durant les années 2002 à mars 2005, pour un total de 10'949 fr. 40.

Par décision du 1er mars 2005, la caisse a réclamé à Monsieur V__________, en sa qualité de directeur, le paiement de la somme de 10'949 fr. 40, à titre de réparation du dommage qu’elle a subi en raison de l’insolvabilité de la société. La caisse a considéré qu’il était responsable du non-paiement des cotisations, solidairement avec l'administrateur, Monsieur A__________.

L’intéressé, représenté par Me Michel BERGMANN, a formé opposition, pour les mêmes motifs que ceux qu’il avait fait valoir dans la procédure A/1636/2004.

Par décision du 30 juin 2005, la caisse a rejeté l’opposition, considérant qu’aucun élément nouveau ne permettait de dégager la responsabilité du directeur.

Par l’intermédiaire de son conseil, l’intéressé a interjeté recours en date du 1er septembre 2005, exposant que la société rencontre des difficultés de trésorerie depuis plusieurs années et que pour se maintenir à flot, elle a, d’une part, procédé à son licenciement partiel et d'autre part, omis de payer les cotisations litigieuses. Ces faits justificatifs excluent de lui réclamer le paiement des montants en cause.

Dans sa réponse du 23 septembre 2005, la caisse rappelle qu’une procédure est actuellement en cours et que Monsieur A__________ n’a pas réagi à la décision qui lui a été notifiée. Elle conclut au rejet du recours, pour les mêmes motifs que ceux exposés dans le cadre de la procédure A/1636/2004.

Cette écriture a été communiquée au recourant.

Après instruction et enquêtes dans le cadre de la procédure A/1636/2004, le Tribunal de céans a, par arrêt du 15 février 2006, rejeté les recours interjetés par Messieurs V__________ et A__________.

Sur quoi, la présente cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l'art. 56V al. 1 let. a ch.1 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’article 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) qui sont relatives à la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

En l’occurrence, la caisse a réclamé au recourant la réparation du dommage qu’elle a subi en raison de l'insolvabilité de la société X__________ SA par décision du 1er mars 2005 (art. 52 al. 2 LPGA), de sorte que la LPGA est applicable.

Interjeté dans le délai de 30 jours dès la notification de la décision sur opposition et dans la forme prescrite auprès du Tribunal de céans (art. 84 LAVS et 58 al. 1 LPGA), le recours est recevable (art. 56 et 60 LPGA).

Aux termes de l’art. 52 al. 1 LAVS, en sa teneur en vigueur dès le 1er janvier 2003, l’employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n’observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à l’assurance, est tenu à réparation. Cette disposition reprend l’ancien art. 52 LAVS quasiment sans modification : les termes « caisses de compensation » sont remplacés par « assurance », sans que cela entraîne un changement quant aux conditions de la responsabilité de l’employeur (cf. ATF 129 V 13 ss consid. 3.5).

Selon l’art. 52 al. 3 LAVS, le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Contrairement à l’ancien droit, il s’agit de délais de prescription et non de péremption : ces délais peuvent être interrompus et l’employeur peut renoncer à invoquer la prescription (FF 1994 V p. 964 ss, 1999 p. 4422).

L’art. 82 LPGA précise que les dispositions matérielles de la présente loi ne sont pas applicables aux prestations en cours et aux créances fixées avant son entrée en vigueur. La LPGA ne contient cependant pas de disposition transitoire relative aux délais de péremption et de prescription prévus par l’ancien art. 82 RAVS et l’art. 52 al. 3 LAVS. Dans un arrêt du 30 novembre 2004 (H 96/03), le Tribunal fédéral des assurances (TFA) s’est penché sur cette question, sans toutefois la trancher dans le cas d’espèce. Il a ainsi rappelé qu’en l’absence de disposition transitoire, on pourrait considérer comme un état de fait durable la créance en réparation du dommage soumise à prescription ou péremption, et lui appliquer la nouvelle réglementation dès son entrée en vigueur (cf. ATF 107 Ib 203 ss consid. 7 b, 102 V 207 ss consid. 2 ; RDAF 1998 II p.189 ss consid. 7a ; RDAT 1995 I n. 46 p. 115 ss consid 3). La péremption ou la prescription sont cependant des institutions de droit matériel qui concernent directement l’existence de la créance en réparation du dommage, à laquelle elles sont donc étroitement liées. Ce lien de connexité pourrait justifier de soumettre la naissance de la créance en réparation du dommage et sa péremption ou prescription à un seul et même régime de droit transitoire.

En l’espèce, la caisse a reçu, dès le 2 juillet 2003, plusieurs actes de défaut de biens relatifs à des cotisations impayées pour la période du 1er janvier 2002 à mars 2004 (cf. pièces nos 4, 9, 16, 23, 30, 47 caisse). De jurisprudence constante, en dehors de la faillite, lorsque la caisse subit un dommage à cause de l'insolvabilité de l'employeur, la délivrance par l'Office des poursuites de procès-verbaux de saisie valant actes de défaut de biens au sens des art. 115 al. 1 et 149 LP marque, outre le moment de la survenance du dommage et de la naissance de la créance en réparation du dommage, celui où la caisse a connaissance du dommage et, par conséquent, fixe le point de départ du délai de prescription de deux ans de l'art. 52 al. 3 LAVS, applicable en l'espèce (cf. ATF 113 V 256 consid. 3c, 112 V 158 consid. 3; ATFA du 19 février 2003 H 184/02).

Force dès lors est de constater qu'en notifiant ses demandes en réparation du dommage en date du 1er mars 2005, la caisse a respecté le délai de prescription.

L’art. 14 al. 1 LAVS en corrélation avec les art. 34 ss RAVS, prescrit que l'employeur doit déduire, lors de chaque paie, la cotisation du salarié et verser celle-ci à la caisse de compensation en même temps que sa propre cotisation. Les employeurs doivent remettre périodiquement aux caisses les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs employés, de manière que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions.

L'obligation de l'employeur de percevoir les cotisations et de régler les comptes est une tâche de droit public prescrite par la loi. A cet égard, le Tribunal fédéral des assurances a déclaré, à réitérées reprises, que celui qui néglige de l'accomplir enfreint les prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS et doit, par conséquent, réparer la totalité du dommage ainsi occasionné (ATF 118 V 195 consid. 2a et les références).

Le TFA a affirmé expressément que l'obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l'employeur, des prescriptions régissant l'AVS (RCC 1978, page 259; RCC 1972, page 687). La caisse de compensation qui constate qu'elle a subi un dommage par suite de la non-observation de prescriptions peut admettre que l'employeur a violé celles-ci intentionnellement ou du moins par négligence grave, dans la mesure où il n'existe pas d'indice faisant croire à la légitimité de son comportement ou à l'absence d'une faute (cf. ATFA du 28 juin 1982, RCC 1983, page 101).

Lorsque l'employeur est une personne morale, ses organes répondent solidairement, à titre subsidiaire, du dommage causé par celui-ci, notamment quand la personne morale n'existe plus au moment où la responsabilité est engagée (cf. No 6003 des directives de l'OFAS sur la perception des cotisations - DP; ATF 114 V 79, consid. 3; 113 V 256, consid. 3c; RCC 1988, page 136, consid. 3c; ATF 111 V 173, RCC 1985, page 649, consid. 2.).

Par "organe", il faut entendre toute personne physique qui représente la personne morale à l'extérieur ou qui peut exercer une influence décisive sur le comportement de celle-ci (cf. no 6004 DP). Lorsqu'il est saisi du cas d'une société anonyme, le TFA s'est toujours référé à l'article 754, 1er alinéa, en corrélation avec l'article 759, 1er alinéa du CO. Conformément à ces articles, toutes les personnes chargées de l'administration, de la gestion ou du contrôle, répondent, à l'égard de la société, de même qu'envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu'elle leur cause en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs et les personnes qui répondent d'un même dommage en sont tenues solidairement. Sont réputés chargés de l'administration ou de la gestion au sens de l'article 756 CO non seulement les organes de décision désignés expressément comme tels, mais également les personnes qui prennent effectivement des décisions relevant des organes, ou qui assument la gestion proprement dite, concourant ainsi à la formation de la volonté sociale de manière déterminante (ATF 128 III 30 consid. 3a, 117 II 442 consid. 2b, 571 consid. 3, 107 II 353, consid. 5a; ATF 112 II 1985 et l'arrêt du 21 avril 1988 en la cause A; Forstmoser, Die aktienrechtliche Verantwortlichkeit, 2ème éd., pages 209 et ss). Il faut cependant, dans cette dernière éventualité, que la personne en question ait eu la possibilité de causer un dommage ou de l'empêcher, c'est-à-dire d'exercer effectivement une influence sur la marche des affaires de la société (cf. ég. ATF 111 II 84 consid. 2).

Un directeur de société a généralement la qualité d'organe en raison de l'étendue des compétences que cette fonction suppose (ATF 104 II 197 consid., 3b; Forstmoser/Meier-Hayoz/Nobel, Schweizerisches Aktienrecht, § 37, p. 443 note 17; Böckli, Schweizer Aktienrecht, 2e éd., p. 1072 note 1969). Mais il ne doit répondre que des actes ou des omissions qui relèvent de son domaine d'activité, ce qui, en d'autres termes, dépend de l'étendue des droits et des obligations qui découlent des rapports internes. Sinon, il serait amené à réparer un dommage dont il ne pouvait empêcher la survenance, faute de disposer des pouvoirs nécessaires (ATF 111 V 178 consid. 5a, Forstmoser/Meier-Hayoz/Nobel, op. cit., § 37, p. 442 note 8).

Le recourant est inscrit au Registre du commerce en qualité de directeur de la société, au bénéfice d’une signature individuelle.

Il résulte des pièces du dossier ainsi que des enquêtes effectuées par le Tribunal de céans dans le cadre de l’instruction de la cause A/1636/2004 que le recourant, seul salarié de l’entreprise depuis plusieurs années, en est en réalité le principal animateur. Il apparaît notamment qu’il participe à toutes les assemblées générales des actionnaires, qu’il présidait d'ailleurs pendant plusieurs années. De surcroît, il prend toutes les décisions relatives à la marche des affaires, l’actionnaire – qu’il prétend ne pas connaître et qui serait un membre de sa famille - servant en réalité d’écran. Dans ces conditions, il ne saurait se prévaloir du fait que le paiement des cotisations relève de la seule compétence de l’administrateur.

Quant au licenciement partiel dont le recourant fait état, les enquête ont révélé que la lettre de licenciement lui a été adressée, à sa demande par l’ancien administrateur, et qu'il s'agissait d'une "magouille" dans le but de percevoir des prestations de chômage. Il sied de relever que la caisse de chômage lui a ensuite réclamé la restitution des indemnités de chômage perçues à tort, au motif qu'il assumait la double fonction d'employeur et de salarié, ce que le Tribunal de céans a confirmé.

En conséquence, au vu des pièces du dossier et des enquêtes effectuées, le Tribunal de céans constate que le recourant, en sa qualité d’organe de fait de la société, persiste à ne pas s’acquitter des cotisations sociales depuis de nombreuses années, accordant la priorité à son salaire et laissant la société en état de surendettement, n’hésitant pas au demeurant à se faire accorder des prêts par la société.

Dans ces conditions, il répond entièrement du dommage subi par la caisse.

 

 

 

 

 

 

****

 

 

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

Le greffier

 

 

 

 

Walid BEN AMER

 

La Présidente

 

 

 

 

Juliana BALDE

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe