Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/4125/2005

ATAS/188/2006 (3) du 23.02.2006 ( AF ) , REJETE

Descripteurs : ; ALLOCATION FAMILIALE(AFA) ; ASSISTANCE JUDICIAIRE ; AUTORITÉ ADMINISTRATIVE ; AVOCAT ; CHANCES DE SUCCÈS ; COMPLEXITÉ DE LA PROCÉDURE
Normes : LOCAS27D
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4125/2005 ATAS/188/2006

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 3

du 23 février 2006

 

En la cause

Monsieur L__________, domicilié à GENEVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître KOHLER Monica

 

recourant

 

 

contre

LA CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise route de Chêne 54, 1208 GENEVE

 

intimée


EN FAIT

Par décision du 23 juin 2005, la caisse d'allocations familiales pour personnes sans activité lucrative (ci-après la caisse) a supprimé le droit aux allocations familiales de Monsieur L__________ dès le 1er juin 2005, en raison de la reprise d'une activité salariée par son épouse dont il n'a pas informé la caisse.

Par décision du même jour, la caisse a réclamé à l'assuré la restitution des allocations versées à tort de février 2005 à mai 2005, soit un montant de 800 fr.

L'intéressé a formé opposition auxdites décisions par courriers du 25 juillet 2005 au motif qu'il n'avait eu connaissance du fait que son épouse travaillait qu'en date du 3 mai 2005, lors de l'audience de comparution personnelle des parties devant le Tribunal de première instance (ci-après TPI).

Le 17 août 2005, le service de l'assistance juridique a transmis à l'Office cantonal des assurances sociales la demande d'assistance juridique que l'assuré avait déposée le 30 juin 2005 pour les procédures d'opposition contre les décisions de suppression des allocations familiales et de restitution.

Par décision du 24 octobre 2005, la caisse a rejeté la demande d'assistance juridique, d'une part, en raison de l'absence de chance de succès de l'opposition et, d'autre part, en raison du fait que l'assistance d'un avocat, qui est subsidiaire à l'intervention d'autres spécialistes ou personnes de confiance, n'était pas nécessaire.

Par décision sur opposition du 28 octobre 2005, la caisse a confirmé sa décision du 23 juin 2005 de restitution des prestations versées à tort et a, dans la même décision, considéré que l'opposant ayant violé son devoir de renseigner, il ne pouvait être considéré de bonne foi et bénéficier d'une remise de l'obligation de restituer. Elle n'a pas contesté que l'assuré ne savait pas que son épouse avait repris une activité lucrative mais a constaté qu'il n'avait pas immédiatement informé la caisse que son épouse avait quitté le domicile conjugal avec leur enfant le 17 janvier 2005. La caisse a relevé que si l'épouse déposait une demande d'allocations familiales auprès de la caisse de son employeur, la facture de la caisse du 23 juin 2005 pourrait être compensée directement avec les prestations dues par la caisse de l'employeur de l'épouse.

En date du 16 novembre 2005, la caisse a rejeté l'opposition de l'assuré dans laquelle il concluait à l'octroi des allocations familiales avec effet au 1er juin 2005. Elle relève que, dans l'esprit de la loi, les allocations familiales doivent être versées à celui des parents qui s'occupe effectivement de l'enfant lequel est sous la garde de sa mère depuis le 17 janvier 2005.

L'opposant recourt en date du 25 novembre 2005 auprès du tribunal de céans contre la décision de refus de l'assistance juridique du 24 octobre 2005. A l'appui de son recours, il fait valoir qu'il ignorait que son épouse travaillait avant l'audience de comparution personnelle du 3 mai 2005 par devant le TPI dans le cadre de mesures protectrices de l'union conjugale. Il précise que le TPI l'a condamné, par ordonnance du 1er mars 2005, à verser à son épouse, mensuellement et à réception, les allocations familiales de 200 fr. et la rente complémentaire de l'assurance-invalidité d'un montant de 189 fr., sommes qu'il a régulièrement versées à celle-ci. Il relève qu'il avait requis le bénéfice de l'assistance juridique non seulement pour la procédure d'opposition à la décision de restitution mais également pour la procédure d'opposition à la décision de refus des allocations familiales. Il considère avoir été induit en erreur par son épouse et rappelle qu'il lui a rétrocédé les allocations familiales perçues et qu'aucun des deux parents ne perçoit actuellement d'allocations pour l'enfant. Les deux oppositions ne paraissent dès lors pas vouées à l'échec.

S'agissant de la nécessité de l'intervention d'un avocat, le recourant relève qu'il a été contraint de formuler des oppositions dans un domaine juridique qu'il ignore après avoir essayé en vain d'expliquer son cas à la caisse par téléphone. Il invoque également le fait qu'il a reçu des sommations de payer même après le dépôt de l'opposition et que sa maladie ainsi que le traitement médical suivi restreignent ses capacités physiques et intellectuelles. Il considère que la pluralité de décisions, de procédures, les allégations mensongères de son épouse, les incohérences de la caisse, sa maladie et son inexpérience et enfin le fait même qu'il ait été condamné par une décision de justice à rétrocéder lesdites allocations à son épouse justifie qu'il soit assisté dans ses démarches.

Il conclut à l'octroi de l'assistance juridique tant pour les procédures d'opposition que pour le recours contre la décision de refus de l'assistance juridique et la procédure qui s'y trouvera liée.

En date du 22 décembre 2005, la caisse a adressé à la juridiction de céans ses observations ainsi qu'une copie des pièces relatives à la demande d'assistance juridique. Elle relève que la décision de suppression du droit aux allocations familiales ainsi que la décision de restitution ont été notifiées le même jour dans la même enveloppe et qu'elles pouvaient être attaquées simultanément. Par ailleurs, elle souligne que l'examen des chances de succès de la procédure s'applique tant pour l'opposition relative à la suppression que pour celle relative à la restitution et que la condition de la complexité de l'affaire n'est pas remplie. Le recourant avait la possibilité de se présenter au guichet pour former opposition oralement ou se rendre auprès de services officiels d'assistance ou d'autres institutions sociales sans devoir faire appel à un avocat, le litige ne pouvant être qualifié d'exceptionnel. Enfin, elle rappelle que lors de l'audience de comparution personnelle des parties du 3 mai 2005 devant le TPI le recourant s'était déclaré d'accord pour que les allocations familiales soient versées directement en mains de son épouse et que l'on comprend donc mal le motif de son opposition.

 

EN DROIT

A teneur des art. 37 al. 4 de la loi sur la partie générale des assurances sociales (LPGA), 27D al. 1 de la loi relative à l’office cantonal des assurances sociales (LOCAS) et 38D de la loi sur les allocations familiales (LAF), l’assistance gratuite d’un conseil juridique est accordée au demandeur pour la procédure devant la caisse ou l’office lorsque les circonstances l’exigent.

Conformément à l’art. 19 al. 3 du règlement d’exécution de la loi relative à l’office cantonal des assurances sociales (RLOCAS) et 22 al. 3 du règlement d'exécution de la loi sur les allocations familiales (RLAF), le refus de l’assistance juridique peut être attaqué par la voie du recours auprès du Tribunal cantonal des assurances sociales.

Le tribunal de céans est dès lors compétent pour statuer sur le recours contre la décision de la caisse refusant l’assistance juridique gratuite pour la procédure d’opposition.

L’assistance juridique gratuite prévue à l’art. 27D al. 1 LOCAS et 38D al. 1 LAF est octroyée conformément aux prescriptions fédérales en matière de contentieux dans l’assurance-vieillesse et survivants, dans l'assurance-invalidité, dans les allocations perte de gain et dans les prestations complémentaires. Elle ne peut être accordée que si la démarche ne paraît pas vouée à l’échec, si la complexité de l’affaire l’exige et si l’intéressé est dans le besoin ; ces conditions sont cumulatives (art. 19 al. 1 et 2 RLOCAS et 22 RLAF).

a) Un procès est dénué de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre et qu'elles ne peuvent être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais auxquels elle s'exposerait. Il ne l'est en revanche pas lorsque les chances de succès et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou que les perspectives de succès ne sont que légèrement inférieures (ATF 129 I 135 consid. 2.3.1).

L'exigence contenue à l'art. 29 al. 3 de la constitution fédérale (Cst.) tend seulement à éviter que l'indigent ne se lance, parce qu'il plaide aux frais de la collectivité, dans des démarches vaines qu'une personne raisonnable renoncerait à entreprendre si, disposant de moyens suffisants, elle devait les financer de ses propres deniers. Pour apprécier les chances de succès, il faut faire abstraction de l'indigence du requérant. D'une manière purement objective, il y a lieu de se demander si une personne raisonnable, disposant des ressources nécessaires, agirait de cette manière si les coûts du litige lui incombaient. Lorsqu'il apparaît d'emblée que les risques de succomber l'emportent nettement sur les perspectives de l'emporter, la réponse est négative.

La situation s'apprécie sur la base d'un examen provisoire et sommaire et, en cas de doute, l'assistance judiciaire doit être octroyée, la décision étant laissée au juge du fond (ATF non publié du 8 décembre 2000 5P.362/2000 ; ATF 88 I 144; Arthur HAEFLIGER, Alle Schweizer sind vor dem Gesetze gleich, p. 168).

b) L’affaire doit être d’une complexité telle que l’on ne peut attendre de l’assuré qu’il forme opposition sans l’assistance d’un conseil.

c) Enfin, l’assuré doit être dans le besoin, en ce sens qu’il n’est pas en mesure d’assumer les frais d’assistance juridique sans compromettre les moyens nécessaires à son entretien normal et modeste. Les prescriptions fédérales en matière de contentieux dans l’assurance-vieillesse et survivants, dans l'assurance-invalidité, dans les allocations perte de gain et dans les prestations complémentaires précisent que pour déterminer le besoin économique de l’assuré, il convient de prendre en considération les revenus effectifs, y compris ceux du conjoint faisant ménage commun, et, au titre des dépenses, le montant mensuel de base selon les directives de la Conférence suisse des préposés aux offices des poursuites et des faillites, augmenté d’un supplément de 30%. A ce montant, il y a lieu d’ajouter notamment, le loyer et les charges, les primes d’assurance-maladie et les impôts.

d) Il convient encore de relever qu'en matière d'assurances sociales, la jurisprudence considère que la nécessité d'une assistance gratuite est fonction des circonstances du cas concret, des spécificités des règles de procédure applicables, ainsi que des particularités de la procédure en cause. Il y a lieu de prendre en compte à cet égard le degré de complexité des questions juridiques soulevées, ainsi que celui de l'état de fait de la cause, mais aussi des éléments de la personne même du requérant, tels que par exemple son aptitude à faire face aux exigences de la procédure. Si celle-ci a une très grande influence sur la situation juridique du requérant, l'assistance est en principe justifiée; dans le cas contraire, on ne l'admettra que si des questions délicates de droit ou de fait, auxquelles le requérant ne peut faire face seul se posent et que les conseils fournis par le représentant d'une association, un assistant social, un spécialiste ou toute autre personne de confiance désignée par une institution sociale n'entrent pas en ligne de compte. La nécessité d'une assistance n'est pas exclue du seul fait que la procédure est régie par la maxime d'office ou le principe inquisitoire, obligeant l'autorité à participer à l'établissement des faits déterminants. La maxime d'office justifie cependant une application restrictive des conditions susmentionnées (ATF 125 V 32; ATFA non publié I 186/04 du 6 juillet 2004 et les références citées dans ces arrêts).

 

La caisse considère que les oppositions étaient dénuées de chances de succès et que l'affaire n'est pas d'une complexité telle qu'elle nécessite l'intervention d'un avocat. Elle relève par ailleurs que le recourant avait la possibilité de se présenter au guichet pour former opposition ou de s'adresser à un service officiel d'assistance sans devoir faire appel à un avocat.

Le recourant précise quant à lui qu'il avait demandé l'assistance juridique tant pour la procédure de suppression des allocations familiales que pour la procédure de restitution. Il rappelle en substance qu'il n'a pas su avant l'audience de comparution personnelle devant le TPI du 3 mai 2005 que son épouse avait un emploi, qu'il lui a rétrocédé les allocations familiales et que depuis le 1er juin 2005 aucun des parents ne touchent d'allocations familiales.

S'agissant de la décision de suppression du droit aux allocations familiales, il y a lieu de relever que la personne assujettie à la loi peut bénéficier des prestations si elle a la garde d'un ou de plusieurs enfants ou si elle exerce l'autorité parentale ou encore si elle en assume l'entretien de manière prépondérante et durable (art. 3 al. 1 LAF). Si deux personnes assujetties à la loi remplissent, à l'égard du même enfant, les conditions de l'alinéa premier, le droit aux prestations appartient, par ordre de priorité :

a) à la personne qui a la garde de l'enfant;

b) à la personne qui exerce l'autorité parentale;

c) à la personne qui assume son entretien de manière prépondérante et durable (art. 3 al. 2 LAF).

En l'espèce, il ressort du dossier que l'épouse du recourant a quitté le domicile conjugal en janvier 2005 avec l'enfant du couple mais qu'aucune décision judiciaire lui attribuant la garde n'avait été rendue au moment de la suppression du droit aux allocations du recourant. Par ailleurs, celui-ci a allégué avoir rétrocédé à son épouse les allocations familiales comme cela lui avait été ordonné par jugement sur mesures préprovisoires du TPI du 1er mars 2005. Enfin, il semble établi que le recourant n'a pas eu connaissance de la prise d'activité lucrative de son épouse avant l'audience de comparution personnelle du 3 mai 2005 devant le TPI, activité qui n'a d'ailleurs duré que trois mois.

Au vu des éléments du dossier, il ne paraît pas certain que les oppositions étaient manifestement dénuées de chances de succès. Cette question peut toutefois rester ouverte, le recours devant être rejeté pour un autre motif.

Selon la jurisprudence, la condition de la nécessité d'une assistance par un avocat est réalisée lorsque l’affaire est d’une complexité telle que l’on ne peut attendre de l’assuré qu’il forme opposition sans l'intervention d'un avocat. Le point de savoir si l'assistance d'un avocat est nécessaire ou du moins indiquée doit être tranché d'après les circonstances concrètes objectives et subjectives. Pratiquement, il faut se demander pour chaque cas particulier si, dans des circonstances semblables et dans l'hypothèse où le requérant ne serait pas dans le besoin, l'assistance d'un avocat serait judicieuse compte tenu du fait que l'intéressé n'a pas lui-même des connaissances juridiques suffisantes et que l'intérêt au prononcé d'un jugement justifierait la charge des frais qui en découle (ATFA non publié I 87/2001 du 11 mai 2001, consid. 4c; ATF 103 V 47; ATF 128 I 232 consid 2.5.2 et les références; par analogie ATF 122 III 393 consid. 3b et les références).

En l'occurrence, il est constant que le recourant ne dispose d'aucune connaissance juridique et que compte tenu de sa situation personnelle et financière l'enjeu du litige revêt à ses yeux une certaine importance.

Toutefois, il convient de relever que les décisions litigieuses mentionnaient expressément la possibilité de formuler l'opposition par oral en se présentant personnellement au guichet.

Ainsi, on ne voit pas ce qui aurait empêché l'intéressé de se rendre au guichet de la caisse intimée, accompagné si nécessaire par une personne de confiance, pour faire part de ses arguments et apporter notamment les justificatifs de la rétrocession des allocations familiales à la mère de l'enfant. Le fait qu'il ait essayé en vain d'expliquer sa situation par téléphone à la caisse est irrelevant, tout comme les limitations de ses capacités physiques et intellectuelles liées à sa maladie et à son traitement médical au sujet desquelles il n'apporte aucune précision ou pièce.

Enfin, s'il ne se sentait pas apte à effectuer seul ces démarches, il aurait dû solliciter l'aide et les conseils d'un représentant d'un organisme social avant de faire appel à un avocat.

La condition de la nécessité d'une assistance par un avocat n'est donc pas réalisée au stade de l'opposition.

Le recours, mal fondé, doit par conséquent être rejeté sans qu'il soit nécessaire d'examiner la condition du besoin.


 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

La greffière

 

 

Janine BOFFI

 

La présidente

 

 

Karine STECK

 

 

La greffière-juriste :

 

 

 

 

Catherine VERNIER BESSON

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties par le greffe le