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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4354/2022

ATAS/161/2023 du 13.03.2023 ( AVS ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 11.04.2023, rendu le 15.05.2023, IRRECEVABLE, 9C_239/2023
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4354/2022 ATAS/161/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 mars 2023

6ème Chambre

 

En la cause

 

Monsieur A______, domicilié à VESSY

 

 

recourant

contre

 

CAISSE FÉDÉRALE DE COMPENSATION CFC, sise Schwarztorstrasse 59, BERNE

 

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après: l'assuré), père de deux filles dont la cadette est devenue majeure en ______ 2016, a bénéficié d'une rente de veuf depuis le 1er mai 2013 suite au décès de sa conjointe, assortie de deux rentes d'orphelin pour ses enfants.

b. Le 4 décembre 2015, la Caisse fédérale de compensation CFC (ci-après: la caisse) a informé l'assuré de ce que sa rente de veuf ne lui serait plus versée après le mois de ______ 2016, du fait que sa plus jeune fille allait atteindre l'âge de 18 ans le ______ 2016.

c. Le 10 mai 2016, la caisse a rendu une décision par laquelle elle a alloué une rente d'orphelin à la fille cadette de l'assuré encore en formation et mis fin à sa rente de veuf au ______ 2016. Cette décision, non contestée, est entrée en force.

B. a. Le 12 octobre 2022, l'assuré a écrit à la caisse et sollicité le versement de sa rente de veuf et des arriérés depuis 2016, en se prévalant d'un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après: CEDH) ayant condamné la Suisse pour inégalité de traitement.

b. Le 19 octobre 2022, la caisse a répondu que le Parlement et l'Office fédéral des assurances sociales (ci-après: OFAS) travaillaient activement à l'élaboration de bases légales et directives suite à l'arrêt du 11 octobre 2022 de la CEDH. Il était néanmoins possible que la nouvelle législation concerne uniquement les rentes de veuf en cours et les futures rentes.

c. Dans une lettre du 25 octobre 2022, l'assuré a fait valoir qu'une telle réponse n'était pas conforme à l'arrêt de la CEDH. Il avait donc déposé une plainte auprès du Tribunal fédéral et une nouvelle plainte serait déposée sans délai auprès de la CEDH si la caisse ne se mettait pas rapidement en conformité.

d. Le 26 octobre 2022, le Caisse a indiqué que la législation et la jurisprudence n'avaient pas d'effets rétroactifs mais un impact obligatoire pour l'avenir. Le jugement de la CEDH était entré en vigueur le 11 octobre 2022, en sorte qu'il ne pouvait avoir un effet sur la situation de l'assuré, dont la fille cadette avait atteint la majorité en 2016. Elle a joint à ses lignes le bulletin à l'intention des caisses de compensation AVS et des organes d'exécution des PC n° 460 édité par l'OFAS.

e. Le 28 octobre 2022, l'assuré a invoqué auprès de la caisse une discrimination entre veufs en fonction de la date de leur veuvage. Les autorités suisses devaient verser les rentes courantes aux veufs qui en faisaient la demande jusqu'à l'adoption d'une législation concernant les rentes arriérées, sa demande ne portant en l'état pas sur la période rétroactive.

f. Entre le 14 et 17 novembre 2022, l'assuré et la caisse ont échangé plusieurs courriers électroniques. L'assuré a requis que la caisse lui communique un justificatif écrit de son refus de lui verser une rente de veuf et a à nouveau précisé qu'il ne demandait pas les arriérés de rente depuis 2016, avant qu'une loi soit votée en ce sens, mais la reprise du versement de la rente courante depuis le 11 octobre 2022.

Après que la caisse lui a répondu que son éventuelle plainte devait être basée sur les décisions de 2013 et 2016 et que, si le tribunal jugeait utile qu'une autre décision soit prise, ce dernier pouvait directement s'adresser à elle, l'assuré a une nouvelle fois requis de recevoir un courrier de refus du versement de la rente courante.

En dernier lieu, la caisse a répondu qu'une renaissance de la rente de veuf sur la base de l'arrêt de la CEDH du 11 octobre 2022 était exclue, tout comme une reconsidération de la décision du 10 mai 2016. Cette décision avait été rendue sur la base des dispositions légales en vigueur à l'époque et n'avait pas été contestée, de sorte qu'elle était entrée en force. Le courrier du 26 octobre 2022 stipulait clairement que l'assuré n'avait pas droit à une rente de veuf depuis le 11 octobre 2022, ni à des arriérés. Le jugement de la CEDH était par conséquent valable pour les seules rentes en cours et les rentes futures. L'assuré était invité à s'adresser à l'OFAS, autorité de surveillance des caisses de compensation, s'il avait des doutes concernant les informations données.

g. Figure également au dossier la première page d'un courrier adressé le 27 octobre 2022 à l'assuré par l'OFAS, division AVS, prévoyance professionnelle et PC, mentionnant que l'arrêt de la CEDH du 11 octobre 2022 acquérait force obligatoire à partir de son prononcé, en sorte que, depuis cette date, la Suisse avait l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour éviter que la violation constatée par la CEDH ne se reproduise. En attendant une prochaine réforme législative en matière de rente de survivants dans l'AVS, un régime transitoire avait été introduit qui déployait rétroactivement ses effets au 11 octobre 2022.

C. a. Le 19 décembre 2022, l'assuré a saisi la chambre de céans. Il a déclaré former opposition contre le bulletin de l'OFAS à l'intention des caisses de compensation AVS et des organes d'exécution des PC n° 460 ainsi qu'à l'encontre des décisions reçues par courrier, relevant que le refus de l'intimée de lui verser la rente courante de veuf depuis le 11 octobre 2022 constituait une inégalité de traitement et une discrimination entre veufs en fonction de la date de leur veuvage, et concluant à ce que la rente de veuf lui soit versée depuis le 11 octobre 2022.

Le recourant a joint à son recours la lettre de l'intimée du 19 octobre 2022, la lettre de l'OFAS du 27 octobre 2022 et un extrait du bulletin de l'OFAS à l'intention des caisses de compensation et des organes d'exécution des PC n° 460.

b. Par mémoire de réponse du 10 janvier 2023, l'intimée a conclu au rejet du recours. Elle était liée aux directives et aux bulletins de l'OFAS qui étaient contestés par le recourant et le bulletin n° 460 prévoyait qu'il n'avait pas droit à une rente de veuf ni à des arriérés puisque la décision de suppression du droit à la rente de veuf était entrée en vigueur en 2016, lorsque sa fille cadette était devenue majeure.

c. Interpellée par la chambre de céans sur la question de la recevabilité du recours, singulièrement sur le fait de savoir quelle décision sujette à recours elle aurait rendue, l'intimée a répondu qu'elle avait rendu une décision, le 10 mai 2016, informant le recourant de ce que sa rente de veuf prendrait fin le 31 mai 2016. A défaut de contestation, cette décision était entrée en force et il n'y avait à l'heure actuelle aucune décision sujette à recours, de sorte que le recours n'était pas recevable.

d. Le recourant a répliqué par écriture du 23 janvier 2023, persistant dans ses griefs et conclusions, et soulignant que la réponse de l'intimée était hors sujet car il ne s'agissait pas de répéter que sa rente était éteinte depuis 2016 mais de se prononcer sur la discrimination dont il estimait être l'objet.

e. Par courrier du 9 mars 2023, le recourant a requis que la chambre de céans se positionne sur son recours et a répété les griefs élevés dans ses précédentes écritures.

f. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'AVS réglée dans la première partie, à moins que la LAVS n'y déroge expressément (cf. art. 1 al. 1 LAVS).

3.             En ce qui concerne la recevabilité du recours, la chambre de céans relève ce qui suit.

3.1 Aux termes de l'art. 49 LPGA, l’assureur doit rendre par écrit les décisions qui portent sur des prestations, créances ou injonctions importantes ou avec lesquelles l’intéressé n’est pas d’accord (al. 1). Les décisions indiquent les voies de droit. Elles doivent être motivées si elles ne font pas entièrement droit aux demandes des parties (al. 3).

3.2 La notion de décision correspond à celle qui fait l’objet de l’art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA - RS 172.021), lequel a une portée générale en matière d’assurances sociales (KIESER, ATSG-Kommentar, Zurich 2020, n. 10 ss ad art. 49 LPGA ; voir par exemple ATF 120 V 349 consid. 2b). Selon l’art. 5 al. 1 PA, sont considérées comme des décisions les mesures de l’autorité dans des cas d’espèce, fondées sur le droit public fédéral ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits ou des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits ou d’obligations (let. b), ou de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits et obligations (let. c).

3.3 En procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement, d'une manière qui la lie sous la forme d'une décision (ATF 134 V 418 consid. 5.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_301/2018 du 22 août 2019 consid. 3.1). Dans cette mesure, la décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice par voie de recours. En revanche, dans la mesure où aucune décision n'a été rendue, la contestation n'a pas d'objet, et un jugement sur le fond ne peut pas être prononcé (ATF 131 V 164 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_195/2013 du 15 novembre 2013 consid. 3.1).

3.4 Aux termes de l'art. 53 LPGA, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si l'assuré ou l'assureur découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve de nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits auparavant (al. 1 ; révision procédurale). L'assureur peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu'elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (al. 2 ; reconsidération).

3.5 La personne assurée ou toute autre partie touchée par la décision ou la décision sur opposition a le droit de présenter une requête de révision procédurale à l'assureur social, que celui-ci doit examiner (Margit MOSER-SZELESS in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 59 ad art. 53 LPGA).

3.6 Pour ce qui est de la reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA), l'administration n'est pas tenue de reconsidérer les décisions qui remplissent les conditions fixées ; elle en a simplement la faculté et ni l'assuré ni le juge ne peut l'y contraindre. Cependant, lorsque l'administration entre en matière sur une demande de reconsidération et examine si les conditions d'une reconsidération sont remplies, avant de statuer au fond par une nouvelle décision de refus, celle-ci est susceptible d'être déférée en justice (ATF 133 V 50 consid. 4 ; ATF 119 V 475 consid. 1b/cc ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_495/2008 du 11 mars 2009 consid. 3.2). Lorsque l’administration ou l’assureur n’entre pas en matière sur une demande de reconsidération, il n’y a de place ni pour une procédure d’opposition (art. 52 LPGA), ni – a fortiori – pour un recours devant la chambre de céans, car une éventuelle reconsidération relève de l’appréciation de l’administration ou de l'assureur (ATF 133 V 50 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_121/2009 du 26 juin 2009 consid. 3.6).

3.7 Le tribunal qui est saisi d’un recours contre une décision d’un assureur refusant d’entrer en matière sur une demande de reconsidération doit le déclarer irrecevable. Une telle manière de procéder a été jugée compatible avec la garantie d’un droit à un recours effectif devant une autorité judiciaire, les personnes concernées ayant eu la possibilité d’attaquer la décision initiale de l’assureur social devant le tribunal cantonal des assurances compétent (arrêt du Tribunal fédéral 8C_866/2009 du 27 avril 2010 consid. 2.4 et 3).

3.8 Par contre, à l'instar d'un assureur qui est saisi d'une demande de révision procédurale au sens de l'art. 53 al. 1 LPGA, l'assureur qui est entré en matière sur la demande de reconsidération au sens de l'art. 53 al. 2 LPGA doit statuer sur celle-ci sous forme de décision formelle susceptible d'opposition et le tribunal qui est saisi de la cause en l'absence de décision ne peut se contenter de déclarer le recours irrecevable, mais doit transmettre l'acte de recours à l'autorité en l'invitant à rendre une décision conformément à l'art. 49 LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 8C_21/2014 du 6 novembre 2014 consid. 5).

3.9 Un assureur social refuse d'entrer en matière sur une demande de reconsidération lorsqu'il se borne à procéder à un examen sommaire de la requête et répète les motifs invoqués dans la décision initiale; il est en droit de communiquer ce refus à la personne assurée au moyen d'une simple lettre, sans indication des voies de droit ni motivation détaillée (Margit MOSER-SZELESS, op. cit., n. 91 ad art. 53 LPGA et les références).

4.              

4.1 En l'espèce, il sied de constater que le recourant, en sollicitant que la situation juridique concernant le versement de sa rente de veuf soit revue, a formulé une demande de reconsidération, voire de révision, de la décision du 10 mai 2016, au sens de l'art. 53 LPGA.

4.2 De plus, l'intimée n'a pas refusé d'entrer en matière sur la demande mais a au contraire examiné celle-ci et y a répondu négativement, en se fondant sur les directives de l'OFAS et en précisant que l'arrêt de la CEDH du 11 octobre 2022 n'avait pas d'effet rétroactif. Ce faisant, l'intimée est bien entrée en matière sur la demande de reconsidération ou de révision formulée par le recourant.

4.3 Cependant, l'intimée n'a pas statué en rendant une décision au sens de l'art. 49 LPGA, mais s'est bornée à communiquer sa position par courriers postaux ou électroniques ne contenant pas d'indication des voies de droit et n'étant pas susceptible de recours, alors même que le recourant a sollicité à plusieurs reprises le prononcé d'une décision.

4.4 En l'absence de décision, la contestation devant la chambre de céans est sans objet et un jugement au fond ne peut être prononcé, ce qui conduit à l'irrecevabilité du recours.

4.5 La cause sera cependant renvoyée à l'intimée pour qu'elle rende sans délai une décision formelle au sujet de la demande de reconsidération, voire de révision, du recourant que ce dernier pourra ensuite, cas échéant, contester selon les voies de droit usuelles (opposition, cf. art. 52 LPGA et recours, cf. art. 56 ss LPGA). A cet égard, il sera précisé que l'intimée devra se prononcer par décision tant sur la demande de rente courante dès le 11 octobre 2022 que sur le versement des arriérés de rente, conformément à la demande initiale du recourant du 12 octobre 2022.

4.6 Au surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours irrecevable.

2.        Le transmet à l'intimée pour qu'elle statue par décision au sens des considérants.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le