Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1471/2004

ATAS/159/2006 du 16.02.2006 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1471/2004 ATAS/159/2006

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 3

du 16 février 2006

 

En la cause

Monsieur S__________, domicilié 8 avenue Henri-Dunant, 1205 Genève, représenté par le SIT, dans les locaux duquel il élit domicile

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHOMAGE, case postale 2293, 1211 Genève 2

intimée

 


EN FAIT

Monsieur S__________ a été engagé en qualité de manutentionnaire par X__________ le 12 juillet 2002.

Suite à un accident, il s’est retrouvé dans l’incapacité totale de travailler du 15 août 2002 au 28 février 2003, puis à 50% jusqu'au 30 juin 2003. Durant cette période, il a touché des indemnités journalières de l’assurance perte de gain de son employeur.

Le 17 juillet 2003, il a été engagé par la société de travail temporaire Y__________ comme manutentionnaire. Il s’est retrouvé dans l’incapacité totale de travailler du 18 septembre au 1er octobre 2003 et a été licencié avec effet au 28 novembre 2003.

L’assuré s’est alors annoncé auprès de l’Office cantonal de l’emploi (ci-après OCE) et a demandé le versement d’indemnités de chômage dès le 1er décembre 2003.

X__________ a établi une attestation datée du 12 juin 2003 dont il ressort que le contrat de travail temporaire conclu avec l’intéressé était de durée indéterminée, que sa mission a pris fin suite à l’accident, que le dernier jour de travail a été effectué le 14 août 2002 et que le salaire a été versé jusqu’au 31 mai 2003.

D’après les décomptes de salaire établis par X__________, les vacances ainsi que le 13ème salaire ont été calculés sur le travail effectué par l’assuré du 12 juillet au 14 août 2002.

Par décision du 21 janvier 2004, l’OCE a rejeté la demande d’indemnités de l’assuré au motif qu’il ne justifiait pas d’une période de cotisations de douze mois et qu’aucun motif de libération ne pouvait lui être appliqué. En effet, durant les deux ans précédant son inscription au chômage, soit du 1er décembre 2001 au 30 novembre 2003, il avait travaillé pour X__________ du 12 juillet au 14 août 2002 et pour Y__________ du 17 juillet au 18 septembre 2003 et du 2 octobre au 28 novembre 2003, soit durant 5 mois et 9,4 jours.

Le 30 janvier 2004, l’assuré a formé opposition contre cette décision. Il a fait valoir s’être retrouvé en incapacité de travail du 15 juillet 2002 au 30 juin 2003 alors qu’il était sous contrat de travail avec X__________ et demandé que cette période soit en conséquence prise en considération comme période de cotisations.

Par décision sur opposition du 11 juin 2004, le Groupe réclamations de l’OCE a confirmé la décision attaquée. Il a été retenu que l’assuré avait travaillé pour X__________ du 12 juillet au 14 août 2002 puis s’était retrouvé dans l’incapacité de travailler du 15 août 2002 au 30 juin 2003. Le Groupe réclamations a tranché la question de savoir si pendant cette incapacité de travail, l’assuré était toujours sous contrat de travail avec X__________ - et, partant, si cette période d’incapacité pouvait être prise en compte comme période de cotisations – par la négative. Il a relevé que, selon les fiches de salaire, les vacances et le 13ème salaire de l’assuré avaient été calculés sur la période du 12 juillet au 14 août 2002 et qu’il n’avait plus ensuite reçu que les indemnités journalières de l’assurance perte de gain d’X__________. Il a été souligné que s’il avait été sous contrat de travail avec X__________ jusqu’au 30 juin 2003, il aurait reçu son 13ème salaire pro rata temporis jusqu’à cette date et aurait eu droit à des vacances pour sa période d’incapacité de travail. De surcroît, il a été relevé que bien que l’assuré ait recouvré une capacité de travail de 50%, il n’avait pas repris son travail pour X__________ comme il l’aurait fait s’il avait toujours été sous contrat. Enfin, le Groupe réclamations a fait valoir que même si l’on considérait que l’assuré était toujours sous contrat lors de son incapacité de travail, la condition de la période de cotisations n’était pas remplie. En effet, il aurait travaillé du 12 juillet au 14 août 2002 et du 17 juillet au 28 novembre 2003, soit durant 5 mois et 19 jours. Quant à son incapacité de travail (du 15 août 2002 au 30 juin 2003 et du 18 septembre au 1er octobre 2003), il a été constaté qu’elle n’était que d’un peu moins de sept mois alors que, pour pouvoir être prise en considération, elle doit atteindre une durée de douze mois et un jour au moins.

Par courrier du 9 juillet 2004, l'assuré a interjeté recours contre cette décision. Il relève que la SUVA, pour le calcul de ses indemnités, a pris en compte un 13ème salaire et des vacances.

Invité à se prononcer, la caisse, dans son préavis du 16 août 2004, a maintenu sa position.

 

EN DROIT

 

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. a ch. 8 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 56 et 60 LPGA).

Le litige porte sur le point de savoir si le recourant remplit les conditions relatives à la période de cotisation pour pouvoir prétendre l'indemnité de chômage à partir du 1er décembre 2003.

Pour avoir droit à l'indemnité de chômage, l'assuré doit, entre autres conditions, remplir celles relatives à la période de cotisation (art. 8 al. 1 let. e LACI).

a) Selon l'art. 13 al. 1 LACI (dans sa teneur en vigueur depuis le 1er juillet 2003), celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3 LACI), a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période de cotisation. Le délai-cadre applicable à la période de cotisation commence à courir deux ans avant le premier jour où l'assuré remplit toutes les conditions dont dépend le droit à l'indemnité (art. 9 al. 2 et 3 LACI).

Selon l’art. 11 al. 1 de l’ordonnance sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 31 août 1983 (OCAI), compte comme mois de cotisation, chaque mois civil, entier, durant lequel l’assuré est tenu de cotiser. Les périodes de cotisation qui n’atteignent pas un mois civil entier sont additionnées. 30 jours sont réputés constituer un mois de cotisations (art. 11 al. 2 OACI). Les périodes assimilées à des périodes de cotisation (art. 13 al. 2 LACI) et celles pour lesquelles l’assuré a touché une indemnité de vacances comptent de même (art. 11 al. 3 OACI).

b) Par activité soumise à cotisation, il faut entendre toute activité de l'assuré, destinée à l'obtention d'un revenu soumis à cotisations pendant la durée d'un rapport de travail (GERHARDS, Kommentar zum Arbeitslosenversicherungs-gesetz [AVIG], tome I, note 8 ad art. 13 LACI, p. 170).

Selon la jurisprudence, l'art. 13 al. 1 LACI présuppose que l'assuré ait effectivement exercé une activité soumise à cotisation (ATF 113 V 352 ; DTA 1999 n° 18 p. 101 consid. 2a et la référence; NUSSBAUMER, in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Arbeitslosenversicherung, p. 64, ch. m. 161 et les notes n° 325 et 326), ce qui implique également qu'un salaire ait été réellement versé au travailleur (DTA 2004 p. 117 consid. 1, 2002 p. 117, 2001 p. 228 consid. 4c ; DTA 1988 n° 1 p. 19 sv. consid. 3b/c non publié).

En conséquence, il n'y a pas d'activité soumise à cotisation en l'absence de preuves de la rémunération du travailleur, telles que des extraits bancaires ou postaux ou des quittances de salaire. La déclaration d'impôts et le formulaire de salaire signé par l'assuré et destiné à l'AVS ne constituent pas des preuves suffisantes du versement du salaire (DTA 2004 n° 10 p. 115 ; DTA 2001 n° 27 p. 225).

Outre qu'elle découle de l'interprétation de la loi, l'exigence d'un salaire effectif présente également l'avantage de prévenir les abus qui pourraient résulter en cas d'accord fictif entre un employeur et un travailleur au sujet du salaire que le premier s'engage contractuellement à verser au second (surtout lorsque l'employeur et le travailleur ne font en réalité qu'une seule et même personne). A cet égard, les principes jurisprudentiels développés à propos de l'art. 23 al. 1 LACI peuvent être transposés mutatis mutandis : un salaire contractuellement prévu ne sera dès lors pris en considération, sous l'angle de l'art. 13 al. 1 LACI, que s'il a réellement été perçu par le travailleur durant une période prolongée et qu'il n'a jamais fait l'objet d'une contestation (DTA 1995 n° 15 p. 79 ss; voir aussi DTA 1999 n° 7 p. 28 consid. 1; arrêt A. du 31 août 2001, C 354/00, consid. 2c).

c) Compte également comme période de cotisation le temps durant lequel l'assuré a été partie à un rapport de travail mais n'a pas touché de salaire parce qu'il était malade ou victime d'un accident et, partant, n'a pas payé de cotisation (art. 13 al. 2 let. c LACI).

d) Par ailleurs, l'assuré est libéré des conditions relatives à la période de cotisation si, durant les limites du délai-cadre et pendant plus de douze mois au total, il n'était pas partie à un rapport de travail, notamment en raison d’une maladie (art. 14 al. 1 let. b LACI).

Selon le SECRETARIAT D’ETAT A L’ECONOMIE (ci-après SECO), les motifs de libération doivent être véritables et prouvés. La maladie n’est prise en considération que si elle a empêché l’assuré d’être partie à un rapport de travail durant ce laps de temps, et l’incapacité doit être attestée par un médecin. En cas d’incapacité de travail partielle, le lien de causalité n’existe pas car l’assuré aurait pu mettre à profit sa capacité de travail résiduelle. Si l’assuré touche, au moment de la survenance de la maladie, des indemnités de chômage, il n’y a pas non plus de lien de causalité, ni s’il travaillait alors en qualité d’indépendant (cf. Circulaire relative à l’indemnité de chômage, janvier 2003, B127 et ss).

S’agissant de la jurisprudence, le Tribunal fédéral des assurances a rappelé qu’un certificat médical ne peut être écarté sans autres motifs. En cas de doute (certificat de complaisance) l’autorité ou le juge doit investiguer la question (cf. ATFA du 12 avril 2002 cause C/322/01 Tn).

Enfin, si l’assuré n'est empêché de cotiser que pendant une durée inférieure à douze mois, il lui reste suffisamment de temps pendant le délai-cadre pour acquérir une période de cotisation suffisante (cf. Circulaire du SECO relative à l’indemnité de chômage - IC , janvier 2003, B 128).

En l’espèce, le recourant s’est annoncé à l’assurance-chômage le 1er décembre 2003; son délai-cadre de cotisations couvre dès lors la période du 1er décembre 2001 au 30 novembre 2003.

Selon les pièces du dossier, il a travaillé du 12 juillet au 14 août 2002 pour X__________. Il a ensuite été dans l'incapacité totale de travailler du 15 août 2002 au 29 août 2002. Il a repris le travail le 30 août 2002 mais a été victime le jour même d'un accident qui a engendré une nouvelle incapacité de travail, totale jusqu'au 28 février 2003 puis de 50% jusqu'au 30 juin 2003. Du 17 août 2002 au 30 juin 2003, il a touché des indemnités journalières de la part de l'assurance perte de gain d'X__________, indemnités qui comprenaient vacances et 13ème salaire.

Le 17 juillet 2003, il a été engagé par Y__________. Il s'est retrouvé dans l'incapacité totale de travailler du 18 septembre au 1er octobre 2003.

Se pose ici la question de savoir si l'on peut considérer que, durant la période pendant laquelle l'assuré a été dans l'incapacité de travailler pour X__________ mais a reçu des indemnités journalières de ce dernier, il était encore sous contrat de travail.

La situation du travailleur intérimaire, sous l'angle de l'assurance-chômage, doit être distinguée de celle du travailleur mis à la disposition de tiers, tout en étant au bénéfice d'un contrat de travail durable avec son employeur, contrat qui ne prend pas fin après chaque mission; l'employeur supporte le risque d'une inactivité (travail intérimaire improprement dit; THÉVENOZ, Le travail intérimaire, thèse Genève 1987, p. 378, note 1174). Dans une telle situation, l'assuré qui se trouve sans activité entre deux placements de durée limitée n'a donc, en principe, pas droit aux indemnités de chômage, car son contrat n'est pas résilié et il ne subit aucune perte de travail à prendre en considération; si le contrat est résilié, l'assuré ne peut prétendre des indemnités aussi longtemps qu'il a droit à un salaire ou à une indemnité de licenciement (ATF 108 V 95; THÉVENOZ, op.cit., p. 378, note 1175; ATF 119 V 46ss consid. 1b).

Il résulte de ce qui précède que le recourant était bel et bien sous contrat avec X__________ pendant toute la période d'incapacité de travail, dès lors que ce contrat n'a pas été résilié après la période de protection. Peu importe à cet égard que l'assuré n'ait pas repris le travail pour X__________ à 50% lorsqu'il en a été capable. C'est sans doute que la société n'avait pas de poste à lui offrir à ce taux d'occupation.

Preuve en est également le fait que l'assuré a reçu des indemnités journalières et qu'un nouveau poste lui a été proposé le 30 août 2002, qu'il n'a pu malheureusement assumer qu'un seul jour.

Cependant, son contrat de travail ne prévoyait effectivement pas de revenu durant ses périodes d'inactivité. Cela n'exclut cependant pas l'application de l'art. 13 al. 2 LACI, lequel vise précisément ce type de situation, à savoir celle où un assuré sous contrat de travail ne reçoit pas son salaire en raison d'une maladie ou d'un accident.

Il faut donc considérer comme période de cotisation celle du 12 juillet 2002 au 30 juin 2003, ce qui représente 11 mois et 12 douze jours, auxquels s'ajoutent la période durant laquelle il a travaillé pour Y__________, à compter du 17 juillet 2003.

En conséquence, le recourant remplit les conditions relatives à la période de cotisations et doit se voir reconnaître le droit aux indemnités de chômage, qu'il appartiendra à la caisse de calculer.

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant,

conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ

A la forme :

Déclare le recours recevable ;

Au fond :

L'admet dans le sens des considérants.

Annule les décisions du 21 janvier 2004 et 11 juin 2004.

Renvoie la cause à l'Office cantonal de l'emploi à charge pour ce dernier de calculer les indemnités de chômage.

Condamne l’intimée à verser au recourant la somme de Fr. 1'000,-- à titre de dépens ;

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

 

La greffière:

 

Janine BOFFI

 

La Présidente :

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au secrétariat d’Etat à l’économie par le greffe le