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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3472/2005

ATAS/15/2006 du 10.01.2006 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3472/2005 ATAS/15/2006

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 1

du 10 janvier 2006

 

En la cause

Monsieur T__________, domicilié à Genève

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE INVALIDITE, sis rue de Lyon 97, case postale 425, 1211 GENEVE 13

intimé

 


EN FAIT

Monsieur T__________, ressortissant suisse en 1961, a travaillé comme compositeur typographe de 1977 à 1981, puis a exercé divers emplois en tant que journaliste, entrecoupés de périodes de chômage. Dans le cadre de l’assurance-chômage, il a été engagé à plein temps en qualité d’assistant par l’ASSOCIATION X__________ du 12 octobre 2003 au 11 octobre 2004.

Le 13 septembre 2004, il a déposé une demande de prestations auprès de l’Office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OCAI), visant à l’obtention d’une rente. Il a indiqué que, de par sa double formation de typographe et de journaliste, il était obligé d’utiliser un ordinateur au quotidien durant de longues heures ce qui avait pour conséquences de fortes migraines, une fatigue importante et une vision amoindrie due à la concentration.

Par courrier du 21 septembre 2004, l’assuré a expliqué qu’au fil des années, sa vue avait constamment baissé, puisqu’un seul œil myope travaillait. Il a commencé à ressentir régulièrement de petits maux de tête et souvent de la fatigue après une journée passée devant un écran d’ordinateur. Au moment du dépôt de sa demande, c'est-à-dire après un emploi d’une année passée quasi exclusivement devant un ordinateur, il a constaté que sa fatigue et ses maux de tête étaient devenus permanents. Il a ajouté que depuis des mois, il ne conduisait presque plus la nuit et plus du tout en cas de pluie nocturne.

Dans un rapport du 21 septembre 2004, le Dr M__________, spécialiste en ophtalmologie et médecin traitant de l’assuré depuis 1979, a indiqué que l’œil droit de celui-ci avait été crevé accidentellement en 1965. Depuis lors, cet œil ne voyait plus rien. L’œil gauche présentait quant à lui une myopie depuis la jeunesse qui s’était stabilisée à l’âge de 25 ans. L’assuré voyait parfaitement de cet œil avec la correction adéquate (-8,5 ;-0,5) et son pronostic était bon. Le spécialiste a ajouté que l’assuré devenait presbyte, ce qui était normal après 40 ans, si bien qu’il lui fallait des verres combinés loin et près. Il n’y avait aucune contre-indication à un travail de bureau mais seulement à un travail nécessitant une vision binoculaire et stéréoscopique. Selon lui, l’assuré ne présentait donc aucune incapacité de travail en rapport avec ses yeux pour sa profession ; son état de santé était stationnaire.

Pour faire suite à un mandat de l’OCAI daté du 18 avril 2005, le Dr L__________, médecin du Service médical régional (SMR), a conclu, dans un avis du 31 mai 2005, que l’assuré ne présentait pas d’atteinte à la santé ayant valeur de maladie au sens de l’assurance-invalidité et que sa demande devait donc être refusée. Il a ajouté que l’assuré devait adapter ses lunettes à cause de l’apparition de sa presbytie.

Par décision du 6 juillet 2005, l’OCAI a rejeté la demande de rente d’invalidité, en se fondant sur l’avis du SMR.

L’assuré s’est opposé à ladite décision le 14 juillet 2005. Il a exposé que son handicap était réel et que toute sa vie il avait dû « faire et apprendre à vivre avec ce problème », ce qui avait eu pour première conséquence de lui rendre impossible l’apprentissage d’un certain nombre de professions. Lors de son dernier emploi, il avait commencé à ressentir des problèmes de concentration et de fatigue visuelle ainsi que de forts maux de tête. Ceci l’avait amené à consulter le Dr M__________ qui lui avait prescrit des « lunettes spéciales ». Il a toutefois constaté que ses problèmes avaient subsisté et qu’il lui était toujours totalement impossible de rester concentré et de mener à bien son travail. Il a en outre fait part de son étonnement quant à la rapidité de la décision de l’OCAI qui était intervenue sans qu’il ait été convoqué chez un médecin-conseil ou pour un rendez-vous d’évaluation.

Le 26 septembre 2005, le Dr L__________, appelé une deuxième fois à se déterminer sur ce dossier par l’OCAI, a indiqué qu’il ne notait rien de nouveau. L’assuré n’avait pas besoin de la capacité stéréoscopique pour lire (une feuille, un écran) puisque cela ne fait appel qu’à deux dimensions. Il a par ailleurs signalé que les lunettes spéciales auxquelles l’assuré fait allusion ne sont que des lunettes pour la presbytie.

Par décision sur opposition du 29 septembre 2005, l’OCAI a confirmé sa décision initiale. Il n’a pas contesté le handicap de l’assuré survenu à l’âge de quatre ans ; il a relevé que, comme l’avait souligné celui-ci, il avait dû apprendre à vivre avec ce problème et « faire avec » toute sa vie. Ce handicap ne l’avait toutefois pas empêché de travailler normalement jusqu’à la perte de son emploi. L’OCAI s’est également appuyé sur les avis du Dr M__________ et du Dr L__________, selon lesquels l’assuré ne présentait pas d’incapacité de travail.

L’assuré a interjeté recours le 3 octobre 2005 contre ladite décision. Il a contesté avoir une vision suffisante puisqu’il avait non seulement une cécité quasi-totale de son œil droit mais encore une très forte myopie (-8,50) et un astigmatisme de 0,25 de l’œil gauche. Il a par ailleurs indiqué qu’il allait demander un second avis médical.

Dans son préavis du 24 octobre 2005, l’OCAI a conclu au rejet du recours en renvoyant à la décision attaquée, au motif que l’assuré n’avait apporté aucun élément susceptible de mener à une appréciation différente du cas.

Après avoir transmis cette écriture au recourant, le Tribunal de céans a gardé la cause à juger.


EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. a ch. 2 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) qui sont relatives à la loi sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales. Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s'applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 230 consid. 1.1; 335 consid. 1.2; ATF 129 V 4 consid. 1.2; ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 136 consid. 4b et les références). Les règles de procédure quant à elles s'appliquent sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b, 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b). La LPGA s’applique par conséquent au cas d’espèce. Pour les mêmes motifs, les dispositions de la novelle du 21 mars 2003 modifiant la LAI (4e révision AI), entrée en vigueur le 1er janvier 2004, sont également applicables.

Déposé dans les forme et délai imposés par la loi, le présent recours est recevable, en vertu des art. 56ss LPGA.

Le litige porte sur la question de savoir si l’assuré présente un degré d’invalidité susceptible d’ouvrir droit à une rente d’invalidité.

Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA, 4 al. 1 LAI). Elle est considérée comme survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération (art. 4 al. 2 LAI). L’incapacité de gain est définie à l’art. 7 LPGA. Il s’agit de toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré dans son domaine d’activité, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles.

Le droit à une rente est déterminé par l’art. 28 al. 1er LAI qui dispose que l’assuré a droit à une rente s’il est invalide à 40% au moins. La rente est entière pour une invalidité de 70% au moins, elle est de trois-quarts pour une invalidité de 60% au moins, d’une demie pour une invalidité de 50% au moins et de un quart pour une invalidité de 40% au moins, en vertu du deuxième alinéa.

La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir. L'appréciation des données médicales revêt ainsi une importance d'autant plus grande dans ce contexte. La jurisprudence a donc précisé les tâches du médecin, par exemple lors de l'évaluation de l'invalidité ou de l'atteinte à l'intégrité, ou lors de l'examen du lien de causalité naturelle entre l'événement accidentel et la survenance du dommage (ATF 122 V 158 consid. 1b et les références; Spira, La preuve en droit des assurances sociales, in : Mélanges en l'honneur de Henri-Robert Schüpbach - Bâle, 2000, p. 268). Dans l'assurance-invalidité, l'instruction des faits d'ordre médical se fonde sur le rapport du médecin traitant destiné à l'Office AI, les expertises de médecins indépendants de l'institution d'assurance, les examens pratiqués par les Centres d'observation médicale de l'AI (ATF 123 V 175), les expertises produites par une partie ainsi que les expertises médicales ordonnées par le juge de première ou de dernière instance (VSI 1997, p. 318 consid. 3b; Stéphane Blanc, La procédure administrative en assurance-invalidité, thèse Fribourg 1999, p. 142). Lors de l'évaluation de l'invalidité, la tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 115 V 134 consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158 consid. 1 in fine).

En l’espèce, l’assuré explique que, du fait de sa double formation de typographe et de journaliste qui l’oblige à travailler avec des ordinateurs, sa vue a constamment baissé au fil des années, puisque son œil droit étant aveugle, il ne voit que de son œil gauche myope. Il indique également qu’il souffre de forts maux de tête, de fatigue visuelle et de problèmes de concentration après une journée passée devant un ordinateur en raison de sa vision réduite.

Le Dr L__________ du SMR et le DR M__________, son médecin traitant, confirment que l’assuré est atteint d’une cécité complète de l’œil droit. Ils considèrent toutefois qu’il ne présente aucune contre-indication à un travail de bureau, la vision binoculaire et stéréoscopique qui lui fait défaut n’étant pas nécessaire dans son domaine d’activité. Ces médecins estiment que la myopie de l’assuré s’est stabilisée à l’âge de 25 ans et que la baisse actuelle de sa vue est due à une presbytie, ce qui est normal à son âge. Pour le surplus, le pronostic est bon, ce trouble pouvant être corrigé avec les lunettes adaptées que le Dr M__________ lui a prescrites. Selon ce spécialiste, l’assuré voit ainsi parfaitement de son œil gauche. Au surplus, le Dr M__________ a affirmé que l’activité exercée jusqu’à maintenant par son patient est encore exigible et qu’il n’y a pas de diminution du rendement. Les conclusions de ces médecins sont motivées et convaincantes ; les allégations de l’assuré n’amènent aucun motif sérieux de s’en écarter.

Du reste, il convient de relever qu’au moment du dépôt de sa demande le 13 septembre 2004, l’assuré travaillait à plein temps ; il n’a cessé son activité que parce que son contrat arrivait à terme le 11 octobre 2004. Pendant cette période, il a été considéré comme apte au placement par l’assurance-chômage et n’a jamais été mis au bénéfice de prestations complémentaires de chômage en cas d’incapacité passagère de travail. Dès lors, rien n’indique qu’il ne peut pas exercer d’activité lucrative ; il a en effet cessé de travailler du fait que son contrat était de durée déterminée et non en raison de ses problèmes oculaires. De plus, comme l’assuré le dit lui-même, il a dû « faire et apprendre à vivre avec ce problème » si bien qu’il n’est pas entravé dans l’exercice de son activité lucrative dans une mesure suffisante pour justifier l’octroi d’une rente, nonobstant les affections dont il est incontestablement atteint. Au demeurant, le Tribunal fédéral des assurances a estimé, dans le cas d’un assuré devenu aveugle d’un œil, que le marché de l’emploi offre un nombre significatif de postes de travail pouvant être occupés sans risques, ni difficultés particulières pour une personne atteinte d’une importante diminution de l’acuité visuelle d’un œil (arrêt non publié I 564/05). L’assuré ne présente dans ces circonstances pas d’incapacité de gain et partant, pas d’invalidité.

L’assuré fait état d’une baisse constante de sa vue au fil des années, d’une fatigue importante, de problèmes de concentration et de maux de tête permanents liés à l’utilisation prolongée d’un ordinateur. Se pose ainsi la question d’une invalidité imminente au sens de l’art. 8 al. 1 LAI. Selon cette disposition, les assurés invalides ou menacés d'une invalidité imminente ont droit aux mesures de réadaptation qui sont nécessaires et de nature à rétablir leur capacité de gain, à l'améliorer, à la sauvegarder ou à en favoriser l'usage, ce droit étant déterminé en fonction de toute la durée d'activité probable. La jurisprudence a précisé que l'invalidité n'est imminente que lorsqu'il est possible de prévoir qu'elle surviendra dans un avenir peu éloigné : cette condition n'est pas remplie dans les cas où la survenance de l'incapacité de gain paraît certes inéluctable, mais où le moment de cette survenance demeure encore incertain (ATF I 608/03, ATF 124 V 269 consid. 4 et les références; VSI 2000 p. 300 consid. 4; RCC 1980 p. 252; ZAK 1980 p. 270).

Selon les médecins, l’état de santé de l’assuré est stationnaire depuis l’âge de 25 ans en ce qui concerne sa myopie et sa presbytie peut être corrigée par des lunettes adaptées. En admettant toutefois, par pure hypothèse, que son état de santé soit en train de s’aggraver, le moment de la survenance du risque demeurerait encore incertain si bien que la condition de l'imminence ne serait pas donnée.

Par conséquent, il convient d'admettre que l’assuré n'est ni invalide, ni menacé d'une invalidité imminente au sens de la loi et de la jurisprudence, de sorte qu'il ne peut prétendre ni à une rente, ni à des mesures de réadaptation.


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Louise QUELOZ

 

La présidente

 

 

 

 

Doris WANGELER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le