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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1525/2001

ATAS/126/2005 du 23.02.2005 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1525/2001 ATAS/126/2005

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

5ème chambre

du 23 février 2005

En la cause

Madame H__________, comparant par Maître Pascal JUNOD en l’étude duquel elle élit domicile

recourante

contre

OFFICE CANTONAL DE L’ASSURANCE-INVALIDITE, rue de Lyon 97, case postale 425, 1211 GENEVE 13

intimé


EN FAIT

Madame H__________, originaire du Kosovo (ex-Yougoslavie) et née le 16 juin 1950, est entrée en Suisse le 2 septembre 1990. Son conjoint, avec lequel elle est mariée depuis 1970, est arrivé en Suisse le 15 mars 1985.

Depuis son entrée en Suisse, elle est sans activité lucrative, hormis la période de novembre 1993 à janvier 1994, pendant laquelle elle a réalisé en 1993 un revenu d’un montant total de 987 fr. et en janvier 1994 de 676 fr.

Le 29 septembre 1999, la recourante a déposé une demande de prestations d’assurance-invalidité en vue de l’obtention d’une rente. Elle a indiqué dans sa demande souffrir d’un diabète sévère diagnostiqué lors de son arrivée en Suisse. Elle y a également mentionné être en incapacité de travail depuis cette date.

Selon le rapport du 19 avril 2000 des Doctoresses A__________et B__________des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), l’assurée souffre de nombreuses affections dont notamment un diabète type II insulino-dépendant. L’assurée est suivie par la Policlinique de médecine des HUG depuis le 22 décembre 1992 et présente depuis cette date une incapacité de travail à 100%. Son état de santé va par ailleurs en s’aggravant.

Dans le questionnaire de l’Office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : OCAI) servant à déterminer le statut d’assuré, l’intéressée a déclaré le 20 avril 2000 qu’elle aurait exercé une activité lucrative entre 80 et 100%, si elle était en bonne santé, par besoin financier.

Par projet de décision du 5 juillet 2001, l’OCAI a rejeté la demande de l’assurée au motif qu’elle comptait, lors de la survenance de l’invalidité en date du 22 décembre 1993, moins d’une année de cotisations auprès de l’AVS/AI de sorte qu’elle ne remplissait pas les conditions pour bénéficier des prestations d’assurance.

Par l’entremise de son conseil, l’assurée s’est opposée à ce projet le 29 août 2001. Elle a relevé que son époux travaillait en Suisse et y payait les cotisations sociales depuis les années 70. Elle s’est également étonnée que la date de la survenance de l’invalidité ait été fixée au 22 décembre 1993, alors qu’elle avait encore effectué divers travaux en 1993 et 1994, soit postérieurement à son incapacité totale de travailler.

Par décision du 12 octobre 2001, l’OCAI a rejeté la demande de prestations de l’assurée pour les motifs déjà mentionnés dans son projet. Il a ajouté qu’elle ne pouvait se prévaloir du fait que son conjoint avait cotisé auprès de l’AVS/AI depuis les années 70, dès lors que la nouvelle disposition légale qui permettait de considérer que l’obligation de cotiser était également remplie, lorsque le conjoint avait versé au moins le double de la cotisation minimale, n’était valable que depuis janvier 1997 et par conséquent pas applicable aux cas d’assurance survenus avant cette date.

Par acte du 14 novembre 2001, reçu le 22 suivant, l’assurée a recouru contre cette décision en concluant, préalablement, à l’octroi d’un délai supplémentaire pour compléter son recours et, principalement, à l’annulation de cette décision et le renvoi du dossier à l’OCAI pour qu’il statuât à nouveau. Elle a fait valoir avoir cotisé pendant plus d’une année avant la survenance de son invalidité et que l’intimé a erré dans la prise en compte de ses cotisations.

Par écritures du 8 mars 2002, la recourante a complété son recours et conclu, préalablement, à ce qu’une expertise médicale fût ordonnée afin de fixer précisément le moment de la survenance de son invalidité, tout en reprenant ses conclusions principales antérieures. Elle a relevé avoir travaillé de novembre 1993 à janvier 1994 en qualité de nettoyeuse à raison de 20 heures par mois, de sorte que la date de départ de son invalidité devait être revue. Elle a par ailleurs répété qu’elle était mariée avec un assuré qui avait cotisé durant une trentaine d’année ce qui justifiait l’application rétroactive de l’art. 3 al. 3 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (ci-après LAVS), même si cette disposition légale n’était entrée en vigueur que postérieurement à son invalidité. L’application du principe de la non-rétroactivité d’une norme législative relevait en l’espèce d’un formalisme excessif. Le refus d’une rente reviendrait à favoriser le ressortissant étranger n’ayant cotisé que pour le montant minimal par rapport à la recourante qui avait elle-même cotisé et dont l’époux n’avait cessé de travailler jusqu’à la survenance de son accident professionnel en 1992.

Par préavis du 19 juin 2002, l’OCAI a conclu au rejet du recours. Concernant la date de survenance de l’invalidité, il s’est référé au rapport des HUG du 19 avril 2000. Il a par ailleurs répété que les dispositions légales plus favorables introduites par la dixième révision de l’AVS en date du 1er janvier 1997 ne s’appliquaient pas aux cas d’assurance survenus sous l’empire de l’ancien droit, selon la jurisprudence en la matière. La recourante n’ayant pas comptabilisé une année entière de cotisations, elle ne pouvait dès lors bénéficier des prestations de l’assurance-invalidité, en dépit du paiement des cotisations par son époux.

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

En vertu de l’art. 56V al. 1 let. a ch. 2 LOJ, le Tribunal de céans connaît en instance unique les contestations relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003 entraînant la modification de nombreuses dispositions dans le domaine des assurances sociales. Selon la jurisprudence, la législation applicable en cas de changement de règles de droit reste celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 166 consid. 4b), les faits sur lesquels le tribunal de céans peut être amené à se prononcer dans le cadre d'une procédure de recours étant par ailleurs ceux qui se sont produits jusqu'au moment de la décision administrative litigieuse (ATF 121 V 366 consid. 1b). Aussi le cas d'espèce reste-t-il régi par la législation en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002. Celle-ci sera par conséquent citée par la suite dans son ancienne teneur.

Déposé dans les forme et délai imposés par la loi, le présent recours est recevable, en vertu des articles 69 LAI et 84 LAVS.

Aux termes de l’art. 6 al. 2 LAI, les étrangers ont droit aux prestations aussi longtemps qu’ils conservent leurs domicile et résidence habituelle en Suisse, s’ils comptent lors de la survenance de l’invalidité au moins une année entière de cotisations ou dix ans de résidence ininterrompue en Suisse. Demeurent toutefois réservées les dispositions dérogatoires des conventions bilatérales de sécurité sociale conclues par la Suisse avec un certain nombre d’Etats pour leurs ressortissants respectifs.

En l’occurrence, la Suisse a conclu le 8 juin 1962 une convention relative aux assurances sociales avec la République Populaire Fédérative de Yougoslavie. Cette convention s’applique aux ressortissants de l’ex-Yougoslavie, tant qu’elle n’a pas été abrogée par les Etats qui lui ont succédé, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. En vertu des art. 2 et 3 de cette convention, les ressortissants yougoslaves ont droit aux prestations d’invalidité aux mêmes conditions que les ressortissants suisses.

En application de l’art. 36 al. 1 LAI ont droit aux rentes ordinaires les assurés qui, lors de la survenance de l’invalidité, comptent une année entière au moins de cotisations. Selon l’art. 50 du règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1945 (RAVS), lequel s’applique par renvoi de l’art. 32 al. 1 RAI, une année de cotisation est entière lorsqu’une personne a été assurée au sens des art. 1er ou 2 LAVS pendant plus de onze mois au total et que, pendant ce temps là, elle a versé la cotisation minimale ou qu’elle présente des périodes de cotisations au sens de l’art. 29ter al. 2 let. b et c LAVS. En vertu de cette dernière disposition, sont considérées comme années de cotisations, les périodes pendant lesquelles une personne a payé des cotisations, pendant lesquelles son conjoint a versé au moins le double de la cotisation minimale ou pour lesquelles des bonifications pour tâches éducatives ou pour tâches d’assistance peuvent être prises en compte. Il est précisé également à l’art. 3 al. 3 let. a LAVS que les conjoints sans activité lucrative d’assurés exerçant une activité lucrative sont réputés avoir payé eux-mêmes des cotisations, pour autant que leur conjoint ait versé des cotisations équivalant au moins au double de la cotisation minimale. Ces dernières dispositions ont été introduites dans la loi avec la dixième révision de l’AVS et sont entrées en vigueur le 1er janvier 1997. Avant l’introduction de ces normes, la condition de la cotisation minimale ne pouvait être réalisée que si l’assuré avait personnellement payé les cotisations. La réglementation plus favorable des art. 3 al. 3 let. a et 29ter al. 2 LAVS ne s’applique toutefois pas aux cas d’assurance survenus avant leur entrée en vigueur, à savoir le 1er janvier 1997 (ATF 126 V 8 et 273 consid. 1 b ; VSI 2000 p. 174).

Il convient en l’espèce d’examiner en premier lieu à quelle date est survenue l’invalidité ouvrant le droit aux prestations.

Selon l’art. 4 al. 2 LAI, l’invalidité est réputée survenue dès qu’elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir le droit aux prestations entrant en considération. Ce moment doit être déterminé objectivement sur la base de l’état de santé. Il ne coïncide pas forcément avec la date à laquelle une demande a été présentée, ni à celle à partir de laquelle une prestation a été requise ni avec le moment où l’assuré apprend, pour la première fois, que l’atteinte à sa santé peut ouvrir droit à des prestations d’assurance. S’agissant du droit à une rente, la survenance de l’invalidité correspond au moment où celui-ci prend naissance, en application de l’art. 29 al. 1 LAI, soit dès que l’assuré présente une incapacité de gain durable de 40% au moins ou dès qu’il a présenté, en moyenne, une incapacité de travail de 40% au moins pendant une année sans interruption notable, mais au plus tôt le 1er jour du mois qui suit le dix-huitième anniversaire de l’assuré (art. 29 al. 2 LAI ; ATF 126 V 5 9 consid. 2b et références y citées).

Lorsque l’invalidité, qui est préexistante à l’arrivée de l’assuré en Suisse ou au moment où il remplit les conditions relatives aux cotisations ou à la résidence pour bénéficier des prestations de l’assurance d’invalidité, a été interrompue ultérieurement de façon notable, il y a lieu d’admettre un nouveau cas d’assurance (cf. ATF 126 V 5 10 consid. 2c ; ATFA non publié du 13 janvier 2004 I 54/03 consid. 3).

En l’espèce, une invalidité de la recourante est essentiellement certifiée par ses médecins en raison d’un diabète sévère. Quant à la survenance de cette maladie, la recourante a elle-même mentionné dans sa demande que cette affection avait déjà été diagnostiquée lors de son arrivée en Suisse en 1990. Depuis le 22 décembre 1992, la recourante est suivie à la Policlinique de médecine des HUG, laquelle a attesté une incapacité de travail à 100% depuis le début de son suivi.

Il résulte toutefois de l’extrait du compte individuel de la recourante que celle-ci a travaillé de novembre 1993 à janvier 1994 et réalisé pendant les deux derniers mois de 1993 un revenu d’un montant total de 987 fr. et en janvier 1994 de 676 fr. Selon ses déclarations, elle avait travaillé durant cette période à raison de 20 heures par mois, ce qui correspond à environ cinq heures par semaines. Un taux d’activité aussi restreint et une durée d’occupation aussi courte ne sauraient cependant être considérés comme une interruption notable de l’invalidité au sens de la jurisprudence.

Au vu de ce qui précède, il convient d’admettre que la recourante était déjà en incapacité totale de travailler au plus tard le 22 décembre 1992. Ainsi, le droit à la rente n’aurait pu prendre naissance que le 1er décembre 1993, date qui correspond à la survenance de l’invalidité au sens de la loi.

Il n’est pas contesté qu’à cette date la recourante n’avait pas cotisé personnellement pendant plus de onze mois. En effet, elle ne comptait alors que deux mois de cotisations. Par ailleurs, selon la législation en vigueur à cette époque, les cotisations versées par son conjoint ne peuvent être prises en considération à titre d’années de cotisations.

Ainsi, il y a lieu de constater que la recourante ne remplit pas les conditions d’assurance pour bénéficier d’une rente d’invalidité ordinaire.

Reste réservé le droit éventuel de la recourante à des prestations complémentaires, en application de la convention relative aux assurances sociales avec la République Populaire Fédérative de Yougoslavie (art. 7 let. b et 8 let. d) et de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 19 mars 1965 (LPC). L’autorité compétente pour l’examen du droit à ces prestations est à Genève l’Office cantonal des personnes âgées, auprès duquel il convient dès lors de déposer le cas échéant une demande dans ce sens.

Cela étant, le recours sera rejeté et la décision attaquée confirmée.


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

Le rejette.

Confirme la décision du 12 octobre 2001 de l’Office cantonal de l’assurance-invalidité.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

La greffière:

Yaël BENZ

La Présidente :

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le