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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1746/2003

ATAS/109/2005 du 09.02.2005 ( AI ) , REJETE

Recours TF déposé le 11.04.2005, rendu le 22.06.2006, REJETE, I 236/05
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1746/2003 ATAS/109/2005

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

4ème chambre

du 9 février 2005

 

En la cause

Madame F__________, comparant par Maître Jacopo RIVARA, en l’étude duquel elle élit domicile

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L’ASSURANCE-INVALIDITE, 97, rue de Lyon, 1203 Genève

 

intimé

 


EN FAIT

 

Madame F__________, née en 1964, mariée, d’origine portugaise, a travaillé dès l’âge de douze ans dans l’épicerie familiale au Portugal. Arrivée en Suisse en 1988, l’intéressée a travaillé comme dame de buffet pendant une année, puis comme femme de chambre pendant six ans.

Le 4 août 1997, elle a été engagée en qualité de dame de buffet à plein temps, à la clinique Générale Beaulieu.

Souffrant de douleurs de la colonne cervicale, du rachis lombaire et du genou gauche, l’intéressée a été en arrêt de travail épisodiquement, en 1999 et 2000. La situation s’étant péjorée, elle a fait l’objet d’une prise en charge psychiatrique par le Dr A__________ dès le mois de mars 2000, qui l’a mise en arrêt de travail à 100 % depuis le 3 décembre 2000 en raison d’un état dépressif et d’une fibromyalgie. L’assurée n’a plus repris d’activité depuis lors.

L’intéressée a déposé une demande de prestations auprès de l’Office cantonal de l’assurance invalidité (ci-après l’OCAI) en date du 4 décembre 2001, visant à l’octroi d’une rente.

Dans son rapport médical du 18 janvier 2002 à l’attention de l’OCAI, le Dr A__________, psychiatre, a posé le diagnostic d’épisode dépressif moyen et de fibromyalgie. Il a attesté d’une incapacité de travail totale dès le 3 décembre 2000 et a joint un rapport du Dr B__________, spécialiste FMH en maladies immuno-allergiques et rhumatismales, qui, en l’absence d’arguments cliniques et biologiques en faveur d’une maladie auto-immune, confirmait le diagnostic de fibromyalgie et proposait d’augmenter les doses de l’antidépresseur, de débuter une activité sportive pour réacquérir une endurance physique à l’effort, ajoutant qu’une reprise de travail, à temps partiel d’abord, lui paraissait hautement souhaitable, sous peine d’un déconditionnement physiologique et psychologique qui rendrait une reprise de travail ultérieure impossible.

Le médecin traitant de l’assurée, le Dr C__________, a indiqué dans ses rapports des 13 février et 29 mai 2002 que sa patiente souffrait depuis 1999 d’une fibromyalgie et d’un état anxio-dépressif ayant entraîné une incapacité de travail totale depuis le 3 décembre 2000. Il a décrit la patiente comme étant déprimée, angoissée, avec des douleurs dans toutes les articulations. Après deux ans de traitement, il n’avait pas constaté d’amélioration, mais plutôt une aggravation de la symptomatologie, avec présence d’une dépression majeure et d’une fibromyalgie floride induisant un mauvais pronostic.

Le 29 mai 2002, le Dr C__________ a informé l’OCAI qu’à la suite d’un scanner lombaire, une hernie discale intra-foraminale L3-L4 avait été mise en évidence et que ce nouveau diagnostic avait des répercussions très importantes sur la capacité de travail de sa patiente.

Sur proposition du Service médical régional AI SMR LEMAN, l’OCAI a confié une expertise rhumatologique au Dr D__________. Dans son rapport du 20 septembre 2002, l’expert a posé les diagnostics de trouble somatoforme douloureux sous la forme d’une fibromyalgie, hernie discale L3-L4 et protrusion discale L3-L4, obésité et état dépressif vraisemblable. Du point de vue rhumatologique, la capacité de travail est de 75 % pour des travaux légers, de manutention simple, sans port de charges supérieures à 15 kg, de mouvements répétitifs et position statique prolongée. La profession de dame de buffet, tenant compte des limitations fonctionnelles, est à cet égard adaptée. L’expert mentionnait que le pronostic était réservé, vu l’intensité de la symptomatologie douloureuse et la présence vraisemblable d’une comorbidité psychiatrique.

Le SMR LEMAN a procédé à l’examen psychiatrique de l’assurée le 31 janvier 2003. L’examen clinique n’a pas mis en évidence de dépression majeure, ni de décompensation psychotique, ni d’anxiété généralisée ou de trouble phobique. La symptomatologie dépressive présentée par l’assurée, d’intensité légère, est insuffisante pour justifier actuellement un diagnostic de trouble dépressif récurrent léger ou moyen. Les médecins ont ainsi posé les diagnostics de trouble somatoforme persistant et de dysthymie et ont évalué l’incapacité de travail à 100 % dès le 3 décembre 2000 jusqu’à l’amélioration de son état psychologique dès le printemps 2002, date à laquelle la capacité de travail exigible du point de vue psychiatrique est de 100 %. Dans ses conclusions globales, le SMR LEMAN relève que la diminution de la capacité de travail de 25 % dans toutes les activités est liée aux limitations fonctionnelles bio-mécaniques décrites par l’expert rhumatologue.

Dans un courrier adressé à l’OCAI le 11 juin 2003, le Dr C__________ s’étonne de ce que les expertises médicales fassent état d’une amélioration de l’état de santé de sa patiente au printemps 2002. Il rappelle que dans son rapport du 13 février 2002, il n’avait signalé aucune amélioration, mais plutôt une aggravation de la symptomatologie. Il relève également que du point de vue psychiatrique, l’évolution n’est pas du tout favorable.

Le 16 juin 2003, le Dr A__________ a informé l’OCAI qu’il n’avait pas constaté d’amélioration clinique sur le plan psychique depuis 2002 et que l’état dépressif était toujours présent, provoquant à lui seul une incapacité de travail de 100 %.

Par décision du 6 juin 2003, l’OCAI a octroyé à Madame F__________ une rente entière d’invalidité du 1er décembre 2001 au 31 août 2002, assortie de rentes complémentaires pour son époux et ses enfants.

L’assurée a formé opposition le 24 juin 2003, contestant les conclusions des expertises. Elle a allégué que son état de santé ne s’était pas amélioré et que rien ne justifiait la limitation de la rente au 31 août 2002. La Winterthur Assurances s’est jointe à l’assurée et a demandé à l’OCAI de bien vouloir compenser les rentes transitoires, à tout le moins jusqu’à la fin de ses prestations le 2 décembre 2002.

Par décision du 29 juillet 2003, notifiée également à la Winterthur Assurances, l’OCAI a rejeté l’opposition de l’assurée. Il s’est également refusé à la mise en œuvre de nouvelles expertises médicales.

Représentée par Maître Jacopo RIVARA, l’assurée a interjeté recours auprès du Tribunal de céans le 15 septembre 2003, contestant la limitation de la rente au 31 août 2002. Elle a fait valoir que son état de santé ne s’était pas amélioré et a soutenu que l’expertise psychiatrique était peu convaincante, incomplète et en contradiction avec le diagnostic clair de fibromyalgie. Elle a conclu à la mise en œuvre d’une contre-expertise rhumatologique et psychiatrique.

Dans sa réponse du 16 octobre 2003, l’OCAI relève que tant l’expert en rhumatologie que celui en psychiatrie ont posé le diagnostic de trouble somatoforme douloureux, qui n’est pas en contradiction avec le diagnostic de fibromyalgie retenu par les médecins traitants. Or, depuis le printemps 2002, la recourante présente, du point de vue psychiatrique, une capacité de travail de 100 % dans toutes ses activités. L’intimé considère qu’il n’y a pas lieu de s’écarter des conclusions de l’expert en rhumatologie, selon lesquelles l’assurée conserve une capacité de travail de 75 % dans son activité de dame de buffet et conclut au rejet du recours.

Chacune des parties a persisté dans ses conclusions et la cause a été gardée à juger.

 

 

 

 

 

 

EN DROIT

 

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs (art. 162 LOJ).

Statuant sur un recours de droit public, le Tribunal fédéral a, dans un arrêt du 1er juillet 2004, confirmé que la disposition transitoire constituait la solution la plus rationnelle et était conforme, de surcroît, au droit fédéral (ATF 130 I 226).

Le Tribunal de céans connaît, en instance unique, des contestations relatives à la loi fédérale sur l’assurance invalidité du 19 juin 1959 – LAI (art. 56V LOJ). Sa compétence est dès lors établie pour trancher du présent litige.

La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales. Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s'applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 136 consid. 4b et les références). En revanche, en ce qui concerne la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b, 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b). C'est pourquoi les procédures pendantes au 1er janvier 2003 ou introduites après cette date devant un tribunal cantonal compétent en matière d'assurances sociales sont régies par les nouvelles règles de procédure contenues dans la LPGA et par les dispositions de procédure contenues dans les différentes lois spéciales modifiées par la LPGA.  

En tant que le cas d’espèce porte sur le droit à des prestations dès le 1er septembre 2002, il demeure régi par les dispositions matérielles en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002, qui seront dès lors citées dans leur ancienne teneur (cf. dispositions transitoires, art. 82 al. 1er LPGA) ; en revanche, les règles de procédure applicables sont celles de la LPGA.

Déposé dans les forme et délai imposés par la loi, le présent recours est recevable (cf. art 56 et 60 LPGA).

La recourante demande à bénéficier de la rente entière d’invalidité postérieurement au 31 août 2002, au motif que son état de santé ne s’est nullement amélioré dans une mesure excluant tout droit à la rente.

L’invalidité est définie par la loi comme la diminution de la capacité de gain, présumée permanente ou de longue durée, qui résulte d’une atteinte à la santé physique ou mentale provenant d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident (art. 4 al. 1er LAI). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (Meyer-Blaser, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung, Zurich 1997, p. 8).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d’invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l’incapacité fonctionnelle qu’il importe d’évaluer (ATF 110 V 275 consid. 4a, 105 V 207 consid. 2). Lorsqu’en raison de l’inactivité de l’assuré, les données économiques font défaut, il y a lieu de se fonder sur les données d’ordre médical, dans la mesure où elles permettent d’évaluer la capacité de travail de l’intéressé dans des activités raisonnablement exigibles (ATF 115 V 133 consid. 2, 105 V 158 consid.1).

Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 261 consid. 4, 115 V 134 consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158 consid. 1).

6. En l’espèce, il résulte du dossier médical que la recourante souffre d’une fibromyalgie et d’un état dépressif, qualifié de moyen, ayant entraîné une incapacité de travail totale depuis le 3 décembre 2000, selon les Dr A__________, psychiatre, et C__________, médecin traitant de l’assurée. En mai 2002, un scanner lombaire a révélé une hernie discale. L’expert rhumatologue, le Dr D__________, mandaté par l’intimé, sur proposition du SMR LEMAN, a posé les diagnostics de trouble somatoforme douloureux sous la forme d’une fibromyalgie, hernie discale L3-L4 avec protrusion discale, obésité et état dépressif vraisemblable. Sur le plan rhumatologique, l’expert estime que la capacité de travail est de 75 % pour des travaux légers de manutention simple, sans port de charges supérieures à 15 kg, ni mouvements répétitifs et position statique prolongée. L’activité de dame de buffet est adaptée à ses limitations fonctionnelles. Le pronostic était toutefois réservé, vu l’intensité de la symptomatologie douloureuse et la présence vraisemblable d’une comorbidité psychiatrique (cf. pièce no. 18, fourre no. 3, dossier OCAI).

7. Parmi les atteintes à la santé psychique, qui peuvent, comme les atteintes physiques, provoquer une invalidité au sens de l’art. 4 al. 1 LAI, on doit mentionner – à part les maladies mentales proprement dites – les anomalies psychiques qui équivalent à des maladies. On ne considère pas comme des conséquences d’un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge pas l’assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l’assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible. Il faut donc établir si et dans quelle mesure un assuré peut, malgré son infirmité mentale, exercer une activité que le marché du travail lui offre, compte tenu de ses aptitudes. Le point déterminant est ici de savoir quelle activité peut raisonnablement être exigée dans son cas. Pour admettre l’existence d’une incapacité de gain causée par une atteinte à la santé mentale, il n’est donc pas décisif que l’assuré exerce une activité lucrative insuffisante ; il faut bien plutôt se demander s’il y a lieu d’admettre que la mise à profit de sa capacité de travail ne peut, pratiquement, plus être raisonnablement exigée de lui, ou qu’elle serait même insupportable pour la société (ATF 102 V 165 ; VSI 2001 p. 224 consid. 2b et les références; cf. aussi ATF 127 V 298 consid. 4c in fine).

Selon la jurisprudence, des troubles somatoformes douloureux peuvent, dans certaines circonstances, conduire à une incapacité de travail (ATF 120 V 119 consid. 2c/cc; RAMA 1996 no U 256 p. 217 ss consid. 5 et 6). De tels troubles entrent dans la catégorie des affections psychiques, pour lesquelles une expertise psychiatrique est en principe nécessaire quand il s'agit de se prononcer sur l'incapacité de travail qu'ils sont susceptibles d'entraîner (VSI 2000 p. 160 consid. 4b; ATF 130 V 352 consid. 2.2.2 et les arrêts cités). Compte tenu des difficultés, en matière de preuve, à établir l'existence de douleurs, les simples plaintes subjectives de l'assuré ne suffisent pas pour justifier une invalidité (entière ou partielle). Dans le cadre de l'examen du droit aux prestations de l'assurance sociale, l'allégation des douleurs doit être confirmée par des observations médicales concluantes, à défaut de quoi une appréciation de ce droit aux prestations ne peut être assurée de manière conforme à l'égalité de traitement des assurés (ATF 130 V 352 consid. 2.2.2).

Un rapport d'expertise attestant la présence d'une atteinte psychique ayant valeur de maladie - tels des troubles somatoformes douloureux - est une condition juridique nécessaire, mais ne constitue pas encore une base suffisante pour que l'on puisse admettre qu'une limitation de la capacité de travail revêt un caractère invalidant (ATF 130 V 352 consid. 2.2.3; Ulrich Meyer-Blaser, Der Rechtsbegriff der Arbeitsunfähigkeit und seine Bedeutung in der Sozialversicherung, namentlich für den Einkommensvergleich in der Invaliditätsbemessung, in : René Schauffhauser/Franz Schlauri (éd.), Schmerz und Arbeitsunfähigkeit, St. Gall 2003, p. 64 sv., et note 93).  En effet, selon la jurisprudence, les troubles somatoformes douloureux persistants n'entraînent pas, en règle générale, une limitation de longue durée de la capacité de travail pouvant conduire à une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI (voir sur ce point Meyer-Blaser, op. cit. p. 76 ss, spéc. p. 81 sv.). Une exception à ce principe est admise dans les seuls cas où, selon l'estimation du médecin, les troubles somatoformes douloureux se manifestent avec une telle sévérité que, d'un point de vue objectif, la mise en valeur de sa capacité de travail ne peut, pratiquement, - sous réserve des cas de simulation ou d'exagération (SVR 2003 IV no 1 p. 2 consid. 3b/bb; voir aussi Meyer-Blaser, op. cit. p. 83, spéc. 87 sv.) - plus raisonnablement être exigée de l'assuré, ou qu'elle serait même insupportable pour la société (ATF 102 V 165; VSI 2001 p. 224 sv. consid. 2b et les références; ATF 130 V 352 consid. 2.2.3 et les arrêts cités; cf. aussi ATF 127 V 298 consid. 4c in fine).

Admissible seulement dans des cas exceptionnels, le caractère non exigible d'un effort de volonté en vue de surmonter la douleur et de la réintégration dans un processus de travail suppose, dans chaque cas, soit la présence manifeste d'une comorbidité psychiatrique d'une acuité et d'une durée importantes, soit le cumul d'autres critères présentant une certaine intensité et constance. Ce sera le cas (1) des affections corporelles chroniques ou d'un processus maladif s'étendant sur plusieurs années sans rémission durable, (2) d'une perte d'intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie, (3) d'un état psychique cristallisé, sans évolution possible au plan thérapeutique, marquant simultanément l'échec et la libération du processus de résolution du conflit psychique (profit primaire tiré de la maladie), ou enfin (4) de l'échec de traitements ambulatoires ou stationnaires conformes aux règles de l'art et de mesures de réhabilitation, cela en dépit de la motivation et des efforts de la personne assurée pour surmonter les effets des troubles somatoformes douloureux (VSI 2000 p. 155 consid. 2c; ATF 130 V 352 consid. 2.2.3 in fine; Meyer-Blaser, op. cit. p. 76 ss, spéc. 80 ss).

Selon la jurisprudence,  la tâche de l’expert médical, lorsque celui-ci doit se prononcer sur le caractère invalidant de troubles somatoformes, consiste à poser un diagnostic dans le cadre d’une classification reconnue et se prononcer sur le degré de gravité de l’affection. Il doit évaluer le caractère exigible de la reprise par l’assuré d’une activité lucrative. Ce pronostic tiendra compte de divers critères, tels une structure de la personnalité présentant des traits prémorbides, une comorbidité psychiatrique, des affections corporelles chroniques, une perte d’intégration sociale, un éventuel profit tiré de la maladie, le caractère chronique de celle-ci sans rémission durable, une durée de plusieurs années de la maladie avec des symptômes stables ou en évolution, l’échec de traitements conformes aux règles de l’art. Le cumul des critères précités fonde un pronostic défavorable. Enfin, l’expert doit s’exprimer sur le cadre psychosocial de la personne examinée. Au demeurant, la recommandation de refus d’une rente doit également reposer sur différents critères. Au nombre de ceux-ci figurent la divergence entre les douleurs décrites et le comportement observé, l’allégation d’intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l’absence de demande de soins, les grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l’anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l’expert, ainsi que l’allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact (Mosimann, Somatoform Störungen : Gerichte und (psychiatrische) Gutachten, RSAS 1999, p. 1 ss et 105 ss ; VSI 2000 p. 154 ss).

8. En l’occurrence, au vu du diagnostic de trouble somatoforme douloureux posé par le rhumatologue, c’est à juste titre que l’intimé a soumis la recourante à une expertise psychiatrique. Les expertes du SMR LEMAN, les Dresses ALBEANU et MUNSCH, qui ont examiné la recourante en janvier 2003, ont confirmé le diagnostic de trouble douloureux somatoforme persistant F45.4, associé à celui de dysthymie F34.1. Lors de l’examen clinique psychiatrique, les médecins n’ont pas objectivé de troubles de la mémoire, de la concentration et de l’attention. Elles n’ont pas constaté non plus de symptômes de la lignée psychotique, ni d’anxiété généralisée ou de trouble phobique. Tout au plus ont-elles relevé une thymie légèrement triste, insuffisante cependant pour justifier actuellement un diagnostic de trouble dépressif récurrent léger ou moyen. La vie sociale est normale : l’expertisée fait des promenades, quelques courses et va une fois par semaine à la piscine. Elle se rend en France, avec son mari, pour faire les courses. Pendant les vacances, elle séjourne au Portugal. Enfin, elle a beaucoup d’amis qu’elle voit régulièrement et qui s’occupent d’elle.

Les médecins du SMR LEMAN admettent que l’assurée a présenté en 2000 un épisode dépressif moyen, tel que diagnostiqué par le Dr A__________ en décembre 2000, mais relèvent que sous traitement médical dans les règles de l’art, l’état de l’assurée s’est nettement amélioré depuis plusieurs mois, plus particulièrement au printemps 2002 selon les déclarations de l’assurée (cf. rapport d’expertise, p. 3, pièce no. 24, fourre 3 OCAI). Ainsi, du point de vue psychiatrique concluent-elles que la recourante présente une capacité de travail de 100 %, dès le printemps 2002, dans toutes les activités.

Le Tribunal constate que l’expertise du SMR LEMAN ne prête pas flanc à la critique ; les médecins ont procédé à l’examen clinique de la patiente et ont pris en compte les plaintes de l’assurée. L’expertise a été établie en pleine connaissance du dossier, la description du contexte médical est claire et les conclusions sont bien motivées. Une comorbidité psychiatrique d’une acuité et d’une durée importantes ne peut être retenue in casu.

Quant aux autres critères consacrés par la jurisprudence qui peuvent fonder un pronostic défavorable à l’exigibilité d’une reprise de l’activité professionnelle, ils n’apparaissent pas remplis non plus. L’expertise psychiatrique a mis en évidence une personnalité dépendante, démonstrative et manipulatrice ; la recourante utilise son entourage d’une façon importante, ce qui lui permet d’assumer de moins en moins ses responsabilités. Le « label de malade » la décharge de ses responsabilités tout en maintenant l’estime de soi (bénéfices secondaires liés au statut d’invalide). Enfin, il a été relevé une discordance entre les plaintes de l’assurée et les constatations objectives cliniques. De surcroît, une perte d’intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie fait manifestement défaut.

La recourante conteste que son état de santé se soit amélioré et se réfère à divers rapports médicaux qu’elle a produits en cours de procédure. Les Dr BUCHS et PESSINA ne font cependant pas état de pathologies autres que celles qui ont déjà été diagnostiquées par l’expert rhumatologue, le Dr D__________. Sur le plan psychiatrique, l’avis du Dr D__________, qui n’a vu la recourante à sa consultation qu’à une seule reprise et postérieurement à la décision litigieuse, ne saurait ébranler la conviction du Tribunal de céans et remettre en cause les conclusions de l’expertise psychiatrique. S’agissant enfin du Dr A__________, il sied de rappeler que dans son rapport du 18 janvier 2002 à l’attention de l’OCAI, il n’avait pas exclu une amélioration de l’état clinique de sa patiente (cf. pièce no. 4, fourre 3, OCAI), ce que, précisément, les experts ont constat par la suite. L’appréciation divergente du médecin traitant, émise après le dépôt du recours, ne saurait mettre en doute les explications convaincantes des experts.

Au vu de ce qui précède, force est d’admettre que le trouble somatoforme douloureux que présente la recourante n’est pas invalidant au sens de la jurisprudence rappelée supra, ce depuis le printemps 2002, époque à laquelle l’expertisée a elle-même admis que son état de santé s’était amélioré. La diminution de la capacité de travail de 25 % dans toutes les activités en raison des limitations fonctionnelles décrites par l’expert rhumatologue ne permet dès lors pas le maintien de la rente d’invalidité. En conséquence, c’est à bon droit que l’intimé a limité la rente au 31 août 2002 (art. 88a al. 1 RAI).

Le recours, mal fondé, doit être rejeté.


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ

A la forme :

Déclare le recours recevable ;

Au fond :

Le rejette ;

Dit que la procédure est gratuite ;

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

Le greffier :

 

Walid BEN AMER

 

La Présidente :

 

Juliana BALDE

 

 

 

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le