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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1821/2010

ATA/840/2010 du 30.11.2010 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : ; RÉCUSATION ; COMPOSITION DE L'AUTORITÉ ; COMPÉTENCE ; EMPLOYÉ PUBLIC ; FONCTIONNAIRE ; RAPPORTS DE SERVICE ; ENTREPRISE PUBLIQUE ; AÉROPORT ; SALAIRE ; INDEMNITÉ DE VACANCES ; PROCÉDURE ADMINISTRATIVE
Normes : Cst.30 ; CEDH.6 ; LTF.86.al2 ; LTF.110 ; LTF.111 ; CO.329d ; CO.342 ; CO.362 ; LOJ.56A ; LOJ.56B ; LPA.11 ; LPA.15 ; LAIG.1 ; LAIG.9 ; LAIG.13 ; 74 du statut du personnel de l'AIG
Résumé : Recours d'un employé de l'aéroport auprès de la commission de recours de l'aéroport contre une décision refusant la prise en compte, dans le salaire afférent aux vacances, des indemnités pour horaires irréguliers effectués pendant l'année. Transmission du recours au TA, à la demande de la partie recourante, suite à une décision du président de cette juridiction prononçant la récusation de tous les membres de la commission. Pour pouvoir porter la cause devant le Tribunal administratif, le recourant aurait du recourir contre la décision de récusation. Recours irrecevable en l'espèce.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1821/2010-FPUBL ATA/840/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 30 novembre 2010

 

dans la cause

 

Monsieur F______
représenté par Me Eric Maugué, avocat

contre

AÉROPORT INTERNATIONAL DE GENÈVE
représenté par Me Jacques-André Schneider, avocat

et

COMMISSION DE RECOURS DE L’AÉROPORT INTERNATIONAL DE GENÈVE



EN FAIT

1. Monsieur F______ a été engagé en qualité d’agent de piste par l’aéroport international de Genève (ci-après : AIG) le 12 mai 1992.

Son salaire est composé d’un traitement de base fixe (CHF 6'936,35 en 2008), d’une participation de l’AIG à l’assurance-maladie, ainsi que d’indemnités pour horaires irréguliers et de « piquet » qui sont versées par l'AIG à ses employés à la fin du mois lors duquel ces heures ont été effectuées. Aucune indemnité n’est versée pendant les vacances.

2. Par courrier du 25 mai 2009, M. F______ a demandé à l’AIG que les indemnités en question soient prises en considération dans le calcul de son salaire afférent aux vacances.

Ces prétentions se fondaient sur l’ATF 132 III 172 du 5 décembre 2005 (ci-après : l’arrêt Orange) qui posait le principe selon lequel les indemnités à caractère régulier et durable devaient être prises en compte dans le calcul du salaire afférant aux vacances.

Il sollicitait le paiement d’un supplément de salaire de 10,64 % sur les indemnités litigieuses, à compter du mois de mai 2004.

3. Le 6 juillet 2009, l’AIG a rejeté cette demande.

4. Par acte du 5 août 2009, M. F______ a recouru contre cette décision auprès de la commission de recours du personnel de l’AIG (ci-après : la commission), en concluant à son annulation, au « paiement d’un supplément de 10,64 % (cinq semaines de vacances) sur les indemnités pour horaires irréguliers et celles relatives au service de piquet qui lui sont versées, avec effet rétroactif sur les cinq dernières années, soit à compter du mois de mai 2004, avec intérêts à 5 %, à compter de la date moyenne du 30 novembre 2006 », à ce que l’AIG soit invité à établir un décompte précis et détaillé des arriérés dus à M. F______ calculés sur cette base, ainsi qu’à l’octroi d’une indemnité de procédure.

5. L’AIG a répondu au recours le 26 octobre 2009 en demandant préalablement la récusation des membres de la commission salariés de l’AIG. Principalement, elle conclut au rejet du recours, ainsi qu’à l’octroi d’une indemnité de procédure.

La commission était composée de cinq membres, dont deux membres élus par le personnel. En tant que salariés de l’AIG, ces derniers étaient directement intéressés par l'issue du litige, qui touchait leur propre rétribution. Ceci les mettait objectivement dans une situation de conflit d’intérêt de nature à les priver de l’objectivité et de l’impartialité nécessaires pour siéger. Ils devaient ainsi être récusés.

6. Le 8 avril 2010, le président de la commission a prononcé la récusation de tous les commissaires.

La commission n’était pas instituée par une loi formelle, ni composée de magistrats de l’ordre judiciaire au sens l’art. 131 de la Constitution de la République et canton de Genève (Cst. GE - A 2 00). Son existence se fondait sur l’art. 74 du statut. Sa nature était paritaire, puisqu’elle était composée de deux membres élus par le personnel et de deux autres désignés par le Conseil d’administration, siégeant sous la présidence d’un magistrat, d’un ancien magistrat, d’un avocat ou d’un professeur universitaire de droit. L’AIG étant un établissement de droit public, il était soumis aux règles de récusation de l’art. 15 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Les faits soumis à l’examen de la commission pouvant avoir un effet direct sur la rémunération des membres salariés de celle-ci, ces membres devaient être récusés. Cette circonstance rendait impossible une composition paritaire conforme au statut. Il y avait donc lieu de prononcer la récusation de l'ensemble de la commission.

La voie du recours au Tribunal administratif était indiquée.

7. Par courrier du 19 avril 2010, M. F______ a prié la commission de transmettre au Tribunal administratif son recours, en application de l’art. 11 al. 3 LPA, dès lors qu’il n’entendait pas recourir contre la décision présidentielle.

8. Déférant à cette invite, la commission a transmis le dossier complet de la cause au tribunal de céans le 20 mai 2010.

9. Le 27 août 2010, M. F______ s’est déterminé devant le Tribunal administratif en persistant dans ses conclusions initiales.

La compétence du tribunal de céans résultait de l’art. 56A al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ - E 2 05), la récusation des membres de la commission ayant dû être prononcée.

10. L’AIG a dupliqué le 21 octobre 2010, en persistant dans ses conclusions.

11. Le 25 octobre 2010, les parties ont été informées que la cause serait gardée à juger en l’absence de toute requête complémentaire.

 

EN DROIT

1. Selon l'art. 11 LPA, la compétence des autorités est déterminée par la loi et ne peut être créée par accord entre les parties (al. 1er). L’autorité examine d’office sa compétence (al. 2). Si elle décline sa compétence, elle transmet d’office l’affaire à l’autorité compétente et en avise les parties (al. 3).

2. Aux termes de l'art. 74 du statut, il est institué une commission de recours composée de cinq membres, dont deux élus par le personnel et deux membres désignés par le conseil d'administration, ainsi qu'un président désigné d'un commun accord par le conseil d'administration, d'une part, et la commission consultative du personnel, d'autre part, parmi les magistrats ou les anciens magistrats de l'ordre judiciaire genevois, les avocats inscrits au barreau de Genève ou les professeurs de droit de l'université de Genève (al. 1er). Un suppléant est également élu ou désigné, pour chaque membre de la commission de recours (al. 2). Le mode d'élection des membres élus par le personnel se fait selon le système majoritaire (al. 3). La commission de recours tranche en première instance tous les litiges individuels relatifs à l'application du statut. Elle peut être saisie par la commission consultative du personnel d'une action en constatation de droit (al. 4). La LPA est applicable.

3. Conformément à l'art. 56A LOJ, le Tribunal administratif est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative. Toutefois, le recours auprès de cette juridiction n’est pas recevable contre les décisions pour lesquelles le droit fédéral ou une loi cantonale prévoit une autre voie de recours (art. 56B al. 1er LOJ).

Cette référence à une « loi cantonale » inclut les instances de recours instituées par des règlements ou des dispositions statutaires sur la base d'une délégation législative, comme c'est le cas de la commission de recours de l'AIG, créée par le statut, conformément à la clause de délégation figurant à l'art. 13 al. 2 let. j de la loi sur l’aéroport international de Genève (LAIG - H 3 25).

Conformément aux art. 56B al. 1er LOJ et 74 du statut, il n'est ainsi pas possible de recourir directement au Tribunal administratif contre une décision de l'AIG. L'accord des parties n'est pas déterminant (art. 11 al. 3 LPA).

Pour ce premier motif, le recours est irrecevable.

4. Selon l'art. 30 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Les tribunaux d’exception sont interdits. Cette disposition rejoint l'art. 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), qui dispose que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

Par ailleurs, selon l'art. 86 al. 2 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), les cantons instituent des tribunaux supérieurs qui statuent comme autorités précédant immédiatement le Tribunal fédéral (sauf dans les cas où une autre loi fédérale prévoit qu’une décision d’une autre autorité judiciaire peut faire l’objet d’un recours devant le Tribunal fédéral, ce qui n'est pas le cas en l'espèce). Si, en vertu de la LTF, les cantons sont tenus d’instituer un tribunal comme autorité cantonale de dernière instance, ils font en sorte que ce tribunal ou une autre autorité judiciaire, statuant en instance précédente, examine librement les faits et applique d’office le droit déterminant (art. 110 et 111 LTF).

5. Le recourant ne peut se prévaloir de ces dispositions pour établir la compétence du tribunal de céans et alléguer que la décision de la commission le prive de ces garanties, alors qu'il a expressément renoncé à recourir contre la décision du président de cette autorité.

L'absence d'accès à un tribunal indépendant et impartial ne trouve ainsi pas sa cause dans le système instauré par la loi, mais dans le choix du recourant de ne pas recourir contre la décision précitée, de sorte que le tribunal de céans, autorité de recours de seconde instance, ne peut se saisir du litige.

6. Le recours sera en conséquence déclaré irrecevable.

7. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe.

L’autorité intimée pouvant disposer d’un service juridique suffisant pour assumer sa défense, aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 LPA ; ATA/593/2009 du 17 novembre 2009 ; ATA/233/2008 du 20 mai 2008 ; ATA/95/2005 du 1er mars 2005 et les références citées).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

déclare irrecevable le recours interjeté le 5 août 2009 par Monsieur F______ contre la décision du 6 juillet 2009 de l’aéroport international de Genève ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur F______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt  peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt  et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Eric Maugué, avocat du recourant, à Me Jacques-André Schneider, avocat de l'aéroport international de Genève, ainsi qu'à la commission de recours de l'aéroport international de Genève.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

M. Tonossi

 

 

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :