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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1240/2013

ATA/721/2013 du 29.10.2013 ( PRISON ) , REJETE

Descripteurs : ; ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE ; DÉTENTION(INCARCÉRATION) ; MISE AU SECRET ; COMPORTEMENT ; INTÉRÊT ACTUEL ; DROIT FONDAMENTAL ; ATTEINTE À UN DROIT CONSTITUTIONNEL ; LIBERTÉ PERSONNELLE ; RESPECT DE LA VIE PRIVÉE ; PROPORTIONNALITÉ ; INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE
Normes : Cst.9; Cst.10.al2; Cst.13.al1; Cst.36; RRIP.45; RIPP.46; RIPP.50; RIPP.52
Résumé : Rejet d'un recours dirigé contre une décision de placement en régime de sécurité renforcée à la prison de Champ-Dollon. Un tel placement constitue une mesure d'organisation interne. Malgré le fait que la mesure a pris fin au moment où la chambre statue, le recourant conserve un intérêt juridique au recours dans la mesure où il se trouve encore en prison et que la situation pourrait se présenter à nouveau. L'attitude générale du recourant qui, au cours de sa détention, a violé à plusieurs reprises le RRIP, créant un risque pour la sécurité de l'établissement, justifie son placement en régime de sécurité renforcée.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1240/2013-PRISON ATA/721/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 octobre 2013

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur M______
représenté par Me Nicola Meier, avocat

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON



EN FAIT

Monsieur M______, ressortissant suisse né en 1980, est détenu à la prison de Champ-Dollon (ci-après : la prison) depuis le 1er septembre 2010.

Depuis cette date, le comportement de l'intéressé a fait, à plusieurs reprises, l'objet de rapports des surveillants, cas échéant de sanctions.

Le 30 octobre 2011, M. M______ avait, avec d’autres détenus, refusé de réintégrer sa cellule.

Le 4 décembre 2012, lors d’une fouille de sa cellule, un chauffe-eau artisanal fabriqué avec deux fourchettes y avait été découvert.

Le 19 janvier 2013, une alarme indiquant un dérangement de l’interphone de la cellule de l'intéressé s’était déclenchée. Cet appareil avait été démonté. Dès le 20 janvier 2013, M. M______, de même que son codétenu, avait été durant quatre jours privé de travail et placé en cellule forte, par mesure de sécurité et afin de pouvoir disposer d’un interphone fonctionnel. Lors de la fouille réalisée suite à cet événement, deux « gros bouts de substance prohibée de couleur brunâtre » avaient été trouvés dans un paquet de sucre fermé.

Le 15 mars 2013, lors d'une fouille de sa cellule, les agents de détention avaient trouvé CHF 200.-, un morceau de « substance illicite », quatre téléphones portables et quatre chargeurs – invisibles au rayon X car emballés dans un carton noir - dissimulés dans une chaîne stéréo, un téléphone portable caché dans le siphon des toilettes et une carte SIM dissimulée dans un calendrier. M. M______ n’avait pas donné d’indication sur la provenance des téléphones. Il avait été conduit le jour même en cellule forte pour une durée de cinq jours.

Le 19 mars 2013, il avait en outre été sanctionné par une privation de visites, d’achats et d’usage des moyens audiovisuels pour une durée de quinze jours dès le 20 mars 2013.

Par décision du 19 mars 2013, le directeur de la prison a ordonné le placement en régime de sécurité renforcée de M. M______ pour une durée de six mois, soit jusqu’au 20 septembre 2013. Son comportement ferait l’objet d’une évaluation régulière pouvant conduire à la levée de la mesure avant son terme. Cette décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

Il convenait d'isoler l'intéressé des autres détenus au regard du risque objectif qu'il faisait courir à la sécurité collective de l'établissement en possédant un nombre aussi important de téléphones portables.

D'une manière générale, le détenu placé en régime de sécurité renforcée était incarcéré en cellule individuelle, dans laquelle il dormait, prenait ses repas et passait le reste de la journée, sous réserve d'une heure de promenade qu'il pouvait effectuer, en principe seul, dans le promenoir réservé à cet effet. Il pouvait recevoir des visites, échanger de la correspondance et lire. Son droit à l'hygiène, aux soins médicaux, à l'assistance sociale et spirituelle, aux relations avec la direction de l'établissement et aux contacts avec son avocat n'était pas restreint. Dès lors, excepté la promenade individuelle, ce régime était en grande partie similaire au régime de détention ordinaire des prévenus ne bénéficiant pas d'activité dans les ateliers.

Par acte du 18 avril 2013, M. M______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif et principalement au constat de son illicéité et à son annulation. Il a également conclu à ce que soit réservé son droit à une indemnisation pour avoir injustement subi la sanction infligée.

Suite à la découverte de téléphones portables dans sa cellule, il avait été placé en cellule forte pour cinq jours et privé de visites, d’achats et d’usage de moyens audiovisuels pour quinze jours.

La mise sous régime de sécurité renforcée lui imposait de dormir seul, de prendre seul ses repas et de rester seul toute la journée, sauf pendant une heure quotidienne de promenade individuelle dans un promenoir isolé.

La mesure visait à prévenir tout risque vis-à-vis de la sécurité collective à Champ-Dollon ; ce but n’imposait pas l’atteinte subie par le recourant. Ledit but pouvait pleinement être atteint par la fouille régulière de la cellule de l’intéressé. Des mesures moins incisives pouvaient dès lors être prononcées.

Le placement en régime de sécurité renforcée était une exception au régime normal de la détention et ne pouvait être ordonné que lorsque la détention en commun présentait des inconvénients ou des risques notamment en ce qui concernait la sauvegarde de la sécurité collective.

En réalité, la mesure litigieuse constituait une sanction supplémentaire infligée à M. M______, qui avait refusé d’indiquer la provenance des appareils téléphoniques. Elle était dépourvue de base légale, ne figurant pas dans le catalogue des sanctions à disposition de la prison.

L’autorité intimée voulait obtenir l’identité de la personne ayant remis les téléphones, ayant précisé que la mesure litigieuse pouvait être levée en cas de comportement positif du recourant.

La sanction violait son droit à la liberté personnelle ainsi que les principes de la proportionnalité et de l’interdiction de l'arbitraire.

Le 8 mai 2013, la direction de la prison a conclu au rejet tant de la demande de restitution de l’effet suspensif que du recours.

L’intérêt public à maintenir l’ordre et la tranquillité dans la prison avait sérieusement été mise en péril par le recourant, les téléphones mobiles qu’il possédait lui donnant la possibilité – ainsi qu’aux autres détenus – de converser librement avec des personnes à l’extérieur avec tous les risques que cela impliquait (risques d'évasion ou d'intrusion, collusion, destruction de preuves, poursuite d'actes illicites, etc.).

La mesure litigieuse visait à empêcher que cette situation ne perdure ou se reproduise et elle devait, pour atteindre son but, être exécutée immédiatement. D'autant plus dans le contexte de surpopulation de l'établissement, un éventuel laxisme face aux comportements prohibés et de nature à compromettre gravement la sécurité n'était pas admissible.

Le placement litigieux reposait sur une base légale, répondait à un intérêt public prépondérant et respectait le principe de la proportionnalité.

Des fouilles régulières de la cellule ne suffisaient pas pour atteindre ce but. Elles mobilisaient un nombre important de fonctionnaires et il n’était pas aisé, même pour du personnel expérimenté, de trouver les appareils cachés.

Il ne s’agissait pas d’une sanction déguisée. Le placement sous régime renforcé ne constituait pas la prolongation d'une sanction disciplinaire, mais bien une mesure destinée à assurer la sécurité collective de la prison. La direction avait prévu de pouvoir lever cette sanction si l’attitude de l’intéressé évoluait et qu’il acceptait de poursuivre l’exécution de sa peine dans un processus durable d’acceptation des conditions de sa détention.

Le 15 mai 2013, M. M______ a exercé son droit à la réplique. Son placement en régime de sécurité renforcée n’était pas nécessaire pour assurer la sécurité collective de l’établissement. Il était lié uniquement à son comportement et devait être considéré comme une ultime punition. Il s’agissait d’une sanction déguisée.

Par décision présidentielle du 17 mai 2013, la chambre administrative a rejeté la demande du recourant de restitution de l'effet suspensif.

Il ressortait d'une pesée des intérêts prima facie que l'intérêt privé de M. M______ à disposer de relations sociales plus denses avec ses codétenus était indiscutable, mais devait céder le pas devant l'intérêt public à la sécurité collective de la prison.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger sur le fond.

EN DROIT

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

a. A teneur de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

b. Selon la jurisprudence constante, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 121 II 39 consid. 2 c/aa p. 43 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1A.47/2002 du 16 avril 2002 consid. 3 ; ATA/188/2011 du 22 mars 2011 ; ATA/146/2009 du 24 mars 2009).

c. Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 135 I 79 consid. 1 p. 81 ; 128 II 34 consid. 1b p. 36 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.133/2009 du 4 juin 2009 consid.3 ; H. SEILER, Handkommentar zum Bundesgerichtsgesetz [BGG], Berne 2007, n. 33 ad art. 89 LTF p. 365 ; K. SPUHLER/A. DOLGE/D. VOCK, Kurzkommentar zum Bundesgerichtsgesetz [BGG], Zurich/St-Gall 2006, n. 5 ad art. 89 LTF p. 167). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1 p. 374 ; 118 Ib 1 consid. 2 p. 7 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2 ; ATA/175/2007 du 17 avril 2007 consid. 2a ; ATA/915/2004 du 23 novembre 2004 consid. 2b) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 p. 286 et ss. ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.3 ; ATA/192/2009 du 21 avril 2009 ; ATA/640/2005 du 27 septembre 2005).

d. Il est toutefois renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de la légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 135 I 79 précité ; 131 II 361 consid. 1.2 p. 365 ; 128 II 34 précité ; Arrêt du Tribunal fédéral 6B.34/2009 du 20 avril 2009 consid. 3 ; ATA/188/2011 du 22 mars 2011 ; ATA/365/2009 du 28 juillet 2009). Cela étant, l’obligation d’entrer en matière sur un recours, dans certaines circonstances, nonobstant l’absence d’un intérêt actuel, ne saurait avoir pour effet de créer une voie de recours non prévue par le droit cantonal (ATF 135 I 79 précité ; 128 II 34 précité; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.133/2009 précité).

e. En l'espèce, quand bien même le recourant a exécuté la mesure contestée, la situation pourrait se présenter à nouveau, dans la mesure où ce dernier se trouve encore à Champ-Dollon. Dès lors, la chambre administrative renoncera à l'exigence de l'intérêt actuel pour statuer (ATA/188/2011 du 22 mars 2011 ; ATA/266/2009 du 26 mai 2009).

a. L'objet de la présente procédure est le placement de M. M______ en régime de sécurité renforcée pour une durée de six mois, à savoir du 20 mars au 20 septembre 2013.

b. Selon l'art. 50 al. 1 du règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04), la détention en commun peut être interdite si elle présente des inconvénients ou des risques, notamment pour ce qui concerne la sauvegarde de la sécurité collective. La mesure de mise en régime de sécurité renforcée permet de réduire les risques de troubles au sein de la prison. Cette mesure figure dans le titre « règles particulières » applicables aux prévenus ou aux condamnés. Elle constitue une exception au régime normal (art. 49 RRIP) et ne figure pas dans la liste exhaustive des sanctions énoncées à l'art. 47 al. 3 RRIP.

c. Il résulte clairement de ces dispositions que le placement en régime de sécurité renforcée ne constitue pas une sanction (L. HUBER, Disziplinarmassnahmen im Strafvollzug, Basler Studien zur Rechtswissenschaft, Band 46, 1995, p. 22 et 23). Il s'agit d'une décision au sens de l'art. 4 LPA, susceptible de recours auprès de la chambre administrative (ATA/188/2011 du 22 mars 2011 ; ATA/533/2008 au 28 octobre 2008). Dès lors, la chambre de céans est compétente pour juger la présente affaire.

d. En l'espèce, il s'avère que le recourant a déjà été sanctionné après que des téléphones portables, chargeurs, carte SIM et substances illicites ont été découverts dans sa cellule le 15 mars 2013, la direction de la prison ayant prononcé son placement en cellule forte pour cinq jours et une privation de visites, d’achats et d’usage des moyens audiovisuels pour quinze jours. Par conséquent, son placement en régime de sécurité renforcée ne revêt pas le caractère d'une sanction, mais constitue bien une mesure visant à sauvegarder la sécurité collective et à réduire les risques de troubles au sein de l'établissement.

a. Le recourant allègue que la mesure litigieuse porte atteinte à son droit à la liberté personnelle.

b. Selon l’art. 10 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), tout être humain a droit à la liberté personnelle, notamment à l’intégrité physique et psychique et à la liberté de mouvement. Cette garantie comprend toutes les libertés élémentaires dont l’exercice est nécessaire à l’épanouissement de la personne humaine (ATF 134 I 214 consid. 5.1 p. 216 ; 133 I 110 consid. 5.2 p. 119). Sa portée ne peut être définie de manière générale, mais doit être déterminée de cas en cas, en tenant compte des buts de la liberté, de l’intensité de l’atteinte qui y est portée ainsi que de la personnalité de ses destinataires (ATF 134 I 214 consid. 5.1 p. 216 ; 133 I 110 consid. 5.2.2 p. 120).

c. Aux termes de l’art. 13 al. 1 Cst., toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile, de sa correspondance et des relations qu’elle établit par la poste et les télécommunications. D’une manière générale, cette garantie protège l’identité, la réputation, les relations sociales et les comportements intimes de chaque personne physique (A. AUER / G. MALINVERNI / M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, volume II : les droits fondamentaux, 3ème éd., Berne 2013, n. 381 ss, p. 185 ss).

d. Une restriction de ces libertés est admissible si elle repose sur une base légale, si elle est justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui et si elle respecte le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 1 à 3 Cst. ; ATF 134 I 214 consid. 5.4 p. 217 ; 133 I 27 consid. 3.1 p. 28 ss ; 106 Ia 277).

a. Il convient dès lors d'examiner dans quelle mesure le placement en régime de sécurité renforcée prononcé à l'encontre du recourant repose sur une base légale, est justifié par un intérêt public prépondérant et respecte le principe de la proportionnalité.

b. Selon l'art. 78 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP – RS 311.0), la détention cellulaire sous la forme de l'isolement ininterrompu d'avec les autres détenus ne peut être ordonnée que pour une période d'une semaine au plus au début de la peine et pour en préparer l'exécution (let. a), pour protéger le détenu ou des tiers (let. b), ou à titre de sanction disciplinaire (let. c).

c. Pour des raisons de sécurité collective et de bon ordre au sein de la prison, les détenus ont l'interdiction de détenir d’autres objets que ceux qui leur sont remis (art. 45 let. e RRIP), d’introduire ou de faire introduire dans l’établissement d’autres objets que ceux autorisés par le directeur (art. 45 let. f RRIP) et, d’une façon générale, de troubler l’ordre et la tranquillité de l’établissement (art. 45 let. h RRIP). En tout temps, la direction peut ordonner des fouilles corporelles et une inspection des locaux (art. 46 RRIP).

d. Comme exposé précédemment, l'art. 50 RRIP permet le placement d'un détenu en régime de sécurité renforcée si la détention en commun présente des inconvénients ou des risques, notamment pour ce qui concerne la sauvegarde de la sécurité collective (al. 1) pour une durée maximale de six mois, renouvelable (al. 2).

e. Le principe de la proportionnalité exige que les moyens mis en œuvre par l’administration restent toujours dans un rapport raisonnable avec l’intérêt public poursuivi. On précise ce principe en distinguant ses trois composantes : une mesure étatique doit être apte à atteindre le but d’intérêt public visé (aptitude), être nécessaire pour que ce but puisse être réalisé (nécessité), et enfin être dans un rapport raisonnable avec l’atteinte aux droits des particuliers qu’elle entraîne (proportionnalité au sens étroit) (ATF 136 I 87 p. 92 ; ATF 136 I 17 p. 26 ; ATF 135 I 176 p. 186 ; ATF 133 I 110 p. 123 ; ATF 130 I 65 p. 69 ; T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 187).

f. En l'espèce, force est de constater en premier lieu que le placement du recourant en régime de sécurité renforcée pour une durée de six mois trouve son fondement à l'art. 50 RRIP et repose ainsi incontestablement sur une base légale, ce d’autant que l’atteinte subie reste limitée, l’atteinte principale à la liberté personnelle étant due à la sanction pénale elle-même.

Par ailleurs, depuis son incarcération à la prison de Champ-Dollon en septembre 2010, le recourant a, de par son comportement, violé à plusieurs reprises les interdictions de l'art. 45 RRIP, ce qu'il ne conteste pas. Il n'a pas été sanctionné pour avoir refusé de réintégrer sa cellule et fabriqué un chauffe-eau artisanal. Il l'a en revanche été pour avoir démonté l'interphone de sa cellule, possédé des substances illicites et dissimulé des téléphones portables, chargeurs et carte SIM. Or, ce matériel proscrit à l'intérieur d'un établissement pénitentiaire permet à celui ou ceux qui le possèdent, d'entretenir des contacts tant avec l'extérieur qu'avec, cas échéant, l'intérieur de la prison, avec toutes les conséquences regrettables que cela implique, faisant ainsi courir un risque certain non seulement aux autres détenus et au personnel, mais également du point de vue de l'administration de la justice.

Compte tenu de l'ensemble des circonstances et du comportement général du recourant, il y a lieu d'admettre que ses agissements ont mis en péril la sécurité de la prison et troublent l'ordre et la tranquillité de l'établissement. Ce d'autant que le fait que le personnel de la prison procède régulièrement à la fouille de sa cellule ne semble pas le dissuader d'y dissimuler des objets interdits qu'il se procure visiblement sans grandes difficultés.

Cela étant, face à l'intérêt privé incontestable du recourant à entretenir des relations sociales plus denses avec ses codétenus dans le cadre du régime ordinaire de la détention, l'intérêt public à la sécurité, à l'ordre et à la tranquillité de la prison ne peut que primer. La décision litigieuse est ainsi justifiée.

Enfin, la proportionnalité de la mesure prononcée est respectée, le placement en régime de sécurité renforcée du recourant permettant à l'évidence de réduire et de prévenir le risque qu'il mette derechef en péril la sécurité de l'établissement. D'autres mesures ne peuvent être envisagées, dès lors qu'en l'état ni les fouilles de sa cellule, ni les sanctions dont il a déjà fait l'objet ne l'ont incité jusqu'à présent à changer son comportement. D'autre part, il ne peut être exigé du personnel de la prison d'augmenter la cadence des fouilles des cellules, notamment en raison du fait que cela mobiliserait un certain nombre d'agents de détention consacrant leur temps à déjouer les nombreuses astuces utilisées par les détenus pour dissimuler des objets, alors même que le placement en régime de sécurité renforcée permet d'atteindre plus aisément le même objectif lorsque cette mesure est utilisée en complément aux fouilles ordinaires.

Partant, en prononçant le placement du recourant en régime de sécurité renforcée pour une durée de six mois, étant précisé que cette mesure pouvait être levée s'il s'avérait qu'il avait modifié son attitude en acceptant de respecter les conditions de sa détention, la direction de la prison n'a pas outrepassé son pouvoir d'appréciation, ni violé les droits fondamentaux du recourant.

a. Le recourant se plaint encore d'une violation du principe d'interdiction de l'arbitraire.

b. Une décision est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité (ATF 138 I 49 consid. 7.1 p. 51 et arrêts cités). A cet égard, le Tribunal fédéral ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain (ATF 136 III 552 consid. 4.2 p. 560 ; 132 III 209 consid. 2.1 p. 211 ; Arrêt du Tribunal fédéral 9C_227/2012 du 11 avril 2012). L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 138 III 378 consid. 6.1 p. 380; 138 I 49 consid. 7.1 p. 51; 137 I 1 consid. 2.4 p. 5 ; ATF 136 I 316 consid. 2.2.2 p. 318 ; ATF 134 II 124 consid. 4.1 p. 133 et les arrêts cités).

Appelé à examiner le caractère arbitraire d’une décision, la chambre de céans suit le raisonnement du Tribunal fédéral en la matière (ATA/661/2012 du 25 septembre 2012 consid. 5 et arrêts cités).

c. En l'espèce, rien ne permet de considérer, au vu de ce qui précède, que le placement en régime de sécurité renforcée du recourant constitue, comme il le prétend, une sanction déguisée plutôt qu'une mesure de sécurité destinée à sauvegarder la sécurité de la prison. Ainsi, toujours compte tenu des explications exposées plus haut, il y a lieu de retenir que la décision litigieuse n'est pas entachée d'arbitraire dès lors que ni les motifs qui y ont conduit, ni son résultat ne sont insoutenables ni ne heurtent de manière choquante le sentiment de justice et d'équité.

Par conséquent, le recours sera rejeté et la décision attaquée confirmée. Vu la nature du litige et son issue, aucun émolument ne sera perçu, ni aucune indemnité de procédure allouée (art. 87 LPA ; art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 avril 2013 par Monsieur M _______ contre la décision du directeur de la prison de Champ-Dollon du 19 mars 2013 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Maître Nicola Meier, avocat du recourant ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :