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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4256/2007

ATA/715/2010 du 19.10.2010 sur DCCR/1132/2009 ( ICC ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4256/2007-ICC ATA/715/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 19 octobre 2010

2ème section

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Madame Anna et Monsieur W______
représentés par Me Philippe Bonnefous, avocat

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 

 

 


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 9 novembre 2009 (DCCR/1132/2009)


EN FAIT

1. Madame et Monsieur W______ (ci-après : le/la/les contribuable/s) sont domiciliés à Genève.

La présente cause porte sur les décisions de taxation en matière d’impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) ainsi qu’en matière d’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) relatives aux exercices fiscaux 2001 à 2004 inclus.

2. M. W______ exploite une ferblanterie en la forme industrielle.

3. Le 11 mai 2006, l’AFC a avisé les contribuables qu’elle ouvrait à leur encontre une procédure en rappel et en soustraction d’impôts pour les périodes fiscales 2001 à 2004, tant pour l’ICC que pour l’IFD. Elle soupçonnait que des éléments de revenus et de fortune n’avaient pas été déclarés.

4. Le 18 avril 2007, l’AFC a écrit aux contribuables. La procédure de rappel et de soustraction d’impôts était terminée. Elle leur notifiait huit bordereaux rappel d’impôts ICC et IFD pour les périodes fiscales 2001 à 2004, ainsi que deux bordereaux d’amende ICC et IFD, selon le tableau suivant :

Période fiscale

Supplément d'impôt

ICC 2001

2'542,75

ICC 2002

7'650,40

ICC 2003

2'331.-

ICC 2004

2'465,10

Total supplément ICC

14'989,25

Amende ICC

14'989.-

IFD 2001

918.-

IFD 2002

4'082.-

IFD 2003

1'677.-

IFD 2004

1'716.-

Total supplément IFD

8'393.-

Amendes IFD

8'393.-

5. a. Les montants retenus par l’AFC étaient annexés aux bordereaux et la justification des reprises figurait dans une annexe au procès-verbal, détaillant les calculs année par année.

Les montants repris étaient les suivants :

- Année fiscale 2001 :

Rente italienne de Mme W______ non déclarée

2'172.-

 

 

Déduction non admise

sur gain de l'épouse

7'000.-

 

 

Reprises dans la comptabilité

de M. W______ :

Publicité clientèle

 

1'059,45

Part privée de 2/5 sur CHF 2'648,60 - frais de restaurant

 

Dons, cotisations et abonnements

5'577,05

Cotisation Nautique

720.-

 

 

Cotisation Parti Radical

100.-

 

 

Abonnement à la Tribune

308.-

 

 

Dons ressortis de la comptabilité

4'449,65

 

- Année fiscale 2002 :

Rente italienne de Mme W______ non déclarée

2'000.-

 

 

Déduction non admise

sur gain de l'épouse

7'000.-

 

 

Reprises dans la comptabilité

de M. W______ :

Achat de marchandises

15'750.-

Ajustement de stock non justifié

10'000.-

 

 

Abattement de stock non justifié

5'750.-

Publicité clientèle

1'515,60

Part privée de 2/5 sur CHF 3'789.- - frais de restaurant

 

Dons, cotisations et abonnements

4'089,50

Cotisation Nautique

720.-

 

 

Cotisation Parti Radical

100.-

 

 

Abonnement à la Tribune

308.-

 

 

Dons ressortis de la comptabilité

2'954,50

 

- Année fiscale 2003 :

Rente italienne de Mme W______ non déclarée

1'916.-

 

 

Déduction non admise

sur gain de l'épouse

7'000.-

 

 

Reprises dans la comptabilité

de M. W______ :

Frais de représentation non admis

1'997,30

Part privée de 2/5 sur CHF 4993,30 - frais de restaurant

 

Dons, cotisations et abonnements

1'597.-

Cotisation Nautique

720.-

 

 

Cotisation parti Radical

100.-

 

 

Cotis. à l'assoc. rad. Satigny

100.-

 

 

Abonnement à la Tribune

325.-

 

 

Abonnement au Genevois

60.-

 

 

Abonn. Nautisme romand

52.-

 

 

Dons ressortis de la comptabilité

220.-

 

- Année fiscale 2004 :

Rente italienne de Mme W______ non déclarée

2'160.-

 

 

Déduction non admise

sur gain de l'épouse

7'000.-

 

 

Reprises dans la comptabilité

de M. W______ :

Frais de représentation

1'805,10

Part privée de 2/5 sur CHF 4512, 80- frais de restaurant

 

Dons, cotisations, abonnements

1'597.-

Cotisation Nautique

740.-

 

 

Cotisation au parti Radical

100.-

 

 

Cotis. à l'assoc. rad. de Satigny

120.-

 

 

Abonnement à la Tribune

340.-

 

 

Abonnement au Genevois

60.-

 

 

Cotisation aux C______

60.-

 

 

Abonn. Nautisme romand

52.-

 

 

Dons comptabilisés non admis

280.-

b. Les amendes étaient ainsi motivées à l’attention de M. W______ :

« Dans le cadre de l’étude de votre dossier, nous avons constaté plusieurs irrégularités, notamment des frais privés enregistrés dans votre comptabilité (mazout, ramoneur, restaurant, cotisations à la Société Nautique). La rente italienne de votre épouse n’a pas été déclarée. Compte tenu des éléments invoqués, une pénalité d’une fois les droits vous a été infligée. Cette quotité est fixée en tenant compte de votre situation personnelle et de l’égalité de traitement entre les différents contribuables ».

Pour l’IFD, l’AFC précisait également qu’elle avait supprimé une déduction de CHF 7'000.- du gain de l’un des époux, sachant que Mme W______ n’avait pas d’activité lucrative.

Pour l’amende relative à la taxation ICC, référence était faite aux art. 56 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) et 69 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; pour celle relative à l’ICC, à l’art. 175 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct, du 14 décembre 1990 (LIFD ; RS 642.11).

6. Le 15 mai 2007, les contribuables ont élevé réclamation.

La déduction sur le gain de l’un des époux se justifiait car Mme W______ travaillait effectivement dans l’entreprise. Les différentes charges comptabilisées mais reprises par l’AFC avaient un caractère commercialement justifié. Une reprise sur achats de marchandises n’aurait pas dû être effectuée. Les dépenses, dons, cotisations et abonnements constituaient effectivement des frais de représentation déductibles.

7. Le 2 octobre 2007, par deux décisions distinctes mais de motivation identique, concernant respectivement l’ICC et l’IFD, l’AFC a rejeté les deux réclamations. En particulier, les frais de publicité, de clientèle et de représentation, de même que ceux de certains repas pris durant le week-end n’étaient pas directement liés à l’acquisition du revenu. Ils étaient de nature privée et non déductibles. Les dons n’étaient pas fiscalement déductibles dans les comptes commerciaux et avaient été « réinjectés » dans la déclaration fiscale sous la rubrique « versements bénévoles et dons », cotisations et abonnements. Les cotisations à la société Nautique où le contribuable avait un bateau ainsi que les abonnements étaient des frais privés. La reprise sur les autres postes (achats de marchandises et déduction sur le gain de l’un des époux) était maintenue. Il en allait de même de l’amende équivalant, à une fois le montant soustrait, ce qui était proportionné.

8. Le 2 novembre 2007, les contribuables ont recouru par un seul acte contre les deux décisions précitées auprès de la commission cantonale de recours en matière d’impôts. Ils concluaient à l’annulation de celles-ci ainsi qu’à celle des deux bordereaux ICC et IFD du 18 avril 2007. Ils contestaient le maintien des reprises. Les dons et cotisations, les montants comptabilisés à ce titre dans les charges salariales étaient raisonnables et liés à l’acquisition et au maintien de la clientèle. La participation à un club nautique et à un parti politique mettait en contact avec des clients potentiels. Ces charges remplissaient les conditions des art. 27 al. 1 LIFD, 10 al. 1 LHID et 3 let. b de la loi sur l’imposition des personnes physiques - Impôt sur le revenu (revenu imposable) du 22 septembre 2000 (aLIPP-IV - D 3 14). Les frais d’abonnement à la Tribune de Genève permettaient d’avoir un regard sur la vie économique genevoise et devaient également être considérés comme des frais d’acquisition du revenu. Les autres reprises sur le stock de marchandises et sur la déduction pour activité de l’épouse étaient également contestées, de même que le montant des deux amendes.

9. Le recours relatif à l’ICC a été traité par la commission cantonale de recours en matière d’impôts cantonaux et communaux (cause A/2189/2007 ICC) et celui relatif à l’IFD par la commission de recours en matière d’impôt fédéral direct (cause A/2159/07).

10. Le 15 août 2008, l’AFC a conclu au rejet des deux recours. Les reprises qu'elle avait opérées devaient être confirmées. Elle avait admis que ne devraient être repris que 2/5 des frais de publicité, clientèle et frais de représentation. De fait, l'application d’une répartition forfaitaire des frais à raison de 2/5 attribués aux frais privés et de 3/5 aux frais commerciaux n'était applicable que pour les frais de véhicule et de téléphone. En l'occurence, les contribuables n’avaient produit aucun justificatif en relation avec ce poste de frais, il n'y avait pas de raison d'admettre que 3/5 de ceux-ci soient considérés comme frais d'acquisition du revenu. Il y avait lieu d'opérer une reformatio in pejus sur ce poste pour les quatre exercices fiscaux considérés.

11. Le 9 novembre 2009, la commission, après avoir joint les causes A/4256/2007 et A/4257/2007, a admis partiellement les recours sur un point : les reprises sur dons et cotisations n’étaient pas justifiées. Pour le surplus, elle a confirmé la décision attaquée et a considéré que la reformatio in pejus demandée ne se justifiait pas vu la faible incidence en termes de recettes fiscales.

La prise en compte comme charges de l’entreprise des cotisations et des abonnements à la Tribune de Genève, au Genevois, ainsi qu’au Nautisme romand étaient justifiées. La lecture de ces publications permettait aux intimés d’avoir un regard permanent sur l’activité économique du canton et des projets en cours. Ces journaux étaient destinés également à assurer une bonne qualité d’accueil des clients au sein de l’entreprise. Dès lors que la déduction des abonnements et des revues de journaux pour la salle d’attente était admise dans les notices de l’AFC édictées pour les médecins et les avocats à concurrence de CHF 1'000.- par année, il se justifiait d’annuler les reprises litigieuses, les coûts comptabilisés ayant un lien suffisant, au vu des explications données avec l’acquisition du revenu.

Il en allait de même avec les cotisations versées au Parti Radical et à l’Association Radicale de Satigny, de même qu’à la société de la Nautique et aux C______. La participation à ce type d’activités sociales était de nature à permettre la constitution d’un réseau et de développer sa clientèle. Si l’on suivait les directives relatives aux nouveaux certificats de salaire (guide 605.040.18 édité par la Conférence suisse des impôts et l’administration fédérale des contributions - ci-après : AFC-CH), l’employeur n’avait pas à déclarer les prestations fournies à des salariés sous forme de participation aux cotisations d’adhésion à des clubs ou associations d’un montant annuel inférieur à CHF 1'000.-. Si un salarié pouvait bénéficier de telles prestations sans imposition, il devait en aller de même pour un employeur.

Le recours était également admis s’agissant de la quotité de l’amende qui devait être réduite à deux tiers de l’impôt soustrait. En matière d’ICC, si, selon l’art. 175 LIFD, la quotité de l'amende était fixée au montant de l'impôt soustrait et si la LIFD ne distinguait pas entre la soustraction commise intentionnellement ou par négligence, elle opérait un distinguo entre la faute normale, légère ou grave (art. 175 al. 2 LIFD). Un contribuable ayant commis une faute par négligence ne devait pas se voir sanctionner de manière similaire à celui qui avait commis une faute intentionnelle sous peine d'enfreindre le principe de culpabilité. En l'occurence, le contribuable n’avait pas agi intentionnellement mais par négligence. L’AFC avait retenu une quotité de l’amende équivalant au montant soustrait en fonction de circonstances aggravantes liées au nombre de reprises contrebalancées par des circonstances atténuantes en rapport avec la situation personnelle du contribuable. La quotité de l'amende devrait être fixée différemment. Ayant commis une faute par négligence, cette dernière devait être considérée comme légère et l'amende fixée au tiers de l'impôt soustrait. Toutefois, la négligence n'étant pas « légère » mais « moyenne », l'amende était fixée aux deux tiers de celui-ci.

En matière d’ICC, les décisions attaquées étaient également réformées dans le même sens et dans la même proportion, ainsi que pour les mêmes motifs que ceux retenus pour l’IFD.

12. Le 15 décembre 2009, l’AFC a recouru auprès du Tribunal administratif contre cette décision, communiquée le 16 novembre 2009, par la CCRA.

Elle conclut à son annulation et à la confirmation de ses propres décisions du 2 octobre 2007, tant pour l’ICC que pour l’IFD.

C’était à tort que la CCRA avait considéré que les frais d’abonnements à divers journaux, de cotisations à des partis politiques, des associations ou à des sociétés, étaient justifiés fiscalement. Seuls les frais justifiés par l’usage commercial ou professionnel pouvaient être déduits. La distinction entre frais professionnels, déductibles, et frais privés, non-déductibles, pouvait être délicate chez l’indépendant. L’autorité de taxation devait apprécier notamment le caractère professionnellement usuel de la dépense et disposait notamment de l’information recueillie lors de la taxation des autres indépendants de la même branche. En l’occurrence, n’importe quelles dépenses plus ou moins en corrélation avec l’exercice de l’activité lucrative n’étaient pas déductibles. Il fallait que les frais soient nécessaires et logiquement liés par la nature à la production du revenu taxé. Tel n’étaient pas le cas des montants comptabilisés comme charge.

L’égalité de traitement ne justifiait pas l’admission d’une telle déduction.

13. Le 15 janvier 2010, Mme et M. W______ ont répondu. Ils concluent à la confirmation de la décision de la CCRA du 9 novembre 2009, avec suite de dépens. Ils persistaient dans leur argumentation antérieure, sur le caractère justifié de la prise en compte de ces charges. Pour l’acquisition de leur revenu, il était nécessaire aux intimés, qui étaient entrepreneurs, de souscrire des abonnements à des journaux et de payer des cotisations à des clubs sociaux pour l’acquisition de leur revenu. En outre, l’abonnement à des journaux permettait d’avoir un regard permanent sur l’activité économique du canton et sur les projets en cours. La décision attaquée constituait une violation de l’égalité dans l’imposition, dès lors qu’il y avait eu traitement différencié entre un ferblantier-plombier, un médecin et un avocat. Il était arbitraire et choquant de considérer que des abonnements de journaux et des cotisations à un club nautique ou à un parti politique ne permettaient pas à un ferblantier-plombier d’acquérir une clientèle. Or, il s’agissait de frais qui dès lors étaient directement liés à l’acquisition du revenu.

Le 25 janvier 2010, l’administration fédérale des contributions a fait siennes les considérations et conclusions exprimées par l’AFC dans son recours du 15 décembre 2009. Elle conclut également à l’annulation de la décision de la CCRA du 9 novembre 2009.

14. Le 22 décembre 2009, la CCRA a transmis son dossier, persistant dans les considérants et le dispositif de sa décision.

15. Le 29 janvier 2010, les parties ont été avisées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 2 LPFisc ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Vu la teneur de la décision de la commission attaquée, le recours, interjeté par l’AFC, qui a conclu à la confirmation de sa propre décision sur réclamation du 2 octobre 2007 et ses bordereaux du même jour, ne porte que sur la question de la déductibilité à titre de frais commerciaux, de différents frais d’abonnement à des journaux, de cotisations à des associations, ainsi que sur la réduction de l’amende à 2/3 des droits soustraits.

Impôt fédéral direct

3. Les contribuables exerçant une activité lucrative indépendante peuvent déduire les frais qui sont justifiés par l’usage commercial ou professionnel (art. 27 al. LIFD). C’est à eux que revient la charge de la preuve de leur nécessité au regard de l’activité poursuivie (ATF 121 II 257 consid. 4c/aa p. 266 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C132/2010 du 17 août 2010 et jurisprudence citée). Le renvoi du législateur à l’usage commercial ou professionnel donne à l’autorité de taxation un pouvoir d’appréciation important, renforcé par le fait qu’elle ne supporte pas le fardeau de la preuve du refus de déduction (Arrêt du Tribunal fédéral 2C132/2010 et jurisprudence citée ; D. YERSIN / Y. NOËL, Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2008, n° 4 ad art. 27 LIFD). Pour l’autorité de taxation, il s’agit d’apprécier le caractère professionnellement usuel de la dépense, ce qui peut être une question délicate chez l’indépendant (Arrêt du Tribunal fédéral 2C132/2010 précité ; 2C658/2007 du 13 février 2008 consid. 2.1 ; D. YERSIN / Y. NOËL, op. cit., n° 21 ad art. 27 LIFD). Tout ce qui, selon l’usage commercial et la bonne foi, peut être considéré comme frais doit être admis du point de vue fiscal (ATF 113 1b 114 = Arch. 57, 645 = RDAF 1990, 113 ; Arch. 64, p. 232 = RDAF 1996, 404 ; D. YERSIN / Y. NOËL, op. cit., n° 2 ad art. 27). De jurisprudence constante, le tribunal de céans interprète de manière restrictive la notion et l’étendue des déductions autorisées. Seuls les frais nécessairement et logiquement liés par leur nature même à la production du revenu taxé, et non pas n’importe quelle dépense plus ou moins en corrélation avec l’exercice d’une activité lucrative, seront déductibles du revenu imposable (ATA/563/2008 du 4 novembre 2008 confirmé par Arrêt du Tribunal fédéral 2C 898/08 du 20 février 2009 ; ATA/356/2005 du 24 mai 2005 ; ATA/754/2002 du 3 décembre 2002 ; ATA H. du 24 avril 1991).

En l’occurrence, pour un contribuable exploitant une entreprise de ferblanterie, il n’y a pas de lien suffisant entre la souscription à un abonnement à un journal local, à un journal d’un parti politique, à un journal de nautisme et l’acquisition du chiffre d’affaires de cette entreprise. Le seul fait de pouvoir se tenir au courant des évènements locaux, voire de suivre l’évolution des projets pour lesquels il serait susceptible d’être mandaté, ne constitue pas un lien suffisant justifiant que ces dépenses fiscales soient considérées comme justifiées par l’usage commercial.

4. La commission a admis la déductibilité de ces dépenses en se référant aux circulaires émises par l’AFC pour les médecins (Notice n° 1/2003 du 6 août 2003 relative à la nature des frais déductibles et calcul forfaitaire pour les médecins indépendants) et pour les avocats (Notice n°1/2004 du 16 décembre 2004 relative à la nature des frais déductibles et calculs forfaitaires pour les avocats indépendants), considérant que, par égalité de traitement, il y a avait lieu d’autoriser, dans le cas de l’intimé, la même déduction.

Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. (4 aCst.) lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 118 Ia 1 consid. 3 p. 2-3 et arrêts cités).

En l’occurrence, la situation d’une entreprise de ferblanterie et de celle de médecins ou d’avocats est différente. Ces derniers doivent recevoir une clientèle dans une salle d’attente. Celle-ci est susceptible de devoir patienter et il est donc logique que, pour ces professions, la prise en compte de frais d’abonnements à des publications soit admise au titre de frais commerciaux. Tel n’est pas le cas dans une entreprise de ferblanterie, qui ne reçoit pas à longueur de journée des clients qu’elle doit faire patienter. C’est à tort que la commission a annulé la reprise sur ce poste.

5. Concernant la prise en considération au titre de frais professionnels des cotisations au Parti radical ou à la Société N______ ou aux C______ s’il est possible que la fréquentation des personnes proches de ce parti politique ou de ce club nautique prestigieux puisse permettre de nouer des relations d’affaires, cela ne suffit pas à établir que le paiement de telles cotisations et, partant, l’appartenance à de telles associations, soit nécessaire pour l’acquisition du chiffre d’affaires de la ferblanterie du contribuable. Sur ce point, la référence aux directives relatives à l’établissement du nouveau certificat de salaire éditée par la conférence suisse des impôts et l’AFC n’est pas relevante. Selon ces directives, c’est pour des raisons pratiques que l’employeur n’a pas à déclarer les prestations fournies à des salariés sous forme de participation aux cotisations de l’adhésion à des clubs ou associations d’un montant annuel à CHF 1'000.-. Si tel était le cas, de telles cotisations pourraient être passées par charges dans les comptes de l’employeur et leur déductibilité fiscale serait acquise. Il en irait de même si le contribuable avait comptabilisé des cotisations directement liées à son activité commerciale, comme des cotisations à des associations professionnelles.

Les cotisations aux associations précitées n’étant aucunement en lien avec l’acquisition du chiffre d’affaires de l’entreprise de ferblanterie du contribuable, la reprise se justifiait au regard de l’art. 27 al. 1 LIFD. C’est donc également à tort que la commission a annulé cette dernière.

6. a. Le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, est puni d'une amende (art. 175 al. 1 LIFD). Pour qu'une soustraction fiscale soit réalisée, trois éléments doivent être réunis : la soustraction d'un montant d'impôt, la violation d'une obligation légale incombant au contribuable et la faute de ce dernier (ATF 135 II 86 consid. 2 ou RDAF 2009 II 140).

b. Lorsqu'un contribuable est astreint à comptabilité en vertu des art. 957 ss de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations) (CO - RS 220), il y a soustraction fiscale dès qu'il y a une irrégularité dans la comptabilité, ce qui est le cas lorsqu'il y a comptabilisation d'une charge étrangère à l'activité de l'entreprise (ATF 135 II 86, consid. 3.1 ou RDAF 2009 II 140).

c. La prévention d'un comportement intentionnel doit être considérée comme apportée, en matière de soustraction fiscale, lorsqu'il est établi avec une sécurité suffisante, que le contribuable était conscient que les informations qu'il a données étaient incorrectes ou incomplètes. Si cette conscience est établie, il faut présumer qu'il a volontairement voulu tromper les autorités fiscales, ou, du moins, qu'il a agi par dol éventuel afin d'obtenir une taxation moins élevée ; cette présomption ne se laisse pas facilement renverser car l'on peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu'il sait incorrectes ou incomplètes (ATF 114 Ib 27 consid. 3a p 29 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2A_607/2006 du 24 avril 2007 consid. 3.3 ; Arch. 63 208 consid. 3).

d. La notion de négligence de l'art. 175 LIFD est identique à celle de l'art. 12 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) « dans sa version applicable jusqu'au 31 décembre 2007 ou à l'art. 18 CP, dans sa version antérieure. Comme un crime ou un délit par négligence, celui qui, par une imprévoyance coupable, agit sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle, par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle (Arrêt du Tribunal fédéral 6B_227/2007 du 5 octobre 2007 ; ATA/588/2009 du 17 novembre 2009).

e. En règle générale, l'amende est fixée au montant de l'impôt soustrait. Si la faute est légère, elle peut être réduite jusqu'au tiers de ce montant, tandis que si elle est grave elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD).

En l'occurrence, plusieurs comportements sont reprochés aux contribuables. Ils ont omis de déclarer certains revenus (rente de l'épouse), déclaré faussement celle-ci comme travaillant dans l'entreprise de son mari en vue d'obtenir la mise au bénéfice d'une déduction, puis, pour le contribuable, d'avoir comptabilisé le stock de manière incorrecte ou d'avoir déclaré des charges privées comme si elles étaient commerciales. L'AFC, dans sa motivation sur la quotité de l'amende, n'a pas indiqué si elle retenait une infraction fiscale intentionnelle ou par négligence. Même si cela n'était pas nécessaire à teneur de la loi, cette question pouvait influer sur le degré de la faute au sens de l'art. 175 al. 2 LIFD et, partant, sur la quotité de l'amende. La commission a retenu que les contribuables avaient agi par négligence. Sa position ne peut toutefois être confirmée. Au vu des différents comportements reprochés, c'est intentionnellement, au sens de la définition qui vient d'être rappelée, que les montants repris ont été soustraits au fisc par les contribuables dans leur déclaration. Compte tenu des comportements incriminés et de leur situation personnelle, la faute des contribuables peut être qualifiée de moyenne. Dès lors que la négligence ne peut être retenue, c'est à juste titre que l'AFC a fixé la quotité de l'amende à une fois le montant soustrait et il n'y avait pas lieu de réduire celle-là à deux tiers de celui-ci, comme la commission l'a décidé.

Impôt cantonal et communal

7. En tant qu’il concerne l’ICC 2006, le litige est soumis aux dispositions des lois sur l’imposition des personnes physiques du 31 août 2000 (aLIPP-II), sur l’imposition des personnes physiques, Impôt sur le revenu (revenu imposable) du 22 septembre 2000 (aLIPP IV), sur l’imposition des personnes physiques - détermination du revenu net - calcul de l’impôt et rabais d’impôt - compensation des effets de la progression à froid du 22 septembre 2000 (LIPP-V) ainsi que du règlement d'application de la loi sur l'imposition des personnes physiques - Détermination du revenu net - Calcul de l'impôt et rabais d'impôt - Compensation des effets de la progression à froid du 19 décembre 2001 (aRIPP-V) qui ont été remplacés le 1er janvier 2010 par la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08).

8. Sont déduits des revenus des contribuables exerçant une activité lucrative indépendante les frais qui sont justifiés par l’usage commercial ou professionnel (art. 9 al. LHID). Font notamment partie de ces frais, les dépenses faites pour l’exploitation d’un commerce, d’une industrie ou d’une entreprise et celles qui sont nécessaires pour l’exercice d’une profession ou d’un métier (art. 3 al. 3 let. a LIPP -V).

La notion de frais justifiés par l’usage commercial ou professionnel correspond à celle utilisée pour interpréter l’art. 27 al. 1 LIFD. De ce fait, les raisonnements conduisant, pour l’IFD, à confirmer la reprise faite par l’AFC des dépenses comptabilisées pour des dons, cotisations et abonnements, non considérés comme des frais de représentation justifiés par l’usage commercial, doivent être confirmés également pour l’ICC. Le recours de l’AFC sur ce point sera donc admis.

9. Le contribuable, qui intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu’une taxation ne soit pas effectuée alors qu’elle aurait dû l’être, est puni d’une amende (art. 69 al. 1 LPFisc). Cette amende est fixée au montant de l’impôt soustrait. Si la faute est légère, elle peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant et, si elle est grave, elle peut au plus être triplée (art. 69 al. 2 LPFisc). L’art. 69 al. 1 et 2 LPFisc est de même teneur que l’art. 175 al. 1 et 2 LIFD. Les mêmes principes jurisprudentiels étant applicables en matière de soustraction au plan cantonal et fédéral, c’est à tort que la commission a réduit l’amende à 2/3 de l’impôt soustrait, la décision initiale devant être confirmée.

10. Le recours de l’AFC doit être admis. Les bordereaux de taxation du 2 octobre 2007 seront confirmés. Un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge des intimés, qui succombent.

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 décembre 2009 par l’administration fiscale cantonale contre la décision du 9 novembre 2009 de la commission cantonale de recours en matière administrative ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 9 novembre 2009 en tant qu’elle annule certaines reprises décidées par l’administration fiscale cantonale le 2 octobre 2007 et réduit le montant des amendes infligées ;

confirme les bordereaux de taxation ICC et IFD du 2 octobre 2007 ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge de Madame et de Monsieur W______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Philippe Bonnefous, avocat de Madame et de Monsieur W______, à l’administration fédérale des contributions, à l’administration fiscale cantonale, ainsi qu’à la commission cantonale de recours en matière administrative.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

F. Glauser

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

 

 

la greffière :