Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/569/2014

ATA/681/2017 du 20.06.2017 sur JTAPI/241/2016 ( PE ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT DES ÉTRANGERS ; AUTORISATION DE SÉJOUR ; CAS DE RIGUEUR ; POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : LPA.61 ; LaLEtr.10.al2 ; LEtr.30.al1 ; OASA.31.al1
Résumé : La recourante, ressortissante brésilienne, séjourne en Suisse depuis plus de quinze ans. Elle a appris le français et a acquis des connaissances professionnelles lui permettant de travailler en qualité d'employée de commerce en français à la pleine satisfaction de son employeur. Elle a de plus entièrement remboursé ses dettes et a acquis une indépendance financière complète. Enfin, aucune infraction pénale ne ressort du dossier et sa seule famille restant se trouve en Suisse ou dans le bassin genevois. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/569/2014-PE ATA/681/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 juin 2017

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Jean Orso, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 mars 2016 (JTAPI/241/2016)


EN FAIT

1. Mme A______, ressortissante brésilienne née en 1981, est arrivée en Suisse, au bénéfice d’une autorisation de séjour pour études, au mois de mars 2002.

2. L’intéressée a épousé, au mois de juillet 2008, Monsieur B______, de nationalité serbe, titulaire d’un permis d’établissement en Suisse. Du fait de cette union, Mme A______ a été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour fondée sur le regroupement familial, délivrée le 4 septembre 2008 et renouvelée jusqu’au 3 juillet 2013.

Selon les annonces faites à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), Mme A______ a été domiciliée avec son époux du 26 octobre 2007 jusqu’au 1er août 2010. Elle a pris à cette date un logement qu’elle occupait seule.

3. Le 3 janvier 2012, M. B______ a eu un fils, issu d’une autre relation. Il a déposé, le 19 mai 2012 une requête unilatérale de divorce en main du Tribunal de première instance (ci-après : TPI).

4. Le 16 octobre 2012, Mme A______ a indiqué, à la demande de l’OCPM, qu’elle était séparée de son époux depuis le mois de janvier 2011 et qu’ils étaient restés en bons termes.

5. Cet office a informé l’intéressée, le 28 juillet 2013, qu’il envisageait de refuser de renouveler son autorisation de séjour, et lui a donné la possibilité de former des observations.

6. L’intéressée a sollicité l’octroi d’une autorisation d’établissement le 21 juin 2013. Elle parlait parfaitement le français et s’était formée en matière commerciale. Elle n’avait pas de dettes et payait ses impôts. Elle avait vécu l’entier de sa vie d’adulte à Genève, canton ou elle était intégrée.

Mme A______ a joint à cet envoi les diplômes qu’elle avait obtenus.

7. Le 23 janvier 2014, l’OCPM a refusé de préaviser favorablement l’octroi d’une autorisation d’établissement à Mme A______, de même qu’il ne l’a pas autorisée à poursuivre son séjour en Suisse.

Son union avec M. B______ avait durée moins de trois ans. Aucune raison majeure justifiant la séparation n’avait été invoquée.

Même si elle avait trouvé un emploi, elle avait bénéficié d’aide de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) et fait l’objet d’actes de défaut de biens.

Son retour au Brésil était parfaitement possible.

8. Mme A______ a saisi le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) d’un recours, le 24 février 2014, concluant principalement à la délivrance d’une autorisation d’établissement et au renouvellement de son autorisation de séjour.

Elle reprenait et développait les éléments figurant dans ses déterminations antérieures. Ses liens principaux et son centre d’intérêt se trouvaient à Genève et en France voisine, et non au Brésil où ses relations avec ses frères et sœurs n’avaient jamais été très intenses.

Au recours étaient joints divers documents justifiant de sa situation ainsi que de sa formation. De plus, elle démontrait qu’elle avait versé CHF 7'550.- à l’office des poursuites, ses créanciers disposant d’actes de défaut de biens pour une valeur de CHF 8'389.95.- .

9. a. Mme A______ a saisi l’OCPM d’une demande de reconsidération le 25 mars 2014. Elle avait vécu durant plus de cinq ans avec son époux puisqu’elle avait emménagé avec lui en 2005 déjà.

b. D’entente entre les parties, la procédure a été suspendue par le TAPI, jusqu’à droit connu concernant la demande de reconsidération.

c. L’OCPM a refusé d’entrer en matière sur cette requête le 8 septembre 2014, dès lors qu’aucun élément nouveau n’avait été avancé.

10. a. Le 15 octobre 2014, Mme A______ a saisi l’OCPM d’une nouvelle demande de reconsidération. Par pudeur, elle n’avait pas exposé ses problèmes de couple, alors qu’elle avait subi des atteintes psychologiques quotidiennes. M. B______ avait eu à son égard des comportements qui l’avaient rendue dépressive et était très souvent absent, ayant des relations extra-conjugales qu’elle avait découvertes ultérieurement. Ses traumatismes psychiques avaient eu plus de conséquences que des éventuelles violences physiques et constituaient une raison personnelle majeure afin qu’elle puisse rester en Suisse. Son époux l’avait quittée suite à un adultère.

b. Le TAPI a à nouveau suspendu la procédure, d’entente entre les parties, par décision du 23 octobre 2014.

c. L’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la seconde demande de reconsidération le 25 novembre 2014. Mme A______ avait été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour au titre du regroupement familial et avait été de ce fait exemptée des mesures de limitation une première fois, ce qui lui interdisait de l’être une seconde fois. Il n’y avait pas de raison majeure et la demande de reconsidération était principalement fondée sur des éléments économiques.

11. La procédure ayant été reprise, l’OCPM a conclu au rejet du recours le 4 novembre 2015 pour les motifs figurant dans sa décision initiale et pour ceux ayant entraîné le rejet des demandes de reconsidération.

Les violences psychologiques évoquées par l’intéressée n’avaient pas été accompagnées d’une intense souffrance, condition nécessaire selon la jurisprudence. L’intéressée n’avait pas démontré que sa réintégration au Brésil serait gravement compromise.

Son intégration en Suisse n’était pas exceptionnelle, toujours au sens de la jurisprudence.

12. Le 30 novembre 2015, Mme A______ a persisté dans ses conclusions antérieures.

L’autorité devait déterminer l’existence de violences conjugales et en établir l’intensité, ce qu’elle n’avait pas fait. La durée de son séjour en Suisse, soit six ans en étant au bénéfice d’une autorisation pour études et huit ans au titre du regroupement familial, ne pouvait être relativisée.

De plus, l’intéressée a conclu, le 30 novembre 2015, à ce que le dossier soit renvoyé à l’autorité de première instance si le TAPI ne lui octroyait pas l’autorisation de séjour sollicitée. Même si l’union conjugale avec son époux n’avait pas duré trois ans, il y avait lieu de tenir compte de son intégration en Suisse et de l’ensemble des éléments mis en avant pour lui délivrer une autorisation de séjour.

13. Le 8 décembre 2015, l’OCPM a maintenu ses conclusions antérieures.

14. Par jugement du 7 mars 2016, le TAPI a rejeté le recours.

La réintégration sociale de l’intéressée au Brésil n’était pas compromise.

Les risques de dépression qu’elle invoquait n’étaient pas démontrés. Les violences conjugales psychiques alléguées ne justifiaient pas qu’elle puisse rester en Suisse. La situation de la recourante ne pouvait être assimilée à un cas d’extrême gravité. Les relations familiales qu’elle invoquait dans le bassin genevois n’étaient pas déterminantes au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101)

Les conditions à la délivrance d’une autorisation d’établissement n’étaient pas remplies.

15. Le 22 avril 2016, Mme A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours contre le jugement précité, concluant préalablement à son audition et, principalement, à ce qu’une autorisation d’établissement lui soit délivrée, subsidiairement à ce que son autorisation de séjour soit renouvelée et encore plus subsidiairement à ce que la procédure soit retournée à l’OCPM pour que ce dernier complète l’instruction de la cause.

Les faits avaient été constatés d’une manière incomplète par les autorités précédentes. En particulier, il n’avait pas été tenu compte qu’elle avait été élevée au Brésil par sa grand-mère, aujourd’hui décédée, et qu’elle avait développé sa vie d’adulte avec ses tantes en Suisse et en France voisine.

Son intégration notamment professionnelle était exceptionnelle et le pronostic de sa réintégration au Brésil ne pouvait être que considérée comme défavorable. Elle avait de nombreux amis à Genève, et se rendait é l’église chaque semaine.

Les conditions à la délivrance anticipée d’un permis d’établissement étaient remplies.

De plus, Mme A______ avait subi des violences physiques et psychiques de la part de son ex-époux, qu’elle n’avait pas voulu mettre en avant car elle aimait ce dernier.

Le refus des autorisations sollicitées violait l’art. 8 CEDH et l’art. 13 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) en ne respectant pas les relations et les attaches familiales de la recourante en Suisse. La décision et le jugement litigieux violaient le principe de la proportionnalité.

Au recours était joint un nombre important de documents, notamment :

-         des attestations d’amis ou de proches (M. D______, archiviste d’État, au terme de laquelle l’intéressée, qu’il connaissait depuis 2002, avait tissé des liens étroits avec un grand nombre de personnes à Genève et gardé des importantes relations avec les membres de sa famille habitant la région. Elle avait dû faire face à une situation conjugale difficile ; Madame C______, qui avait travaillé avec l’intéressée en 2011 et était restée amie avec elle) ;

-         des diplômes et certificats de l’académie de langues et de commerce (étude de commerce ; anglais niveau B1) ;

-         des cartes (Cumulus, abonnement général CFF 2013, fitness ; membre de la société suisse des employés de commerce) ;

-         des certificats et contrat de travail (D______ du 2 novembre 2009 au 30 septembre 2014 ; E______ installations thermiques, dès le 21 octobre 2013) ;

-         justificatif du paiement de la contribution ecclésiastique.

16. Autorisée à compléter le recours à sa demande, Mme A______ a souligné, le 31 mai 2016, que son renvoi au Brésil était impossible après quinze ans de séjour en Suisse, pays où elle était intégrée tant socialement que professionnellement. Elle n'avait plus de contacts ni d’attaches dans son pays d’origine. Sa sœur et ses trois tantes résidaient à Genève ou en France voisine alors que sa grand-mère, qui l’avait élevé au Brésil, était décédée.

17. Le 30 juin 2016, l’OCPM a conclu au rejet du recours, reprenant les éléments mis en avant antérieurement.

Selon une attestation de l’hospice du 30 juin 2016, l’intéressée avait bénéficié de prestations financières d’un total de CHF 35'850.30 du 1er décembre 2008 aux 31 novembre 2009.

18. Le 5 août 2016, Mme A______ a répliqué. Elle avait subi non seulement des violences psychologiques, mais aussi physiques qu’elle avait envisagé de dénoncer ; elle avait renoncé au vu des engagements pris à l’époque par son époux.

La poursuite de son séjour en Suisse s’imposait pour des raisons personnelles majeures.

19. Le 30 janvier 2017, les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle.

La recourante a précisé que, avant son mariage, elle avait habité quatre ans avec son ex-époux. Il y avait eu à l’époque des échanges verbaux énergiques et la situation s’était aggravée depuis le mariage, car il s’était mis à l’insulter le plus souvent lorsqu’il rentrait de boîte de nuit très tard pendant le week-end. Son ex-époux consommait de l’alcool et cela le rendait agressif. Il était arrivé qu’il s’en prenne à elle physiquement en lui tirant les cheveux, en la jetant par terre ou en tentant de lui serrer le coup, lui causant des hématomes. Elle s’était rendue à une occasion au poste de police et avait reçu par la suite une lettre lui demandant de venir confirmer la plainte. Elle avait détruit ces courriers, car elle avait trop honte et craignait que son ex-mari apprenne cette démarche. Ces faits dataient probablement de 2010.

Au moment de leur séparation, la nouvelle compagne de son époux était déjà enceinte et, du point de vue de la recourante, cette relation durait depuis un certain temps.

Elle n’imaginait pas retourner vivre au Brésil alors que toutes ses relations sociales et sa famille affective se trouvaient depuis longtemps à Genève.

Au moment de son audition, elle n’avait plus de dettes et avait remboursé toutes les sommes qu’elle devait. Elle travaillait à plein temps en qualité de secrétaire, en langue française.

20. Le 22 février 2017, la recourante a transmis à la chambre administrative :

- un extrait du registre des poursuites, attestant qu’elle ne faisait l’objet d’aucune poursuite ni d’actes de défaut de biens à l’office des poursuites de Genève ;

- une attestation quittance de l’impôt à la source 2016, dont il ressortait que son revenu imposable avait été de CHF 80'357.- ;

- une attestation de son employeur dont il ressortait qu’elle travaillait pour cette société depuis 2013 en qualité d’employée de commerce, à l’entière satisfaction de son employeur et pour une durée indéterminée.

De plus, l’intéressée relevait que le Conseil d’État avait initié une opération appelée « Papyrus » vivant à régulariser la situation des personnes. Elle-même, bien qu’elle ne soit pas depuis dix ans à Genève sans statut légal puisqu’elle avait obtenu un permis B pendant plusieurs années, remplissait à l’évidence toutes les conditions pour obtenir une telle autorisation.

21. Interpellé par la chambre administrative, la commandante de la police a indiqué, le 24 février 2017 que, malgré les recherches effectuées, aucune trace relative à une main courante déposée par la recourante n’avait été trouvée en 2009, 2010 et 2011.

22. Le 18 avril 2017, l’OCPM a précisé, à la demande de la chambre administrative, que la situation de la recourante ne relevait pas des cas pris en considération pour le projet « Papyrus », dont le but était d’assainir les secteurs particulièrement touchés par le travail au noir et la sous-enchère salariale, en particulier dans le secteur de l’économie domestique ainsi que de lutter contre l’exploitation de personnes en situation irrégulière.

23. Le 18 avril 2017, Mme A______ a persisté dans ses conclusions.

Si la position de l’autorité concernant l’opération « Papyrus » était confirmée, cela créerait une inégalité de traitement arbitraire favorisant les personnes ayant enfreint la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) par rapport à celles l’ayant respectée.

24. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 20 avril 2017.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile, en tenant compte de la suspension des délais prévue à l’art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10, et devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2. Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, celle-ci ne connaît pas de l’opportunité d’une décision prise en matière de police des étrangers, dès lors qu’il ne s’agit pas d’une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

3. a. Aux termes de l’art. 30 al. 1 let. b LEtr, il est possible de déroger aux conditions d’admission d’un étranger en Suisse pour tenir compte d’un cas individuel d’extrême gravité.

b. À teneur de l’art. 31 al. 1 de l’ordonnance fédérale relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), afin d’apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse par le requérant (let. b), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l'état de santé (let. f) et des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

Cette disposition comprend une liste exemplative de critères à prendre en considération pour la reconnaissance de cas individuels d'une extrême gravité.

c. La jurisprudence développée au sujet des cas de rigueur selon le droit en vigueur jusqu’au 31 décembre 2007 (art. 13f de l’ancienne ordonnance sur les étrangers [aOLE]) est toujours d’actualité pour les cas d’extrême gravité qui leur ont succédé (ATF 136 I 254 consid. 5.3.1 p. 262). Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEtr et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 p. 207 ; ATA/770/2014 du 30 septembre 2014 ; ATA/703/2014 du 2 septembre 2014 ; ATA/531/2010 du 4 avril 2010). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 137 II 345 consid. 3.2.1 p. 348).

d. Pour admettre l’existence d’un cas d’extrême gravité, il est nécessaire que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d’existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, c’est-à-dire que le refus de soustraire l’intéressé à la règlementation ordinaire d’admission comporte pour lui de graves conséquences. Le fait que l’étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’il y soit bien intégré socialement et professionnellement et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d’extrême gravité ; il faut encore que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger qu’il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d’origine. À cet égard, les relations de travail, d’amitié ou de voisinage que l’intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu’ils justifieraient une exception (ATF 124 II 110 consid. 3 p. 113 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6628/2007 du 23 juillet 2009 consid. 5.2 ; ATA/648/2009 du 8 décembre 2009 ; Alain WURZBURGER, La jurisprudence récente du Tribunal fédéral en matière de police des étrangers, RDAF 1997 I 267 ss). Son intégration professionnelle doit en outre être exceptionnelle ; le requérant possède des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les utiliser dans son pays d’origine ; ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu’elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/770/2014 précité ; ATA/703/2014 précité ; ATA/36/2013 du 22 janvier 2013 ; ATA/720/2011 du 22 novembre 2011 ; ATA/639/2011 du 11 octobre 2011 ; ATA/774/2010 du 9 novembre 2010).

e. Au début de l’année 2017, le canton de Genève a développé un projet appelé « opération papyrus » (cf. https://demain.ge.ch/dossier/operation-papyrus consulté le 10 juin 2017) visant à régulariser la situation des personnes bien intégrées et répondant aux critères suivants :

-          séjour continu sans papier de cinq ans (pour les familles avec enfants scolarisés) ou de dix ans pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; le séjour doit être documenté ;

-          intégration réussie (niveau A2 de français du cadre européen commun de référence pour les langues et scolarisation des enfants notamment) ;

-          absence de condamnation pénale ;

-          indépendance financière complète.

Interpellé par une conseillère nationale à l’heure des questions le 27 février 2017, le Conseil fédéral a précisé que, dans le cadre du projet pilote « papyrus », le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) avait procédé à une concrétisation des critères légaux en vigueur pour l’examen des cas individuels d’extrême gravité dans le strict respect des dispositions légales et des directives internes du SEM. Il ne s’agissait donc pas d’un nouveau droit de séjour en Suisse ni d’une nouvelle pratique. Une personne sans droit de séjour ne se voyait pas délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur parce qu’elle séjournait et travaillait illégalement en Suisse, mais bien parce que sa situation était constitutive d’un cas de rigueur en raison notamment de la durée conséquente de son séjour en Suisse, de son intégration professionnelle ou encore de l’âge de scolarisation des enfants (cf. https://www.parlament.ch/en/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft? AffairId=20175000 consulté le 10 juin 2017).

4. En l’espèce, il est établi que la recourante séjourne en Suisse depuis plus de quinze ans en ayant bénéficié d’un permis de séjour pendant environ douze de ces années.

Son intégration est de qualité. Elle parle parfaitement le français. De plus, elle a acquis des connaissances professionnelles lui permettant d’œuvrer en qualité d’employée de commerce en français à la pleine satisfaction de son employeur.

Si les explications qu’elle donne au sujet de ses déboires conjugaux ne sont que peu documentées, elles sont cependant crédibles et cohérentes, ainsi que le juge délégué l’a constaté en audience de comparution personnelle. Le fait que l’ex-époux de l’intéressée l’ait manifestement trompée pendant la durée du mariage est patent. De même, il ressort de la première demande de divorce unilatérale, déposée puis retirée par l’ex-époux de l’intéressée, qu’elle avait à l’époque un revenu régulier alors que lui-même n’en avait pas et devait recourir à l’aide sociale. C’est aussi dans ce contexte qu’il y a lieu d’intégrer le fait que l’hospice ait versé des prestations d’aide financière à la recourante et à son époux. Il y a lieu à cet égard de relever que Mme A______ a entièrement remboursé les dettes qu’elle avait à l’office des poursuites, en rachetant les actes de défaut de biens datant des années 2007 et 2008. Elle a manifestement acquis une indépendance financière complète depuis lors.

Au surplus, aucune infraction pénale commise par l’intéressée ne ressort du dossier.

En dernier lieu, la seule famille qui lui reste se trouve Suisse ou dans le bassin genevois.

5. Dans ces circonstances, la chambre administrative admettra que l’intéressée se trouve dans un cas d’extrême gravité au sens de l’art. 30 al. 1 let. b LEtr qu’il appartenait tant à l’OCPM qu’au TAPI de reconnaître et de prendre en compte.

C’est dès lors à tort que l’OCPM a refusé la prolongation du séjour de la recourante, que cela soit en lui délivrant une autorisation de séjour ou en préavisant favorablement la délivrance d’un permis d’établissement.

Le recours sera ainsi admis et le dossier renvoyé à l’OCPM pour nouvelle décision au sens des considérants.

Il n’est en conséquence pas nécessaire de déterminer si la recourante se trouvait aussi dans un cas d’application de l’art 50 al. 1 let. a LEtr et 77 al. 1 let. b OASA.

6. Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1’000.- sera allouée à la recourante, qui y a conclu (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 avril 2016 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 mars 2016 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 mars 2016 ;

annule la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 23 janvier 2014 ;

renvoie la cause à l'office cantonal de la population et des migrations pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Madame A______ une indemnité de procédure de CHF 1’000.-, à la charge de l’État de Genève ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean Orso, avocat de la recourante, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeants : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.