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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3863/2009

ATA/666/2010 du 28.09.2010 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 08.11.2010, rendu le 08.07.2011, ADMIS, 8C_80/2012
Rectification d'erreur matérielle : en date du 3 novembre 2010 (page 3)
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3863/2009-FPUBL ATA/666/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 28 septembre 2010

 

dans la cause

 

Monsieur Y______
représenté par Me Jean-Bernard Waeber, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE

 



EN FAIT

1. Monsieur Y______, né en 1962, a été engagé le 1er février 1986 en qualité de jardinier au service des parcs et promenades de la Ville de Genève (ci-après : la ville).

Le 1er décembre 1990, il a été nommé sous-chef des cultures au service des espaces verts et de l’environnement (ci-après : SEVE).

2. Dans le courant de l’année 2007, la ville a décidé de délocaliser la production des plantes du site de Beaulieu à celui de Vessy (ci-après : Vessy) et à cette fin, elle a loué des serres à un maraîcher.

M. X______ et Monsieur Y______, sous-chef de culture, ont été affectés à cet établissement.

3. Par courrier du 16 janvier 2009, Madame B______ s’est adressée au SEVE.

Sa fille C______, apprentie horticultrice, option floricultrice, de 2ème année à Vessy, se faisait énormément de soucis car sa relation avec M. Y______ ne se passait pas du tout bien. Selon C______, ce monsieur avait un langage châtié, il ferait des remarques désobligeantes et ne serait agréable que si elle l’autorisait à ce qu’il ait des gestes déplacés à son encontre. Le travail qu’il lui donnait à exécuter s’avérait ne pas être intéressant. Une de ses collègues de travail acceptait le comportement de ce « sire » et réussissait à obtenir toutes ses faveurs. C______ avait souvent parlé à sa mère d’un « D______ » très gentil qui lui répétait que tous étaient au courant du comportement de M. Y______ mais qu’ils n’osaient pas intervenir.

Mme B______ demandait un rendez-vous avec le responsable d’apprentissage de sa fille afin de lui exposer la situation, tout en précisant que celle-ci aimait son travail et ne voulait pas l’interrompre.

Mme B______ précisait encore qu’elle ne supportait plus que sa fille rentre de plus en plus souvent à la maison en pleurant et qu’elle trouvait les agissements de ce monsieur tout à fait déplorables.

4. Le 28 janvier 2009, C______ et sa maman ont été reçues par Monsieur E______, chef de service au SEVE (ci-après : le chef de service) et Madame F______, adjointe administrative du SEVE.

C______ a exposé que MM. X______ et Y______, de même que les horticulteurs de l’équipe (G______, H______ et I______) et les apprenties et apprentis buvaient de la bière sur le lieu de travail tous les jours à midi et que les employés cessaient leur travail trente minutes avant l’horaire fixé pour boire, parfois également même pendant les heures de travail. Cette consommation pouvait aller jusqu’à deux litres par jour et par personne pendant la période estivale. Les cannettes de bière étaient soigneusement dissimulées dans des cornets Migros. Il y avait deux frigos, un « officiel » où l’on trouvait des boissons non-alcoolisées et un autre « officieux », caché. Monsieur J______, technicien horticole responsable des apprentis avait été témoin de consommation de bières à Vessy. Il en avait fait la remarque à M. Y______ qui lui avait répondu sèchement « cela ne te regarde pas ».

M. G______ faisait pousser du cannabis dans les serres, qui était dissimulé dans les plantes vertes. M. G______ fumait du cannabis quotidiennement sur place à Vessy, de même que certains apprentis (K______, L______, M______, I______). MM. X______ et Y______ fermaient les yeux sur cette consommation.

MM. X______ et Y______ arrivaient à n’importe quelle heure de la journée, sans respect aucun des horaires ni explication et partaient quand ils voulaient.

Ces deux messieurs quittaient leur travail après les heures avec des caisses entières de plantes, manifestement à des fins privées. Ils détournaient beaucoup de plantes en pleine culture et se plaignaient par la suite qu’ils n’en avaient pas assez pour répondre aux commandes.

Elle-même était souvent la cible de phrases blessantes de la part de M. X______ par exemple « tu n’a qu’à maigrir… ». M. X______ avait récemment tiré sur ses pantalons et sur ses sous-vêtements en disant « et toi, il est de quelle couleur… ? ». Elle avait eu plusieurs fois des attouchements sur ses fesses de sa part.

Une autre apprentie au physique agréable, prénommée M______, se laissait approcher par M. X______ (petites caresses, bisous sur les joues, massages des épaules). Elle était souvent chargée des tâches intéressantes alors qu’elle-même était affectée à des tâches plus ingrates comme par exemple le désherbage. Elle souffrait de ces brimades à répétition, ainsi que de l’inégalité de traitement avec les autres apprentis. Elle était souvent seule avec Monsieur D______ qui lui aussi était mis à l’écart car ils étaient différents du reste du groupe, ne serait-ce que parce qu’ils ne fumaient pas ni ne buvaient.

Elle avait déjà pensé à arrêter son apprentissage en raison des conditions de travail alors que par ailleurs elle aimait le métier de floricultrice et elle obtenait de bonnes notes. Il lui arrivait souvent de pleurer à son retour à la maison et elle craignait les représailles, notamment par rapport à des examens, M. Y______ étant également expert aux examens.

Une autre apprentie, N______, était également révoltée face à cette situation qu’elle n’avait pas pu supporter et elle avait donné sa démission sans oser évoquer les vraies raisons.

Ces pratiques étaient couvertes par une sorte de pression collective où chacun était contrôlé par les autres, garantie d’un climat d’« omerta » lourd à supporter.

Lors de la venue de Madame O______, responsable des apprentis au sein de la direction des ressources humaines (DRH) en octobre 2008, les chefs les avaient bien prévenus et leur avaient demandé de ne rien révéler. Pendant la séance, ils avaient passé régulièrement près du groupe en tendant l’oreille. Elle avait souhaité parler à ce moment mais, par crainte, elle n’avait pas osé. Elle était également chargée par M. Y______ de lui faire des courses privées. Elle s’y rendait avec son scooter pendant les heures de travail, au détriment de sa formation.

Cette situation avait surtout pris de l’ampleur lors du déménagement à Vessy (février 2008). Beaulieu était un lieu plus ouvert et fréquenté par les usagers ce qui limitait ce genre de pratiques, qui se passaient déjà mais d’une manière plus modérée.

5. Le 4 février 2008 Monsieur P______ a été convoqué par la direction du SEVE et entendu par M. E______ et Mme F______.

En septembre 2008, il était venu, avec Monsieur Q______, jardinier chef, à la commune du Grand-Saconnex, donner un cours aux apprentis à Vessy pendant deux jours. Il avait constaté que de la bière circulait déjà lors de la pause de 09h00 et que du cannabis était cultivé (plus de deux pots). Il avait pris des photographies de ces plantations.

6. Le même jour, la direction du SEVE a encore entendu Monsieur R______ horticulteur. Ce dernier avait travaillé à l’établissement de Vessy pendant une année et avait changé d’affectation à sa demande en octobre 2008 en raison d’un climat de travail à Vessy qui ne lui convenait pas.

Le procès-verbal précise que M. R______ est atteint d’un handicap d’audition. Sourd profond, il pratique la lecture labiale.

M. R______ a confirmé qu’il y avait une grande consommation d’alcool (bière) sur le lieu de travail. MM. Y______ et X______ buvaient beaucoup, à tout moment de la journée. Il y avait une armoire cachée qui contenait des boissons. M.YX______ avait souvent un caractère instable du fait de la boisson et il inspirait de la crainte à M. R______.

MM. X______, Y______ et G______ s’entendaient très bien. M. G______ avait tous les droits et pouvait tout faire sans s’attirer une remarque. Il cultivait deux gros pots de cannabis. Il était arrivé, lors d’un apéritif, que des feuilles de cannabis soient disposées sur la table comme s’il s’agissait de biscuits.

En été 2008, trois personnes avaient passé deux jours sur leur temps de travail pour organiser l’anniversaire de M. G______ à Vessy. M. X______ était alors absent.

M. X______ prenait des plantes de l’établissement chez lui.

Il y avait une très mauvaise gestion humaine à Vessy où Les chefs faisaient régner une grande pression psychologique. Il y avait un manque de respect humain (remarques blessantes, exclusion) et le travail s’effectuait dans un climat de peur. Il ne fallait rien dire. Lui-même avait souvent été tenu à l’écart des informations, de la vie sociale de l’équipe et des tâches intéressantes, raisons pour lesquelles il n’avait finalement plus tenu le coup.

7. Le 10 février 2009, après avoir entendu M. Y______, le maire de la ville a remis en mains propres à l’intéressé une décision d’interdiction temporaire travail prise en application de l’art. 35 du statut.

Lors de l’entretien, M. Y______ a été informé des faits qui lui étaient reprochés. Il n’a pas nié une certaine consommation d’alcool à Vessy et estimait avoir sous-estimé la portée de ces pratiques. Il s’est dit étonné de la culture et de la consommation de cannabis qui auraient eu lieu sur le site de Vessy. Quant au vol de plantes, il a signalé connaître d’autres secteurs du SEVE, où ce fait serait beaucoup plus grave qu’à Vessy.

8. Par pli recommandé du 10 février 2009, remis en mains propres à l’intéressé, la ville a signifié à M. X______ une interdiction immédiate de travailler suite à une faute professionnelle grave. Ordre formel lui était donné de ne pas se rendre sur son lieu de travail. La ville informait M. X______ de sa décision de maintenir cette suspension jusqu’à la saisie du dossier par le conseil administratif et de la suite utile à y donner et cela en application de l’art. 35 du statut du personnel de l’administration municipale du 3 juin 1986 (LC21 151.1) (ci-après : le statut)

9. Ce même 10 février 2009, le chef de service a informé les collaboratrices et collaborateurs du SEVE que d’entente avec la direction du département de la cohésion sociale, de la jeunesse et des sports de la ville, une interdiction temporaire de travailler avait été signifiée à MM. X______, chef de culture et Y______, sous-chef de culture.

10. Par décision du 18 février 2009, le conseil administratif de la ville a confirmé à M. Y______ la mesure de suspension temporaire jusqu’au prononcé d’une éventuelle sanction conformément aux art. 33 ss du statut. Dite décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

En l’état du dossier, il pouvait être formulé à l’endroit de M. Y______ les reproches suivants :

Il aurait consommé de l’alcool sur son lieu de travail et pendant les heures travaillées, avec les apprenti-e-s dont il avait la charge.

Il aurait eu une attitude de laissez-faire concernant la culture et la consommation de cannabis sur son lieu de travail par des employé-e-s et des apprenti-e-s dont il avait la charge.

Il aurait eu des paroles et des gestes déplacés envers les apprenties.

Il aurait volé des plantes et utilisé des ressources publiques à des fins privées.

Si ces manquements étaient avérés, ils constituaient une violation grave des devoirs généraux du fonctionnaire tels que définis aux art. 12 ss du statut, notamment les art. 12, 13, 18 et 19.

Le conseil administratif avait décidé d’ouvrir une enquête administrative qui serait conduite par Monsieur S______, adjoint du directeur général et chef du service juridique, assisté de Madame T______, juriste à la DRH.

11. L’enquête administrative dirigée conjointement à l’encontre de MM. X______ et Y______ s’est déroulée du 10 mars au 14 mai 2009.

Les enquêteurs ont entendu douze témoins en présence des parties, tenu une audience de comparution personnelle et procédé à un transport sur place.

12. Les auditions de témoins ont eu lieu les 10 mars, 7 avril, 7 et 14 mai 2009.

a. C______, accompagnée de sa mère, a été entendue, hors la présence de MM. X______ et Y______ qui avaient accepté de quitter la salle.

Mme B______ a confirmé la teneur de son courrier du 16 janvier 2009 en ajoutant que depuis que MM. X______ et Y______ étaient dispensés de travailler, sa fille était rayonnante.

C______ a persisté dans ses déclarations du 26 janvier 2009 auxquelles elle a ajouté qu’elle devait effectuer des courses pour le compte personnel de M. X______, en se rendant par exemple à la pharmacie ou à la boulangerie. La situation s’était notablement améliorée à Vessy depuis la suspension de MM. X______ et Y______, la consommation de stupéfiants avait diminué. M. J______ avait placardé des avis d’interdiction. Les employés ne consommaient plus d’alcool sur le lieu de travail. Certains apprentis continuaient à boire de la bière et à fumer du cannabis, mais discrètement.

b. M. G______ a été entendu. Horticulteur au SEVE depuis 2001, il s’occupait des apprentis. Il n’avait pas planté de cannabis à Vessy et n’avait jamais vu la plantation de cannabis telle que photographiée par M. P______. A la réflexion, il reconnaissait l’endroit comme faisant partie des installations du SEVE, mais il ignorait si une plante de cannabis s’y trouvait car il n’y allait jamais. Il consommait du cannabis en dehors de ses heures de travail. Il ne s’expliquait pas les accusations portées à son encontre, notamment le fait qu’il serait à l’origine de la plantation de cannabis. Il n’avait jamais vu personne consommer du cannabis à Vessy.

Les ouvriers consommaient de la bière sur le lieu de travail lors de la pause de midi et en fin de journée. MM. X______ et Y______ étaient au courant. La situation avait changé depuis le départ de ces derniers, M. J______ ayant fait vider les frigos des bouteilles d’alcool qui s’y trouvaient.

Il n’avait pas constaté que certains apprentis et apprenties seraient l’objet de discrimination ou mise à l’écart ni entendu de paroles déplacées.

c. M. D______ a été entendu. Il était au SEVE depuis 1976 et exerçait actuellement la fonction de contremaître principal. MM. X______ et Y______ étaient ses supérieurs hiérarchiques.

Les employés de Vessy consommaient de la bière sur leur lieu de travail, parfois de manière importante. Cette consommation durant les heures de travail était à l’origine de certains dérapages humains. Il n’avait pas constaté que MM. X______ et Y______ aient des écarts de langage à l’endroit de C______.

Il avait constaté qu’une plante de cannabis était cultivée dans la serre chaude. Il se souvenait que lors d’un cours, MM. P______ et Q______ lui avaient fait le reproche qu’il existait des plantations de cannabis à Vessy. Il les avait dirigé vers ses supérieurs hiérarchiques. Compte tenu de la proximité de ces plantations de cannabis avec le bureau de ces derniers, il n’était pas possible que ceux-ci en aient ignoré l’existence. Au sujet de cette culture, certaines rumeurs pointaient M. G______, mais il ne l’avait jamais pris sur le fait. L’existence de ces plantes étaient notoires.

Il avait constaté que ceux qui ne participaient pas aux libations « brassicoles » ou « cannabiques » étaient, de facto, tenus à l’écart.

Il avait constaté que MM. X______ et Y______ prenaient des plantes pour leurs besoins personnels en précisant que, lorsque les commandes étaient exécutées, le solde des plantes était détruit afin que celles-ci ne puissent pas bénéficier aux employés. Il existait néanmoins une tolérance officieuse.

d. M. V______ a confirmé ses propos du 4 février 2009. La photographie de la plante de cannabis prise, par M. R______ était bien celle qui se trouvait vers le bassin de récupération d’eau. Il avait été surpris d’en constater la présence en été 2008 mais il n’en avait pas parlé à ses supérieurs.

e. M. R______ a confirmé avoir pris les photographies d’une plante de cannabis en septembre 2008. Il avait été surpris de voir cette plante, voire déçu, car il connaissait M. X______ qui était « un gars super ». Il s’étonnait que celui-ci tolère cela dans son établissement. M. G______ l’avait plantée et profitait de ses bienfaits. Il n’avait pas dénoncé les faits à la direction car la plante avait disparu par la suite. Il avait l’impression que tout le monde à Vessy en connaissait l’existence. Celle-ci surplombait le bassin de récupération d’eau d’un mètre de hauteur environ. Elle n’était pas située dans un endroit passant mais elle était visible lorsqu’on allait dans l’autre serre. Il n’en avait pas parlé avec MM. X______ et Y______, persuadé, à tort ou à raison, qu’ils étaient au courant.

Il a confirmé qu’il y avait à Vessy des abus d’alcool pendant les heures de travail. Certaines personnes travaillaient avec leur cannette de bière à leur côté.

f. Mme F______ a confirmé avoir tenu les procès-verbaux des entretiens du 4 février 2009, dont elle a confirmé qu’ils étaient conformes aux déclarations des personnes concernées (C______, MM. P______, R______ et D______).

L’affaire prenant des proportions très importantes - Mme B______ avait l’intention de déposer plainte pour le compte de sa fille - le SEVE avait estimé qu’il était préférable de se concentrer sur une enquête administrative plutôt que de prendre le risque qu’une plainte pénale ne conduise à la suspension des investigations administratives.

Il n’existait pas de directives écrites concernant le solde des plantes restant après les commandes. MM. X______ et Y______ n’étaient pas habilités à donner leur accord pour le prélèvement des plantes à des fins privées (tombolas, associations caritatives), compétence réservée au magistrats, respectivement au chef de service. La règle en vigueur depuis cinq ans environ, soit depuis « l’affaire E______ », était de ne pas autoriser ou d’interdire toute appropriation par un employé de tout ce qui appartenait à la ville.

MM. X______ et Y______ n’avaient pas été entendus avant l’ouverture de l’enquête administrative en raison de l’apparente complexité des faits et de l’opacité régnant au sein du service. Elle avait constaté une « omerta » qui empêchait les collaborateurs de s’exprimer. Il existait une culture différente entre le terrain et l’environnement administratif. Dans le premier cas, tout reposait sur des accords tacites alors que dans le second, les choses étaient réglées par des procédures écrites. Cette discrépance pouvait conduire à des malentendus.

Elle avait toujours été surprise par la timidité des jeunes apprenties de Vessy. Lors d’une récente visite à Vessy, elle avait eu l’impression que les apprenties avaient une certaine retenue à s’exprimer et à dire ce qu’elles pensaient. Il s’agissait d’un état intérieur, sans relation avec une certaine précarité des installations.

g. M. J______ a été entendu. D’entrée de cause, il a exprimé le souhait de connaître les raisons ayant conduit à l’ouverture d’une enquête administrative à l’encontre de MM. X______ et Y______.

Il travaillait au SEVE depuis le 1er janvier 1998, comme technicien horticole, supérieur hiérarchique de MM. X______ et Y______. Il entretenait d’excellents rapports avec ces derniers. La seule fois où les choses s’étaient mal passées, c’était lorsqu’il leur avait fait remarquer que la consommation d’alcool en service était interdite. Il avait émis ces remarques après avoir constaté la présence de bouteilles de vin pleines et de cannettes de bière. Il avait dû réitérer ses remarques à plusieurs reprises. Il n’avait pas constaté que des employés seraient pris de boisson ou inaptes au travail en raison d’une consommation d’alcool.

Suite à la suspension de MM. X______ et Y______, il avait placardé à Vessy des panneaux officiels de la ville « interdiction du fumer », en même temps qu’il avait rappelé aux collaborateurs que la consommation d’alcool en service devait impérativement cesser.

Il n’avait jamais vu personne fumer du cannabis à Vessy. Personnellement, il n’avait pas vu la plante photographiée par M. P______. Il faisait régulièrement le tour des cultures et il n’avait jamais rien constaté d’anormal.

Il n’avait pas remarqué de manques dans la production horticole de Vessy. Le solde des plantes non utilisé était jeté. Les employés n’étaient pas autorisés à se servir de celles-ci.

Lors de ses visites à Vessy, il n’avait pas ressenti un climat d’« omerta », ni que certains employés seraient mis à l’écart.

Il n’avait pas reçu de plaintes de C______. Lors des deux entretiens annuels qu’il avait eus avec elle, celle-ci n’avait formulé aucune plainte au sujet de sa situation à Vessy. Il n’avait pas reçu d’autres doléances en relation avec le comportement de MM. X______ et Y______.

h. Mme O______, collaboratrice administrative à la DRH depuis mars 2000 et responsable du suivi de l’ensemble des apprenti(e)s a été entendue.

Lorsqu’elle s’était rendue à Vessy le 7 novembre 2008, les apprenti(e)s avaient clairement exprimés qu’ils se sentaient retirés de tout et isolés en raison de la situation géographique du site. Ils regrettaient notamment le contact avec le public.

Elle n’avait pas reçu de plaintes de la part d’apprenti(e)s qui se sentiraient mis à l’écart. Ceux-ci s’exprimaient librement sur les tâches qu’ils devaient effectuer. En revanche, elle avait été frappée par leur retenue lorsqu’il s’agissait de questions sur la vie à Vessy. Elle faisait preuve d’attention en raison de deux situations délicates et qui n’avaient pas été gérées de manière adéquate. Dans le premier cas, un apprenti avait demandé à mettre fin à son engagement au motif qu’il ressentait un fort sentiment d’injustice et d’inégalité de traitement. L’affaire s’était terminée en séance de conciliation à l’office pour l'orientation, la formation professionnelle et continue (ci-après : OFPC), à laquelle avait participé M. X______ et depuis l’apprenti était toujours en place à Vessy. Le second cas concernait une apprentie qui avait été déplacée aux Conservatoire et Jardin botaniques (ci-après : CJB) où elle poursuivait sa formation tout en rencontrant des problèmes relationnels. Le témoin regrettait que MM. X______ et Y______ ne lui fasse pas part de ces difficultés.

Ni C______ ni ses parents n’avaient pris contact avec elle alors qu’ils savaient qu’elle était à leur disposition en cas de besoin.

MM. X______ et Y______ obtenaient d’excellents résultats en tant que formateurs sur le plan de la compétence technique. Les devoirs de formateur comportaient également celui de montrer aux apprenti(e)s la manière de se comporter en entreprise.

Elle n’avait jamais constaté de problèmes liés à la consommation d’alcool et/ou de cannabis.

Si les faits reprochés à MM. X______ et Y______ étaient avérés, ils constitueraient une violation des devoirs de formateur.

i. Mme V______ a été entendue. Apprentie au SEVE de 2004 à 2007, elle avait par la suite, soit le 1er avril 2008, été engagée en qualité d’employée temporaire à Vessy. Actuellement, cet engagement avait pris fin et elle était à la recherche d’un emploi.

Elle n’avait jamais constaté de consommation d’alcool durant les heures de travail, hormis à l’occasion d’apéritifs qui avaient lieu parfois le vendredi.

Elle n’avait jamais vu de plants de cannabis à Vessy et ignorait où la photographie de M. P______ qui lui était soumise avait été prise. Elle n’avait jamais vu de personnes fumer du cannabis. Elle-même n’en consommait pas.

Elle n’avait pas constaté de mise à l’écart de certains apprenti(e)s, notamment de C______, ni davantage de gestes déplacés ou de blagues inappropriées de la part de MM. X______ et Y______. Ces derniers étaient d’excellents formateurs.

Les plantes restantes étaient systématiquement jetées. MM. X______ et Y______ n’en prélevaient pas .

Elle avait gardé des liens avec ces derniers et leur demandait parfois des conseils. Elle n’avait pas eu de contacts avec eux au sujet de l’enquête.

j. Mme W______, apprentie au SEVE depuis 2007, a été entendue. Stationnée au SEVE de Vessy, MM. X______ et Y______ étaient ses formateurs.

La consommation d’alcool qu’elle avait pu constater avait lieu lors d’apéritifs qui étaient occasionnels. Elle n’avait jamais vu d’employés ou d’apprentis consommer du cannabis. Elle-même n’en consommait pas. Les photographies de M. P______ lui ayant été soumises, elle a déclaré ne pas savoir où elles avaient été prises, n’avoir jamais vu cette plante ni aucune autre plante de cannabis à Vessy.

Elle a contesté la mise à l’écart de C______. Quelques apprenties préféraient prendre leur pause aux vestiaires femmes. A l’heure actuelle, celles-ci prenaient leur pause avec les autres. Elle n’avait jamais vu de gestes déplacés de la part de MM. X______ et Y______. Ces derniers étaient d’excellents formateurs. Depuis leur départ, le personnel n’avait plus le moral et l’ambiance était désastreuse.

Le solde des plantes était jeté. Une bonne partie des employés y compris MM. X______ et Y______ prélevaient cependant des plantes pour leur usage personnel.

k. N______, accompagnée par sa mère, a été entendue. Elle avait débuté son apprentissage au SEVE environ deux ans auparavant sur le site du parc de la Grange, puis elle avait travaillé à Beaulieu. En revanche, elle n’avait jamais été à Vessy. En octobre (2008, ndr), elle avait décidé de mettre fin à cet apprentissage pour s’orienter dans le domaine de la vente. L’horticulture ne lui avait pas convenu, lui occasionnant rapidement des maux de dos d’une part, et d’autre part, elle avait été dégoûtée en raison de l’attitude de certaines personnes qu’elle côtoyait. Elle était en conflit avec d’autres apprenties plus âgées.

Elle connaissait C______ avant son apprentissage. Elle avait constaté que celle-ci ne faisait pas d’efforts pour s’intégrer. Elle n’était pas rejetée par les autres mais elle s’était rejetée toute seule. Elle refusait d’effectuer certaines tâches pénibles impliquant notamment le port d’objets. Elle n’hésitait pas à mentir ou à manipuler des tiers afin d’obtenir ce qu’elle souhaitait.

Elle n’avait jamais constaté de gestes ni entendu de paroles déplacées.

Elle a confirmé que des apéritifs avec boissons alcooliques avaient lieu, elle-même n’en consommait pas, étant rappelé qu’elle était à l’époque sur le point de fêter ses quinze ans.

Elle n’avait jamais constaté de consommation de cannabis ni à Beaulieu ni à Vessy.

MM. X______ et Y______ étaient « géniaux ». Travailler avec eux équivalait à faire partie d’une grande famille.

e. Mme Z______, aide-horticultrice au SEVE depuis juin 2004 a également été entendue. Elle avait effectué un stage de trois mois sous la houlette de MM. X______ et Y______ ; elle n’avait pas à se plaindre de l’attitude de ces derniers, en affirmant « c’était génial ».

Elle avait rejoint Vessy en septembre 2007.

La consommation d’alcool se limitait à des apéritifs qui avaient lieu parfois le vendredi pour fêter un anniversaire ou une grosse semaine de travail. Seuls les employés majeurs avaient le droit de boire de la bière ou du vin. Elle n’avait jamais vu quelqu’un en état d’ébriété. De telles agapes étaient tout simplement indispensables.

Elle ne reconnaissait pas l’endroit où avait été prise la photographie de M. P______ qu’on lui soumettait. Elle n’avait jamais constaté l’existence d’une ou de plusieurs plantes de cannabis à Vessy.

Elle n’avait pas constaté que C______ serait mise à l’écart, celle-ci travaillait comme les autres et n’était ni favorisée ni défavorisée. Elle avait tendance à se défiler et aurait apprécié de pouvoir choisir les jobs qu’elle devait faire.

Elle n’avait jamais vu ou entendu de gestes ou de propos déplacés de la part de MM. X______ et Y______.

La plupart des collaborateurs, y compris ces derniers, prélevaient des plantes destinés à être jetées. Elle avait toujours connu cette pratique, y compris à Beaulieu.

Elle remplaçait temporairement M. Y______ à Vessy. L’ambiance y était bonne. MM. X______ et Y______ constituaient une véritable famille pour les jeunes du service et leur absence avait eu des répercussions sur la motivation de ceux-là.

13. a. M. X______ a été entendu le 7 mai 2009. Il a admis avoir consommé de l’alcool sur son lieu de travail durant les pauses de midi et toléré la consommation d’alcool par les collaborateurs, à l’exception des mineurs. Il a justifié cette pratique par le fait que la plupart des collaborateurs devaient prendre leur repas de midi à Vessy. Il y avait également de la consommation de vin sur le lieu de travail mais uniquement dans le cadre d’apéritifs à l’occasion d’événements particuliers. Il tolérait ces apéritifs afin de maintenir une bonne ambiance dans le groupe car celle-ci avait pu être affectée par le transfert de Beaulieu, ouvert au public, vers le centre de Vessy, endroit loin de tout. Par la suite, il avait compris qu’il fallait que cette pratique cesse lorsqu’il avait eu un différend avec M. J______.

Il n’avait jamais vu d’apprentis ou d’employés consommer du cannabis à Vessy. Il ne pouvait pas mettre en doute le fait que M. P______ ait pris une photographie d’une plante de cannabis en septembre 2008. En revanche, il n’était toujours pas convaincu qu’il y ait effectivement eu une plante de cannabis en culture à Vessy. En vérifiant le niveau d’eau du bassin de récupération d’eau en juillet 2008, il n’avait pas vu cette plante.

Il attachait beaucoup d’importance à la gestion du personnel dont il était responsable. S’il pouvait admettre une mise à l’écart de certains collaborateurs, il l’expliquait exclusivement par leurs limitations physiques qui les avaient contraints à être affectés à des travaux plus légers. Il contestait toute discrimination volontaire à l’endroit de M. D______ et de C______. Concernant celle-ci, il n’appréciait guère sa démarche de délation. Il pensait qu’il s’agissait d’une réaction à ses pressions consécutives à de nombreux dysfonctionnements de sa part. C______ abusait des congés maladie alors qu’elle se trouvait avec son petit ami. Elle présentait des certificats médicaux dont on pouvait douter du bien-fondé. Son témoignage était un faux. Il contestait formellement tout attouchement sur quelque apprentie que ce soit et en particulier à l’endroit de C______. Il est vrai que la couleur de son string avait pu être évoquée lors d’une discussion à laquelle il avait mis un terme de manière très ferme. Il admettait volontiers faire parfois usage d’un peu d’humour avec ses collaborateurs mais il contestait formellement tout propos déplacé, en particulier à l’égard des apprenties qui avaient besoin de protection. Les propos tenus à cet égard par C______ devaient être qualifiés d’inventions ou de mensonges.

Il a confirmé avoir prélevé des plantes lorsque celles-ci étaient destinées à être jetées et cela à l’instar de la plupart des collaborateurs du service. Personne ne leur avait jamais dit que cette pratique ne devait pas se faire. Il est vrai qu’à certaines périodes, il utilisait son véhicule privé pour procéder à des livraisons de plantes à des fleuristes situés sur le site de Beaulieu.

Il tenait à signaler que M. Y______ et lui-même avaient été remplacés par pas moins de six personnes. Si cela pouvait constituer un hommage de la hiérarchie à l’activité qu’ils menaient, ça n’en était pas moins vexant lorsqu’il savait qu’il avait vainement quémandé du personnel supplémentaire. Il avait mal vécu d’être l’objet d’une mesure de suspension car son activité professionnelle constituait le centre de sa vie. Il supportait très mal les accusations proférées à son endroit.

b. M. Y______ a été entendu le même jour.

Ses déclarations se recoupent pour l’essentiel avec celles de M. X______ auxquelles il a ajouté qu’il regrettait que Vessy ne dispose pas des infrastructures appropriées au travail à accomplir. Cette situation avait probablement pu entraîner une partie du mal-être constaté chez certains apprentis ou employés.

Il vivait difficilement la situation actuelle, notamment du fait qu’il habitait dans un parc et était amené à côtoyer des collègues en tout temps. Le fait d’être suspendu lui avait obligé à fournir des explications à sa famille, notamment à sa fille de dix ans.

14. le 14 mai 2009, les enquêteurs administratifs se sont transportés à Vessy.

Ils se sont rendus dans la serre de 3'000 m2 près de bassin de récupération d’eau de pluie et où se trouvait la plante de cannabis. A l’époque du transport sur place, seules des mauvaises herbes jonchaient le sol.

Ils ont visité le local utilisé comme réfectoire qui était en réalité un local de rempotoire. Ils ont également constaté la présence de deux containers servant de vestiaires respectivement pour les filles et pour les garçons. Dans un troisième container, se trouvait le bureau de M. Y______ ainsi qu’une cuisine équipée et un frigo de bonne taille.

15. Le 2 juin 2009, les enquêteurs administratifs ont établi un seul rapport concernant MM. X______ et Y______, duquel il ressort les éléments suivants :

MM. X______ et Y______ n’avaient pas respecté certaines obligations découlant de leur statut de fonctionnaire. Ils avaient consommé de l’alcool sur le lieu de travail durant les heures travaillées et toléré la consommation de boissons alcoolisées par les employé-e-s et apprenti-e-s dont ils avaient la charge. Ils avaient également toléré la culture de cannabis sur le site du centre horticole de Vessy. Enfin, il avaient procédé à des prélèvements de plantes appartenant à la ville sans disposer des autorisations nécessaires.

En revanche, l’enquête n’avait pas permis d’établir que les personnes mises en cause avaient toléré la consommation de cannabis sur le lieu de travail pas plus qu’il n’avait été établi que MM. X______ et Y______ se seraient livrés à des discriminations ou exercé des pressions psychologiques à l’égard de certains employé-e-s et apprenti-e-s dont ils avaient la charge. De même, il n’avait pas été établi que l’une ou l’autre des personnes mises en cause aurait eu des paroles ou des gestes déplacés envers les apprenties.

En conséquence, de tels manquements, au demeurant admis pour partie par les intéressés, justifiaient incontestablement que ceux-ci fassent l’objet d’une sanction disciplinaire.

16. Le 10 juin 2009, le conseil administratif a transmis le rapport précité à M. Y______ lui impartissant un délai pour présenter ses observations.

17. M. Y______ s’est déterminé le 22 juin 2009.

Tout en reconnaissant qu’il était indispensable de procéder à une enquête administrative au vu des accusations gravissimes lancées par C______, il ne comprenait pas pourquoi il n’avait pas été entendu au préalable alors que d’autres personnes, en particulier MM. R______, D______ et P______ l’avaient été. S’il avait pu s’exprimer, il est certain que cette affaire n’aurait pas pris l’ampleur qu’elle avait eue.

Il n’avait jamais démérité sur le plan professionnel, avait formé plus de cent apprentis avec de très bons résultats. Les enquêtes avaient démontré qu’il était un excellent formateur et responsable.

La situation qu’il vivait aujourd’hui était extrêmement pesante et il n’avait qu’une envie à savoir retourner travailler le plus rapidement possible.

Il conclut, à ce qu’aucune sanction ne soit prise à son égard.

18. Par courrier du 2 juillet 2009, le conseil administratif a informé M. Y______ que, ayant pris connaissance du rapport d’enquête administrative, il envisageait sérieusement de procéder à sa révocation compte tenu de la gravité des faits qui lui étaient reprochés.

Un délai au 10 juillet 2009 lui était imparti pour présenter sa détermination sur la question de la sanction.

19. M. Y______ s’est déterminé le 10 juillet 2009.

Il avait eu un entretien le 6 juillet 2009 avec Monsieur A______ au cours duquel un nouveau grief avait été évoqué et sur lequel l’enquête administrative n’avait pas porté. En effet, il lui était reproché de gérer le centre de Vessy, tout seul, en faisant fi des voies hiérarchiques, en particulier lorsqu’un problème se présentait.

Compte tenu de ce nouvel élément, il demandait à être entendu par une délégation du conseil administratif conformément à l’art. 97 al. 3 du statut.

20. M. Y______ a été entendu par Monsieur AA______, conseiller administratif et maire de la ville, le 15 septembre 2009.

21. Par décision du 23 septembre 2009, déclarée exécutoire nonobstant recours, le conseil administratif a informé M. Y______ de sa décision de le révoquer avec effet immédiat. Il recevrait une indemnité équivalente à trois mois de traitement. Son droit aux vacances pour l’année 2009 ainsi qu’un éventuel solde d’heures supplémentaires étaient inclus dans cette indemnité.

Dite décision indiquait la voie et le délai du recours au Tribunal administratif.

22. M. Y______ a saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision précitée par acte du 28 octobre 2009.

Préalablement, il a sollicité la restitution de l’effet suspensif au recours.

Sur le fond, il a contesté les griefs qui lui étaient reprochés.

Il ne contestait pas avoir consommé et toléré la consommation d’alcool sur son lieu de travail, tout en précisant que celle-ci était raisonnable, qu’elle n’avait pas lieu pendant les périodes de travail et qu’elle n’avait eu aucune conséquence sur la capacité de travail des employés. Les enquêteurs s’étaient basés sur trois témoignages, faisant fi des sept autres. Or de ces derniers, il résultait que la consommation d’alcool avait lieu exclusivement durant les pauses de midi ou lors d’apéritifs occasionnels, n’avait jamais porté à conséquence et ne concernait pas les mineurs. Elle était donc très raisonnable.

S’agissant de la culture et de la consommation de cannabis sur le lieu de travail, il affirmait que s’il ne pouvait contester l’existence de cette plante au vu de la photographie qui lui avait été soumise, il confirmait qu’il ne l’avait jamais vue et n’avait jamais entendu parler d’une telle culture à Vessy.

Il relevait des contradictions des témoignages de MM. R______, D______ et P______, s’étonnant que seules ces trois personnes aient vu cette plante de cannabis alors que tous les autres témoins, en particulier les apprentis et les employés travaillant quotidiennement à Vessy ainsi que M. J______, responsable de Vessy, ne l’aient jamais vue ni n’en aient entendu parler.

Il n’était pas correct de déduire sur la base de trois témoignages au demeurant contradictoires qu’il avait toléré une culture de cannabis à Vessy.

Le rapport d’enquête n’avait pas retenu les griefs de discrimination et de pressions psychologiques à l’égard de certains employé-e-s et apprenti-e-s. Il pointait pourtant le style de management paternaliste qui pourrait conduire à une situation de ressenti de mise à l’écart.

A ce sujet, M. Y______ relevait que durant près de vingt ans, lui-même et M. X______ avaient formé près de cent apprenti-e-s, ne ménageant pas leur peine pour leur transmettre non seulement la théorie et la pratique de leur métier mais également les bases pour se lancer dans la vie. Ils avaient toujours pris le temps de discuter avec les apprenti-e-s sachant qu’un apprenti bien dans sa tête pourra mieux s’épanouir professionnellement.

C______ s’était mise à l’écart toute seule.

Il avait toujours admis avoir prélevé des plantes cultivées par le SEVE qui étaient destinées à être jetées. Aucun témoignage n’avait pu confirmer la version de C______. Au demeurant, prélever des plantes destinées à la benne n’était pas une pratique en contradiction avec les directives « U______ ».

L’enquête administrative n’avait pas porté sur le grief évoqué lors de la rencontre avec M. A______ à savoir la gestion de Vessy et le respect de la hiérarchie. En tout état, il contestait ne pas avoir agi conformément à la procédure.

La mesure de révocation prise à son encontre était manifestement disproportionnée, faisait fi des effets néfastes que cette affaire avait déjà eu sur lui-même, de son âge et des conséquences qu’elle pouvait avoir, compte tenu des possibilités de travail dans son domaine. Il avait déjà été puni de façon très importante. Sa réputation était totalement détruite par les accusations portées à son encontre et les articles de journaux calomnieux et diffamatoires.

Enfin, bien qu’il s’agisse d’une sanction, le conseil administratif avait appliqué la procédure de l’art. 97 du statut. En effet, il avait été entendu par une délégation du conseil administratif comme le prévoyait la procédure en matière de résiliation de l’art. 97 du statut, ce qui n’était pas prévu par les art. 33 à 40 du statut. Il avait été révoqué avec effet immédiat, mais on lui avait néanmoins octroyé une indemnité de trois mois de salaire, ce qui revenait exactement au même que le délai de congé de trois mois prévu par l’art. 97 du statut.

Il fallait donc constater que le conseil administratif avait appliqué par analogie la procédure de résiliation de l’engagement d’un fonctionnaire. Partant, il se réservait la possibilité de demander des dommages et intérêts.

Il conclut à l’ouverture d’enquêtes et sur le fond, à l’annulation de la décision querellée avec suite de frais et dépens.

23. Invitée à se déterminer sur la question de l’effet suspensif, la ville s’y est opposée le 27 novembre 2009.

24. Par décision du 2 décembre 2009, la présidente du Tribunal administratif a refusé la restitution de l’effet suspensif au recours.

25. Dans sa réponse du 15 décembre 2009, la ville s’est opposée au recours.

Concernant la consommation d’alcool, les témoignages recueillis étaient dignes de foi.

La culture de cannabis était établie par le témoignage de M. P______

Le prélèvement des plantes était reconnu par l’intéressé.

La gestion de Vessy n’était pas un nouveau grief mais découlait des précédents.

Vu la gravité des actes, le lien de confiance était rompu. La ville avait tenu compte des longues années de service du recourant en lui accordant, à bien plaire, une indemnité de trois mois.

Dans son courrier du 23 septembre 2009, la ville avait clairement évoqué sa décision de procéder à la révocation du recourant en application de l’art. 34 du statut. Il s’agissait bien d’une sanction et non d’un licenciement. M. Y______ avait demandé avec insistance à être entendu, ce que le conseil administratif avait accepté en raison notamment des années de services de celui-là. C’était également en raison des longs rapports de service et de la situation personnelle du prénommé que le conseil administratif avait décidé, à bien plaire, de lui verser une indemnité équivalente à trois mois de traitement, incluant son droit aux vacances 2009 et un éventuel solde d’heures supplémentaires. L’art. 97 du statut ne saurait être applicable dans le cas d’espèce.

26. Le 15 janvier 2010, la ville a confirmé au Tribunal administratif que les séances des 6 juillet et 15 septembre 2009 n’avaient pas fait l’objet de procès-verbaux « vu la nature de ces entretiens ».

27. Le Tribunal administratif a tenu une audience le 10 mars 2010 au cours de laquelle il a entendu les parties ainsi que certains témoins.

a. MM. X______ et Y______ ont déclaré avoir déposé plainte pénale les 5 et 6 janvier 2010 suite aux articles de presse parus en octobre 2009 dans « 20 minutes » et la « Tribune de Genève ». A ce jour, ils ne savaient pas la suite qui avait été donnée à cette plainte.

M. Y______ a confirmé qu’il avait accepté un emploi de 60 % à Nyon qui était beaucoup moins bien rémunéré que celui qu’il occupait à la ville. Il s’agissait d’un emploi temporaire qui avait débuté le 1er mars 2010. Il avait prévenu le chômage.

Sur la base de cette déclaration, la ville a conclu à l’irrecevabilité du recours de M. Y______ étant donné qu’il n’avait plus d’objet, l’intéressé n’étant plus disponible pour la ville.

M. X______ a confirmé être au chômage.

b. Monsieur BB______ été entendu en qualité de témoin.

Il était le propriétaire de la parcelle louée à la ville à Vessy.

A ce titre, il restait responsable du contrôle et de l’entretien des serres. Il y passait tous les jours. Il avait des contacts réguliers avec MM. X______ et Y______ et avait pu constater que ceux-ci s’étaient beaucoup investis dans l’exploitation de la parcelle.

Il n’avait jamais constaté la présence d’alcool sur le site, et on ne lui en avait jamais proposé. Il n’avait pas constaté que des bouteilles de bière y seraient entreposées.

Il allait plusieurs fois par semaine vérifier le niveau de l’eau du bassin de récupération et il n’avait jamais constaté la présence de plantes particulières telle que du cannabis.

Il n’avait que des contacts professionnels avec MM. X______ et Y______. Il avait parlé de cette affaire avec ces derniers mais il n’en avait pas abordé les détails.

c. Monsieur CC______ a été entendu. Il connaissait MM. G______ et Y______. Il avait discuté avec ces messieurs de la procédure mais il n’en connaissait pas les détails.

Il était commissaire d’apprentissage depuis une vingtaine d’année et à ce titre se rendait plusieurs fois par année à Vessy. Il était également expert aux examens qui avaient lieu à Vessy.

Il n’avait jamais constaté la présence d’alcool sur le site à l’exception de la verrée qui suivait la fin des examens. En tant que commissaire, il n’avait pas été saisi de plaintes des apprentis de Vessy qui concerneraient soit des problèmes d’alcool, soit de cannabis ou d’autres questions générales.

Les apprentis formés par MM. X______ et Y______ étaient toujours sortis parmi les meilleurs du canton.

Il pourrait autoriser ses apprentis à faire des essais de plantations/cultures de cannabis mais en aucun cas il n’autoriserait à planter du cannabis. Il y avait du cannabis dans tous les parcs. Il est vrai qu’il n’en ai jamais vu à Genève mais il savait où il y en avait à Nyon.

d. Monsieur DD______ a été entendu.

Il était commissaire d’apprentissage pour les apprentis de la ville jusqu’à la fin de l’année 2009. A ce titre, il avait eu l’occasion de fréquenter le site de Vessy. Il avait des relations professionnelles avec MM. X______ et Y______, celui-là ayant fait son apprentissage chez son père.

Il avait pris ses fonctions de commissaire lors du déménagement de Beaulieu à Vessy ; il n’avait donc pas fonctionné comme commissaire à Beaulieu.

Il n’avait jamais constaté qu’il y avait de l’alcool dans l’endroit aménagé en lieu de pause à Vessy. Il avait rencontré C______ en qualité d’apprentie qui ne lui avait jamais adressé la moindre plainte au sujet de l’alcool ou de cannabis. Il n’avait jamais constaté la présence de cannabis dans les installations de Vessy.

MM. X______ et Y______ étaient de très bons formateurs auxquels il envoyait régulièrement des apprentis en stage.

Il était retourné une fois à Vessy après le départ de MM. X______ et Y______. Pour les apprentis, ce départ était injuste et ils ne le comprenaient pas. Il avait pu constater qu’il y avait une grande tension en particulier envers C______. Celle-ci était mise au pilori.

e. Monsieur H______ a également été entendu. Il avait fait son apprentissage de paysagiste chez Espace Verts à Troinex et travaillait depuis sept ans à la ville. Il avait vécu le déménagement des serres de Beaulieu à Vessy et avait pu constater que MM. X______ et Y______ s’investissaient fortement dans la mise en place de Vessy. La plupart des employés restaient sur place pour la pause de midi vu que Vessy était loin de tout. Il avait pu constater que pendant la pause de midi les employés consommaient de l’alcool, à l’exception des apprentis qui n’avaient pas le droit. La consommation d’alcool était raisonnable. Il n’avait jamais constaté que des employés auraient bu de l’alcool pendant les horaires de travail. Il y avait effectivement un endroit où se trouvaient des cannettes de bière mais il ne pouvait pas dire à quel moment de la journée elles étaient consommées.

Il n’avait pas vu la présence d’un plant de cannabis à Vessy ni constaté que cette plante aurait été utilisée pour décorer des tables.

Il n’avait jamais constaté que MM. X______ et Y______ ne respectaient pas leurs horaires. Ils faisaient plutôt des heures supplémentaires.

Lorsque tous les massifs de la ville étaient plantés et qu’il restait des plantations, ces dernières étaient normalement destinées à la benne et c’est alors que les employés de Vessy pouvaient prendre le surplus.

En fin d’audition, il a précisé que M. X______ était un ami qu’il voyait ponctuellement en privé mais il n’avait pas discuté de cette affaire ni avec lui, ni avec M. Y______.

28. L’audition des témoins s’est poursuivie en présence des parties le 11 mars 2010.

a. Monsieur EE______ a exposé être horticulteur à Vessy au bénéfice d’un contrat temporaire depuis le 31 août 2009. Il avait son apprentissage à Beaulieu sous la direction de MM. X______ et Y______ et avait très bien réussi son certificat fédéral de capacité. Il n’avait jamais travaillé à Vessy avec ces derniers.

Lorsqu’il était arrivé à Vessy, il avait constaté une péjoration de la situation par rapport à Beaulieu. Il manquait des structures, l’ambiance était lourde et la qualité du travail beaucoup moins bonne que celle de Beaulieu. Quatre ans après le déménagement, la mise en place n’était toujours pas terminée et l’encadrement des apprentis n’était pas optimum. Les formateurs actuels n’avaient pas les compétences de MM. X______ et Y______. L’équipe n’était pas soudée. Il trouvait les gens un peu « perdus » et il se dégageait une impression d’abandon.

C______ était toujours apprentie à Vessy et avait des difficultés d’intégration au groupe. Il avait ressenti un manque d’intérêt de sa part pour le métier.

Lorsqu’il était à Beaulieu, le surplus des plantes qui n’était pas utilisé pour les massifs en ville devait être jeté à la benne et c’est alors que cette infime partie des plantations était à disposition du personnel. Cette pratique perdurait à Vessy et cela en accord avec M. J______ et le directeur du SEVE. Il ne se souvenait pas avoir vu des directives empêchant les employés de prendre les plantes de la benne.

M. Y______ était venu le trouver à Vessy pour lui demander d’être témoin dans cette affaire. Quant à M. X______, depuis la fin de son apprentissage il ne l’avait rencontré qu’une seule fois, à savoir en 2005 à Paléo.

b. Monsieur FF______ a été entendu. Il avait fait son apprentissage d’horticulteur à Beaulieu sous la direction de MM. X______ et Y______. Il avait fait deux sessions de travail à Vessy en avril 2009 et en novembre 2009. Lorsqu’il était arrivé à Vessy, il avait pu constater qu’il existait un malaise notamment entre les ouvriers et les apprentis qui ne se parlaient pas. Des explications qu’il avait pu recevoir, il ressortait que ceux-là étaient très affectés par le départ de MM. X______ et Y______.

MM. X______ et Y______ ne permettaient pas aux apprentis de consommer de l’alcool. Il avait pu arriver qu’à l’occasion d’apéritifs occasionnels tout le personnel, y compris les apprentis, boivent de l’alcool. Ces apéritifs avaient lieu en dehors des heures de travail.

Le surplus des plantes était jeté à la benne et le personnel pouvait se servir. Il n’avait pas souvenir qu’il existe des directives concernant le surplus des plantes.

A son arrivée à Vessy, il n’avait pas constaté la présence d’alcool sur le site. ni la présence de plants de cannabis.

M. Y______ lui avait demandé d’être témoin dans cette affaire. Son témoignage devait porter sur le fait qu’il avait été son maître d’apprentissage et sur ses qualités de formateur.

c. Madame GG______ a été entendue. Elle avait fait un apprentissage d’horticultrice au SEVE entre 2005 et 2008, MM. X______ et Y______ étaient ses maîtres d’apprentissage.

Elle ne buvait pas d’alcool. Elle a confirmé qu’à Vessy se trouvait un frigo rempli par le personnel qui allait acheter à Aligro diverses boissons (bières, coca, thé froid, etc.). Pendant le travail, les apprentis ne buvaient pas de bière.

Elle n’avait jamais constaté la présence de plants de cannabis à Vessy.

Le personnel pouvait prendre le surplus des plantes et les apprentis pouvaient s’entraîner pour faire des boutures. Si les plantes étaient trop vilaines, elles étaient jetées à la benne. Elle n’avait jamais constaté ni eu connaissance de directives concernant la manière dont le surplus de plantes devait être traité.

Elle avait passé une super période d’apprentissage. L’équipe d’apprentis était soudée. C______ était arrivée lorsque elle était en troisième année d’apprentissage ; elle n’était pas rejetée par les autres.

Elle avait gardé des contacts avec toute l’équipe de l’époque y compris MM. X______ et Y______ qu’elle voyait de temps en temps. Ce dernier lui avait demandé d’être témoin. Comme elle savait ce qui s’était passé à Vessy par ses anciens collègues, elle ne lui avait pas demandé d’autres précisions. M. Y______ ne lui avait pas donné d’instructions pour son témoignage.

d. Monsieur K______ a été entendu.

Il avait fait une année d’apprentissage au SEVE entre 2008 et 2009, à Vessy, sous la direction de MM. X______ et Y______.

Les apprentis n’avaient pas le droit de consommer de l’alcool pendant les heures de travail mais il était arrivé qu’ils le fassent à l’occasion de fêtes. Ces apéritifs pouvaient avoir lieu pendant la pause de midi ou après les heures de travail du soir. La consommation était raisonnable, il n’avait jamais vu quelqu’un qui n’était plus dans un état normal.

Il avait constaté la présence de deux ou trois plants de cannabis à une époque. C’était sans doute à la fin du printemps 2009. Il ne savait pas à quoi étaient destinées ces plantes.

Le surplus de plantes de production était jeté à la benne. Personne ne pouvait les prendre car il n’en avait pas droit. Il n’avait jamais constaté que quelqu’un en aurait pris.

Il s’entendait très bien avec MM. X______ et Y______. Tous les apprentis étaient déçus par le départ de ces derniers sauf « Mlle C______ ». Il consommait un peu de cannabis, il lui était arrivé de fumer sur son lieu de travail mais ce n’était pas celui de la serre mais celui qui venait de chez lui. Il ne savait pas qui avait semé et planté le cannabis à Vessy.

Il lui arrivait de boire de la bière à Vessy pendant les heures de travail. MM. X______ et Y______ n’étaient pas au courant.

e. Monsieur HH______ a été entendu. Il avait fait son apprentissage au SEVE en 2007 sous la direction de MM. X______ et Y______. Il n’avait travaillé qu’une semaine à Vessy juste à la fin de son apprentissage. MM. X_____ et Y______ s’étaient beaucoup investis pour l’aménagement de Vessy.

Au niveau des apprentis, il y avait une super ambiance. M. X______ lui avait demandé d’être témoin dans cette procédure mais il ne lui avait pas parlé de quoi il retournait.

Il y avait toujours un surplus dans la production et celui-ci devait être normalement jeté à la benne. Il croyait savoir qu’il n’avait pas l’autorisation de prendre des plantes de la benne, mais à sa connaissance, beaucoup de personnes extérieures au SEVE venaient se servir. Parmi les apprentis, certains prenaient une plante ou l’autre à l’occasion. Il ne se souvenait pas avoir vu de directives écrites à ce sujet.

Concernant la consommation d’alcool, il était arrivé qu’il prenne un petit apéritif avant midi. Les apprentis n’avaient pas le droit de boire de l’alcool. La consommation d’alcool lors de ces événements était raisonnable.

29. Dans son audience du 10 avril 2010, le Tribunal administratif devait entendre le témoin Q______. La ville du Grand-Saconnex ayant refusé de lever de secret de fonction de ce dernier, la ville a soulevé incident.

Les recourants se sont déclarés étonnés par le procédé de la ville pour faire durer une procédure dont le dossier apparaissait vide. M. Y______ a confirmé que cette procédure était difficile à vivre et il avait hâte d’en voir la fin. M. X______ s’est dit également très amer au sujet de cette procédure. Il était lui-même chef de culture à Vessy et il n’avait jamais compris pourquoi la ville s’en était prise à M. Y______. Il avait mis toute son énergie et le jour où les faits ont donné lieu à la procédure étaient survenus, cela avait été une véritable catastrophe pour tout le monde.

30. M. Q______ a finalement été entendu par le Tribunal administratif le 7 juin 2010.

En sa qualité de floriculteur, il avait été appelé à donner un cours à Vessy pour les apprentis en septembre 2008. Il connaissait M. X______ qui lui avait fait passer ses examens. Celui-ci était également chef expert jusqu’à ce qu’on lui retire sa fonction. Il connaissait également M. Y______ comme collègue expert et comme commissaire de des apprentis de la Ville du Grand-Saconnex.

En septembre 2008, il avait noté à Vessy la présences d’un frigidaire comme il y en avait d’ailleurs dans tous les établissements. Ce dernier contenait du coca, du thé froid, de l’eau minérale. Il n’avait pas fait attention s’il y avait ou non des boissons alcoolisées.

Il n’avait pas remarqué que durant les cours l’un ou l’autre des apprentis aurait absorbé une boisson alcoolisée.

Il avait constaté qu’il y avait un ou deux pieds de cannabis mais il n’avait pas été vérifier de près. Ces plants étaient près du bassin de récupération d’eau. Il ignorait à quel usage ils étaient destinés. Ils étaient visibles notamment du parking extérieur du centre. La présence de cannabis à Vessy était une affaire interne à l’établissement qui ne le concernait pas. Par rapport à la convocation au Tribunal administratif, il avait dit à Lullier que dorénavant il refusait d’aller donner des cours à Vessy, ainsi que dans tous les autres centres de la ville, car il ne voulait pas d’histoires. Il voulait bien donner des cours à des jeunes mais soit chez lui, soit à Lullier.

La ville avait fait plusieurs expériences avec le cannabis, notamment en mettant de la paille de chanvre dans les rosiers. Il était fort possible qu’une ou plusieurs graines soient tombées à cette occasion.

Ni M. X______ ni M. Y______ n’avaient pris contact avec lui au sujet de cette affaire.

Il trouvait très malheureux que l’on embête des personnes qui avaient œuvré pendant une trentaine d’années à la formation des jeunes.

31. a. Les parties ont présenté leurs dernières observations après enquêtes le 8 juillet 2010.

Pour MM. X______ et Y______, leur travail n’avait jamais été remis en cause. L’affaire avait eu un fort retentissement dans la presse et il était normal que de très nombreuses personnes aient été au courant de ce dossier. Il n’était pas surprenant que certains témoins aient discuté avec eux en prenant notamment de leurs nouvelles pour leur exprimer leur soutien. Cela étant, les témoignages n’étaient pas préparés et étaient dignes de foi.

Les témoins entendus par le Tribunal administratif avaient confirmé qu’il n’y avait pas de consommation d’alcool durant les heures de travail, sauf le témoin K______. Ce dernier avait toutefois précisé que MM. X______ et Y______ n’étaient pas au courant de ce qu’il buvait de l’alcool pendant les heures de travail. En conclusion, il apparaissait que s’il y avait une consommation d’alcool pendant la pause de midi ou lors d’apéritifs occasionnels, cela ne concernait pas les mineurs.

Seul le témoin Q______ avait vu la plante de cannabis. La déclaration de M. K______ pouvait être écartée puisqu’il déclarait avoir vu cette plante à la fin du printemps 2009, époque à laquelle eux-mêmes étaient déjà suspendus.

Le grief relatif au cannabis devait être relativisé vu les expériences de la ville telles que décrites par le témoin Q______.

Concernant le prélèvement des plantes dans la benne, aucune note interne ne l’interdisait et c’était une pratique connue.

Sur le plan personnel, il était incompréhensible que la ville ait pris une décision de révocation à son encontre. Celle-ci ne tenait compte ni des explications confirmées par de nombreux témoins ni de ses antécédents. Il avait travaillé vingt-sept ans au SEVE à l’entière satisfaction de la ville. Il avait été promu jusqu’à occuper la fonction de sous-chef de culture. Ses évaluations avaient toujours été excellentes et aucun reproche ne lui avait jamais été fait durant tout son parcours professionnel. Il s’était investi totalement dans son travail. Des employés et apprentis avaient toujours ravis de son travail et de son encadrement. Il avait formé plus de cent apprentis avec un taux de réussite phénoménal.

La plainte qu’il avait déposée était en cours au Parquet.

Il a persisté dans ses conclusions initiales.

b. La ville a conclu au rejet du recours.

La consommation d’alcool était confirmée par neuf témoins et reconnue au surplus par M. Y______. Le grief était établi.

Concernant la culture de cannabis, les témoignages de MM. K______ et Q______ confirmaient ce qui avait été recueilli lors de l’enquête administrative.

Quant au prélèvement de plantes, M. Y______ admettait s’être servi dans les bennes. Or, des notes de service existaient à ce sujet.

Elle conclut au maintien de la décision querellée.

32. Au jour de la rédaction du présent arrêt, il apparaît que la plainte pénale déposée par le recourant est toujours en cours au Parquet.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 86A al. 1 de la loi sur l'administration des communes du 13 avril 1984 - LAC - B 6 05 ; art. 39 let. c et 40 du statut ; 56A al. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Fonctionnaire de la ville, le recourant est soumis au statut (art. 1er).

3. La décision litigieuse respecte les conditions de forme imposées par la loi (art. 34, 37 et 38 du statut), ce que ne conteste pas le recourant. Il soutient cependant que cette dernière serait infondée et disproportionnée au motif que les reproches formulés à son encontre ne seraient pas constitutifs d'un motif grave permettant sa révocation.

4. a. Selon l'art. 61 LPA, le pouvoir d’examen du tribunal de céans se limite à la violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA). Le tribunal de céans ne peut ainsi pas revoir l'opportunité de la décision litigieuse (art. 61 al. 2 LPA).

b. Les communes disposent d’une très grande liberté de décision dans la définition des modalités concernant les rapports de service qu’elles entretiennent avec leurs agents (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.46/2006 du 7 juin 2006 ; F. BELLANGER, Contentieux communal genevois in : L’avenir juridique des communes, Schultess 2007, p. 149). Ainsi, l’autorité communale doit bénéficier de la plus grande liberté d’appréciation pour fixer l’organisation de son administration et créer, modifier ou supprimer des relations de service nécessaires au bon fonctionnement de celles-ci, questions relevant très largement l’opportunité et échappant par conséquent au contrôle du Tribunal administratif. Ce pouvoir discrétionnaire ne signifie pas que l’autorité est libre d’agir comme bon lui semble. Elle ne peut ni renoncer à exercer ce pouvoir ni faire abstraction des principes constitutionnels régissant le droit administratif, notamment la légalité, la bonne foi, l’égalité de traitement, la proportionnalité et l’interdiction de l’arbitraire (B. KNAPP, Précis de droit administratif 1991, n. 161 ss, p. 35-36). Le juge doit ainsi contrôler que les dispositions prises se tiennent dans les limites du pouvoir d’appréciation de l’autorité communale et qu’elles apparaissent comme soutenables au regard des prestations et du comportement du fonctionnaire ainsi que les circonstances personnelles et des exigences du service (ATA/4/2009 du 13 janvier 2009).

c. Une décision est arbitraire lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. Pour qu’une décision soit annulée pour cause arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 128 I 177 consid. 2. P 182 ; Arrêt du Tribunal fédéral 4P 149/2000 du 2 avril 2001 consid. 2 et les arrêts cités ; ATA/252/2009 du 19 mai 2009 ; ATA/630/2007 du 11 décembre 2007 ; ATA/126/2007 du 20 mars 2007 consid. 9 a et les réf. citées).

5. Le chapitre III du statut a pour objet les devoirs et obligations des fonctionnaires. Dans les devoirs généraux, l’on trouve en particulier l’attitude générale que doivent observer les fonctionnaires dans les relations avec leurs supérieurs, leurs collègues, leurs subordonnés et le public afin notamment de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet (art.13 du statut).

b. De même, en application de l'art. 14 du statut, les fonctionnaires doivent notamment , remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence, respecter leur horaire de travail et assumer personnellement leur travail et s'abstenir de toute occupation étrangère au service pendant les heures de travail (…).

c. Quant à l'art. 19 du statut, il stipule qu'il est interdit aux fonctionnaires de quitter le travail sans autorisation de leur chef, de fréquenter les établissements publics pendant le service, de consommer des boissons alcoolisées sur le lieu de travail et, de façon générale, de faire quoi que ce soit qui puisse entraver la bonne marche du service. Le fonctionnaire doit se présenter à la prise de travail dans un état lui permettant de s'assurer les tâches et responsabilités qui lui sont confiées.

6. Suite à l’enquête administrative, trois griefs ont été retenus à l’encontre du recourant, soit, la consommation d’alcool sur le lieu de travail, la tolérance de la culture de plants de cannabis à Vessy et le prélèvement des plantes sans autorisation. En revanche, la consommation de cannabis n’a pas été établie, de même que les autres griefs (discrimination, paroles et gestes déplacés). La ville n’a pas recouru contre l’enquête administrative de sorte qu’il n’y a pas lieu de revenir sur ces éléments définitivement écartés des débats.

7. La consommation d’alcool sur le lieu de travail est reconnue aussi bien par M. X______ que M. Y______. Par ailleurs, il résulte de l’ensemble des témoignages recueillis que durant la pause de midi, les recourants et les employés consommaient de l’alcool. Il est de plus avéré que des apéritifs organisés à Vessy étaient également l’occasion de boire de l’alcool, que ce soit du vin ou de la bière.

Il faut donc admettre que ce grief est réalisé.

8. La culture de cannabis est également établie, le recourant n’ayant pas pu contester la réalité des photographies prises par le témoin P______. A cet égard, il n’est pas sans intérêt de relever que seuls les apprentis n’ont pas vu les plants de cannabis incriminés alors que tous les autres témoins en ont constaté l’existence.

Ce grief est lui aussi fondé.

9. Concernant le prélèvement des plantes, le recourant a admis qu’il lui arrivait de prendre des plantes dans la benne, soit le surplus de plantations qui n’était pas utilisé par la ville tout en précisant que c’était là une pratique connue qu’aucune note interne n’interdisait. Tous les témoins entendus par le Tribunal administratif, à l’exception d’un seul, ont confirmé cette pratique. L’autorité intimée s’est contentée d’affirmer que des directives internes existaient à ce sujet mais elle ne les a pas produites. En effet, les pièces versées au dossier concernent des distributions ponctuelles de plantes et n’ont pas de portée générale.

Au vu de ce qui précède, ce grief n’est pas établi.

10. Le fonctionnaire qui enfreint ses devoirs de service, soit intentionnellement, soit par négligence est passible de l’une des sanctions prévues à l’art. 34 du statut, à savoir :

a. prononcée par le directeur ou le chef de service :

l’avertissement ;

b. prononcée par le conseiller administratif responsable :

le blâme ;

la mise à pied jusqu’à deux jours avec suppression de traitement ;

c. prononcée par le conseil administratif :

la suppression de l’augmentation annuelle de traitement pour l’année à venir ;

la mise à pied jusqu’à un mois avec suppression de traitement ;

la réduction du traitement, temporaire ou définitive, dans les limites de la catégorie ;

la mise au temporaire, l’intéressé perdant sa qualité de fonctionnaire, mais restant engagé sur la base d’un contrat de droit privé ;

la rétrogradation temporaire ou définitive dans une classe inférieure, avec réduction de traitement dans les limites de la nouvelle catégorie ;

la révocation.

Ces sanctions peuvent être cumulées ; il ne peut pas être prononcé d’autres sanctions disciplinaires (al. 2).

11. a. L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (V. MONTANI, C. BARDE, La jurisprudence du Tribunal administratif relative au droit disciplinaire, RDAF 1996, p. 347). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. A cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé (ATF 108 Ia 230 consid. 2b p. 232 ; ATF 106 Ia 100 consid. 13c p. 121 ; ATF 98 Ib 301 consid. 2b p. 306 ; ATF 97 I 831 consid. 2a p. 835 ; RDAF 2001 II 9 35 consid. 3c/bb ; SJ 1993 221 consid. 4 et les réf. doctrinales citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 2P.133/2003 du 28 juillet 2003 ; ATA/619/2010 du 7 septembre 2010 et les réf. citées).

b. En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen du tribunal de céans se limite à l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/395/2004 du 18 mai 2004 ; ATA/102/2002 du 19 février 2002).

c. Toute sanction disciplinaire présuppose une faute de la part du fonctionnaire. Alors qu’en droit pénal les éléments constitutifs de la faute doivent être expressément indiqués dans la loi, en droit disciplinaire, les agissements pouvant constituer une faute sont d’une telle diversité qu’il est impossible que la législation en donne un état exhaustif (G. BOINAY, Le droit disciplinaire de la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse, in Revue Jurassienne de Jurisprudence [RJJ], 1998, p. 62 ss ; P. MOOR, Droit administratif, Volume III, 1992, p. 240, n° 5.3.5.1.). Tout agissement – manquement ou omission – dès lors qu’il se révèle incompatible avec le comportement que l’on est en droit d’attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire, peut engendrer une sanction (ibid.). Contrairement au droit pénal, la négligence n’a pas à être prévue pour être punissable (V. MONTANI, C. BARDE, op. cit., p. 349 et les réf. doct. cit.).

La gravité objective de la faute doit s’apprécier en fonction des conséquences qu’elle a eues pour le bon fonctionnement de l’institution à laquelle appartient le fautif. Subjectivement, la sanction doit être choisie en tenant compte de la personnalité du coupable, de la gravité de la faute, des mobiles, des antécédents, des responsabilités et de la position hiérarchique des fonctionnaires, afin qu’elle soit de nature à éviter une récidive et à amener le fautif à adopter à l’avenir un comportement conforme à ses devoirs professionnels (ATA/174/2009 du 7 avril 2009 ; G. BOINAY, op. cit., p. 55, § 115 et les réf. cit.).

d. Enfin, il n'existe pas de critère absolu en matière d'avertissement, eu égard à la diversité des situations envisageables. La jurisprudence ne saurait poser de règles rigides sur le nombre et le contenu de ces derniers dont la méconnaissance, par le travailleur, est susceptible de justifier un licenciement immédiat. Sont décisives, dans chaque cas d'espèce, entre autres circonstances, la nature, la gravité, la fréquence ou la durée des manquements reprochés au travailleur, de même que son attitude face aux injonctions, avertissements ou menaces formulées par l'employeur. En particulier, la remise à l'ordre que constitue l'ouverture d'une procédure disciplinaire pour des manquements aux devoirs de service peut être considérée comme une mise en demeure suffisante, permettant au fonctionnaire incriminé de se rendre compte que son employeur envisage un licenciement (Arrêt du Tribunal fédéral 2P.163/2005 du 31 août 2005 ; par analogie avec le droit privé: ATF 127 III 153 consid. 1c p. 157).

12. Dans des causes concernant des sanctions disciplinaires, le tribunal de céans a déjà eu l’occasion de se prononcer comme suit :

Confirmation d’une révocation d’un fonctionnaire qui consultait des sites pornographiques depuis son poste de travail, non sans avoir pris la peine de sauvegarder sur son disque dur des images à caractère pédophile (ATA/496/2006 du 19 septembre 2006) ;

Confirmation d’une décision de révocation d’une fonctionnaire d’un EMS au vu de la répétition de comportements inacceptables envers les collègues durant dix ans, malgré de nombreux avertissements et rappels à l’ordre et nonobstant l’excellence du travail effectué (ATA/21/2010 du 19 janvier 2010) ;

Confirmation d’une révocation d’un fonctionnaire auquel étaient reprochés des violations de devoirs de service et d’autres comportements, notamment des relations intimes entretenus avec des fonctionnaires du service, comportements de nature à déstabiliser un service lorsque ces derniers impliquaient comme en l’espèce une relation de travail extrêmement étroite (ATA/39/2010 du 26 janvier 2010) ;

Confirmation d’une révocation d’un fonctionnaire consultant fréquemment et régulièrement des sites érotiques et pornographiques depuis son poste de travail malgré une mise en garde préalable et nonobstant la qualité du travail accompli (ATA/618/2010 du 7 septembre 2010).

Le tribunal de céans a en revanche diminué la sanction prononcée par l’autorité d’engagement dans quelques cas, notamment :

Prononcé d’une mise à pied temporaire en lieu et place de la révocation d’un employé de voirie qui avait fréquenté un établissement public pendant ses heures de service et avait adopté un comportement insolent à l’égard du secrétaire de la mairie de la commune qui l’employait alors qu’il avait déjà fait l’objet d’un avertissement et de deux blâmes (ATA/688/1995 du 28 novembre 1995) ;

Prononcé d’un blâme en lieu et place d’une réduction de traitement à l’encontre d’un fonctionnaire qui avait usé de violences verbales et physiques à l’encontre d’un élève, considérant qu’il s’agissait d’un incident isolé au cours d’une carrière de vingt-cinq ans et que le recourant n’avait pas d’antécédents et relevant le comportement adéquat adopté par l’intéressé suite à l’évènement (ATA/579/2008 du 11 novembre 2008) ;

Retour au statut d’employé en période probatoire pour une durée d’un an en lieu et place des deux ans prononcés par l’autorité d’engagement pour un fonctionnaire ayant adopté une attitude peu adéquate face à sa hiérarchie, les reproches faits au recourant devant être largement relativisés en fonction des dysfonctionnements structurels et organisationnels du service (ATA/619/2010 du 7 septembre 2010).

13. En l’espèce, à charge du recourant, l’on peut retenir qu’il occupait un poste à responsabilités hiérarchiques et en particulier celle des apprentis, de sorte qu’il se devait de montrer l’exemple à ses subordonnés.

A sa décharge, il apparaît que la consommation d’alcool durant la pause de midi pouvait en grande partie s’expliquer par la situation géographique excentrée de Vessy. Il est par ailleurs établi que seuls les chefs et les employés majeurs, à l’exception des apprentis mineurs, étaient autorisés à consommer des boissons alcoolisées. Quant aux apéritifs organisés à diverses occasions, on peut comprendre le recourant lorsqu’il affirme que ceux-ci étaient autorisés pour recréer l’ambiance qui avait pâti du déménagement de Beaulieu à Vessy. Le recourant a de plus affirmé que même lors de telles agapes, la consommation d’alcool n’était pas autorisée pour les apprentis mineurs. Il est vrai que certains d’entre eux ont bravé l’interdiction qui leur était faite de consommer de l’alcool mais ils ont bien précisé qu’ils avaient agi en cachette et à l’insu de leurs formateurs. Le présent cas n’est pas du tout comparable à celui du fonctionnaire qui consommait de l’alcool sur son lieu de travail et qui avait pleinement conscience de son problème d’alcoolisme (Arrêt du Tribunal fédéral 8C-596/2009 du 4 novembre 2009).

Quant à la culture de cannabis, il n’est pas contesté que la ville utilise cette substance pour ses propres plantations. Elle est donc malvenue d’ériger en pétition de principe l’interdiction totale d’une telle culture. Reste que l’on ne saurait la cautionner dans un établissement officiel à des fins personnelles, ce qui semble avoir été le cas en l’espèce.

En ce qui concerne le prélèvement des plantes jetées à la benne, la ville n’a pas établi l’existence de directives internes en violation desquelles cette pratique -manifestement communément répandue - interviendrait.

Enfin, il y a lieu de tenir compte du parcours professionnel du recourant, qui compte vingt-sept ans d’activité au sein du SEVE et qui s’est déroulé à l’entière satisfaction de ses collaborateurs, de ses employés et surtout de ses apprentis lesquels, dans leur immense majorité, ne tarissent pas d’éloges à son sujet. Le recourant n’a d’ailleurs jamais fait l’objet d’une moindre sanction ni d’aucun avertissement, ce qui doit être impérativement le cas en matière de révocation (Arrêt du Tribunal fédéral 8C-596/2009 du 4 novembre 2009 et les réf. citées).

Bien que sous-chef de culture, il résulte du dossier que le recourant avait pratiquement les mêmes responsabilités et les mêmes tâches que celles de M. X______. Certes, le recourant a accepté un travail à temps partiel dans le cadre du chômage mais ce n’est là qu’une solution provisoire et en tant que telle, elle ne s’oppose pas à sa réintégration au sein de la ville. Il n’y a donc pas lieu de donner suite aux conclusions d’irrecevabilité soulevées sur ce point par la ville lors de l’audience du 10 mars 2010. En tout état, l’on ne peut ignorer que vu son âge, soit 48 ans, il sera très difficile au recourant de retrouver un emploi dans la profession qui est la sienne et qu’il a toujours exercée.

En conséquence, au regard de la casuistique exposée ci-dessus et compte tenu de l’ensemble des circonstances, le Tribunal administratif retiendra que le comportement du recourant n’est certes pas exempt de tout reproche, mais que, remis dans son contexte, il n’est pas à l’évidence de nature à justifier le prononcé de la sanction disciplinaire la plus sévère du catalogue à disposition de l’autorité. En d’autres termes, cette dernière ne pouvait, sans violer le principe de proportionnalité et sans arbitraire, le révoquer. La sanction litigieuse sera remplacée par une autre sanction, également du ressort du conseil administratif, soit la réduction de traitement temporaire dans les limites de la catégorie. Cette mesure sera limitée à trois ans à compter de la suspension provisoire et l’interdiction de travail notifiée au recourant, soit dès le 10 février 2009.

14. Le recourant fait grief au conseil administratif d’avoir appliqué la procédure de l’art. 97 du statut consacrée à la résiliation de l’engagement d’un fonctionnaire.

Ce grief est infondé. En effet, le recourant a demandé à deux reprises, soit le 10 juillet 2009 puis le 12 août 2009 à être entendu par une délégation du conseil administratif en invoquant l’art. 97 al. 3 du statut. La ville a finalement accédé à sa demande, en précisant qu’elle le faisait compte tenu des longs rapports de service la liant à son fonctionnaire. Quant à l’indemnité de trois mois de salaire, la ville a précisé qu’elle était versée à bien plaire et le recourant l’a acceptée comme telle.

15. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis. Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée au recourant à charge de la ville. Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant et un émolument du même montant à celle de la ville (art. 87 LPA). Les frais de procédure de par CHF 160.- seront répartis par moitié entre les parties

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 octobre 2009 par Monsieur Y______ contre la décision du 23 septembre 2009 de la Ville de Genève ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision attaquée en tant qu’elle prononce la révocation du recourant ;

prononce en lieu et place une réduction de traitement pour une durée de trois ans dans les limites de la catégorie dès le 10 février 2009 ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge du recourant ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de la Ville de Genève ;

dit que les frais de procédure par CHF 160.- seront répartis par moitié entre les parties ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à Monsieur Y______ à la charge de la Ville de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt  peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 et ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt  et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Bernard Waeber, avocat du recourant ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges, M. Grodecki, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la secrétaire-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :