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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/863/2009

ATA/621/2010 du 07.09.2010 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/863/2009-AIDSO ATA/621/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 7 septembre 2010

2ème section

dans la cause

 

Monsieur M______
représenté par Me Didier Kvicinsky, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL

 



EN FAIT

1. Monsieur M______, né le ______ 1946, de nationalité française, est domicilié,______ à Versoix.

2. Le 16 juillet 2003, il s’est adressé au centre communal d’aide sociale de Versoix qui dépend de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) pour solliciter des prestations d’aide sociale. Il avait été victime d’un accident le 22 avril 2002. Suite aux problèmes de santé dont il avait souffert consécutivement, il avait dû mettre fin à son activité indépendante dans la vente par correspondance de produits paramédicaux. Son droit à percevoir des indemnités pour pertes de gains d’une assurance privée avait pris fin en juin 2003 et il engageait des démarches auprès de l’assurance-invalidité (ci-après : l’AI) pour des prestations de celle-ci.

Dans le cadre de sa demande d’aide, il a signé un formulaire présenté par l’hospice intitulé « ce qu’il faut savoir en demandant l’intervention de l’assistance publique (ci-après : ce qu’il faut savoir) ». Il s’engageait ainsi à donner tout renseignement utile sur sa situation personnelle et financière et à informer l’hospice de tout changement dans celle-ci.

3. En novembre 2005, l’AI ayant refusé sa demande de prestations, M. M______ a entrepris une procédure d’opposition. Le 15 novembre 2005, il en a informé l’hospice et a rempli un nouveau formulaire de demande de prestations financières. Dans ce cadre, il a déclaré ne pas avoir de bénéfices ou de déficits provenant d’une activité indépendante et indiqué être titulaire d’un compte à l’union de banques suisses (ci-après : l’UBS). Il a à nouveau signé le formulaire de l’hospice intitulé « mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général » (ci-après : mon engagement). Il renouvelait ainsi son engagement à communiquer tout changement dans sa situation financière.

4. Le 20 septembre 2006, M. M______ a annoncé à son assistant social que son opposition à la décision de refus de prestations par l’AI avait été rejetée. A cette occasion, il a signé un contrat d’action sociale individuel (ci-après : CASI) par lequel il s’engageait à retrouver une activité professionnelle compatible avec son état de santé.

5. Le 21 novembre 2006, M. M______ a renouvelé sa demande de prestations financières. Il n’a pas fait état d’éléments de revenus ou de déficits provenant d’une activité lucrative indépendante. Il a à nouveau mentionné n’être titulaire que d’un compte à l’UBS.

6. En août 2007, il a été invité à remplir à nouveau une demande de prestations d’aide financière. A cette occasion, il a répété qu’il ne percevait aucun revenu et mentionné l’existence de son compte bancaire à l’UBS. Il a à nouveau signé le document intitulé « mon engagement ».

7. Le 21 février 2008, il a écrit à l’hospice qu’ayant trouvé un travail à 50 %, il renonçait à l’aide sociale.

8. C’est un montant de CHF 111'370,20 qui lui a été versé par l’hospice entre le 1er juillet 2003 et le 29 février 2008.

9. Le 14 mai 2008, le service des enquêtes de l’hospice a remis un rapport à la direction de l’hospice. M. M______ était inscrit au registre du commerce depuis le 22 août 1983 comme indépendant dans une entreprise individuelle ayant pour but le commerce d’appareils de radios, de télévisions, de vidéos et d’accessoires à Versoix. Mention de cette entreprise figurait au répertoire des entreprises du canton de Genève, ainsi qu’à l’index suisse des raisons de commerce et sur l’annuaire Orell Füssli. Une modification de la raison sociale au registre des entreprises du canton de Genève avait été effectuée le 23 juin 2003. En outre, il disposait d’un compte auprès de la banque cantonale genevoise (ci-après : la BCGe) sur lequel avaient été crédités plusieurs montants entre le 19 mai 2006 et le 28 janvier 2008 pour un total de CHF 7'081.-.

10. Le 3 juillet 2008, l’hospice a signifié à M. M______ une décision de demande de remboursement d’un montant de CHF 113'370,20 correspondant au total des prestations d’aide versées entre le 1er juillet 2003 et le 29 février 2008. Il n’avait déclaré ni son statut d’indépendant ni son compte auprès de la BCGe en violation de ses obligations d’informer l’autorité.

11. Le 25 juillet 2008, M. M______ a fait opposition à cette décision, opposition qu’il a complétée le 25 août 2008. Il concluait à l’annulation de cette décision. Il avait cessé ses activités commerciales dans le cadre de son commerce de radios et télévisions le 1er juillet 1993 mais ne s’était pas désinscrit du registre du commerce car il ignorait qu’il était tenu de le faire. Il admettait avoir reçu de débiteurs des arriérés de loyers pour des locations anciennes ou reçu des remboursements d’anciennes créances. Il fournissait une liste de débiteurs en retard dans les mensualités.

12. Le 9 février 2009, le directeur de l’hospice a rejeté l’opposition de M. M______. Ce dernier avait contrevenu à ses obligations de renseigner découlant des art. 32 et 33 de la loi sur l’aide sociale individuelle du 22 mars 2007 - LASI - J 4 04) en omettant de déclarer son statut d’indépendant et alors qu’il connaissait son devoir d’information dans la mesure où il avait signé les documents « ce qu’il faut savoir » et « mon engagement ». Il avait donc reçu indûment de 2003 à 2008 des prestations d’aide sociale qu’il devait rembourser en vertu de l’art. 36 LASI.

13. Par acte posté le 12 mars 2009, M. M______ a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision du 9 février 2009, reçue le 11 février 2009. Il conclut à l’annulation de celle-ci ainsi qu’à celle de l’hospice du 3 juillet 2008, avec suites de dépens. Même s’il était resté inscrit au registre du commerce en qualité d’indépendant, il avait cessé toute activité de ce type à la date où il avait formulé sa demande d’assistance. En 2003, il avait mis fin à son activité de vente par correspondance de produits paramédicaux. S’il était resté inscrit au registre du commerce comme indépendant actif dans le commerce de radios, télévisions, vidéos et accessoires, c’est parce qu’il avait omis d’effectuer les démarches de radiation, mais cela ne signifiait pas qu’il avait exercé encore une activité commerciale dans ce cadre. Il admettait avoir omis d’annoncer l’existence d’un compte qu’il détenait à la BCGe qui était lié à l’entreprise qu’il exploitait. Les montants reçus dans ce cadre, qui totalisaient environ CHF 7'000.-, étaient constitués de petits montants versés par des débiteurs anciens. Il était prêt à rembourser ce montant à l’hospice.

14. Le 6 avril 2009, l’hospice a communiqué son dossier au Tribunal administratif.

15. Le 12 juin 2009, le juge délégué a convoqué les parties en audience de comparution personnelle.

M. M______, lorsqu’il avait contacté l’hospice en 2003, avait pour activité la vente par correspondance de produits paramédicaux. Il avait cessé son activité de commerce de radios et de télévisions. Il avait de ce fait omis en 2003 de mentionner son compte à la BCGe car celui-ci était totalement inactif depuis plusieurs années. Ce dernier avait été ouvert en relation avec cette dernière activité à laquelle il avait mis fin le 1er juillet 1993. C’était une autre entité qui avait repris la clientèle. Il avait résilié le bail. Concernant le compte ouvert à la BCGe, il était en rapport avec cette activité et il avait cessé de l’utiliser. Après avoir résilié le bail, il avait transféré l’adresse de la raison sociale à son domicile privé, 95 bis, Y______ à Versoix. Les sommes reçues sur le compte bancaire précité avaient été versées par d’anciens débiteurs de son entreprise, Vidéo-permanence, qu’il avait relancés. Il avait un listing de débiteurs auxquels des actes de défaut de biens avaient été délivrés. Il a fourni une liste du 2 juillet 1993 comportant les noms des débiteurs de Vidéo-permanence. Le juge délégué ayant relevé que les personnes qui avaient versé de l’argent sur le compte BCGe ne figuraient pas dans cette liste, le recourant a rectifié que les personnes en question étaient des débiteurs de son entreprise de commerce de produits paramédicaux.

Le représentant de l’hospice a conclu au rejet du recours et au maintien de sa décision de remboursement. M. M______ avait perçu des prestations d’assistance pour des raisons d’absence de revenus du 1er juillet 2003 au 29 février 2008, calculées en fonction des besoins de cette seule personne. Le montant des prestations avait été calculé en fonction des éléments déclarés par l’assisté qui devait faire une déclaration complète de sa situation financière. Or il avait contrevenu à cette obligation alors qu’elle avait été rappelée expressément dans les différentes déclarations qu’il avait dû signer.

16. Le 27 juillet 2009, M. M______ a fait parvenir au Tribunal administratif un relevé du compte de la BCGe du 1er janvier 2003 au 8 septembre 2008. Il en ressortait qu’entre le 8 juillet 2003 et le 29 février 2008, il avait perçu un montant de CHF 9'010.-, par petits versements, dont un montant de CHF 2'185.- versé le 28 avril 2006, provenant de la succession de sa mère ainsi qu’il l’établissait également par pièces.

17. Le 10 août 2009, l’hospice a fait savoir que la consultation des pièces déposées par M. M______ au greffe du tribunal après l’audience de comparution personnelle n’était pas de nature à changer la décision prise le 9 février 2009.

18. Le 15 octobre 2009, M. M______ a présenté ses observations. Il persistait dans ses dernières conclusions. Il produisait un décompte de la caisse de compensation AVS/FER/CIAM duquel il ressortait qu’entre janvier 2004 et décembre 2007, il avait été inscrit auprès de celle-ci comme indépendant. Il avait versé des cotisations en relation avec son activité professionnelle jusqu'en juin 2003. Pour les années 2004 à 2007, il avait payé des cotisations personnelles comme indépendant, sans activité lucrative.

19. Le 19 octobre 2009, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 52 LASI  ; art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le 19 juin 2007 est entrée en vigueur la LASI qui a remplacé la loi sur l’assistance publique du 19 septembre 1980 (LAP - J 4 05). A teneur des dispositions transitoires de l’art. 60 LASI, cette dernière loi s’applique dès son entrée en vigueur à toutes les personnes bénéficiant des prestations prévues par la LAP. Dès lors, ce sont les dispositions de la loi nouvelle qui s’appliquent à la présente cause, étant précisé que, s’agissant du devoir de renseigner, la teneur des obligations découlant de l’art. 7 LAP correspond à celle du présent art. 32, qui seront examinées ci-après.

3. Le demandeur de l’aide sociale doit fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer les montants des prestations d’aide financière (art. 32 al. 1 LASI). De même, il doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau, de nature à entraîner une modification des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou à les supprimer (art. 33 al. 1 LASI). Il doit également signaler à l’hospice les droits qui peuvent lui échoir et notamment par succession.

En l’occurrence, le recourant n'a pas respecté ses obligations. Il n'est certes pas établi qu'il ait continué à exercer ses activités d'indépendant pendant la période où il était au bénéfice de l'aide sociale. De même, il n'est pas en soi problématique qu’il n’ait pas indiqué à l’hospice qu’il n’avait pas radié sa raison individuelle du registre du commerce. Par contre, pendant la période où il percevait l’aide sociale, il n'avait pas le droit de taire le fait qu'il effectuait des démarches en vue de recouvrer des fonds d'anciens débiteurs, qu'il participait à une succession, et qu'il utilisait, pour encaisser des montants provenant de ces sources, un compte bancaire ouvert à la BCGe, dont il avait caché l'existence. Ce faisant, il a contrevenu à ses obligations découlant des art. 32 al. 1 et 33 al. 1 LASI. L’hospice était donc fondé à retenir qu’il avait violé ses obligations de renseigner.

4. a. Toute prestation perçue indûment, soit touchée sans droit, peut faire l’objet d’une demande de remboursement (art. 36 al. 1 LASI). Ce remboursement peut être exigé du bénéficiaire d’aides financières non seulement s'il a agi par négligence ou fautivement, mais également s'il est de bonne foi (art. 36 al. 2 et 3 LASI).

b. Une prestation reçue en violation de l’obligation de renseigner est une prestation perçue indûment (ATA/368/2010 du 1er juin 2010 ; ATA/466/2007 du 18 septembre 2007 ; ATA/135/2007 du 20 mars 2007).

c. Le bénéficiaire de bonne foi n'est tenu au remboursement total ou partiel que dans la mesure où il ne serait pas mis, de ce fait, dans une situation difficile (art. 42 al. 1 LASI). Il convient donc de déterminer si le recourant peut être mis au bénéfice de cette disposition.

En l'occurrence, le recourant a été amené à plusieurs reprises à compléter et signer, à la demande de l'hospice, des documents relatifs à sa situation financière exacte et résumant ses obligations, notamment celle d'informer. Il a encore eu à le faire en 2006 et 2007, soit à une époque où il avait déjà reçu une bonne partie des fonds sur le compte bancaire. Dans ces circonstances, c'est de manière intentionnelle qu'il n'a pas informé l'hospice de ces sources de gain, ce qui ne permet pas d'admettre qu'il était de bonne foi. Cette première condition de l'art. 42 al. 1 LASI n’étant pas réalisée, l'intéressé ne peut qu'être tenu au remboursement de la totalité des sommes perçues dont le montant n'est pas contesté (ATA/538/2010 du 4 août 2010).

5. Le recours sera rejeté. La procédure étant gratuite (art 10 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument ne sera perçu.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 mars 2009 par Monsieur M______ contre la décision du 9 février 2009 de l'Hospice général ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Didier Kvicinsky, avocat du recourant, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

 

 

 

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

F. Glauser

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :