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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/985/2002

ATA/60/2003 du 28.01.2003 ( FIN ) , REJETE

Descripteurs : AUXILIAIRE; RESILIATION; FIN
Normes : LPAC.4; LPAC.7; LPAC.24; CST.9
Résumé : Rappel de la notion d'auxiliaire. Le licenciement d'une employée dont le travail et le comportement envers ses collègues laissent à désirer depuis plusieurs mois ne saurait être considéré comme arbitraire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 28 janvier 2003

 

 

 

dans la cause

 

 

Madame B. B.

représentée par Me Gilbert Bratschi, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

 

OFFICE DU PERSONNEL DE L'ETAT

 



 

EN FAIT

 

1. Madame B. B., domiciliée à Genève, a travaillé du 1er septembre 2000 au 28 février 2001 au département de justice, police et sécurité (ci-après : le département) dans le cadre d'une occupation temporaire cantonale. Elle était affectée à la réception guichets et accueil à l'office cantonal de la population (ci-après : OCP).

 

2. Dès le 1er mars 2001, Mme B. a été engagée pour une durée maximale de trente-six mois en qualité d'auxiliaire, commise administrative 3, à l'OCP, section des frontaliers. La lettre d'engagement précisait que Mme B. était soumise aux dispositions de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et son règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics du 24 février 1999 (RLPAC - B 5 05.01).

 

3. Une première évaluation a eu lieu après trois mois d'activité. Les prestations de Mme B. ont été qualifiées de suffisantes, voire bonnes dans leur ensemble. Elles étaient réalisées dans un cadre de bonne motivation et dans un contexte d'intérêt à la tâche évident (entretien périodique développement du personnel du 22 juin 2001).

 

Une nouvelle appréciation a eu lieu après un an, soit le 11 mars 2002. Les prestations étaient qualifiées de tout à fait suffisantes et passibles de mieux.

 

4. En date du 24 avril 2002, Mme B. a été affectée au service des fonctionnaires internationaux.

 

Dès son entrée en fonction, des difficultés ont surgi tant dans l'exécution du travail que dans ses rapports avec ses collègues. Il est apparu que Mme B. commettait des erreurs dans le travail de saisie, que ses rapports avec ses collègues étaient difficiles, voire houleux, que lorsqu'elle était malade elle en avertissait sa supérieure hiérarchique avec retard. Le 28 mai 2002, un incident s'est produit, à savoir que Mme B. aurait manipulé des documents se trouvant sur le bureau de son supérieur hiérarchique et ne la concernant pas. Le 30 mai 2002, un nouvel incident a été déclenché en raison d'erreurs de saisie commises par Mme B. et qu'elle ne voulait pas l'admettre.

 

5. Le 31 mai 2002 a eu lieu un entretien périodique après un mois et demi d'activité. Toutes les prestations de Mme B. ont été qualifiées d'insuffisantes. Son travail, tant par la qualité que par la quantité, ne correspondait pas du tout au profil de la personne demandée. Il en allait de même quant à son attitude envers ses collègues avec qui elle n'était pas parvenue à s'entendre. Au vu des incidents dont elle était à l'origine et malgré plusieurs entretiens, la poursuite de la collaboration avec Mme B. au sein de la section était impossible.

 

Mme B. a immédiatement contesté cette évaluation qui lui paraissait plus que partiale, tout en précisant : "Cette section 13 ayant depuis des années des problèmes d'intégration pour les personnes venant d'un autre service".

 

6. Le 3 juin 2002, le directeur de l'OCP et le directeur adjoint se sont réunis en présence de Mme B. pour faire le point de la situation.

 

Le 6 juin 2002, ces mêmes personnes ont reçu Mme B. et Monsieur R. P.. A cette occasion, le parcours de Mme B., depuis son arrivée à l'OCP, a été retracé. Il est apparu qu'en février 2001, celle-ci avait postulé en tant que guichetière au service accueil mais que le chef de section et son remplaçant avaient renoncé à engager Mme B., estimant qu'elle ne correspondait pas au profil recherché. C'est alors que le directeur de l'OCP avait décidé de donner une deuxième chance à Mme B. en l'engageant, dès le 1er mars 2001, en tant que commise administrative à la section des frontaliers. Dans le cadre de cette section, même si les prestations de l'intéressée avaient été suffisantes, il y avait eu à nouveau un problème relationnel avec le groupe, Mme B. ayant critiqué ouvertement plusieurs collègues de travail ainsi que le chef de cette section.

 

Dans ces conditions, la direction de l'OCP avait décidé de déplacer Mme B. à la section des internationaux. Très rapidement, le chef de section avait constaté l'incapacité de Mme B. à remplir son rôle tant sur le plan de ses prestations qu'au niveau relationnel. Ainsi, face à cette situation d'échec, la hiérarchie avait été amenée à prendre la décision de mettre fin aux rapports de service.

 

7. Par courrier recommandé du 19 juin 2002, l'office du personnel de l'Etat (OPE) a résilié le contrat de Mme B., avec effet au 1er octobre 2002. Dite décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

 

8. Dans l'intervalle, soit par courrier daté du 15 juin 2002 et réceptionné à l'OCP le 24 juin 2002, Mme B. a adressé à son employeur deux certificats médicaux attestant une incapacité totale de travail pour raison d'accident jusqu'à mi-juillet 2002.

 

9. Sous la plume de son conseil, Mme B. a contesté catégoriquement l'allégation contenue dans la lettre de congé du 19 juin 2002, selon laquelle la soi-disant insuffisance de ses prestations ne permettrait pas de maintenir les rapports de service.

 

10. Le 4 juillet 2002, l'OPE a confirmé à Mme B. que le congé signifié le 19 juin 2002 était nul et que cette décision serait renouvelée en temps opportun.

 

11. Le 18 septembre 2002, l'OPE a notifié à Mme B. une résiliation des rapports de service avec effet au 31 décembre 2002. La décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

 

12. Le 4 octobre 2002, le chef des ressources humaines du département a confirmé au conseil de Mme B. que cette dernière n'avait pas su saisir les diverses chances qui lui avaient été données et qu'une affectation dans un autre service du département n'était pas envisageable. Référence était faite au surplus à la lettre de licenciement du 18 septembre 2002.

 

13. Mme B. a saisi le Tribunal administratif d'un recours contre la décision précitée, par acte du 24 octobre 2002. Elle conclut à l'annulation de la décision et à sa réintégration au sein de l'administration cantonale, avec suite de frais et dépens à charge de l'Etat.

 

14. Dans sa réponse du 15 novembre 2002, l'OPE s'est opposé au recours. Le délai de congé avait été respecté. S'agissant du licenciement d'un auxiliaire, il fallait reconnaître à l'administration un très large pouvoir d'appréciation, à l'instar de celui dont elle disposait pour le licenciement d'un employé. Les griefs relatifs au niveau relationnel ainsi que les lacunes professionnelles et de caractère établissaient les multiples manquements de Mme B. aux devoirs du personnel au sens des articles 20, 21 lettres a et c, 22 alinéa 1 et 24 alinéa 1 RLPAC.

 

15. Le Tribunal administratif a entendu les parties en audience de comparution personnelle le 9 décembre 2002.

 

Mme B. a confirmé qu'elle avait accepté son transfert à la section des fonctionnaires internationaux, car elle avait considéré qu'il s'agissait d'une promotion. Elle ne se souvenait pas que son travail dans cette section ait donné lieu à des observations de la part de ses collègues, ni de ses supérieurs hiérarchiques. Elle a fait allusion à des difficultés relationnelles et des incidents survenus avec une collègue qu'elle a qualifié être "d'un naturel agressif". Elle a demandé à connaître les réels motifs de son licenciement.

 

Le directeur de l'OCP présent à l'audience a indiqué que Mme B. avait été licenciée parce qu'elle avait un comportement de chef, sans en avoir ni les compétences, ni les qualités. Elle était individualiste, elle avait de la peine à écouter et à recevoir des conseils, en un mot elle savait tout. Le directeur de l'OCP a encore précisé que lorsqu'il avait été informé des difficultés que le service des fonctionnaires internationaux rencontrait avec Mme B., il avait requis une évaluation intermédiaire. En effet, c'est lorsqu'il y avait eu des problèmes à la section des internationaux en mai 2002 qu'il s'était rendu compte que Mme B. perturbait le travail de la section. A ce moment-là, la direction a fait le lien avec les problèmes qui s'étaient produits à la section guichet. Toutefois, avant de prononcer le licenciement de Mme B., il avait cherché s'il était possible d'organiser un transfert de Mme B. dans le service où elle avait travaillé antérieurement, mais les chefs de service s'y étaient opposés.

 

Mme B. s'est encore exprimée au sujet d'un tiers, collaborateur de l'OCP, dont le directeur de ce service lui aurait montré le dossier, ce que ce dernier a contesté énergiquement.

 

A la demande des parties, un délai leur a été accordé au 15 janvier 2003 pour présenter leurs observations.

 

16. Dans leurs écritures respectives des 14 janvier 2003 pour Mme B. et 15 janvier 2003 pour l'OPE, chaque partie a campé sur ses positions.

 

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. L'article 4 LPAC énumère les catégories dont est composé le personnel de la fonction publique, au nombre desquelles figurent les auxiliaires.

 

Selon l'article 7 LPAC, est un auxiliaire le membre du personnel engagé en cette qualité pour une durée déterminée ou indéterminée aux fins d'assumer des travaux temporaires (al. 1).

 

L'article 20 LPAC a pour objet les délais de résiliation. Lorsque les rapports de service ont duré plus d'une année, le délai de résiliation est de trois mois pour la fin d'un mois (al. 3).

 

Aux termes de l'article 24 LPAC, les rapports de service prennent fin à l'échéance du contrat conclu pour une durée déterminée (al. 1). Lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut mettre fin aux rapports de service en respectant le délai de congé. L'intéressé est entendu par l'autorité compétente; il peut demander que le motif de la résiliation lui soit communiqué.

 

3. Les rapports de service sont régis par des dispositions statutaires (art. 3 al. 4 LPAC) et le Code des obligations ne s'applique plus à titre de droit public supplétif à la question de la fin des rapports de service (Mémorial des séances du Grand Conseil, 1996, VI, p. 6360). Le licenciement d'un membre du personnel de l'administration cantonale est donc uniquement soumis au droit public et doit respecter les droits et principes constitutionnels, tels que le droit d'être entendu, l'égalité de traitement, l'interdiction de l'arbitraire et la proportionnalité (eodem loco, p. 6351 et les références citées; ATA da R. du 18 avril 2000 et P. I. du 16 novembre 1999). Le pouvoir de l'autorité est limité au contrôle formel du licenciement.

 

4. En l'espèce, la recourante a été licenciée une première fois pour le 30 septembre 2002 par une lettre recommandée du 19 juin de la même année. Elle s'est exprimée sur ce licenciement sous la plume de son conseil le 27 juin 2002, relevant notamment qu'elle était en incapacité totale de travail depuis le 5 juin 2002. En conséquence, une nouvelle lettre de licenciement lui a été adressée le 18 septembre 2002 pour le 30 décembre 2002. Le délai de trois mois pour la fin d'un mois prévu à l'article 20 alinéa 3 LPAC a donc été respecté.

 

Au surplus, il ressort du dossier de la cause que l'intéressée a été entendue par l'autorité compétente, à deux reprises - dont une fois accompagnée d'un syndicaliste de son choix -, avant que la décision de licenciement ne soit prise. Par la suite, elle a encore eu l'occasion d'exprimer, sous la plume de son conseil, de son désaccord au sujet des reproches qui lui étaient adressés, de telle sorte qu'il faut convenir que le droit d'être entendu de la recourante a été pleinement respecté.

 

5. Il convient d'examiner si le congé est arbitraire au sens de l'article 9 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (RS 101). Le fait que le Tribunal fédéral n'ait pas reconnu au principe de l'interdiction de l'arbitraire une portée plus étendue que sous l'empire de l'article 4 de l'ancienne Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1874 (aCst), ne conduit pas à une nouvelle restriction du pouvoir d'examen du tribunal de céans qui reste donc identique à celui qu'il a exercé dans le passé (cf. ATA da R. et P. I. précités).

 

Selon la définition traditionnelle, une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une règle de droit ou un principe juridique clair ou indiscuté ou lorsqu'elle contredit de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 128 I 177 consid. 2 p. 182). Pour ce qui est du Tribunal fédéral, il ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci est insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. Il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable, encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans son résultat (eodem loco et ATF 104 V 167 consid. 2b p. 139).

 

Au début de son engagement au sein de l'administration, la recourante a donné pleine satisfaction à ses supérieurs (entretiens périodiques des 22 juin 2001 et 11 mars 2002). En revanche, dès la nouvelle affectation de la recourante à la section des fonctionnaires internationaux des difficultés essentiellement relationnelles se sont manifestées. Dans un contexte qui s'est dégradé manifestement, l'évaluation intermédiaire demandée par le directeur de l'OCP un mois et demi après la prise des nouvelles fonctions est parfaitement compréhensible. Il s'inscrit d'ailleurs dans le cadre de l'article 13 LPAC qui prévoit précisément que chaque membre du personnel n'ayant pas le statut de fonctionnaire fait l'objet d'une appréciation. A cette occasion, les reproches formulés à l'encontre de la recourante concernaient aussi bien la qualité du travail fourni que son comportement envers ses collègues (entretien personnel du 31 mai 2002). Dans le cadre de la procédure, il est apparu que de telles difficultés existaient antérieurement, soit quasiment dès l'engagement de la recourante au sein de l'OCP (déclaration Vallotton, procès-verbal de comparution personnelle du 9 décembre 2002, p. 5). C'est d'ailleurs en raison de ces difficultés qu'était intervenu un premier transfert de la recourante du service d'accueil à la section des frontaliers. Le déplacement de la recourante à la section des internationaux dès le mois d'avril 2002 procédait des mêmes difficultés.

 

Selon la jurisprudence du Tribunal administratif, des insuffisances d'ordre relationnel ayant pour incidence une impossibilité de travailler en équipe, sont susceptibles de constituer des raisons graves justifiant le licenciement du fonctionnaire au sens de l'article 23 LPAC (ATA Z. du 21 janvier 2003; ATA H. du 6 mars 2001 et les références citées). De tels manquements peuvent donc fonder le licenciement d'un auxiliaire, mesure qui ne requiert pas nécessairement une raison grave comme celui d'un fonctionnaire.

 

6. Au vu de ce qui précède, et dès lors que des manquements relationnels constituent le motif du licenciement de la recourante, on ne saurait considérer que la décision entreprise viole le principe de l'interdiction de l'arbitraire ni davantage celui de la proportionnalité, aucune mesure moins incisive à l'égard de la recourante n'étant plus envisageable, le licenciement querellé ayant été précédé de deux transferts.

 

7. Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

 

Un émolument de procédure de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 LPA).

 

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

 

 

déclare recevable le recours interjeté le 24 octobre 2002 par Madame B. B. contre la décision de l'office du personnel de l'Etat du 18 septembre 2002;

 

au fond :

 

 

 

le rejette ;

 

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'500.-;

 

communique le présent arrêt à Me Gilbert Bratschi, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'office du personnel de l'Etat.

 


 

 

Siégeants : M. Paychère, président, M. Thélin, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges, M. Mascotto, juge suppléant.

 

 

 

 

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. : le vice-président:

 

M. Tonossi F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci