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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3287/2009

ATA/560/2010 du 31.08.2010 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ; FONCTIONNAIRE ; EMPLOYÉ PUBLIC ; POLICE ; POLICE JUDICIAIRE ; SANCTION ADMINISTRATIVE ; RAPPORTS DE SERVICE ; MESURE DISCIPLINAIRE ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; MOTIVATION DE LA DÉCISION ; PRESCRIPTION ; INTÉRÊT PUBLIC ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : Cst.29 ; LPol.36 ; LPol.37
Résumé : : Sanction disciplinaire (services hors tours) prononcée par la cheffe de la police contre un policier ayant frappé une personne menottée. Abus du pouvoir d'appréciation retenu en l'espèce et peine jugée disproportionnée, eu égard à différents éléments relevant de la situation personnelle de l'intéressé, non pris en compte par l'autorité intimée. En effet, si le juge administratif ne peut s'écarter sans raison des faits établis par la procédure pénale, il apprécie les conséquences qu'il convient d'en tirer d'un point de vue disciplinaire à l'aune des principes régissant le droit administratif.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3287/2009-FPUBL ATA/560/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 31 août 2010

 

dans la cause

 

Monsieur X______
représenté par Me Olivier Jornot, avocat

contre

LA CHEFFE DE LA POLICE


 



EN FAIT

1) Monsieur X______, né en 1977, exerce la fonction d'inspecteur principal adjoint auprès de la police judiciaire. Il est marié et père de deux enfants mineurs.

2) Dans la nuit du 7 au 8 août 2004, un incident mettant en cause son comportement est survenu alors qu'il était chargé d'exercer des missions de surveillance dans le cadre des Fêtes de Genève.

3) Le 8 août 2004, M. X______ a été entendu par la police judiciaire au sujet de ces faits, puis inculpé aux côtés d'autres représentants de la force publique impliqués dans l'événement.

4) Le 9 août 2004, Monsieur Y______, chef ad intérim de la police judiciaire, a demandé au Conseil d'Etat de prononcer la suspension provisoire de M. X______ à raison des faits précités.

5) Le 10 août 2004, la présidente du département de justice et police et de la sécurité, devenu depuis le 3 décembre 2009, le département de la sécurité, de la police et de l'environnement (ci-après : le département) a ordonné l'ouverture d'une enquête administrative concernant le comportement de M. X______ et prononcé la suspension de cette procédure dans l'attente de l'issue de la procédure pénale en cours.

6) Le 12 août 2004, le Conseil d'Etat a suspendu provisoirement de ses fonctions M. X______ avec effet immédiat, sans suspension de traitement.

7) Le 20 octobre 2004, il a prononcé sa réintégration dans des fonctions administratives jusqu'à l'issue de l'enquête administrative.

8) Le 4 mai 2007, M. X______ a fait l'objet d'une ordonnance de condamnation prise par Monsieur le Procureur général, le reconnaissant coupable d'abus d'autorité, de lésions corporelles simples aggravées et d'injures et le condamnant à cent vingt jours-amende à CHF 80.-, avec sursis (délai d'épreuve de trois ans).

9) Le même jour, Monsieur Z______, collègue direct de M. X______, a été reconnu coupable d'abus d'autorité et de lésions corporelles simples aggravées et condamné à "soixante jours de travail général, sous déduction de dix jours-amende, correspondant à dix jours de détention avant jugement", avec sursis (délai d'épreuve de deux ans), selon ordonnance de M. le Procureur Général.

10) Le 16 mai 2007, M. X______ a fait opposition à cette ordonnance par-devant le Tribunal de police (ci-après : TP).

11) Par jugement du 11 janvier 2008 définitif et exécutoire, cette juridiction a annulé l'ordonnance précitée et libéré M. X______ du chef d'accusation de lésions corporelles simples aggravées. Il a réduit la peine à quatre-vingt jours-amende à CHF 80.- avec sursis (délai d'épreuve de deux ans).

12) Les faits retenus par ce tribunal, intégralement reconnus par M. X______, sont les suivants.

Lors des fêtes de Genève, dans la nuit du 7 au 8 août 2004, vers 01h15, une rixe a éclaté entre deux groupes de jeunes gens au Jardin anglais, à la hauteur de l'horloge fleurie, à laquelle Monsieur W______ participait activement. Engagés cette nuit-là pour effectuer des missions de surveillance dans le périmètre, MM. Z______ et X______, tous deux inspecteurs de la police judiciaire, sont intervenus.

M. Z______, muni d'un brassard de police au bras droit, a sorti son bâton tactique et s'est approché de deux individus se bagarrant, en criant "police, arrêtez !" et en tentant de les séparer. La communication radio ayant échoué, M. X______ est parti chercher en renfort les gendarmes du "PC Fêtes de Genève" se trouvant à proximité.

Alors que ce dernier rejoignait M. Z______, M. W______ s'est précipité sur ce dernier et l'a frappé violemment au visage, puis est parti en courant. Un inspecteur de la police judiciaire se trouvant là à titre privé avec des amis, a poursuivi M. W______ en appelant les gendarmes en renfort. Avec l'aide de M. X______, ceux-ci ont alors interpellé M. W______.

Lors de cette interpellation, M. X______ a utilisé son bâton tactique et frappé à la cuisse M. W______, qui se débattait, pour le maîtriser. Il a ensuite rejoint M. Z______, qui recevait des soins au "PC Sanitaire". L'infirmière ayant constaté une fracture ouverte de sa mâchoire inférieure, elle l'a invité à se rendre directement aux urgences de l'Hôpital cantonal.

MM. X______ et Z______ se sont alors rendus au PC Police pour annoncer leur départ. A cet endroit se trouvaient deux gendarmes et une adjudante de gendarmerie ainsi que M. W______ couché à même le sol, sur le ventre ou sur le côté, les bras derrière le dos avec des menottes aux poignets.

M. X______ a traité M. W______ de "connard" et s'est mis à le frapper en lui donnant des coups de pied dans les jambes. Aussitôt après, M. Z______ a porté plusieurs coups violents à M. W______ dans différentes parties du corps, y compris au visage, parfois à l'aide de son bâton tactique.

M. X______ est alors intervenu auprès de son collègue, verbalement d'abord puis en lui saisissant le bras et en le tirant vers lui, pour faire cesser ses agissements, qui ont causé à M. W______ un traumatisme avec fracture non déplacée de l'os malaire droit, une fracture de l'os sphénoïdal droit avec pneumo-encéphale en regard de la fracture, un hématome de l'hémiface gauche et un hématome à l'omoplate droite. Il a également présenté un état de stress post-traumatique.

Le coup porté par M. W______ à M. Z______ a causé à ce dernier une fracture complète et ouverte de la mandibule au niveau du menton, une fracture de l'articulation de la mandibule du côté gauche et un descellement d'une dent. Ces lésions ont nécessité dans les heures qui ont suivi une opération sous narcose de six heures, une hospitalisation de cinq jours et une incapacité de travail d'environ un mois.

M. Z______ a allégué, dans la procédure, qu'il avait "pété un plomb" en voyant M. W______ dans le PC Police et qu'il l'avait frappé après M. X______, sans plus se souvenir de quelle façon ni combien de fois.

13) Dans le cadre de la procédure pénale, ces deux inspecteurs ont regretté leur geste et demandé des excuses à M. W______.

14) Le 31 mars 2008, le département a ordonné la reprise de l'enquête administrative et confié cette dernière à Monsieur V______, commissaire de police.

15) Le 27 juin 2008, M. X______ a été entendu par cet enquêteur.

16) Le même jour, M. V______ a adressé son rapport à Madame T______, cheffe de la police, et recommandé "le prononcé d'une sanction administrative".

M. X______ se remémorait plus facilement les agissements des autres que les siens propres. Dès le début de l'affaire, il avait cherché à minimiser ses actes et montrait de la difficulté à admettre la gravité des faits qui lui étaient reprochés. Or, son comportement avait été indigne d'un policier. Il violait, outre la loi pénale, les ordres de service (ci-après : OS) sur le comportement du policier ainsi que le code de déontologie de la police genevoise.

17) Le 27 octobre 2008, la cheffe de la police a proposé au département une dégradation à titre de sanction.

Les faits établis par la procédure pénale et confirmés lors de l'enquête administrative avaient révélé un comportement contraire aux devoirs les plus élémentaires d'un policier. Ils étaient constitutifs d'une infraction aux prescriptions de service (OS 8 A 1).

M. X______ avait un antécédent sur le plan disciplinaire. Le 5 février 2004, un blâme lui avait été infligé pour voyeurisme et usage abusif de sa carte de police.

Il avait, en revanche, fait l'objet de cinq lettres de félicitations entre 2000 et 2007.

18) Le 5 novembre 2008, le Conseil d'Etat, déférant à une demande de M. X______ a autorisé sa hiérarchie à le réaffecter à une brigade opérationnelle conformément à son souhait si l'occasion se présentait.

19) Le 8 décembre 2008, M. V______ a complété son rapport à la demande de l'autorité intimée.

Les règles violées par M. X______ se trouvaient aux paragraphes 1, 2 et 5 du code de déontologie de la police genevoise et dans les OS suivants, dans leur teneur au moment des faits : droit disciplinaire (OS 1 A O, par. 1.1 et 2.1), comportement des policiers (OS 1 A 1C, par. 1), contrainte physique (OS 8 A 1), contrainte physique (OS 8 A 1A, par. 1) et contrainte (OS 8 A 1A).

20) Le 20 janvier 2009, M. X______ a été entendu par Monsieur S______, président du département.

Sa hiérarchie avait reçu de nouvelles lettres de félicitations qui louaient les services qu'il avait récemment rendus dans le cadre de ses fonctions.

M. V______ lui reprochait dans son rapport de ne pas avoir pris conscience de la gravité d'infractions pour lesquelles il avait été finalement acquitté (lésions corporelles simples aggravées).

La sanction administrative devrait respecter une certaine égalité de traitement avec celle infligée à M. Z______. Il était absurde d'envisager sa dégradation, car il avait été promu, de par la loi, au grade d'inspecteur principal adjoint pendant les procédures pénale et administrative.

Outre la sanction pénale endurée, il avait été "confiné" dans un bureau pendant plus de quatre ans.

Les évaluations de son travail étaient bonnes et sa hiérarchie était contente de ses services.

Enfin, les faits remontaient à presque cinq ans.

Il concluait à la prise d'une sanction administrative "inférieure à la dégradation".

21) A cette occasion, le président du département a imparti à l'intéressé un délai au 30 janvier 2009 pour faire valoir d'éventuelles observations complémentaires.

22) Le 29 janvier 2009, M. X______ a proposé qu'une peine en services hors tour lui soit infligée (un tel service correspondant à une tranche de quatre heures de travail non rémunéré).

Il confirmait ses déclarations du 20 janvier 2009.

Le rapport d'enquête dressé par M. V______ était imprécis, lacunaire et se fondait sur un état de faits plus grave que celui retenu par le TP.

Malgré l'arrêté du 5 novembre 2008 le réintégrant pleinement dans ses fonctions, sa hiérarchie ne l'avait pas changé d'affectation, de sorte qu'il restait, quatre ans et six mois après les faits, exclu du terrain, ce qui représentait pour lui une sanction.

Une dégradation intervenant dans ce contexte et alors qu'il avait été promu au grade d'inspecteur principal adjoint en application de l'art. 27 al. 2 de la loi sur la police, du 27 octobre 1957 (LPol - F 1 05) serait disproportionnée.

23) Le 9 février 2009, le département a prononcé la clôture de l'enquête administrative et transmis le dossier à la cheffe de la police pour le prononcé d'une sanction relevant de sa compétence. Référence était faite à l'art. 36 al. 2 LPol.

24) Le 3 juillet 2009, la cheffe de la police a ordonné l'ouverture d'une procédure disciplinaire à l'encontre de M. X______.

25) Le 7 juillet 2009, l'intéressé a été entendu par la cheffe de la police.

Il s'est référé, pour l'essentiel, aux déclarations qu'il avait tenues dans les procédures antérieures. Il souhaitait être réintégré dans une brigade opérationnelle. Il avait entamé des études de droit et souhaitait travailler dans l'avenir au sein de la brigade financière. Il souhaitait s'investir pleinement dans son travail et se réjouissait que ces cinq années de procédure se terminent. Il regrettait son geste et en assumerait les conséquences. Il avait compris désormais comment agir dans de telles circonstances et des faits similaires ne se reproduiraient plus.

A l'issue de cette audience, la cheffe de la police a accordé à l'intéressé un délai de trente jours pour formuler par écrit d'éventuelles observations.

26) Le 6 août 2009, M. X______ a confirmé ses conclusions prises le 29 janvier 2009 dans son courrier adressé au président du département, sans développer de nouveaux arguments.

27) Le 7 août 2009, alors qu'elle n'avait pas pris connaissance du courrier précité, la cheffe de la police a infligé à M. X______, une peine de cent vingt services hors tour en se fondant sur l'art. 36 LPol.

La voie de recours auprès du chef du département était indiquée.

L'intéressé avait enfreint gravement les OS régissant le comportement des policiers (OS 1 A 0, 1 A 1C et 8 A 1 dans leur ancienne teneur).

Il était toutefois tenu compte du temps écoulé depuis les événements.

28) Le 11 août 2009, le conseil de M. X______ a informé le département qu'il avait envoyé les observations de ce dernier dans le délai imparti et relevé l'indication erronée de la voie de recours.

29) Le 17 août 2009, la cheffe de la police a pris acte du dépôt à temps des observations de M. X______.

Celles-ci ne contenaient aucun fait ou argument nouveau qui n'ait été exposé précédemment dans les nombreux échanges de courriers et auditions effectuées. La décision du 7 août 2009, qui prenait en compte tous ces éléments, était ainsi pleinement valable.

Cette décision était susceptible de recours auprès du Tribunal administratif. Le délai de trente jours ne commencerait à courir que dès réception de ce courrier.

30) Le 9 septembre 2009, M. X______ a recouru auprès du Tribunal administratif "contre la décision du 7 août 2009". A titre principal, il conclut à ce que la nullité de cette dernière soit constatée. Il demande, subsidiairement, son annulation et sollicite l'octroi d'une indemnité de procédure.

En rendant une décision avant l'échéance du délai qu'elle lui avait imparti pour déposer ses observations, la cheffe de la police avait violé son droit d'être entendu. Certes, il avait pu s'exprimer à de nombreuses reprises, y compris oralement, avant la prise de la décision. Toutefois, dès lors qu'elle requis une prise de position complémentaire, elle aurait dû attendre celle-ci avant de prendre sa décision.

Ce droit constitutionnel était également violé sous l'angle de la motivation de la décision, car celle-ci n'indiquait pas sur quels faits la sanction se fondait. Rien ne figurait en outre sur la situation personnelle et le comportement professionnel de M. X______.

Seules les infractions pénales retenues dans le jugement du TP pouvaient être reprochées à M. X______. Celles-ci se limitaient à avoir traité M. W______ de "connard" et à quelques coups de pied. Aucun autre fait ne pouvait lui être reproché.

Ces violations entraînaient la nullité de la décision, en application de l'ancien, comme du nouveau droit.

La cheffe de la police était en outre incompétente pour prendre la décision attaquée. Selon l'art. 36 al. 3 LPol, le chef du département était compétent pour prononcer la réduction de traitement pour une durée déterminée. La compétence de porter atteinte à la rémunération des fonctionnaires de police incombait ainsi à lui seul. Une sanction de cent vingt services hors tour correspondait à une suspension de traitement de cent jours, soit de quatre mois. En confiant à la cheffe de la police le soin de prendre une décision relevant de sa compétence sous la forme de services hors tour, le chef du département avait manifesté sa volonté qu'une sanction ne correspondant pas à une réduction de salaire de quatre mois soit prise. En infligeant à M. X______ une sanction si lourde, la cheffe de la police avait contourné la loi et s'était arrogée des compétences qu'elle n'avait pas.

La poursuite disciplinaire était enfin prescrite.

Sur le fond, la décision entreprise violait le principe de la proportionnalité. La sanction équivalait, compte tenu du salaire mensuel net de CHF 5'800.- de M. X______, à une "amende" de CHF 23'200.-. Or, la peine pécuniaire infligée par le TP pour ces faits (quatre vingt jours-amende à CHF 80.-) totalisait CHF 6'400.-.

La décision ne tenait aucunement compte de l'écoulement du temps, ni de la qualité de l'engagement de M. X______ dans son travail et des nombreuses félicitations qu'il avait reçues.

31) Le 30 octobre 2009, la cheffe de la police a répondu au recours et conclu à son rejet après avoir préalablement demandé l'apport des procédures pénale et administrative relatives à M. Z______.

Le délai accordé à M. X______ pour se prononcer une dernière fois dans le cadre de la procédure disciplinaire avait été un délai de pure forme donné par souci de convenance, aucun élément ne pouvant plus être ajouté au nombre important de déclarations et lettres du recourant ayant jalonné les différentes procédures ouvertes suite aux faits précités. Dans ses dernières observations, le recourant avait lui-même indiqué que sa missive n'avait pour but que d'"insister sur des éléments déjà largement débattus".

Dans sa décision, la cheffe de la police s'était principalement fondée sur le jugement du TP du 11 janvier 2008, dans lequel la culpabilité du recourant avait été minutieusement examinée. La décision entreprise renvoyait expressément à ces éléments.

Le droit d'être entendu n'avait été violé sous aucun de ses aspects.

Le délai de prescription de l'action disciplinaire arrivait à échéance le 10 août 2009 (délai relatif de cinq ans et art. 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). La prescription n'était ainsi juste pas atteinte lorsque l'autorité intimée avait pris sa décision.

La cheffe de la police était compétente pour infliger des services hors tour en vertu de l'art. 36 LPol qui ne contenait pas de limite de quotité.

Le principe de la proportionnalité n'était pas violé. M. X______ avait frappé un individu allongé à même le sol, les bras derrière le dos et les poignets menottés, non agressif, silencieux et ne représentant d'aucune façon un danger ou une menace pour la sécurité, ainsi que l'avait relevé le TP. La cheffe de la police avait pris en compte le peu de moralité d'un représentant garant de l'ordre public qui frappait un homme se trouvant à sa merci. Le temps écoulé entre l'agression par M. W______ de M. Z______ et les représailles incriminées avait également plaidé en faveur de la sévérité de la sanction. Le sang-froid et l'excellente maîtrise par M. X______ de ses émotions, très apprécié dans son service, attestait en revanche dans le cas d'espèce, de l'esprit de vengeance qui l'avait habité. En se servant de ses capacités à des fins criminelles, le recourant avait manqué gravement à ses devoirs de service, raison pour laquelle sa dégradation avait initialement été demandée. Malgré les éléments favorables à l'accusé dûment énumérés dans son jugement, le TP avait opté pour une peine sévère à l'endroit de M. X______. Il y avait lieu, dans un souci de cohérence, de suivre cette option dans la procédure disciplinaire.

Enfin, le comportement de l'intéressé était beaucoup plus répréhensible que celui de M. Z______ et il était normal que sa sanction soit supérieure à celle prise à l'encontre de ce dernier.

32) Suite à ce courrier, le juge délégué a ordonné l'apport des procédures susmentionnées.

33) Le 29 janvier 2010, M. X______ a répliqué et persisté dans ses conclusions. L'autorité intimée ne pouvait valablement soutenir qu'elle avait imparti au recourant un délai pour déposer des observations, mais que ce délai était de pure forme et qu'elle pouvait ne pas en tenir compte.

Le défaut de motivation de la décision entreprise ne pouvait être réparé par le Tribunal administratif car celui-ci ne disposait pas du même pouvoir d'examen que l'autorité intimée.

La cheffe de la police avait admis l'existence d'un délai de prescription. Elle avait estimé que ce délai était échu le 10 août 2009 en application de l'art. 17 al. 3 LPA, le 8 août 2009 tombant un samedi. Or, seuls les délais de procédure pouvaient être prolongés en application de cette disposition. Les délais de prescription pouvaient venir à échéance n'importe quel jour de la semaine.

L'accomplissement de cent vingt services hors tour faisait passer l'horaire de travail à plus de quarante quatre heures par semaine pendant deux ans. Cette sanction était extrêmement lourde eu égard à la faute commise et pour un père de deux fillettes de trois et cinq ans.

M. Z______ avait été condamné dans la procédure pénale à soixante jours de travail d'intérêt général. Il s'était ensuite vu infliger trente-six services hors tour par la cheffe de la police, le 22 octobre 2008. Le rapport entre les deux sanctions pénales était un facteur de 1,2. Sur le plan administratif, ce rapport était de plus de 3. La mesure était ainsi totalement disproportionnée.

34) Le 15 mars 2010, la cheffe de la police a dupliqué et conclu à l'admission partielle du recours en ce sens que la sanction devait être réduite à cinquante-deux services hors tour.

La peine pénale infligée à M. Z______ avait été interprétée comme soixante heures de travail d'intérêt général correspondant à quinze jours-amende, bien que le Procureur général ait entendu, selon toute vraisemblance, lui infliger deux cent quarante heures de travail d'intérêt général, correspondant à soixante jours-amende. Il convenait de retenir cette première interprétation, plus favorable au recourant. Au vu de celle-ci, la sanction infligée à M. X______ s'avérait disproportionnée.

La sanction de cinquante-deux services hors tour correspondait à la pondération des peines appliquées à M. Z______, d'une part, et à M. X______, d'autre part, dans la procédure pénale, à laquelle quatre services hors tour avaient été rajoutés.

L'augmentation de cette pondération se justifiait par la gravité du comportement du recourant apprécié d'un point de vue disciplinaire. La sanction correspondait à un service hors tour par semaine pendant un an.

35) Le 10 juin 2010, le juge délégué a invité le recourant à se déterminer sur cette nouvelle décision.

36) Ce dernier a déposé ses observations le 30 juin 2010 et persisté dans ses conclusions.

Compte tenu de la nouvelle sanction, M. X______ renonçait à son grief d'incompétence.

Tous les autres griefs étaient maintenus. En particulier, le principe de la proportionnalité restait violé malgré la réduction de la sanction pour deux raisons. D'une part, en basant son calcul sur la pondération existant entre les sanctions pénales infligées à MM. Z______ et X______, l'autorité intimée avait pris en compte l'appréciation déjà retenue par le TP, selon laquelle le comportement de ce dernier était plus répréhensible que celui de M. Z______. La cheffe de la police ne pouvait ainsi pas augmenter encore de quatre services hors tour cette pondération, sans le punir deux fois pour la même chose.

D'autre part, seule cette pondération avait conduit à une réduction de la sanction, les éléments personnels propres à la personne de M. X______ n'ayant pas été pris en compte.

37) Le 6 juillet 2010, les parties ont été informées qu'en l'absence de requête de mesures d'instruction complémentaires, la cause serait gardée à juger.

EN DROIT

1) Le 18 septembre 2008, le Grand Conseil de la République et canton de Genève a modifié la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ -E 2 05). Cette novelle, entrée en vigueur le 1er janvier 2009, répond à l'art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) qui garantit l'accès au juge, et à l'art. 86 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) qui oblige les cantons à instituer des tribunaux supérieurs statuant en dernière instance comme autorités précédant immédiatement le Tribunal fédéral. Elle a notamment entraîné l'abrogation de l'art. 56B al. 4 LOJ et la modification de l'art. 56G LOJ. Ainsi, le Tribunal administratif est désormais compétent pour connaître des recours contre les décisions concernant le statut et les rapports de service des fonctionnaires et autres membres du personnel de l’Etat. En effet, depuis le 1er janvier 2009, la commission de recours des fonctionnaires de police et de la prison (ci-après : CRPP) a également été supprimée. Le recours a donc été interjeté auprès de la juridiction compétente (art. 56A LOJ).

Le délai de recours de trente jours n'ayant commencé à courir que le 18 août 2009 en application de l'art. 47 LPA, en raison d’une indication erronée des voies de droit, le recours est recevable.

2) Ainsi que l'a finalement admis le recourant, la cheffe de la police était par ailleurs bien l'autorité compétente pour prendre la décision attaquée (art. 36 al. 2 LPol).

3) Le recourant soulève que l'action disciplinaire était prescrite au moment où la sanction a été prise. Il convient préalablement de déterminer le droit applicable.

D'une manière générale, s'appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause, les normes en vigueur au moment où ces faits se produisent (P. MOOR, Droit administratif, 2ème éd., Berne 1994, vol 1, p. 170, n. 2.5.2.3.). En matière de sanction disciplinaire, on applique toutefois le principe de la lex mitior lorsqu'il appert que le nouveau droit est plus favorable à la personne incriminée (ATA/283/2007 du 5 juin 2007 ; ATA/197/2007 du 24 avril 2007 consid. 5 ; ATA/182/2007 du 17 avril 2007 consid. 3b ; P. MOOR, op. cit. p. 171).

En l'espèce, les faits reprochés au recourant s'étant déroulés en 2004, c'est la LPol dans sa teneur précédant la modification du 1er janvier 2005 qui s'applique (aLPol), sous réserve du principe de la lex mitior.

4) L'aLPol ne contenait pas de disposition sur la prescription. Lorsqu'il a dû trancher des questions de prescription concernant des infractions commises par des membres de professions libérales - dont les lois topiques régissant leurs professions respectives ne prévoyaient pas de délai de prescription, à l'instar de l'aLPol - le Tribunal administratif a toujours fait application d'une prescription relative de cinq ans et absolue de sept ans et demi, par analogie avec les délais de prescription prévus pour les infractions pénales passibles d'une peine inférieure à un emprisonnement de trois ans fixés par les art. 70 et 72 ch. 2 al. 2 du code pénal alors en vigueur (ATA/283/2007 précité). Le bien-fondé de ces jurisprudences (ATA/616/2005 du 20 septembre 2005 ; ATA/37/2001 du 23 juillet 2001) - qui n'ont plus cours depuis que les notions de prescription absolue et relative ont disparu au gré des révisions successives du code pénal - a toujours été confirmé par le Tribunal fédéral (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.652/2003 du 8 février 2005 consid. 5).

5) Ces délais de prescription sont applicables à un fonctionnaire de police (ACOM/101/2007 du 20 décembre 2007). Le délai de trois ans visé par le recourant et appliqué dans l'ATA/161/2000 du 21 mars 2000 concernait une situation différente, qui ne peut être comparée. Il s'agissait d'une amende infligée par le département des constructions et des technologies de l’information pour l’inobservation d’un ordre de cesser des travaux. L’amende, prononcée le 13 janvier 1995, était prescrite par application de l’art. 137 al. 6 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), dont la teneur en 2000 était la suivante  : "la poursuite des contraventions mentionnées à l’al. 1 se prescrit par trois ans. Les art. 71 et 72 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) sont applicables par analogie, la prescription absolue étant de cinq ans".

Les sanctions prévues à l’encontre des membres des professions libérales s’apparentent davantage à celles énoncées par la LPol. La jurisprudence du Tribunal administratif sur la prescription, développée sous l’ancien droit, et consacrant une prescription relative de cinq ans et absolue de sept ans et demi conserve ainsi toute sa pertinence.

En conséquence, selon le droit en vigueur au moment du comportement incriminé en 2004, le délai de prescription applicable était de cinq ans et de sept ans et demi.

En l'espèce, seule la prescription de sept ans et demi pourrait éventuellement entrer en ligne de compte, la procédure ayant été jalonnée d'actes interruptifs de prescription. Or, même en considérant que la découverte de la violation des devoirs de service correspond au jour de la commission des faits - et non à celui de l'entrée en force du jugement pénal (sur ce sujet, ATA/680/2009 du 22 décembre 2009) - moins de sept ans et demi se sont écoulés depuis l'incident.

En application de l'ancien droit, l'action disciplinaire n'est ainsi pas prescrite.

6) Les modifications de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), entrées en vigueur le 31 mai 2007, ont entraîné plusieurs modifications de la LPol, en introduisant dès cette dernière date un art. 37 al. 6 LPol, dont le contenu est identique à l'art. 27 al. 7 LPAC.

7) Selon le droit actuellement en vigueur, "la responsabilité disciplinaire se prescrit par un an après la découverte de la violation des devoirs de service et, en tout cas, par cinq ans après la dernière violation. La prescription est suspendue, le cas échéant, pendant la durée de l'enquête administrative" (art. 37 al. 6 LPol).

Conformément au texte clair de cette disposition et à la jurisprudence du tribunal de céans, seule l'enquête administrative suspend les délais de prescription de l'action disciplinaire (ATA/680/2009 du 22 décembre 2009). En particulier, l'ouverture d'une "procédure disciplinaire" par le chef de la police, sans enquête préalable ou après la clôture d'une enquête administrative, destinée au prononcé d'une sanction entrant dans son domaine de compétence (blâme ou services hors tours selon l'art. 36 al. 2 LPol), ne suspend pas ces délais.

En l'espèce, les faits reprochés remontent au 8 août 2004. Le département a ordonné l'ouverture d'une enquête disciplinaire le 10 août 2004, assortissant cette mesure d'une suspension dans l'attente de l'issue de la procédure pénale. Cette suspension a pris fin le 9 février 2009, date à laquelle le département a déclaré l'enquête close. Le délai de prescription d'une année a ainsi continué à courir dès ce moment-là. Il n'était donc pas échu le 17 août 2009, lorsque la cheffe de la police a pris la décision attaquée.

Selon le nouveau droit, la prescription relative d'un an n'était ainsi pas atteinte.

8) La prescription absolue de cinq ans ne l'était pas davantage. En effet, comme pour la prescription relative, le délai de prescription absolu peut être prolongé par le législateur (ATF 123 III 213 c 6a, JT 2000 I 208 ; 112 II 231 c. 3e/aa ; F. WERRO, Commentaire romand de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 - Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220), éd. L. THEVENOZ/F. WERRO, Bâle 2003, ad. art. 60 CO n. 22 et 134 CO). Cette solution a été retenue lors de l'introduction de l'art. 37 al. 6 LPol, qui prévoit expressément la suspension de la prescription pendant l'enquête administrative. A cette occasion, la volonté de permettre à l'Etat de sévir dans les cas où une procédure pénale est engagée parallèlement à la procédure administrative, sans risque de voir la prescription absolue de cette dernière atteinte, a été clairement exprimée par le législateur (MGC 2006-2007/VI D/29 - Séance 29 du 23 mars 2007, cf. réf. Papier). Un système similaire a été institué par le législateur fédéral pour les fonctionnaires fédéraux (art. 25 de la loi fédérale sur le personnel de la Confédération du 24 mars 2000 - LPers - RS 172.220.1 et 100 de l'ordonnance sur le personnel de la Confédération du 3 juillet 2001 - OPers - RS 172.220.111.3), ainsi que dans le domaine du droit pénal administratif (11 al. 3 de la loi fédérale sur le droit pénal administratif du 22 mars 1974 - DPA - RS 313.0).

9) En application de l'ancien droit comme du nouveau, l'action disciplinaire n'est ainsi pas prescrite.

10) Le recourant soulève une double violation de son droit d'être entendu (droit d'être entendu au sens strict et défaut de motivation de la décision).

a. Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 133 III 235 consid. 5.3 p. 250 ; Arrêts du Tribunal fédéral 5A.12/2006 du 23 août 2006 consid. 3.1 et les arrêts cités ; 1P.179/2002 du 2 septembre 2002 consid. 2.2 ; ATA/172/2004 du 2 mars 2004 consid. 5b). Sa portée est déterminée en premier lieu par le droit cantonal (art. 41 ss LPA) et le droit administratif spécial (ATF 124 I 49 consid. 3a p. 51 et les arrêts cités ; Arrêt du Tribunal fédéral 2P.39/2006 du 3 juillet 2006 consid. 3.2). Si la protection prévue par ces lois est insuffisante, ce sont les règles minimales déduites de la Cst. qui s’appliquent (art. 29 al. 2 Cst. ; Arrêt du Tribunal fédéral 2P.39/2006 du 3 juillet 2006 consid. 3.2 et les arrêts cités ; A. AUER/G. MALINVERNI/ M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Berne 2006, Vol. 2, 2e éd., p. 603, n. 1315 ss ; B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 198). Quant à l'art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), il n'accorde pas au justiciable de garanties plus étendues que celles découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. (Arrêt du Tribunal fédéral 4P.206/2005 du 11 novembre 2005 consid. 2.1 et arrêts cités).

b. Du point de vue de la motivation de la décision, il suffit que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (Arrêts du Tribunal fédéral 1C.33/2008 du 20 mai 2008 consid. 2.1 ; 1B.255/2007 du 24 janvier 2008 consid. 2.1 et arrêts cités ; ATA/489 2008 du 23 septembre 2008 consid. 7).

11) a. Selon l'art. 37 al. 1 LPol, avant le prononcé par écrit du blâme et des services hors tour, l'intéressé doit être entendu par le chef de la police et invité à se déterminer sur les faits qui lui sont reprochés.

Cette disposition, entrée en vigueur le 31 mai 2007, accorde à la personne incriminée le droit d'être entendu par la cheffe de la police oralement, puis par écrit, avant qu'une décision ne soit prise à son encontre. Elle va au-delà des garanties minimales de procédures consacrées à l'art. 29 al. 2 Cst.

La décision du 7 août 2009 a été prise avant que la détermination du recourant du 6 août 2009 ne soit parvenue à la connaissance de la cheffe de la police, en violation de l'art. 37 al. 2 LPol. Toutefois, après avoir reçu cette détermination, le 17 août 2009, la cheffe de la police a écrit au recourant pour l'informer qu'elle prenait acte de cette écriture, qui lui était parvenue dans le délai imparti, mais qu'elle maintenait néanmoins sa décision initiale au motif que les éléments y figurant avaient d'ores et déjà été pris en compte, ce que le recourant ne conteste d'ailleurs pas. Dans ces circonstances, il y a lieu d'interpréter le courrier du 17 août 2009, qui comporte au surplus l'indication de la voie de recours, comme une nouvelle décision annulant et remplaçant formellement la décision du 7 août 2009 tout en se référant à son contenu.

Cette décision a ensuite elle-même été remplacée par la décision du 15 mars 2010 prise en cours de procédure par l'autorité intimée en application de l'art. 67 LPA, réduisant la sanction à cinquante-deux services hors tour. Sur cette décision, qui constitue désormais l'objet du recours, le recourant a été invité à se prononcer le 10 juin 2010.

L'autorité intimée ayant elle-même réparé le vice dont sa première décision était affectée et le recourant ayant ensuite pu se prononcer sur la réduction de sa sanction en cours de procédure, le droit d'être entendu du recourant n'a pas été violé.

b. La motivation de la décision est par ailleurs suffisante ; les violations aux OS fondant la sanction sont mentionnées, les faits pris en compte sont ceux retenus par la procédure pénale, ainsi qu'il ressort clairement de l'expression "en agissant de la sorte" figurant juste après les références faites au jugement prononcé par le TP. Enfin, les motifs justifiant la quotité de la sanction (manquement grave) et les éléments retenus à décharge sont mentionnés (temps écoulé depuis les faits).

Aucune violation du droit d'être entendu ne saurait ainsi être retenue en l'espèce.

12) Sur le fond, la décision entreprise retient plusieurs infractions. Il est fait d'abord référence à l'OS 1 A O, qui pose le principe selon lequel toute violation aux ordres de services peut faire l'objet d'une sanction disciplinaire. Les violations des prescriptions de service suivantes ont en outre été retenues.

Selon l'OS 1 A 1c, les fonctionnaires de police doivent se comporter avec honnêteté dans l'exercice de leur fonction (al. 1). Ils doivent s'abstenir, dans leurs interventions, d'exercer sur autrui une contrainte physique ou morale excédant ce qui est nécessaire à l'accomplissement des devoirs de fonction (OS 8 A 1 al. 1). Quelles que soient les circonstances, la police se doit de ne pas manquer au respect de la personne humaine. Les fonctionnaires qui contreviendraient à ce devoir élémentaire feront l'objet de mesures pouvant aller jusqu'à la révocation, sans préjudice de poursuites devant les juridictions pénales, s'il y a lieu (OS 8 A 1 al. 4).

En frappant M. W______ et en l'injuriant, M. X______ a incontestablement violé ces dispositions.

La sanction est donc fondée dans son principe.

13) Demeure l'examen de sa quotité, qui doit respecter le principe de la proportionnalité.

Ce dernier exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. Ce principe interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c p. 222 et les réf. citées).

En matière disciplinaire, la sanction n'est pas destinée à punir la personne en cause pour la faute commise ; elle vise à assurer, par une mesure de coercition administrative, le bon fonctionnement du corps social auquel elle appartient. C'est à cet objectif que doit être adaptée la sanction. (ACOM/24/2007 du 26 mars 2007 ; G. BOINAY, Le droit disciplinaire de la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse, in Revue Jurassienne de Jurisprudence [RJJ], 1998, p. 62 ss). Le choix et la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité des violations des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer la protection des intérêts publics recherchée. L'autorité doit tenir compte en premier lieu des éléments objectifs (gravité des violations commises), puis des facteurs subjectifs, tels que les mobiles et les antécédents de l'intéressé. Enfin, elle doit prendre en considération les effets de la peine sur la situation particulière du recourant.

14) En l'espèce, la quotité de la sanction a été fixée par l'autorité intimée sur la base d'une pondération effectuée entre les peines pénales infligées à M. X______ et à M. Z______.

Selon la jurisprudence, l'autorité administrative ne peut s'écarter des constatations de faits du juge pénal que si elle est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de faits inconnus du juge pénal ou que celui-ci n'a pas pris en considération, s'il existe des preuves nouvelles dont l'appréciation conduit à un autre résultat ou si l'appréciation du juge pénal se heurte clairement aux faits constatés, et enfin, si le juge pénal n'a pas élucidé toutes les questions de droit (ATF 124 II 103). Dans l'ATF 119 Ib 158, le Tribunal fédéral a précisé que l'autorité administrative doit même surseoir à statuer jusqu'à droit connu sur le plan pénal, dans la mesure où l'état de faits ou la qualification juridique du comportement litigieux est pertinent dans le cadre de la procédure administrative. On constate ainsi que l'administration se prononce de façon libre sur les questions de droit (ATF 115 Ib 163), mais qu'elle ne peut s'écarter sans motif pertinent de l'avis du juge pénal sur les questions touchant à l'établissement des faits, et même à leur qualification juridique si celle-ci dépend de l'appréciation de faits que le juge pénal connaît mieux que l'autorité administrative (ATF 125 II 402 ; 119 Ib 158).

Si, en application de ces principes, l’autorité intimée ne pouvait s’écarter des constatations de fait du juge pénal, elle pouvait apprécier librement les conséquences qu’il convenait d’en tirer sur le plan administratif.

Le fait que M. X______ ait subi en application du droit pénal une peine 1,3 fois supérieure à celle de M. Z______ relève des conséquences juridiques propres à cette matière (qualification des infractions, etc.) et ne lie pas l’autorité administrative qui doit apprécier le comportement incriminé sous l’angle du droit disciplinaire en toute indépendance.

Le recourant n’est ainsi pas fondé à exiger une application mathématique et mécanique de la pondération des peines effectuées par le juge pénal.

15) Dans une décision du 10 janvier 2002, la CRPP a confirmé la révocation d'un policier condamné pénalement à quatre mois de prison pour abus d'autorité et lésions corporelles (ACOM/1/2002). Elle a fait de même dans le cas d'un fonctionnaire de police-frontière condamné pour abus d'autorité, infraction à la loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers du 26 mars 1931(LSEE - RS 142.20) et violation du secret de fonction (ACOM/133/2000 du 31 août 2000), ainsi que dans celui d'un sous-brigadier de gendarmerie condamné pénalement pour entrave à l'action pénale et violation du secret de fonction (ACOM/95/2006 du 31 octobre 2006). Bien que ces violations soient plus graves que celles commises par le recourant, elles soulignent la nécessité du comportement irréprochable exigé des policiers et de la sévérité de la pratique des autorités chargées de la protection du respect et de la confiance que doit inspirer aux citoyens le corps de police, garant de la sécurité de la personne humaine et du respect de la loi.

D'un point de vue objectif, les actes commis par M. X______ sont graves. En frappant M. W______ en premier et la sanction n'apparaît pas particulièrement sévère au regard de cette jurisprudence.

16) En revanche, hormis le temps écoulé depuis les événements, et bien que l'autorité intimée allègue avoir pris en compte, de manière globale, "tous les éléments retenus par la procédure pénale", la décision entreprise ne fait aucunement référence à la situation personnelle de M. X______.

En matière disciplinaire, l'autorité doit prendre en compte ces éléments pour statuer sur la quotité de la sanction et ne peut se référer, sans autres précisions, aux éléments retenus dans la procédure pénale, qui ne poursuit pas les mêmes buts.

Il y a lieu à cet égard de retenir que M. X______ avait fait précédemment l'objet d'un blâme pour des faits d'une gravité certaine de la part d'un policier (blâme pour voyeurisme et abus de sa carte de police).

Il est cependant père de deux jeunes enfants et la sanction correspond à une augmentation de son horaire de travail d'une demi-journée par semaine pendant cinquante-deux semaines, soit plus d'un an, si l'on prend en compte les vacances de l'intéressé. Malgré son désir d'être affecté dans une brigade opérationnelle, M. X______ a fait preuve d'une grande motivation et disponibilité dans son travail, dans lequel il souhaite s'investir encore pleinement à l'avenir. Ses évaluations sont excellentes et son esprit positif. De nombreuses lettres de félicitations attestent de ses qualités professionnelles. Enfin, son affectation à des tâches administratives pendant près de cinq ans a constitué une forme de sanction pour lui qui souhaitait travailler sur le terrain.

Ces éléments n'ayant pas été pris en compte dans la décision attaquée, ils doivent conduire à une réduction de la sanction, qui sera fixée à quarante services hors-tours, en application du principe de la proportionnalité.

17) Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis.

18) Un émolument réduit de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant qui n'obtient que partiellement gain de cause (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de CHF 1'000.- lui sera par ailleurs allouée, à la charge de l'Etat de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 septembre 2009 par Monsieur X______ contre la décision du 7 août 2009 de la cheffe de la police ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision du 7 août 2009 de la cheffe de la police fixant la sanction infligée à M. X______ à cinquante-deux services hors tours ;

réduit ladite sanction à quarante services hors tours ;

confirme la décision pour le surplus ;

met à la charge de Monsieur X______ un émolument de CHF 500.- ;

lui alloue une indemnité de CHF 1'000.-, à la charge de l'Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt  peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 et ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Olivier Jornot, avocat du recourant, ainsi qu'à la cheffe de la police.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Hurni et M. Dumartheray, juges, M. Torello, juge suppléant.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

F. Glauser

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :