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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1039/2005

ATA/497/2005 du 19.07.2005 ( CH ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 16.09.2005, rendu le 23.12.2005, IRRECEVABLE, 1P.599/2005
Parties : REVILLARD Josiane, repr. par M. DOBLER / CHANCELLERIE D'ETAT, SERVICE DES VOTATIONS ET ELECTIONS
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1039/2005-CE ATA/497/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 19 juillet 2005

dans la cause

 

Madame Josiane REVILLARD

représentée par Monsieur Olivier Dobler, son fils

contre

LA CHANCELLERIE D’ÉTAT


 


1. Mme Josiane Revillard est domiciliée chemin Briquet 26, 1209 Genève. Par procuration datée du 8 avril 2005, elle a donné mandat à Monsieur Olivier Dobler « d’interjeter tout recours » dans le cadre de la procédure électorale relative à l’élection des juges assesseurs du Tribunal cantonal des assurances sociales (ci-après : le TCAS) le 5 juin 2005.

2. Par acte daté du 11 avril 2005 et remis au greffe du Tribunal administratif le même jour, Mme Revillard a contesté deux mesures prises à l’occasion de cette opération électorale : elle a critiqué premièrement l’élection de seize candidats représentant à raison de huit chacun les deux partenaires sociaux - en un collège unique et secondement l’absence d’obligation de préciser à quel partenaire social se rattachait chacun des candidats.

Elle a soutenu avoir pris connaissance des formulaires qu’elle critiquait le dimanche 3 avril 2005, sans autres précisions.

3. Le 22 avril 2005, le Chancelier d’Etat (ci-après : le Chancelier) a répondu au recours : M. Olivier Dobler s’était rendu le 3 mars 2005 au service des élections et votations (ci-après : le SVE) comme cela ressortait d’un message électronique du chef du service adjoint au Chancelier lui-même et à différents fonctionnaires. M. Dobler avait pu s’entretenir avec ce fonctionnaire, qui lui avait expliqué que le département de justice, police et sécurité (ci-après : le DJPS) serait l’autorité compétente pour donner un préavis quant aux candidatures nécessitant que soit reconnue l’équivalence de leur formation. M. Dobler s’était en outre étonné que la représentation paritaire des seize juges assesseurs du TCAS puisse se faire par une seule élection.

Le Chancelier a encore soutenu que la mère du mandataire n’avait pas de volonté propre de recourir, mais que c’était en réalité le dernier nommé qui agissait à travers elle. Or nul ne pouvait plaider par procureur, de telle sorte que le recours devait être déclaré irrecevable. De surcroît, l’intéressé n’avait pas d’intérêt actuel au recours, car une seule liste de candidatures valable avait été déposée dans le délai fixé au 18 avril 2005 à 12h00. Enfin, cette seule liste comportait bien huit représentants des employeurs et huit représentants des employés, de sorte que les craintes de la recourante étaient, en pratique, infondées.

4. Il ressort des pièces déposées par le Chancelier que les publications relatives à l’élection au TCAS ont été faites dans la Feuille d’Avis officielle les vendredi 25 et lundi 28 février 2005. Elles ne comportent pas d’indication particulière quant au caractère paritaire de la représentation des partenaires sociaux, si ce n’est que l’article 57T lettre c de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ - E 2 05) y est cité expressis verbis.

A teneur du dossier vierge de candidature déposé par le Chancelier, la liste des seize candidats aux postes de juge assesseur est d’un seul tenant, comptant seize lignes numérotées de un à seize, et ne permet pas de distinguer les candidats représentant l’un ou l’autre des partenaires sociaux.

5. Le 22 avril 2005 encore, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

6. Le 27 mai 2005, les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle. Mme Revillard, présente, était assistée de son fils, M. Olivier Dobler et la Chancellerie d’Etat a comparu par deux de ses fonctionnaires.

a. La recourante a exposé qu’elle était partie en vacances en France au mois de mars 2005, en tous les cas avant le dimanche des Rameaux, soit avant le 20 mars 2005. Elle avait séjourné dans ce pays avec une amie, mais refusait de donner le nom de cette personne, car cette dernière était en mauvaise santé, souffrant de dépression nerveuse. Elle était vraisemblablement rentrée en Suisse le vendredi 1er avril 2005 et avait déjeuné avec son fils le surlendemain, soit le dimanche 3 avril 2005. A cette occasion, ce dernier lui avait montré spontanément un dossier, tel qu’il l’avait retiré auprès du service des élections et votations, en vue de la désignation des juges assesseurs du TCAS. Elle avait alors constaté qu’on ne pouvait pas distinguer les catégories de candidats, le formulaire imprimé comportant une série de 16 lignes numérotées et vierges. Elle avait hésité sur le moment à déposer un acte de recours et avait confié un mandat en ce sens à son fils le 8 avril 2005.

Sur question du tribunal, la recourante a encore indiqué n’avoir jamais été membre d’un parti politique ou d’un syndicat (même si son mandataire s’était opposé à cette question), en revanche, elle avait été la secrétaire d’un avocat pendant 24 ans et s’intéressait aux questions juridiques.

b. Entendue par la voix de ses deux représentants, la Chancellerie d’Etat a exposé qu’au stade du dépôt des listes de candidatures, elle avait estimé qu’il n’était pas nécessaire de savoir quel candidat représentait quel partenaire social. En cas d’élection ouverte, il aurait été demandé à chacun des candidats d’indiquer à quel partenaire social il se rattachait. Si l’un des partenaires sociaux avait été sur-représenté, il aurait alors été procédé à une élection selon le système majoritaire. S’agissant du partenaire social sous-représenté, il aurait fallu organiser une élection complémentaire.

Dûment interrogée sur la question des représentations, la Chancellerie a reconnu qu’au moment du dépôt des listes, il n’était pas possible de savoir quels candidats représentaient quel partenaire social, mais que la question aurait été posée aux candidats figurants sur la liste et qui auraient fait l’objet d’une proclamation du Conseil d’Etat selon laquelle ils étaient élus tacitement.

La notion de partenaires sociaux n’était pas définie clairement dans la loi. Il s’agissait d’une part, des employeurs et des assureurs et, d’autre part, des salariés et des assurés; la seconde catégorie réunissait outre les salariés, les chômeurs, les retraités, les invalides et les indépendants. Quant à la catégorie des assurés elle permettait d’y faire entrer « n’importe qui », notamment un employeur en tant que personne physique.

A la suite de l’arrêt rendu par le Tribunal administratif dans la cause Association suisse des assurés ou « Assuas » ; (cf. ATA/340/2005 du 11 mai 2005), une seconde liste avait été enregistrée le 11 mai 2005. La Chancellerie avait alors écrit aux mandataires de chacune des listes pour qu’ils indiquent l’appartenance de leurs candidats à chacun des partenaires sociaux. La Chancellerie d’Etat connaissait toutefois déjà cette répartition.

Sur question de la recourante, la Chancellerie d’Etat a indiqué qu’il n’avait pas été prévu de contrôler si les représentants des employeurs l’étaient effectivement.

A l’issue de l’audience de comparution personnelle des parties, celles-ci ont renoncé à déposer de nouvelles écritures et se sont vues impartir un délai au 10 juin 2005 pour déposer les pièces dont elles entendaient se prévaloir, la cause étant alors gardée à juger.

7. Le 14 juin 2005, le greffe du Tribunal administratif a transmis à chacune des parties copie des bordereaux comportant les pièces déposées et leur a confirmé que la cause était gardée à juger.

8. Il ressort de ces dernières pièces les points suivants :

a. La recourante a déposé quelques documents tendant à démontrer son séjour à l’étranger, soit :

- Un bordereau pour la circulation « intracommunautaire » de produits achetés le 17 mars 2005 auprès de la cave des vignerons de Rasteau ;

- Un relevé de carte de crédit, comportant des débits, notamment à Avignon et à Saint-Tropez entre le 17 et 20 mars 2005 ;

- Un relevé de consommations pour un hôtel à Nice dans la nuit du 18 au 19 mars 2005 ;

- Une facture d’un établissement public, sis à Saint-Tropez, daté du 25 mars 2005 ;

b. Quant à la Chancellerie, elle a déposé diverses pièces dont notamment les listes de l’union des associations patronales genevoises (ou « UAPG »), de la communauté genevoise d’action syndicale (ou « CGAS ») et d’ASSUAS.

EN DROIT

1. Selon l'article 180 alinéa 1er let. d de la loi sur l'exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05), le recours au Tribunal administratif est recevable contre la violation de la procédure des opérations électorales cantonales et communales.

2. La question de savoir si la recourante est valablement représentée par son fils peut demeurer indécise dans la présente cause, malgré la jurisprudence du tribunal de céans (ATA/120/2002 du 26 février 2002), car le recours doit être déclaré irrecevable pour un autre motif.

3. Le délai de recours est de six jours en matière de votations et d'élections (art. 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985, LPA - E 5 10) par renvoi de l'art. 180 al. 2 LEDP (ATA/690/2002 du 12 novembre 2002 ; ATA/544/1997 du 9 septembre 1997). Il est valable pour toutes les opérations en matière de votations et d’élections et il appartient à celui qui recourt de respecter ledit délai.

a. En matière administrative, les faits doivent en principe être établis d'office et, dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l'autorité qu'elle procède à cette recherche, les règles sur la répartition du fardeau de la preuve ne s'appliquent pas. Il n'en demeure pas moins que, lorsque les preuves font défaut, ou si l'on ne peut raisonnablement exiger de l'autorité qu'elle les recueille, la règle de l'article 8 du Code civil du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) est applicable par analogie : pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (arrêt du Tribunal fédéral 5A.3/1999 consid. 5a du 18 janvier 2000; ATF 112 Ib 67 ; ATA/459/2003 du 10 juin 2003; P. MOOR, Droit administratif, Berne 1991, vol II, p. 178 ; B. KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème édition, no 2021 et les références citées).

En l’espèce, la recourante expose que les mesures contestées par elle-même soit notamment l’absence de lien entre chaque candidat et un partenaire social au moment du dépôt des listes, n’ont fait l’objet d’aucune publication préalable. Elle ne pouvait dès lors en prendre connaissance qu’en étudiant le dossier préparé en vue de l’élection des juges assesseurs du TCAS par la Chancellerie. Elle soutient avoir vu ces documents pour la première fois lors d’un repas dominical pris en commun avec son mandataire le dimanche 3 avril 2005. Elle expose à cet égard avoir auparavant séjourné en France et a offert de le prouver par pièces, tout en refusant de communiquer l’adresse d’une personne avec laquelle elle avait séjourné dans ce pays.

b. Le principe de la bonne foi a également une portée procédurale : on attend des parties qu’elles collaborent notamment à l’établissement des faits et qu’elles se comportent généralement de manière conforme à ce principe dans le cadre du rapport de droit spécial que constitue la participation à la procédure administrative (Cf. J.-F. EGLI et O. KURZ, La protection de la bonne foi dans le procès : quelques exemples tirés de la jurisprudence in Juridiction constitutionnelle et juridiction administrative, Zurich 1992, p. 227).

c. Les parties sont tenues de collaborer à la consultation des faits dans les procédures qu’elles introduisent elles-même (art. 22 LPA). A défaut, le tribunal peut prononcer l’irrecevabilité du recours (ATA/454/2005 du 21 juin 2005 ; ATA/386/2005 du 24 mai 2005 ; ATA/61/2003 du 28 janvier 2003 ; ATA/708/2002 du 19 novembre 2002).

Selon les moyens de preuve soumis par la recourante au tribunal, son séjour a duré dans tous les cas jusqu’au vendredi 25 mars 2005, date d’un repas pris à Saint-Tropez. Rien n’empêchait dès lors la recourante et son mandataire de sacrifier à la coutume du repas familial dominical à Genève le jour de Pâques, soit le 27 mars 2005, date à laquelle le mandataire de l’intéressée était déjà en possessiond’un dossier de candidature, qui lui avait été remis par la Chancellerie le 3 du même mois.

Il faut considérer que la recourante a échoué dans sa tentative de prouver par pièces qu’elle n’avait pas pu prendre connaissance dudit dossier avant le 3 avril 2005, de sorte qu’elle n’est pas réputée avoir agi dans le délai utile de six jours prévu par l’article 180 alinéa 2 LEDP.

De surcroît, elle a refusé de communiquer au tribunal l’adresse d’un témoin de son séjour en France : en ne collaborant pas pleinement à l’établissement des faits, attitude qui constitue en elle-même un motif indépendant d’irrecevabilité du recours selon la jurisprudence constante du tribunal de céans, elle concourt à l’échec de l’action qu’elle a introduite.

Le recours doit dès lors être considéré comme tardif et, partant, irrecevable.

4. Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe, en application de l’article 87 alinéa 1er LPA.

 

* * * * *


déclare irrecevable le recours interjeté le 11 avril 2005 par Madame Josiane Revillard ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.- ;

communique le présent arrêt à Madame Josiane Revillard représentée par Monsieur Olivier Dobler, son fils, ainsi qu’à la Chancellerie d’Etat.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, juges, M. Bonard, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :