Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1499/2014

ATA/480/2015 du 19.05.2015 ( TAXIS ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1499/2014-TAXIS ATA/480/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 mai 2015

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

SERVICE DU COMMERCE



EN FAIT

1) Monsieur A______ exerce la profession de chauffeur de taxi à Genève. Depuis le 16 mai 2000, il est au bénéfice d’une autorisation d’exploiter un taxi de service public.

2) Le 28 avril 2014, le service du commerce (ci-après : SCOM) a infligé à M. A______ une amende de CHF 400.- pour avoir, à la station « Arrivée » de l’aéroport de Genève, refusé d’installer un siège pour enfant mis à sa disposition et refusé de prendre en charge des clients qui avaient un enfant.

3) Le 23 mai 2014, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision susmentionnée, contestant avoir commis la moindre infraction et concluant à l’annulation de la décision.

4) Le 30 juin 2014, le SCOM a persisté dans sa décision et produit son dossier.

5) Le 15 juillet 2014, M. A______ a maintenu son recours.

6) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant conteste les faits qui lui sont reprochés. Les questions de fond demeureront toutefois ouvertes, au vu de ce qui suit.

3) Le département de la sécurité et de l’économie (ci-après : le département), soit pour lui le Scom à teneur de l’art. 1 al. 1 et 2 du RTaxis, peut infliger une amende administrative de CHF 100.- à CHF 20'000.- à toute personne ayant enfreint les prescriptions de la LTaxis ou de ses dispositions d’exécution (art. 45 al. 1 LTaxis).

Une commission de discipline (ci-après : la commission), formée des représentants des milieux professionnels, des organes de police et de la direction générale des véhicules, est appelée à donner son préavis sur les mesures et sanctions administratives prononcées par le département. Ses préavis ont valeur consultative et ne lient pas le département (art. 48 al. 1 LTaxis).

Selon l’art. 74 al. 3 RTaxis, pour les infractions impliquant des amendes en application de l'art. 45 de la LTaxis, le préavis de la commission peut être donné au service par la seule approbation d'un barème.

Ce barème ne figure pas au dossier, toutefois cela n'a pas d'importance au vu des considérations suivantes.

4) a. De jurisprudence constante, la chambre administrative est habilitée à revoir, à titre préjudiciel et à l’occasion de l’examen d’un cas concret, la conformité des normes de droit cantonal à la constitution. Le contrôle préjudiciel permet de déceler et de sanctionner la violation par une loi ou une ordonnance cantonales des droits garantis aux citoyens par le droit supérieur. Le contrôle de la constitutionnalité des normes cantonales est même obligatoire. Toutefois, dans le cadre d'un contrôle concret, seule la décision d'application de la norme viciée peut être annulée (ATF 132 I 49 consid. 4 et les arrêts cités ; 127 I 185 consid. 2 et les arrêts cités ; ATA/997/2014 du 16 décembre 2014 consid. 2c ; ATA/572/2014 du 29 juillet 2014 consid. 6a ; ATA/361/2014 du 20 mai 2014 consid. 5a ; ATA/211/2014 du 1er avril 2014 consid. 4 ; ATA/803/2013 du 10 décembre 2013 et les références citées).

b. Sous réserve de sa signification particulière en droit pénal et en droit fiscal, le principe de la légalité (art. 5 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) n'est pas un droit constitutionnel individuel, mais un principe constitutionnel. Sa violation ne peut être invoquée qu'en relation avec la violation, notamment, du principe de la séparation des pouvoirs, de l'interdiction de l'arbitraire ou d'un droit fondamental spécial (ATF 129 I 161 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_35/2013 du 16 mai 2014 consid. 5.1).

c. Le principe de la séparation des pouvoirs est implicitement garanti par l'ensemble des constitutions cantonales (ATF 138 I 196 consid. 4.1 et les arrêts cités). Il interdit à un organe de l'État d'empiéter sur les compétences d'un autre organe ; en particulier, il défend au pouvoir exécutif d'édicter des règles de droit, si ce n'est dans le cadre d'une délégation valablement conférée par le législateur (arrêt du Tribunal fédéral 2C_692/2008 du 24 février 2009 consid. 5.1, non repris aux ATF 135 II 156). Le principe de la séparation des pouvoirs est notamment consacré à l'art. 2 al. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00).

d. La chambre de céans a dans un premier temps mis en doute la légalité de l’art. 74 al. 3 RTaxis à plusieurs reprises (ATA/348/2014 du 13 mai 2014 ; ATA/235/2014 du 8 avril 2014 ; ATA/818/2013 du 17 décembre 2013 ; ATA/844/2012 précité). Ces précédentes espèces concernaient des infractions à la LTaxis et au RTaxis susceptibles d'une amende et de mesures administratives selon le barème approuvé par la commission. Dans ces cas, le Scom ne pouvait pas se passer du préavis de la commission pour statuer sur la/les infraction(s) reprochée(s) au chauffeur.

Dans une jurisprudence récente, la chambre administrative a finalement retenu que le Scom ne pouvait pas prononcer de sanction administrative sans disposer du préavis de la commission, et cela même si l’infraction reprochée au chauffeur n'était passible, selon ledit barème, que d’une amende administrative, l’art. 74 al. 3 RTaxis étant dépourvu de base légale (ATA/997/2014 précité consid. 5 ; ATA/572/2014 précité consid. 7).

En application de ces jurisprudences, le Scom doit dès lors, et avant de statuer sur une/des infraction(s) reprochée(s) à un chauffeur, requérir le préavis de la commission quelle que soit la sanction administrative envisagée.

5) a. L’absence de préavis obligatoire entraîne, de jurisprudence constante, l’invalidation de la décision (ATA/997/2014 précité consid. 5 ; ATA/572/2014 précité consid. 8a ; ATA/348/2014 précité ; ATA/818/2013 précité ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., 2011, ch. 2.2.5.4 p. 279 et les références citées).

b. En l’espèce, il ne ressort pas du dossier que le Scom ait requis au préalable le préavis de la commission avant de prononcer l'amende administrative à l’encontre du recourant.

Compte tenu de ce qui précède, la décision devra être annulée.

6) Le recours sera ainsi partiellement admis et le dossier sera retourné au Scom afin qu’il requière le préavis de la commission, puis qu’il statue à nouveau.

7) Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure au recourant, celui-ci n'y ayant pas conclu et n'ayant pas exposé de frais pour sa défense, qu'il a assurée lui-même (art. 87 al. 2 LPA).


* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 mai 2014 par Monsieur A______ contre la décision du service du commerce du 28 avril 2014 ;

 

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision du service du commerce du 28 avril 2014 ;

renvoie la cause au service du commerce au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'au service du commerce.

Siégeants : Mme Junod, présidente, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :